grue [ gry ] n. f.
• déb. XIIe; lat. pop. °grua, class. grus
I ♦
1 ♦ Grand oiseau échassier (gruidés) qui migre en troupe. La grue craquette, glapit. Les vols en V de la grue cendrée. Grue couronnée. Petit de la grue (GRUAU ou GRUON n. m. ).
♢ Loc. Faire le pied de grue : attendre longtemps debout. « J'avais fait le pied de grue un instant devant sa porte » (Stendhal).
♢ T. d'insulte ⇒ putain. « il s'affiche avec une grue insortable » (B. et F. Groult). Sale petite grue !
II ♦
1 ♦ (1467; moy. néerl. crane) Machine de levage et de manutention. ⇒ bigue, chèvre, derrick, sapine; grutier. Grue montée sur rails. Grue télescopique de chantier. Grue portique. La flèche d'une grue. « quand il y a de grands chantiers, c'est toute une forêt de grues qu'on voit se dresser et vibrer côte à côte » (Lacarrière). Grue flottante, pour le chargement et le déchargement des navires.
2 ♦ Cin. Grue de prise de vues : appareil articulé permettant les mouvements de caméra. Travelling à la grue.
● grue nom féminin (latin populaire grua, du latin classique grus) Grand oiseau de teinte grise ou blanchâtre marquée de noir, à longues pattes et long cou, aux ailes très larges. (Les grues, présentes dans le monde entier, sauf en Amérique du Sud, vivent dans les espaces découverts [marais, steppes, toundras] et nichent au sol.) Populaire. Femme de mœurs faciles et vénales ; prostituée. ● grue (expressions) nom féminin (latin populaire grua, du latin classique grus) Familier. Faire le pied de grue, attendre longtemps, debout à la même place. ● grue nom féminin (de grue) Appareil servant à lever des charges. Appareil permettant le déplacement vertical d'une caméra, ce mouvement pouvant être combiné à une rotation de la caméra autour de son support ou à un déplacement de la grue elle-même. ● grue (expressions) nom féminin (de grue) Grue d'armement ou de cale, synonyme de grue-marteau. Grue automotrice, grue montée sur chenilles ou sur pneus. Grue flottante, grue montée sur ponton, d'une puissance de levage considérable. ● grue (synonymes) nom féminin (de grue) Grue d'armement ou de cale
Synonymes :
grue
n. f.
d1./d Oiseau migrateur de grande taille (1,20 m de haut), à longues pattes, au long cou et au bec pointu, vivant dans les marais (genres Grus et voisins, ordre des gruiformes). La grue cendrée, hivernant en Afrique, traverse l'Europe deux fois par an; la grue couronnée (Balearica pavonina), dont la tête porte une houppe de soies jaunes, se rencontre en Afrique soudanienne.
d2./d Loc. fig., Fam. Faire le pied de grue: attendre longtemps debout.
|| Grue: prostituée; fille légère.
d3./d TECH Engin de levage de grande dimension comportant un bâti et une flèche.
d4./d AUDIOV Appareil servant à déplacer les caméras.
I.
⇒GRUE1, subst. fém.
A. — ORNITH. Grand oiseau migrateur de la famille des échassiers au plumage blanc, gris ou gris-bleu, à l'instinct grégaire développé. Grue cendrée, couronnée, royale. Les oiseaux qui ont la queue courte et les jambes fort longues, comme les grues, les cigognes et les hérons (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 153). Quatre grands échassiers, grues royales, marabout ou jabirus, traversent le ciel, le cou tendu, les pattes allongées, en poussant un long cri rauque (GIDE, Retour Tchad, 1928, p. 874) :
• 1. Les froids vont arriver, dit-il, car les grues volent.
J'en ai vu ce matin un groupe qui filait
Vers le Sud et pareil au flexueux filet (...).
La grue est un oiseau constamment affamé,
D'intelligence courte et de pied allongé.
Pour faire son repas d'un poisson négligeable
Elle reste debout des heures sur le sable.
JAMMES, Géorgiques, 1912, p. 45.
— Loc. fig. Bayer aux grues. Faire le pied de grue. [P. réf. à la posture de cet oiseau qui, au repos, se tient souvent immobile sur un pied] Attendre debout, à la même place, pendant un certain temps. Faisant le pied de grue à la porte du ministre, j'ai maraudé un rhume et un enrouement qui me fatiguent beaucoup (BOREL, Champavert, 1833, p. 20). Fanatique d'une grande comédienne qu'il ne connaît pas, allant faire « le pied de grue » devant la sortie des artistes (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 59) :
• 2. Las de faire le pied-de-grue dans cette ruelle déserte fort rafraîchie du vent de bise, posture à laquelle il n'était pas accoutumé, le duc de Vallombreuse se lassa bientôt d'une attente vaine et reprit le chemin de sa demeure, maugréant contre l'impertinente pruderie de cette pecque assez assurée pour faire languir ainsi un duc jeune et bien fait.
GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 202.
B. — Au fig., fam.
1. Vx. Personne (le plus souvent une femme) niaise. Synon. bécasse, dinde, oie. Nous prenez-vous pour des grues? (Ac. 1835, 1878). Je ne veux pas être une sotte grue et tomber du haut mal d'admiration (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 649). Mendès fait ses articles au café, dit Capus. Il est heureux d'entendre une petite grue répéter : « Maître, relisez-nous cette phrase » (RENARD, Journal, 1896, p. 354).
2. Pop. Femme facile et vénale; p. ext. prostituée. C'était la sœur d'une grue qu'il avait connue à la place Blanche : Magdeleine, avec un g. Cette « dame de très petite vertu » surveillait de près celle de sa cadette (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 106). Paul entra dans une violente fureur, gesticulant, criant qu'il ne tenait pas à devenir le frère d'une grue, et qu'il aimerait mieux qu'elle fît le trottoir (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 101) :
• 3. Elle fait sensation. C'est une grue, une vraie grue de Paris. Elle fait tous les jours la noce pour vivre, d'abord débauchée par un monsieur qui a quelque argent.
RENARD, Journal, 1908, p. 1181.
— Faire le pied de grue. [Le suj. désigne une prostituée] Attendre les clients debout dans la rue. On voit des voitures boches stationner devant les « cafés-hôtels », et une femme, une seule dûment fardée pour qu'il n'y ait pas d'erreur, et absorbée dans son tricot, y fait le pied de grue (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 343).
REM. 1. Gruyer, -ère, adj., rare. a) Ornith. Faisan gruyer. Faisan qui ressemble à la grue. (Ds Ac., LITTRÉ, DG, ROB.). b) Vén. Faucon gruyer. Qui est dressé pour chasser la grue. (Ds Ac., LITTRÉ, DG, ROB.). 2. Gruerie, subst. fém., rare. [Correspond à supra B] Monde des femmes faciles et vénales. Telle qu'on la connaît, elle ne regardera pas à se lancer dans la « haute gruerie » (LÉAUTAUD, Journal littér., t. 2, 1907-09, p. 377).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1121-34 ornith. (PH. DE THAON, Bestiaire, 2325 ds T.-L.); av. 1544 faire de la grue « attendre longtemps sur ses jambes » (DES PÉRIERS, A la royne de Nav. [I, 154] ds HUG.); 1608 faire le pied de grue (M. REGNIER, Satyre, éd. G. Raibaud, III, 114); 2. a) 1415 grus « femme de mœurs légères » (Arch. JJ 169, pièce 161 ds GDF. : grus, ribaude); 1858-66 grue (VERLAINE, Premiers vers, p. 25); b) 1466 « personne sotte, facile à duper » (PIERRE MICHAULT, Le Doctrinal du temps présent, 38, 228 ds Z. fr. Spr. Lit. t. 64, p. 56 : Ung homme ayant entendement subtil Doit demonstrer partout qu'il n'est pas grue). Empr. au lat. pop. grua, class. , au sens 1; le sens 2 a du fait que la prostituée fait le pied de grue au coin de la rue; b p. réf. à la gaucherie de l'animal.
II.
⇒GRUE2, subst. fém.
A. — TECHNOL. Appareil de levage et de manutention réservé aux lourdes charges. Grue à vapeur, électrique; grue de chantier, de port, de quai. Des péniches pleines de charbon, des chalands chargés de meulière, dominés par le bras gigantesque d'une grue de fonte (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 9). Les berges poudreuses où les grues déchargeaient des pierres (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 102) :
• La manutention est assurée par des appareils très commodes et capables de fournir un considérable effort. Les grues [it. ds le texte] constituent des engins parfaits et adaptés à toute sorte de travaux; elles peuvent être mobiles, sur voies ferrées ou sur pontons : la grue flottante électrique du port du Havre peut soulever 200 tonnes.
ALBITRECCIA, Moyens transp., 1931, p. 122.
♦ Grue flottante. Grue installée sur un ponton. Les navires spécialisés dans ce genre de transport [des colis lourds] disposent d'engins de levage puissants, car les ports de débarquement ne possèdent généralement pas, comme les ports d'embarquement, de grues flottantes comme celle de 180 tonnes des chantiers Penhoët à Saint-Nazaire (M. BENOIST, PETTIER, Transp. mar., 1961, p. 105). V. aussi supra ex.
♦ Grue hydraulique. Appareil destiné à l'alimentation en eau des locomotives à vapeur. Deux ouvertures munies d'un couvercle sont ménagées à la partie supérieure [de la caisse des tenders] et servent au remplissage par grue hydraulique (BAILLEUL, Not. matér. roulant ch. de fer, 1951, p. 55).
B. — P. ext., CIN. Grue (de prise de vue/s). Support mobile de la caméra destiné à faciliter à l'opérateur les prises de vues combinées. Travelling à la grue. Un levier de commande permet soit le travelling droit, soit le mouvement rotatif sur place (...). Un vérin permet de bloquer la grue sur place (Le Technicien du film, Paris, éd. Dujarric, 1973, p. 31).
REM. Grutier, subst. masc. Conducteur d'une grue. (Ds ROB., DUB., Lar. Lang. fr., Lexis 1975). Grutier dans un chantier naval de Hambourg (Le Monde, 23 mars 1979, p. 17).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [1202[date du texte incertaine et sens du mot indéterminé] (Acte ds TAILLIAR, Rec. d'actes, p. 26 : Chiauls qui porte grues IJ d. o.)]; 1. 1467, 20 févr.-68, 21 mai « appareil pour soulever des fardeaux » (Compte d'ouvrages, 3e Somme de mises, A. Tournai ds GDF. Compl.); 2. XVe s. « machine de guerre » (J. MOLINET, Les Faictz et Dictz, éd. N. Dupire, 580, 329 : Mortiers, cas, grues, taillardes); 3. 1952 cin. (cité par O. UREN ds Fr. mod. t. 20, p. 211). De grue1 par assimilation de forme avec infl. du m. néerl. crane « appareil qui sert à soulever les fardeaux » (FEW t. 16, p. 356a). Fréq. abs. littér. : 388. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 244, b) 555; XXe s. : a) 819, b) 650.
grue [gʀy] n. f.
ÉTYM. Déb. XIIe; lat. pop. grua, du lat. class. grus, même sens.
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———
1 Grand oiseau échassier (de la famille des Gruidés). || La grue, oiseau migrateur (→ Bécasse, cit. 1; brise, cit. 1) qui vole par bandes. || Le vol, le passage des grues. || La grue se nourrit d'insectes, de mollusques, de batraciens. || Cri de la grue (⇒ Craquer, craqueter, glapir). || Chasser la grue avec un faucon (cit. 1) gruyer. — Grue couronnée. ⇒ Trompette. || La « demoiselle de Numidie », sorte de grue.
1 Des vols de grues filent sur ma tête. J'entends le froissement des plumes, l'ébouriffement du duvet dans l'air vif, et jusqu'au craquement de la petite armature surmenée.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « En Camargue », III.
2 Du dehors, au ciel opaque, un bizarre cri rouillé pénétrait dans la chambre. Une sorte de roucoulement triste, qui semblait à la fois très proche et très lointain. — Qu'est-ce que c'est ? murmura Mme de Saint-Selve. — Les premières grues qui passent, dit Anne. L'hiver !
Pierre Benoit, Mlle de la Ferté, III, p. 185.
➪ tableau Noms d'oiseaux.
2 ☑ Loc. fig. Vx. Faire la grue; mod., faire le pied (cit. 52) de grue (→ Chien, cit. 37) : attendre longtemps sur ses jambes (comme une grue qui se tient sur une patte).
3 Je courais, je faisais la grue
Tout un jour au bout d'une rue.
Corneille, Poésies diverses, X, 27.
4 J'ai fait le pied de grue un instant devant sa porte.
Stendhal, Journal, p. 243.
♦ ☑ Bayer aux grues (→ Flâner, cit. 1).
REM. Faire le pied de grue, sous l'infl. du sens B, 1, s'applique parfois aux prostituées qui font le trottoir.
1 (1415). Femme de mœurs légères et vénales (du fait des stations prolongées de la fille qui fait le pied de grue). ⇒ Prostituée. — REM. Cette acception semble être sortie de l'usage jusqu'à la seconde moitié du XIXe s. Pour Littré, grue s'applique à une « grande femme qui a l'air gauche ».
5 Je connais ma maîtresse mieux que vous, et elle n'est une grue ni de près ni de loin.
Courteline, Boubouroche, Nouvelles, II.
6 (…) un temps où les grues s'appelaient lorettes ou cocottes et n'étaient pas aussi chères qu'aujourd'hui.
Paul Léautaud, le Théâtre de M. Boissard, IV.
2 (Employé comme t. d'insulte ou dépréciatif). ⇒ Putain. || C'est une petite grue. || Sale grue !
6.1 (…) il s'affiche avec une grue insortable. On se demande à quoi servent les études ! Elle lui tient le menton entre ses doigts aux ongles sanglants et le contemple fixement. Comment peut-on avoir envie d'une femme qui vous tient le menton ?
Benoîte et Flora Groult, Journal à quatre mains, p. 35.
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II
1 (1467; infl. par le moy. néerl. crane. → Crône). Machine de levage et de manutention constituée par une charpente mobile autour d'un pivot, et terminée par une flèche supportant une poulie où passe un câble ou une chaîne rattachée à un treuil. ⇒ Chèvre, crône, derrick, sapine. || Conduire une grue. ⇒ Grutier. || Soulever un fardeau au moyen d'une grue. ⇒ Guinder. || La portée d'une grue dépend de la longueur de sa volée. || Empattement d'une grue. || Grue d'applique. || Grue à pivot, à plateau. || Grue montée sur rails, sur wagon. || Grue à vapeur, grue hydraulique, électrique. || Grue de chantier (cit. 2). || Grue de port, de quai, grue flottante, grue sur ponton, pour le chargement et le déchargement des navires.
7 Pour gagner le wharf, nous prenons place à cinq ou six dans une sorte de balancelle qu'on suspend par un crochet à une élingue, et qu'une grue soulève et dirige à travers les airs, au-dessus des flots, vers une vaste barque où le treuil la laisse lourdement choir.
Gide, Voyage au Congo, I, p. 13.
2 Cin. || Grue de prise de vues : appareil articulé permettant les mouvements de caméra. || Travelling à la grue.
8 (…) ce qu'il y a d'étonnamment beau dans ces mouvements d'appareil qui s'emballent comme des moteurs (…) c'est qu'ils donnent l'impression d'être faits à la main, alors qu'ils le sont à la grue, un peu comme si le crayonnage virevoltant d'un Fragonard était le fait d'une machinerie compliquée.
J.-L. Godard, Jean-Luc Godard, in Coll. des Cahiers du cinéma, p. 233.
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DÉR. (Du sens I) 2. Gruau, gruon. — (Du sens II) Grutier.
COMP. (Du sens II) Autogrue.
Encyclopédie Universelle. 2012.