incommunicable [ ɛ̃kɔmynikabl ] adj.
• 1470; de 1. in- et communicable
1 ♦ Qui n'est pas transmissible. ⇒ intransmissible. Caractères, droits, privilèges incommunicables.
2 ♦ Dont on ne peut faire part à personne, qui ne peut être exprimé, confié. ⇒ inexprimable. Une sensation incommunicable. « la pensée est incommunicable, même entre gens qui s'aiment ! » (Baudelaire).
3 ♦ Qui ne peut être mis en communication, qui n'a aucun rapport (avec autre chose). ⇒ étanche. « Deux mondes incommunicables, la jeunesse et la maturité » (Chardonne).
⊗ CONTR. Communicable, transmissible.
● incommunicable adjectif Qui n'est pas communicable, transmissible : Biens incommunicables. Qui ne peut être exprimé, confié : Des sentiments totalement incommunicables. ● incommunicable (synonymes) adjectif Qui n'est pas communicable, transmissible
Synonymes :
Contraires :
Qui ne peut être exprimé, confié
Synonymes :
Contraires :
incommunicable
adj.
d1./d ne pouvoir être communiqué. Droits incommunicables.
d2./d Qu'on ne peut exprimer, faire partager. Angoisse incommunicable.
⇒INCOMMUNICABLE, adj.
A. — [En parlant d'un bien matériel ou moral] Qui ne peut être communiqué, transmis. Des honneurs, des droits incommunicables (Ac. 1798-1935). Il y faut le don inné, inaliénable et incommunicable, ce don de Charles Demailly si simplement et profondément défini par MM. de Goncourt (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 173) :
• 1. Tous les théologiens admettent que le Christ ne pouvait communiquer à personne la puissance d'autorité qu'il possède, comme Dieu, sur les sacrements : cette puissance d'autorité est une prérogative divine, incommunicable aux simples créatures.
Théol. cath. t. 14, 1 1939, p. 564.
— En partic.
1. [En parlant d'un phénomène de la vie individuelle, d'un objet de connaissance, d'un état affectif] Qui ne peut être transmis par un mode d'expression déterminé ou par n'importe quel mode d'expression; qui n'est pas accessible à la pleine compréhension d'autrui en raison de son caractère particulier et foncièrement individuel. Connaissance, idée, pensée, sensation incommunicable; angoisses, joies incommunicables. Mais le plus essentiel et le plus original dans nos conceptions les plus étendues et les plus profondes est incommunicable par la parole, et ce que je ressentais ne pouvait être exprimé précisément que par la liturgie (BARRÈS, Cahiers, t. 6, 1908, p. 227). Pour que des millions d'individus se comprennent, il faut que les mots expriment des idées simples, générales, abstraites, et que les rapports établis entre les idées portent le même caractère : tout cela se fait aux dépens de l'expressivité, car le sentiment est synthétique et singulier, donc incommunicable (BALLY, Lang. et vie, 1952, p. 79) :
• 2. Tu vas partir, me dit-il, sans emporter ce que tu étais venu chercher près de moi : la formule; ou tout au moins les fruits de mon expérience. Mais il n'y a pas de formule, et mon expérience est incommunicable. Ou plutôt, oui, il y a des formules, mais c'est la marchandise la plus inutile et la plus frivole qu'on trouve au marché.
LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 324.
♦ Emploi subst. masc. avec valeur de neutre. Certains enfants ont une conscience très nette de l'incommunicable (...). Le désert de l'Amour! Je suis né avec la connaissance de ce désert, résigné d'avance à n'en pas sortir (MAURIAC, Du côté de chez Proust, 1947, p. 27).
2. P. méton. [En parlant d'une pers.] Qui ne peut communiquer ses pensées, ses idées, ses sentiments; qui est fermé à la communication avec autrui. Si chacun d'entre nous est incommunicable en proportion de sa richesse affective, il ne peut tourner cet obstacle que par la ruse d'une évocation (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 29).
B. — [En parlant de deux choses] Qui ne peuvent communiquer, ne peuvent être mises en communication ou en rapport. Univers, règnes incommunicables. Paris est une collection de villes autonomes et incommunicables dont chacune conserve jalousement ses traditions et ses familles (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 1) :
• 3. En résumé, quand nous parlons d'œuvres de l'esprit, nous entendons, ou bien le terme d'une certaine activité, ou bien l'origine d'une certaine autre activité et cela fait deux ordres de modifications incommunicables dont chacun nous demande une accommodation spéciale incompatible avec l'autre.
VALÉRY, Variété V, 1944, p. 308.
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1470 « intransmissible » (Le Livre de la discipline d'amour divine, f° 170a, éd. 1537 ds R. Ét. rab. t. 9, p. 309 : Dieu [...] est bonté et vertu essentiale divinement, incommunicable à aultre nature substantialement); b) 1756 en parlant de Dieu (VOLTAIRE, Essay sur l'hist. gén., t. 4, p. 253 : en le regardant [Dieu] comme un être unique, incommunicable, qui n'avait un fils que par adoption) 2. a) 1588 « inexprimable, que l'on ne peut confier ou faire savoir à quelqu'un » (MONTAIGNE, Essais, III, V, éd. A. Thibaudet, p. 973); 1911 subst. « caractère incommunicable d'une chose, ce qui est incommunicable » (THARAUD, Maîtr. serv., p. 201); b) 1863 « qui ne peut ou ne veut communiquer, se confier à autrui (d'une personne) » (BAUDELAIRE, Le peintre de la vie moderne. La femme ds Œuvres complètes, éd. Y. G. Le Dantec, p. 1181 : [la femme] cet être terrible et incommunicable); 3. 1690 « qui ne peut être mis en communication » (FUR. : La Mer Rouge est incommunicable avec la Mediterranée). Empr. au b. lat. et lat. chrét. incommunicabilis, aux sens 1 a et b. Cf. communicable. Fréq. abs. littér. : 119.
DÉR. Incommunicabilité, subst. fém. a) Caractère de ce qui ne peut être communiqué. L'incommunicabilité d'un droit (Lar. 19e-Lar. Lang. fr.). Le sens de l'incommunicabilité de cet état et l'intuition qu'en cherchant à le traduire au dehors on en perd l'originalité (DU BOS, Journal, 1923, p. 216). b) Impossibilité de communiquer, de faire pleinement comprendre à autrui ses idées ou ses sentiments. L'incommunicabilité des êtres, des âmes. La solitude dans laquelle chacun de nous vit et meurt, ce lieu commun de toutes les littératures, a un aspect moins connu mais non moins tragique : l'incommunicabilité entre les familles d'esprits. J'imagine Marx lisant l'Apologia, ou Newman lisant Le Capital, et chacun soupirant et s'étonnant de ce qu'un homme puisse être à ce degré aveugle ou absurde (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 141). — []. — 1re attest. 1802 « impossibilité de communiquer » (Nouv. dict. fr.-all. et all.-fr., éd. S. Flick); de incommunicable, suff. -ité.
BBG. — RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 442.
incommunicable [ɛ̃kɔmynikabl] adj.
ÉTYM. 1470, « intransmissible »; 1756, en parlant de Dieu; bas lat. incommunicabilis, de in- (→ 1. In-), et communicabilis. → Communicable.
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1 Qui n'est pas communicable, transmissible. ⇒ Intransmissible. || La toute-puissance de Dieu est incommunicable (Académie). || Caractères, droits, privilèges incommunicables.
1 (…) le peuple même ne peut, quand il le voudrait, se dépouiller de ce droit incommunicable (le droit de faire des lois).
Rousseau, Du contrat social, II, 7.
2 (1588). Dont on ne peut faire part à personne; qui ne peut être exprimé, confié, livré. || Pensée incommunicable. ⇒ Inexprimable. — (1863, Baudelaire). Par ext. || Personne incommunicable, qui ne peut se livrer, s'ouvrir à autrui. ⇒ Fermé. || Êtres incommunicables les uns aux autres (→ ci-dessous, cit. 5).
2 Misérable passion (la jalousie), qui a ceci encore, d'être incommunicable (…) car à quel ami osez-vous fier (confier) vos doléances (…)
Montaigne, Essais, III, V.
3 Tant il est difficile de s'entendre, mon cher ange, et tant la pensée est incommunicable, même entre gens qui s'aiment !
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXVI.
4 J'apprenais ainsi, à peine né à la vie intellectuelle, qu'il y a en nous un obscur élément incommunicable.
Paul Bourget, le Disciple, p. 119.
5 Nous sommes destinés à demeurer incompréhensibles les uns aux autres, incommunicables, tout scellés dans notre tombeau vivant.
Edmond Jaloux, la Chute d'Icare, p. 208.
6 (…) certaines choses inexplicables, incommunicables, qui m'étaient absolument personnelles, qui étaient mon secret farouchement gardé.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, II, IV.
7 C'était le drame de sa vie intime que cette inaptitude au contact, cette condamnation à demeurer incommunicable ! Même auprès de Jacques, elle n'avait pas su s'abandonner sans réticence.
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 101.
♦ N. m. (1911). Caractère incommunicable. ⇒ Incommunicabilité. — Chose incommunicable.
8 (…) je me méfie des incommunicables, c'est la source de toute violence. Quand les certitudes dont nous jouissons nous semblent impossibles à faire partager, il ne reste plus qu'à battre, à brûler ou à pendre.
Sartre, Situations II, p. 305.
3 (1690, Furetière, en emploi concret). Qui ne peut être mis en communication, qui n'a aucun rapport (avec autre chose). || La jeunesse et la maturité sont deux mondes incommunicables (→ Fils, cit. 5).
9 (…) ces deux domaines sont incommunicables. Incommunicables, ça veut dire que le même homme est mauvais dans le privé, bon dans le public. Dans le privé il est voleur, menteur, ivrogne, lâche, noceur (…) Dans le public il est honnête, sobre comme un chameau, rangé comme un employé de chemin de fer.
Ch. Péguy, la République…, p. 33.
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CONTR. Communicable, exprimable, transmissible.
DÉR. Incommunicabilité.
Encyclopédie Universelle. 2012.