grimoire [ grimwar ] n. m.
• XIIIe; altér. de grammaire, désignant la grammaire latine, inintelligible pour le vulgaire
1 ♦ Livre de magie à l'usage des sorciers.
2 ♦ Péj. Ouvrage ou discours obscur, inintelligible. « le plus incroyable des galimatias, le plus inintelligible des grimoires » (Huysmans).
● grimoire nom masculin (altération de l'ancien français gramaire, grammaire) Livre de magie ou de sorcellerie. Littéraire. Livre illisible, écrit indéchiffrable.
grimoire
n. m.
d1./d Livre de sorcellerie. Consulter les antiques grimoires.
d2./d Ouvrage confus et illisible.
⇒GRIMOIRE, subst. masc.
A. — Livre de magie, de sorcellerie. Les religieux de son couvent, ayant trouvé dans sa cellule des livres grecs qu'ils ne pouvaient lire, s'imaginèrent que c'étaient des grimoires, et dénoncèrent comme sorcier leur frère trop savant (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 172). Quand on évoque le diable selon le grimoire, on a bien peur (ALAIN, Propos, 1932, p. 1105) :
• 1. Dans quelques grimoires médiévaux, on trouve ainsi la conjuration capable de faire apparaître un démon « barbu », qui préside aux transmutations métalliques. D'autres grimoires invoquent une tradition magique arabe selon laquelle la transmutation des métaux était rendue possible par l'intervention d'une (...) plante merveilleuse qui passait pour pousser sur le mont Liban.
CARON, HUTIN, Alchimistes, 1959, p. 43.
— Expr. fig. vieillie. Savoir, entendre le grimoire. Être habile dans ce que l'on entreprend. (Ds Ac. 1835, 1878).
B. — P. ext.
1. Littér. Ensemble de signes à déchiffrer. Ces vérités écrites à l'aide de figures dont j'essayais de chercher le sens dans ma tête où, clochers, herbes folles, elles composaient un grimoire compliqué et fleuri, leur premier caractère était que je n'étais pas libre de les choisir (PROUST, Temps retr., 1922, p. 879). Il regardait le sol encombré de broussailles, il déchiffrait sur le terrain, en hâte, un grimoire chargé de sens. Des passées zigzaguaient, capricieuses (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 99).
2. Dépréc. Ouvrage ou texte obscur, compliqué ou indéchiffrable. Un grimoire illisible. Il fallait les yeux d'un amant pour déchiffrer ce petit grimoire et comprendre ces élans d'un sentiment passionné qui ne pouvait trouver de forme pour s'exprimer (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 439). Le jeune homme étudiait le grec, le latin, le grimoire de jurisprudence par obéissance (LAMART., Cours litt., 1859, p. 241) :
• 2. Auguste s'occupa du parcours des tramways, acheta, dans un bureau d'omnibus, un indicateur; mais ce grimoire, avec ses accolades de grosses lettres et ses rangées de points ne leur apprit rien. Ils se tuèrent les yeux là-dessus, ne purent démêler l'écheveau des jonctions et des correspondances.
HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 243.
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 gramaire « livre de magie » (Troie, 6268 ds T.-L.) : XIVe s. [date du ms.] grymoire (Le roi d'Angleterre et le jongleur d'Ely ds A. DE MONTAIGLON et G. RAYNAUD, Fabliaux, II, 242); 2. av. 1475 « chose indéchiffrable, embrouillée » (G. CHASTELLAIN, D. de Bourg., III, 177 ds GDF. Compl.). Altération de grammaire (vraisemblablement sous l'inf. de mots de la famille de grimace), qui au Moy. Âge désignait spéc. la grammaire en latin, inintelligible pour le commun des mortels. Fréq. abs. littér. : 106. Bbg. REID (T. B.). Grammar, grimoire... In : [Mél. Richtie]. Cambridge, 1949, pp. 181-188. - SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 332. - THOMAS (A.). Nouv. Essais 1904, p. 230.
grimoire [gʀimwaʀ] n. m.
ÉTYM. XIIIe; gramaire, v. 1165; altér. de grammaire, qui, au moyen âge, désigne la grammaire latine, inintelligible pour le vulgaire, d'où « livre mystérieux », p.-ê. sous l'infl. de grimer (→ 1. Grimaud), le grimoire apparaissant comme un « griffonnage » et comme l'œuvre du « griffu » (cf. grimaud « diable »), selon P. Guiraud.
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1 Livre de magie (→ Comprendre, cit. 8). || Les magiciens, les sorciers consultaient leurs grimoires pour y trouver des formules d'évocation (cit. 4) des démons. || Ces écrits sentent le grimoire, sont suspects d'hérésie, de sorcellerie (→ Sentir le fagot).
1 Ne ferais-tu pas bien de le montrer à monsieur le vicaire ? lui dit sa mère pour qui tout livre imprimé sentait toujours un peu le grimoire. J'y pensais ! répondit simplement Véronique.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 549.
2 (1668). Ouvrage ou discours obscur, inintelligible. || Ce livre constitue (cit. 4) un véritable grimoire. — Écrit indéchiffrable, illisible. ⇒ Hiéroglyphe; → État, cit. 70. || Les ordonnances de ce médecin sont d'incompréhensibles grimoires. || Cette lettre est un grimoire que je n'ai pu déchiffrer (Académie).
2 (…) il vous déchiffrera son grimoire (…)
Mme de Sévigné, 813, 25 mai 1680.
3 Il est certain encore que l'archidiacre s'était épris d'une passion singulière pour le portail symbolique de Notre-Dame, cette page de grimoire écrite en pierre par l'évêque Guillaume de Paris (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, IV, V.
4 Un érudit est là, qui déchiffre aux assistants les grimoires des feuilles du jour; chacun écoute, avec silence et conviction.
Loti, Aziyadé, III, XXXIV.
5 À la droite et à la gauche du vieillard, son gendre Lecourbe et l'aîné de ses petits-enfants, Antoine, personnages secondaires et voilés d'ombre, entendaient, résignés, le grimoire du notaire.
A. Maurois, Bernard Quesnay, I.
♦ Fam. et péj. Écrit, manuscrit compliqué, obscur.
Encyclopédie Universelle. 2012.