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grief

grief [ grijɛf ] n. m.
• 1269; de grever
1Vx Dommage que l'on subit. Mod. Dr. Griefs d'appel : ce en quoi le demandeur se trouve lésé par un jugement dont il appelle.
2(Plur. ou loc.) Sujet, motif de plainte (généralement contre une personne). doléance, plainte, reproche. Avoir des griefs contre qqn, à l'égard de qqn. Exposer, formuler ses griefs : se plaindre, protester. Ses griefs sont justifiés. Faire grief de qqch. à qqn, lui en savoir mauvais gré, le lui reprocher. ⇒ blâmer, incriminer. Il m'a fait grief de mon départ, d'être parti.
Dr. Griefs d'accusation. réquisitoire.

grief nom masculin (ancien français grief, pénible, du latin populaire grevis, du latin classique gravis, ou de grever) Sujet, motif de plainte que l'on estime avoir contre quelqu'un ou son attitude ; doléances : Avoir des griefs contre son mari. Exposé des motifs d'une demande en justice. ● grief (expressions) nom masculin (ancien français grief, pénible, du latin populaire grevis, du latin classique gravis, ou de grever) Acte faisant grief, acte administratif susceptible de produire des effets juridiques à l'égard d'un administré qui, invoquant un droit lésé, peut, à ce titre, demander son annulation pour excès de pouvoir devant une juridiction administrative. Faire grief de quelque chose à quelqu'un, le lui reprocher, lui en tenir rigueur.

grief
n. m. Motif de plainte. Exposer ses griefs.
|| Loc. Faire grief de qqch à qqn, le lui reprocher.

I.
⇒GRIEF1, GRIÈVE, adj.
Vx, littér.
A. — Grave, accablant. Que nul ici ne sorte de sa chambre demain sans mon ordre, sous peine de quelque griève pénitence (BALZAC, Me Cornélius, 1831, p. 261). « Mesdames », fit la marquise, « choisissons les plus jolis partenaires afin que le péché soit moins grief » (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 231).
B. — Douloureux, pénible. O Mélibée, aussi, Ne disais-tu pas Chariclée En grief, souci De ne voir, dans ma barbe mêlée, Le ruban, dont présent me fit (MORÉAS, Pèlerin pass., 1891, p. 105). Je sais que vous n'y pouvez rien et votre perte est aussi griève que la nôtre, qui vous privons de vos enfants! (CLAUDEL, Corona Benignitatis, 1915, p. 451).
REM. Grièveté, subst. fém., vx, littér. Gravité, énormité. (Dict. XIXe et XXe s.). La grièveté du fait; la grièveté de son crime; selon la grièveté du péché (Ac.).
Prononc. et Orth. : [], fém. []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 gref « dur, pénible à supporter, douloureux » (Roland, éd. J. Bédier, 1687); 1130-40 grief (WACE, Ste Marguerite; éd. E. A. Francis, 271). Réfection d'apr. son anton. (v. léger) du lat. gravis, grave.
II.
⇒GRIEF2, subst. masc.
A. — Vieilli. Dommage, préjudice matériel ou moral que l'on subit. De semblables dévastations eurent lieu au passage des austrasiens sur la frontière septentrionale du royaume de Gonthramn, et (...) ce grief, qu'il ressentit vivement, amena de la mésintelligence entre lui et Sighebert (THIERRY, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 34). L'offense secrète qui empoisonne lentement la vie de deux êtres et qu'aucun juge présidant une affaire de divorce ne veut reconnaître (...) il lui faut des griefs caractérisés, des sévices graves (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 320).
[Plus fréq. dans l'expr. redresser un/des grief(s), le redressement des griefs] Le moyen de redresser un grief qui peut toujours naître doit aussi toujours être prêt (A. DE BROGLIE, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 226) :
1. ... les amis de la Réforme ont essayé de l'expliquer par le seul besoin de réformer en effet les abus existant dans l'église; ils l'ont présentée comme un redressement des griefs religieux, comme une tentative conçue et exécutée dans le seul dessein de reconstituer une église pure, l'église primitive.
GUIZOT, Hist civilisation, 1828, Leçon 12, p. 17.
B. — Motif, sujet de plainte (contre quelqu'un ou quelque chose). Synon. doléance, récrimination, reproche. Je me fis de longs reproches. Quels griefs réels avais-je? Certes, il n'y avait pas d'intimité entre mon mari et Solange Villier puisqu'ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps (MAUROIS, Climats, 1928, p. 198). Là même où le juge élu échappe au grief de partialité, il n'échappe pas à celui d'une incompétence souvent redoutable (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 161) :
2. « À Ostende », expliquait Mme de Battaincourt, toute à ses griefs contre la paresse de sa fille, « figurez-vous qu'on avait organisé des cours de danse, le matin, au casino. J'ai voulu l'y faire aller. Après chaque danse, mademoiselle s'affalait sur les banquettes, pleurnichait, faisait l'intéressante! »
MARTIN DU G., Thib., Consult., 1928, p. 1079.
Gén. au plur. Plaintes, doléances.
[Précédé d'un verbe appartenant au parad. de dire] Exposer, formuler ses griefs. Ce dernier, dont la langue épaisse s'embarrassait dans les injures, répéta à plus de vingt reprises les mêmes griefs (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 119). Mais déjà, le frère et la sœur discutaient de leurs affaires, énuméraient leurs griefs réciproques (SARTRE, Mots, 1964, p. 68).
[Précédé d'un verbe appartenant au parad. de penser] Christophe, oubliant ses griefs, se mit à causer. À la fin, il se rappela pourquoi il s'était mis à la fenêtre (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1910, p. 963) :
3. Il n'est qu'un homme perdu dans la nuit de son cœur, bafoué par tout ce qu'il a respecté, à la recherche de son amour perdu et de sa jeunesse morte. Alors il abandonne tout, il se terre dans ses soucis ménagers, il rumine ses anciens griefs,plaide en lui-même contre tous ses ennemis réels et imaginaires...
BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 176.
Locutions
Faire grief de qqc. à qqn. Lui en tenir rigueur, lui en faire le reproche. Il est intéressant de noter pourtant qu'on me fit moins grief de mes excès nocturnes que de mes provocations de langage (CAMUS, Chute, 1956, p. 1528). Ma sœur ne m'idolâtrait plus sans réserve, mon père me trouvait laide et m'en faisait grief, ma mère se méfiait de l'obscur changement qu'elle devinait en moi (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 113) :
4. Mais que répondrons-nous à M. Pierre Hamp qui fait grief à Racine de ne point parler des métiers et, sinon de tout ignorer du sort des aiguilleurs, des cheminots et des chefs de gare, du moins de « rejeter le travail hors de l'art littéraire »?
MAURIAC, Journal, 1937, p. 157.
Rem. Faire grief est une expr. récente qui n'est signalée ds Ac. qu'à partir de 1932, et n'apparaît chez les aut. qu'au début du XXe siècle.
Tenir, imputer qqc. à grief (littér.). Reprocher quelque chose, tenir rigueur de quelque chose. Le vulgaire croit l'écrivain méchant, et il le croit à tort, car dans un ridicule l'artiste voit une belle généralité, il ne l'impute pas plus à grief à la personne observée que le chirurgien ne la mésestimerait d'être affectée d'un trouble assez fréquent de la circulation (PROUST, Temps retr., 1922, p. 901). Mais de cela je n'ai pu que souffrir, sans jamais tenir à grief le fait que l'habile construction de son esprit dût exclure tout ce dont je faisais ma raison d'être et ma vie (GIDE, Journal, 1931, p. 1034).
C. — DROIT
1. Au plur. ,,Écritures que l'on fait pour montrer en quoi on a été lésé par un jugement dont on est appelant`` (Ac. 1932). Donner des griefs, réponse à griefs, griefs d'appel. Pareille bonne fortune a été acquise avec moins d'effort au petit royaume de Belgique, que l'Europe (...) a fini par admettre à plaider ses griefs et à reconquérir son existence (A. DE BROGLIE, Diplom. et dr. nouv., 1868, p. 73).
2. Actes faisant grief. ,,Dans la terminologie du recours pour excès de pouvoir, actes administratifs de nature à produire par eux-mêmes des effets juridiques`` (d'apr. Jur. 1974). Lorsque le dommage a pour cause une faute (agissements matériels, actes faisant grief, refus par l'administration de prendre une décision qu'elle est tenue de prendre, etc.) la responsabilité de l'administration sanctionne son manquement à satisfaire ses obligations (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p. 185).
Prononc. et Orth. : [(j)]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1269-78 « mal, peine » (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 13341); 2. 1549 « motif de plainte » (EST.). Soit déverbal de grever, soit substantivation de grief1. Fréq. abs. littér. : 611. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 607, b) 730; XXe s. : a) 770, b) 1 225. Bbg. QUESNEL (R.), DASILVA (V.). Grievance : grief ou réclamation? Meta. 1970, t. 15, pp. 164-165.

1. grief [gʀijɛf] n. m.
ÉTYM. 1269; déverbal de grever, ou substantivation de 2. grief.
1 Vx. Dommage subi. || Redresser les griefs, les réparer.Mod. Dr. || Griefs d'appel : ce en quoi le demandeur se trouve lésé par un jugement dont il appelle.
1 La partie, au contraire, à laquelle un jugement alloue toutes ses conclusions ne peut en appeler puisqu'elle n'en subit aucun grief.
Dalloz, Nouveau répertoire de droit, art. Appel civil, 79.
2 (1549). Au plur. ou en loc. Sujet, motif de plainte (généralement contre une personne). Doléance (cit. 3), plainte, reproche.Avoir des griefs contre qqn (→ Exciter, cit. 33). || Quels griefs avez-vous contre lui ? || Dire, exposer, formuler ses griefs. Plaindre (se), récriminer. || Nourrir des griefs secrets contre, à l'égard de qqn.Griefs de clocher (→ Chicanier, cit. 2). || Griefs réels. || Ses griefs sont justifiés.Au sing. (rare). || Grief imaginaire, mince, mesquin (→ Flot, cit. 16).
2 (…) la haine des méchants ne fait que s'animer davantage par l'impossibilité de trouver sur quoi la fonder, et le sentiment de leur propre injustice n'est qu'un grief de plus contre celui qui en est l'objet.
Rousseau, les Confessions, IX.
3 (…) la liste des griefs secrets était ouverte, où chaque opprobre essuyé s'inscrirait.
Louis Madelin, Talleyrand, XX.
4 Leurs cœurs ulcérés se soulageaient, ils alternaient les litanies de leurs récriminations, chacun à son tour disait son grief.
Zola, la Terre, III, II.
(Avec le v. faire). || Faire un grief, un juste grief à qqn de qqch. — ☑ Loc. (Déb. XXe). Faire grief de qqch. à qqn, lui en savoir mauvais gré, le lui reprocher. Blâmer, reprocher (→ Corps, cit. 3; cuistre, cit. 5; cynisme, cit. 3). || L'ingrat me fait grief des services mêmes que je lui ai rendus (Académie). || Il lui fait grief d'avoir publié des entretiens confidentiels. || Il a agi dans son intérêt, et nous ne lui en faisons pas grief.
5 Sa haine le portait à blâmer chez autrui ce qu'il conseillait lui-même : c'est là, et non ailleurs, que se trouve la contradiction dont on peut lui faire un juste grief.
Louis Barthou, Mirabeau, p. 252.
6 Et aucun des membres de l'Académie qui s'étaient montrés sympathiques à ma candidature n'en prit ombrage et ne m'en fit grief.
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 537.
7 Il aurait pu prononcer un mot, un seul. Il n'a pas prononcé ce mot, je ne lui en fais pas grief. Il a femme, enfants, et une réputation avec laquelle il ne peut pas jouer.
G. Duhamel, Salavin, I, I.
Littér. Tenir, imputer à grief à qqn (qqch.), lui en tenir rigueur, lui reprocher.
Dr. || Griefs d'accusation; absolt, griefs. Réquisitoire. || Demandeur qui formule des griefs.
8 Une partie qui demande la résolution d'un contrat peut, en cause d'appel, formuler de nouveaux griefs à l'appui de cette demande.
Dalloz, Nouveau répertoire de droit, art. Demande nouvelle, 42.
HOM. 2. Grief.
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2. grief, iève [gʀijɛf, ijɛv] adj.
ÉTYM. 1080, gref; du lat. pop. grevis, du lat. class. gravis. → 1. Grave.
Vieux ou archaïque.
1 1. Grave (IV.).
0 Le pauvre garçon a eu pour sa part d'assez grièves tribulations.
Joseph Joubert, Lettre à Chénedollé, 1er sept. 1807.
2 Douloureux, pénible. || « Votre perte est aussi griève que la nôtre » (Claudel, Corona Benignitatis…, in T. L. F.).
CONTR. Bénin, léger.
DÉR. Grièvement, grièveté.
HOM. 1. Grief.

Encyclopédie Universelle. 2012.