fumée [ fyme ] n. f.
1 ♦ Mélange plus ou moins dense et de couleur variable de produits gazeux et de très fines particules solides, qui se dégage des corps en combustion ou portés à haute température. Fumée du feu, d'un incendie, d'une bougie. Fumée qui sort de la cheminée d'un paquebot. Fumée épaisse, opaque, légère; blanche, noire. « Une petite fumée bleuâtre, montant de la cheminée de brique » (A. Daudet). Fumée âcre, étouffante; qui pique les yeux, fait pleurer, prend à la gorge, fait tousser. Nuage, panache, volutes de fumée. Du noir de fumée. ⇒ suie. Fumées polluant l'atmosphère. ⇒ smog. Fumées industrielles. Dispositif qui absorbe la fumée (⇒ fumivore) ou qui en produit (⇒ fumigène) . — Maçonn. Conduit de fumée : tuyau qui évacue la fumée d'une cheminée. Bouche de fumée : orifice par lequel un poêle communique avec le conduit de fumée. PROV. Il n'y a pas de fumée sans feu.
♢ Spécialt La fumée du tabac. Fumée de cigarette, d'opium. Il « aspira la fumée de son cigare et la rendit par le nez » (Balzac). Fumeur qui avale la fumée. Faire des ronds de fumée. La fumée ne vous gêne pas ? Pièce envahie par la fumée (⇒ enfumer; tabagie) .
♢ Loc. fig. S'en aller, s'évanouir en fumée : être consommé sans profit, ne rien donner.
2 ♦ Par ext. Vapeur qu'exhale un liquide ou un corps humide dont la température est plus élevée que l'air ambiant. ⇒ exhalaison, fumet. Fumée s'élevant d'un étang, d'une rivière. — Allus. littér. « La fumée du rôt » (Rabelais) :l'apparence d'une satisfaction dont la réalité est réservée à un autre.
3 ♦ Plur. Vapeurs qui sont supposées monter au cerveau sous l'effet de l'alcool, brouillant ainsi les idées. Les fumées du vin, de l'ivresse. ⇒ excitation. — Fig. « déjà les fumées de l'ambition me montaient à la tête » (Rousseau).
4 ♦ (XIVe; à cause de la vapeur qui s'en dégage) Plur. Vén. Excréments des cerfs et autres bêtes sauvages. ⇒ laissées. « Quel gibier ? On consulte les traces; on se penche sur les fumées » (A. Gide).
● fumée nom féminin (de fumer 1) Ensemble de produits gazeux qui se dégagent de certains corps en combustion et qui sont rendus plus ou moins opaques par les particules solides ou liquides dont ils sont chargés. Produit gazeux qui se dégage du tabac fumé par quelqu'un : Faire des ronds de fumée. Vapeur qui s'exhale d'un corps plus chaud et plus humide que l'air : La fumée qui sort des naseaux d'un cheval. ● fumée (citations) nom féminin (de fumer 1) Jean Calvin, de son vrai nom Cauvin Noyon, Oise, 1509-Genève 1564 Nous ne sommes que terre et poudre et toutes nos vertus ne sont que fumée qui s'écoule et s'évanouit. Sermon sur la Résurrection Jean Giono Manosque 1895-Manosque 1970 Homme plus libre que la liberté des fumées, si seulement tu comprenais ta grande liberté. Le Serpent d'étoiles Grasset ● fumée (expressions) nom féminin (de fumer 1) S'en aller, s'évanouir en fumée, brûler complètement en ne laissant que la fumée ; disparaître sans profit, sans résultat. Noir de fumée, suie en particules très fines, obtenue par la combustion incomplète du benzène. Tube de fumée, tube parcouru par les produits gazeux de combustion d'un foyer, notamment dans une chaudière. ● fumée (homonymes) nom féminin (de fumer 1) fumé adjectif fumé nom masculin fumer verbe fumet nom masculin ● fumée (synonymes) nom féminin (de fumer 1) Vapeur qui s'exhale d'un corps plus chaud et plus humide...
Synonymes :
- buée
fumée
n. f.
d1./d Mélange de produits gazeux et de particules solides se dégageant de corps qui brûlent ou qui sont chauffés. La fumée d'un volcan.
|| Noir de fumée: produit obtenu par combustion incomplète de corps riches en carbone.
|| CONSTR Conduit de fumée: canalisation ou ouvrage maçonné par lequel on évacue les fumées d'une chaudière ou d'un foyer.
d2./d Loc. fig. S'en aller en fumée: ne pas aboutir, ne rien produire.
|| Prov. Il n'y a pas de fumée sans feu: il ne court pas de bruit qui n'ait quelque fondement.
d3./d Vapeur. Fumée qui monte d'une soupière.
d4./d (Plur.) Fig., litt. Fumées du vin, de l'ivresse: troubles de l'esprit provoqués par l'alcool.
d5./d (Plur.) VEN Excréments des cerfs et autres animaux sauvages.
⇒FUMÉE, subst. fém.
A.— 1. Au sing. Mélange, plus ou moins dense et de couleur variable, de gaz, de vapeur d'eau et de différentes particules plus ou moins fines, qui se dégage d'un corps en combustion ou porté à très haute température; p. méton. (au sing. et au plur.), ce mélange en suspension dans l'atmosphère. L'Etna, avec ses feux, ses fumées, ses laves, ses mugissements, ses agitations (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 237). Il est certain que ce feu faisait bien sur le foyer de pierres plates. La fumée s'en allait facilement par l'étroit conduit, la cheminée tirait, et une agréable chaleur ne tarda pas à se répandre (VERNE, Île myst., 1874, p. 42). Des remorqueurs (...) s'impatientaient, vomissaient une fumée noire (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 177) :
• 1. La ville moderne se compose de ces habitations monstrueuses et de rues obscures, pleines d'air pollué par les fumées, les poussières, les vapeurs d'essence et les produits de sa combustion...
CARREL, L'Homme, 1935, p. 28.
— Proverbes
♦ Il n'y a pas de fumée sans feu. Toute rumeur repose sur un fond de vérité. Les uns disaient :« Quelle plaisanterie!... C'est une manœuvre! Comment admettre une bourde pareille? — Eh! eh! faisaient les autres, il n'y a pas de fumée sans feu!... » (VERNE, 500 millions, 1879, p. 201).
♦ Il n'y a pas de feu sans fumée. Il n'y a pas de cause sans effet et une passion vive ou un secret se trahit toujours par quelque indice. (Ds Ac., LITTRÉ, DG).
— En partic. [À propos d'une substance (tabac, opium, etc.) dont on assure la combustion] Il lança, par un mouvement sec, son cigare au feu. — Madame, la fumée vous incommode sans doute? (BALZAC, Langeais, 1834, p. 297). La jeune femme était retombée dans cette torpeur provoquée par les fumées du chanvre (VERNE, Tour monde, 1873, p. 68).
SYNT. Boîte à fumée (v. boîte B 2 c); noir de fumée; arabesque, colonne, filet, nuage, panache, ruban, rideau, volute de fumée; fumée d'une bougie, d'un bûcher, d'un cierge, d'un feu de bois, d'un volcan; fumée de l'âtre, d'une bouche à feu, d'un canon, d'une locomotive, d'un paquebot, d'une usine; les fumées de la ville; fumée d'une cigarette, d'une pipe; fumée d'opium; fumée qui se dissipe, s'échappe (d'une cheminée), s'élève, flotte, monte, se répand; avaler, souffler, rejeter la fumée; faire des ronds de fumée; fumée aveuglante, blanche, bleuâtre, grise, légère, lourde, odorante, suffocante; envahi, plein, noir de fumée; noirci par la fumée.
2. P. compar. ou p. métaph.
a) [D'une chose vaine, sans valeur] Synon. chimère, futilité, illusion, vent. La conviction où j'étais que toute science était vanité et fumée (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 36). Tout devient pour moi fumée, illusion, vapeur, même ma propre vie (BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p. 298). Des êtres plus inexistants que la fumée (JOUHANDEAU, M. Godeau, 1926, p. 147) :
• 2. ... méfions-nous des mots qui disent d'avance, pour ainsi dire, ce qu'ils veulent dire, et qui le tuent dans l'œuf, des mots qui sont une musique, une propagande, une fumée.
AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p. 155.
— Locutions
♦ S'enivrer, se repaître de fumée. ,,Se repaître de vaines espérances ou de vains honneurs, d'une vaine gloire, etc.`` (Ac.).
♦ Il vend de la fumée, c'est un vendeur de fumée. ,,Se dit de Celui qui n'a qu'un crédit apparent dont il fait parade pour en tirer quelque utilité, quelque avantage, ou encore de Celui qui fait, toujours pour en tirer profit, des promesses qu'il sait irréalisables`` (Ac. 1932).
b) [D'une chose fugitive, évanescente]
— S'en aller, disparaître, s'évanouir en/comme une fumée. [Le suj. désigne un animé ou un inanimé] Se dissiper soudainement, disparaître sans laisser de trace, Cet âge (...) où ces rêves tant soit peu riants qui nous amusaient de temps à autre s'évanouissent comme fumée (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1830, p. 34). Nos mules s'étaient évanouies en fumée, et nous n'avions plus qu'une voiture démantelée et sans roues (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 60). Mais peut-être toute cette histoire va-t-elle se dissiper comme une fumée. Car savez-vous ce que je crois? qu'elle est inventée de toutes pièces, ou du moins sensiblement gonflée (MONTHERL., Reine morte, 1942, III, 6, p. 216) :
• 3. Eh quoi! j'aurai travaillé pendant quarante ans de ma vie, j'aurai porté des sacs sur mon dos, j'aurai sué des averses, je me serai privé pendant toute ma vie, pour vous, mes anges, qui me rendiez tout travail, tout fardeau léger; et aujourd'hui ma fortune, ma vie, s'en iraient en fumée!
BALZAC, Goriot, 1835, p. 252.
c) [De ce qui manque de netteté] Discours, propos qui ne sont que fumée :
• 4. Barrès, un grand écrivain, un de ceux qui connaissent le mieux la langue française, mais qu'est-ce qu'il veut dire? on comprend chaque phrase l'une après l'autre, et de toutes ses clartés ne monte qu'une fumée.
RENARD, Journal, 1909, p. 1226.
B.— P. anal.
1. Vapeur produite par la respiration ou la transpiration. La moindre respiration eût produit une fumée visible dans cet air froid (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 147). La fumée blanche que faisait l'haleine de nos chiens (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Amour, 1886, p. 739).
2. Vapeur, brouillard qu'exhale un corps humide plus chaud que l'air ambiant. Synon. buée, exhalaison. Il s'élève du lac des fumées légères, s'allongeant comme des gazes dans la transparence du crépuscule (FLAUB., Tentation, 1869, p. 382). Il y avait toujours une trêve du petit matin, à l'heure où la terre sue sa fumée naturelle (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 120). La lourde vapeur qui sortait de l'herbe piétinée montait vers nous. C'était la fumée suffocante des sèves mêlée à la sueur des corps (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 204).
— Spéc. Vapeur qui s'exhale d'un aliment chaud ou en cours de cuisson. L'autre [valet] découvrit une soupière en vieille argenterie massive, et il s'en éleva un tourbillon de fumée odorante annonçant un bouillon plein de succulence (GAUTIER, Fracasse, 1863 p. 374). La fumée des tasses qu'elle portait lui montait au visage comme un souffle avec la chaleur du café (GONCOURT, R. Mauperin, 1864, p. 39).
♦ Loc. verb. fig. [P. allus. à l'apologue conté par RABELAIS, Tiers livre, XXXVII] Manger son pain à la fumée (du rôt). Devoir se contenter de jouir par l'imagination d'un plaisir, d'un divertissement dont la réalité est réservée à quelqu'un d'autre. Il va la faire danser [cette jolie fille] ce soir! et moi je mangerai mon pain à la fumée, car on entend d'ici l'orchestre du faubourg (VIDAL, DELMART, Caserne, 1833, p. 192) :
• 5. — Eh! bien, César, dit Pillerault, sais-tu d'où cela te vient? de l'impatience qu'a Popinot d'épouser Césarine. Il n'y tient plus, et ne doit pas, pour tes exagérations de probité, laisser passer sa jeunesse à manger du pain sec à la fumée d'un bon dîner.
BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 401.
3. Littér. Masse légère de particules en suspension dans l'atmosphère. Synon. nuage. Chassée par le vent, la neige courait en blanches fumées rasant le sol (GAUTIER, Fracasse, 1863 p. 142). On distinguait les petites fumées de poussière, que les obus soulevaient du sol (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 250) :
• 6. ... un faux-ébénier, vêtu de grappes jaunes, éparpillait au vent sa fine poussière, une fumée d'or qui sentait le miel...
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Fils, 1882, p. 315.
4. Au plur.
a) VÉN. Excréments caractéristiques des cerfs et autres animaux sauvages. Je reconnus des traces nombreuses de gazelles; leurs fumées, très-divisées, parsemaient les endroits où poussent ces herbes odoriférantes et grasses que produit le désert (DU CAMP, Nil, 1854, p. 203). Quel gibier? on consulte les traces; on se penche sur les fumées. Celles-ci, blanches comme le kaolin, sont celles d'une hyène (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 846).
b) Effets produits sur le cerveau par l'absorption de certaines drogues ou d'une trop grande quantité d'alcool. Les sauvages, passionnés pour les liqueurs de l'Europe, recherchent les fumées de l'ivresse comme les peuples de l'Orient les vapeurs de l'opium (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 442). Je me retrempai dans les fumées de l'alcool et du tabac. Elles eurent vite fait de nous monter à la tête (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 291).
— Au fig., au plur. Ce qui monte à la tête, ce qui provoque des illusions. Les fumées de la gloire. Je croyais Paturot à jamais guéri des fumées de l'ambition, et déjà un nouveau vertige s'emparait de lui (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 151) :
• 7. Humble et jusqu'à l'héroïsme, le P. Lacordaire, qui, sentant les fumées de l'orgueil lui monter au cerveau, se traîne dans la poussière sous les pieds d'un frère convers. Il avait besoin qu'on lui rappelât son néant.
BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 242.
REM. Fumagine, subst. fém., bot. Maladie cryptogamique des végétaux caractérisée par un dépôt couleur de suie à la surface des feuilles. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth. :[fyme]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Début XIIe s. « vapeur qui se dégage d'un corps en combustion ou plus chaud que l'air ambiant » (BENOIT S. Brendan, 1109 ds T.-L.); ca 1230 fig. la fumee de orgoil (G. LE CLERC, Trois mots, 47, ibid.). Part. passé fém. subst. de fumer1. Fréq. abs. littér. :3 788. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 3 458, b) 6 557; XXe s. : a) 6 488, b) 5 743.
fumée [fyme] n. f.
ÉTYM. V. 1170; de 1. fumer.
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1 (V. 1170). Mélange de produits gazeux et de particules solides, de couleur variable, qui se dégage de corps en combustion ou portés à haute température. || La fumée d'un feu du foyer, d'un foyer (→ Âtre, cit. 5; feu, cit. 12), d'un incendie (→ Brasier, cit. 1; feu, cit. 35), d'un feu d'herbes. || La fumée d'une bougie, d'un cierge (→ Brasiller, cit. 1; éteindre, cit. 66), de l'encens, d'aromates (cit. 4), d'une cassolette (→ Émanation, cit. 2), d'un sacrifice (→ Brûler, cit. 18). || Fumée qui sort de la cheminée, d'une locomotive, d'un paquebot. || Fumée d'un coup de canon (→ Bombarde, cit. 1), d'une explosion. || Fumée de la poudre noire. || Poudre sans fumée. — Fumée épaisse, opaque; fine (→ Flotter, cit. 4), légère, vaporeuse; blanche, bleuâtre, grise, noire, rousse. || Fumée âcre, étouffante, irritante, suffocante; qui pique les yeux, fait pleurer, prend à la gorge, fait tousser, asphyxie. || Des torrents (→ Cracher, cit. 10), des flots, des tourbillons, des nuages, des flocons (cit. 4), une colonne, un filet (→ Évoquer, cit. 17), un panache, des arabesques, des volutes, des rubans de fumée. || La pièce était envahie, pleine, noire de fumée (⇒ Enfumer). || Les fumées de la ville, des cheminées, des usines (→ Couchant, cit. 1; couper, cit. 11). || Murs noircis de fumée. || Du noir de fumée. ⇒ Suie, smog. || Les fumées qui polluent l'atmosphère. || Fumées industrielles. || Supprimer les fumées (⇒ Fumivore). — La fumée, les fumées d'un volcan, d'une source chaude (⇒ Fumerolle). — Maçonn. || Conduit de fumée : tuyau qui évacue la fumée d'une cheminée. || Bouche de fumée : orifice par lequel un poêle communique avec le conduit de fumée.
1 (…) en arrivant au bord de la plaine, ils entendirent un tapage effroyable, le canon et la mousqueterie tonnaient de tous les côtés (…) au-dessus des saules paraissait une fumée blanche qui quelquefois s'élevait dans le ciel en tournoyant.
Stendhal, la Chartreuse de Parme, III.
2 Quelqu'un habitait là pourtant. Une petite fumée bleuâtre, montant de la cheminée de brique qui dépassait un peu le mur, trahissait une existence cachée, discrète et triste, comme la fumée de ce feu de pauvre.
Alphonse Daudet, Contes du lundi, Maison à vendre.
3 Chaque obus soulevait une longue gerbe de terre dans un nuage de fumée.
R. Dorgelès, les Croix de bois, III, p. 47.
3.1 Depuis trois mois déjà, le cratère émettait des vapeurs plus ou moins intenses, mais qui ne provenaient encore que d'une ébullition intérieure des matières minérales. Cette fois, aux vapeurs venait de succéder une fumée épaisse, s'élevant sous la forme d'une colonne grisâtre, large de plus de trois cents pieds à la base, et qui s'épanouissait comme un immense champignon à une hauteur de sept à huit cents pieds au-dessus de la cime du mont.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 827.
♦ ☑ Prov. Il n'y a pas de fumée sans feu, se dit pour insinuer qu'il doit y avoir quelque chose de vrai dans un bruit qui court.
♦ (1690, Furetière). Spécialt. || La fumée du tabac, d'une pipe, d'une cigarette (→ Bouffarde, cit. 1; cigare, cit. 2). || Fumée d'opium. || Fumeur qui avale la fumée. || Souffler, rejeter la fumée. || Faire des ronds de fumée. || Bouffées de fumée. || La fumée ne vous gêne pas ? || La fumée m'incommode. || Les méfaits de la fumée.
4 (Rosanette) appuyait le bec d'ambre (du narguilé) sur ses lèvres et regardait Frédéric, en clignant les yeux, à travers la fumée dont les volutes l'enveloppaient.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, VI.
5 Toute l'âme résumée Quand lente nous l'expirons Dans plusieurs ronds de fumée (…)
Mallarmé, Poésies, Hommage.
6 L'opium bouillonna au-dessus de la lampe, et la fumée grise roula sur les nattes en nuages pesants.
Claude Farrère, la Bataille, VI.
2 (V. 1170). Vapeur qu'exhale un liquide ou un corps humide dont la température est plus élevée que l'air ambiant. || La fumée de la soupe, du pot-au-feu, du rôti. ⇒ Fumet.
♦ Vapeur, en général. ⇒ Exhalaison. || Fumée que dégagent des vêtements mouillés séchant devant le feu. || Fumée qui monte des flancs du cheval. ⇒ Haleine, transpiration. || Fumée s'élevant d'un étang, d'une rivière (→ Brume, cit. 3). || Une fumée d'or (→ Éparpiller, cit. 5). ⇒ Poussière.
7 L'ombre des arbres dans la rivière embrumée
Meurt comme de la fumée.
Verlaine, Romances sans paroles, IX.
8 À droite des réservoirs, le tuyau étroit de la machine à vapeur soufflait, d'une haleine rude et régulière, des jets de fumée blanche.
Zola, l'Assommoir, I.
♦ ☑ Allus. littér. La fumée du rôt (→ Épargne, cit. 12) : l'apparence d'une satisfaction dont la réalité est réservée à un autre.
9 À Paris, en la rôtisserie du Petit Châtelet, au devant de l'ouvroir d'un rôtisseur, un faquin mangeait son pain à la fumée du rôt et le trouvait, ainsi parfumé, grandement savoureux. Le rôtisseur le laissait faire. Enfin, quand tout le pain fut bâfré, le rôtisseur happe le faquin au collet, et voulait qu'il lui payât la fumée de son rôt. Le faquin disait en rien n'avoir ses viandes endommagé, rien n'avoir du sien pris, en rien ne lui être débiteur. La fumée dont il était question évaporait par dehors; ainsi comme ainsi se perdait-elle; jamais n'avait été ouï que, dedans Paris, on eût vendu fumée de rôt en rue.
Rabelais, le Tiers Livre, XXXVII.
3 (Mil. XVIe). Plur. Vapeurs qui sont supposées monter au cerveau sous l'effet de l'alcool, brouillant ainsi les idées. || Être troublé par les fumées du vin. || Chasser, dissiper les fumées d'un banquet, de l'ivresse. ⇒ Excitation.
10 Il n'est guère possible de se figurer toute l'étendue de mon effroi. Les fumées du vin s'étaient évaporées, et me laissaient doublement timide et irrésolu.
Baudelaire, Trad. E. Poe, les Aventures d'A. Gordon Pym, Aventuriers précoces.
4 (V. 1354). Vénerie (à cause de la vapeur qui s'en dégage). Plur. Excréments des cerfs et autres bêtes fauves, d'apparence variée suivant l'espèce, l'âge, le sexe de l'animal. ⇒ Laissées. || Reconnaître le cerf (cit. 4) à ses fumées.
10.1 Quel gibier ? On consulte les traces; on se penche sur les fumées. Celles-ci, blanches comme le kaolin, sont celles d'une hyène.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 846.
11 Et Daguet méprisait Brout. Il nous disait : « (…) Ça n'est même pas fichu de reconnaître une bête à ses fumées (…) »
M. Genevoix, Forêt voisine, IX.
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II (Abstrait).
1 Vx. Chose fugitive, évanescente.
12 (…) prétendent-ils (les athées) nous avoir bien réjoui, de nous dire qu'ils tiennent que notre âme n'est qu'un peu de vent et de fumée, et encore de nous le dire d'un ton de voix fier et content ? Est-ce donc une chose à dire gaîment ?
Pascal, Pensées, III, 194.
♦ ☑ Loc. mod. (par compar. ou métaphore). S'envoler, fuir, disparaître comme une fumée, comme des fumées. — ☑ En fumée. || S'en aller, s'évanouir, partir en fumée : être consommé sans profit, ne rien donner. || Projets qui s'en sont allés (cit. 112) en fumée. || Espoirs réduits en fumée.
13 Elle voit dissiper sa jeunesse en regrets,
Mon amour en fumée, et son bien en procès.
Racine, les Plaideurs, I, 5.
14 Toutes les querelles furent oubliées, tous les torts réciproques pardonnés; les duels convenus furent rayés de la mémoire, et les rancunes s'envolèrent comme des fumées.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXXIV.
15 La pipe et la plume sont les deux sauvegardes de ma moralité, vertu qui se résout en fumée par les deux tubes.
Flaubert, Correspondance, 410, 15 juil. 1853.
♦ ☑ Loc. Vendre de la fumée, des apparences, des choses sans valeur. ⇒ Vent (vendre du).
2 (Av. 1559). Spécialt (littér.). Chose inconsistante et vaine, indigne qu'on y aspire. ⇒ Chimère, frivolité, futilité, illusion, vanité. || Gloire qui n'est que fumée (→ Dissiper, cit. 15). || Fumée que tout cela !
16 À quelque prix qu'on mette une telle fumée,
L'obscurité vaut mieux que tant de renommée.
Corneille, Horace, II, 3.
17 Il se crut un nouveau Lope de Vega; et, préférant la fumée des applaudissements du public aux avantages réels que mon amitié lui préparait, il me demanda son congé.
A. R. Lesage, Gil Blas, X, I.
18 Sept années au collège, quatorze ans voyageur, je ne puis compter que douze ans d'enfance sur le sol et sous le toit paternels. Ce qui m'épouvante c'est le vide de mon avenir. De la fumée littéraire ? j'en suis rassasié, et j'en connais la valeur.
Chateaubriand, Correspondance générale, I, 96.
19 (L'artiste) construit pour l'éternité des demeures qu'il sait lui-même faites de fumée, et fondées sur le rêve.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », III.
3 Littér. Propos, idée qui manque de netteté. || Ce discours n'est que fumée, n'énonce rien de précis. ⇒ Fumeux.
20 Barrès, un grand écrivain, un de ceux qui connaissent le mieux la langue française, mais qu'est-ce qu'il veut dire ? On comprend chaque phrase l'une après l'autre, et de toutes ses clartés ne monte qu'une fumée.
J. Renard, Journal, 16 févr. 1909.
4 Littér. Ce qui peut monter à la tête, étourdir, enivrer. || La fumée, les fumées de l'orgueil, de la gloire. ⇒ Vertige.
21 Mon regret d'arriver si vite à Turin fut tempéré par le plaisir de voir une grande ville, et par l'espoir d'y faire bientôt une figure digne de moi, car déjà les fumées de l'ambition me montaient à la tête (…)
Rousseau, les Confessions, II.
22 Être admiré et honoré chez soi (…) c'est, pour le cerveau d'un malheureux homme, une fumée de revanche assez capiteuse pour l'enivrer du plus sot orgueil.
Léon Bloy, le Désespéré, p. 174.
❖
COMP. Antifumée, pare-fumée.
HOM. Fumé, 1. fumer, 2. fumer.
Encyclopédie Universelle. 2012.