fiction [ fiksjɔ̃ ] n. f.
• XIIIe; lat. fictio, de fictus, p. p. de fingere → feindre
1 ♦ Vx Mensonge. « Si la fiction est excusable, c'est où il faut feindre de l'amitié » (La Bruyère).
2 ♦ (v. 1361) Construction de l'imagination (opposé à réalité).⇒ chimère. Tout cela n'est qu'une pure fiction. La réalité dépasse la fiction. « La vérité est, quoi qu'on dise, supérieure à toutes les fictions » (Renan). « La fiction, quand elle a de l'efficace, est comme une hallucination naissante » (Bergson).
♢ Création de l'imagination, en littérature. Livre de fiction. ⇒ conte, nouvelle, 1. roman; science-fiction.
♢ (En valeur d'adj., sur le modèle de science-fiction) Politique-fiction, urbanisme-fiction.
3 ♦ (1690) Dr., écon. Procédé qui consiste à supposer un fait ou une situation différente de la réalité pour en déduire des conséquences juridiques. ⇒ convention.
⊗ CONTR. Réalité, vérité.
● fiction nom féminin (latin fictio, -onis, de fictus, imaginé) Création de l'imagination ; ce qui est du domaine de l'imaginaire, de l'irréel : Vivre dans la fiction. Ce qui n'a qu'une valeur, qu'une réalité de convention : L'égalité devant l'impôt est souvent une fiction. S'emploie comme apposition, avec ou sans trait d'union, pour désigner une activité, un domaine qui ressort de la pure imagination : Politique-fiction. ● fiction (citations) nom féminin (latin fictio, -onis, de fictus, imaginé) Charles Nodier Besançon 1780-Paris 1844 Académie française, 1833 La femme n'était pas de ce monde matériel ; c'est la première fiction que le ciel ait donné à la terre. Fantaisies et légendes, l'Homme et la Fourmi ● fiction (expressions) nom féminin (latin fictio, -onis, de fictus, imaginé) C'est de la pure fiction, c'est une vue de l'esprit. Fiction légale ou fiction de droit, procédé juridique par lequel on suppose l'existence d'un fait non réel pour en faire le fondement d'un droit. (La personnalité morale des sociétés, l'assimilation d'un enfant simplement conçu à un enfant né sont des fictions légales.) ● fiction (synonymes) nom féminin (latin fictio, -onis, de fictus, imaginé) Création de l'imagination ; ce qui est du domaine de l'imaginaire...
Synonymes :
- rêve
- songe
Contraires :
- réalité
Ce qui n'a qu'une valeur, qu'une réalité de convention
Synonymes :
fiction
n. f.
d1./d Tout ce qui relève de l'imaginaire. Parfois la réalité dépasse la fiction.
|| OEuvre, genre littéraire dans lesquels l'imagination a une place prépondérante.
d2./d DR Fiction légale, introduite par la loi pour produire certains effets juridiques.
⇒FICTION, subst. fém.
Produit de l'imagination qui n'a pas de modèle complet dans la réalité.
A.— Mensonge, dissimulation faite volontairement en vue de tromper autrui. (Quasi-)anton. vérité. Aux fictions politiques, assez graves déjà, on ajoute encore des fictions historiques, afin de compléter ce vaste système d'illusions (LAMENNAIS, Religion, 1825, p. 102). Je garderai cette page excellente où vous exécutez si lestement une fiction accréditée par une bureaucratie infatuée d'elle-même, propagée par la naïveté de tous les docteurs ès sciences administratives (Fondateurs 3e Républ., Ferry, 1865, p. 315) :
• 1. ... elle [la presse dirigée] aboutit fatalement au mensonge, non pas seulement à des mensonges de détail, mais au lancement de fictions gigantesques, comme celle qui fit croire au peuple allemand, jusqu'en octobre 1918, qu'il était à la veille de la victoire. Fictions qui, lorsqu'elles s'écroulent, brisent les nerfs et tout le ressort du peuple le plus brave.
Civilis. écr., 1939, p. 38-14.
B.— Construction imaginaire consciente ou inconsciente se constituant en vue de masquer ou d'enjoliver le réel. (Quasi-)anton. réalité. Cette île imaginaire devint l'objet de toutes mes rêveries; dupe de mes propres fictions, j'y pensais sans cesse; j'y transportais en idée celle que j'aimais (DURAS, Édouard, 1825, p. 174). J'ai beau fouiller le passé je n'en retire plus que des bribes d'images et je ne sais pas très bien ce qu'elles représentent, ni si ce sont des souvenirs ou des fictions (SARTRE, Nausée, 1938, p. 51) :
• 2. Il n'y a, je pense, personne qui, dans des moments de désœuvrement, n'imagine quelque roman dont il se fait le héros. Ces fictions, qu'on appelle des châteaux en Espagne, n'occasionnent, pour l'ordinaire, dans le cerveau que de légères impressions, parce qu'on s'y livre peu, et qu'elles sont bientôt dissipées par des objets plus réels, dont on est obligé de s'occuper..., etc.
GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 227.
— Loc. La réalité dépasse la fiction. Les événements et phénomènes qui se produisent, les découvertes et inventions, vont au-delà de ce qu'on a pu prévoir ou imaginer. Quelle revanche aussi. D'un côté, un père gigantesque, inaccessible, et de l'autre, un éternel adolescent, longtemps sous-estimé, méprisé, éloigné. Or voici qu'il écrit à la place du père et que personne ne s'en aperçoit. Preuve par neuf que le fils vaut bien le père (...). Décidément, la réalité dépasse la fiction (M. SORIANO, Jules Verne, Paris, Julliard, 1978, p. 322).
— Spéc., dans le domaine de la psychol. et de la psychanal. [La fiction en tant qu'élément normal ou déviant intervenant dans la structuration de la personnalité] Enfin le schizoïde a conscience de l'irréalité de ses conceptions, et ne cherche pas à les introduire dans la réalité, le mythomane distingue mal la réalité de ses fictions, et, comme l'enfant, il les mêle incessamment au sein d'une croyance indistincte (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 379) :
• 3. Notre enfant, lui, n'est point si sot; et, dès qu'il a enfin compris la nature et le rôle de la conduite de fiction, il en use et en abuse, il s'en charme, il l'assimile par des exercices répétés, à tel point que l'on pourrait presque parler d'un âge de la fiction. C'est à cet âge que, les statistiques des Scupin nous l'ont montré, les jeux de fiction prennent une étendue étonnante...
Jeux et sp., 1967, p. 75.
— En partic., au sing., dans le domaine artistique. Création imaginaire, souvent anecdotique, dans une œuvre artistique, littéraire ou cinématographique le plus souvent, constituant un code de lecture entre le créateur et son public. Fiction d'opéra; fiction poétique, romanesque, théâtrale. (Quasi-)anton. documentaire, reportage, histoire (vécue), fait divers. Pécuchet se mit à lire Consuelo, Horace, Mauprat, fut séduit par la défense des opprimés, le côté social et républicain, les thèses. Suivant Bouvard, elles gâtaient la fiction et il demanda au cabinet de lecture des romans d'amour (FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 4). Drôle de jeu est un roman, — au sens où l'on dit romanesque — une fiction, une création de l'imagination (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 5) :
• 4. La littérature permet de se venger de la réalité en l'asservissant à la fiction; mais si mon père fut un lecteur passionné, il savait que l'écriture exige de rebutantes vertus, des efforts, de la patience; c'est une activité solitaire où le public n'existe qu'en espoir.
BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 37.
♦ Subst. + de fiction (avec valeur d'adj.). Ce qui appartient à la fiction d'une œuvre. Un héros de fiction. Qui est construit à partir de la fiction. L'objectivité des formes apparentes fait rayonner le naturel dans tout l'univers du film de fiction (E. MORIN, Le Cin. ou l'homme imaginaire, Paris, Gonthier, 1958, p. 134).
C.— Didact. Hypothèse dont on ne sait à l'avance si elle est juste ou fausse, qui permet l'élaboration d'un raisonnement. (Quasi-)synon. modèle :
• 5. Pour Vaihinger, l'atome n'est pas à proprement parler une hypothèse; il correspondrait plutôt à une fiction. Dès lors, en tant que fictions, tous les caractères attribués directement à l'atome devraient être éliminés aussitôt qu'ils ont accompli leur fonction tout intermédiaire.
BACHELARD, Épistémologie, Paris, P.U.F., 1971, p. 138.
D.— DR. Fiction de droit, fiction légale. ,,Fait sans aucune réalité, mais dont la loi suppose l'existence, pour constituer le fondement d'un droit`` (BARR. 1974).
Rem. Fiction entre comme second élément dans la compos. de termes désignant des genres littér. ou cin. basés sur la prospective. Ces termes s'emploient également p. ext., en parlant d'une action, d'un phénomène relevant de l'imagination, de l'utopie. a) Politique-fiction. Œuvre d'anticipation décrivant dans un avenir généralement proche, une organisation politique à l'échelon national ou planétaire. Le premier projet de l'œuvre [Les Indes Noires] — écarté avec effarement par Hetzel — semble avoir été le thème de la ville souterraine, réservée au prolétariat, mais totalement débarrassé du sentiment de la révolte qui caractérise la « politique-fiction » de Jack London dans Le Talon d'acier (M. SORIANO, Jules Verne, Paris, Julliard, 1978, p. 210). b) Science-fiction (v. science). GILB. 1971 signale un assez grand nombre de ces composés (humanité-fiction, médecine-fiction, métaphysique-fiction, récit-fiction), l'engouement actuel pour l'anticipation et la prospective dans tous les domaines peut les multiplier à l'infini. Il faut cependant remarquer que ces termes sont plus récents que les phénomènes qu'ils désignent et que la littérature en particulier a produit depuis des siècles, mais, surtout au XIXe, des œuvres d'anticipation.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1223 « tromperie, duperie » (G. DE COINCY, Miracle de Notre Dame, éd. F. Koenig, 2 Mir. 26, 656); 2. XIIIe s. « fait imaginé » (Isopet de Lyon, 1077 ds T.-L.); 3. 1690 dr. « fait qui résulte d'une convention » (FUR. : fictions du droit). Empr. au lat. impérial fictio « action de façonner; action de feindre »; b. lat. jur. « fiction légale ». Fréq. abs. littér. :764. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 470, b) 897; XXe s. : a) 798, b) 1 033. Bbg. PORTIER (E.). Essai de sém. : feindre, figurer, feinte, figure, fiction. R. Philol. fr. 1915/16, t. 29, pp. 183-201.
fiction [fiksjɔ̃] n. f.
ÉTYM. XIIIe; lat. fictio, de fictus, p. p. de fingere « inventer ». → Feindre, fictif.
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1 Vx. Action de feindre, chose feinte. ⇒ Dissimulation, feinte, mensonge.
1 Comme tout ce discours n'était que fiction,
Je cachais mon retour et ma condition.
Corneille, le Menteur, V, 6.
2 Si la fiction est excusable, c'est où il faut feindre de l'amitié; s'il est permis de tromper, c'est dans une occasion où il y aurait de la dureté à être sincère.
La Bruyère, les Caractères, XIV, 36.
2 (V. 1361). Fait imaginé (opposé à réalité). ⇒ Chimère, songe. || L'imaginaire se nourrit de fictions. || Le charme des fictions (→ Arracher, cit. 47).
3 Ils croyaient que la France n'avait de salut que dans cette fiction royale, dans cette ombre, ce néant, ce vide.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, VII.
4 À qui vit de fiction, la vérité est infecte.
Hugo, l'Homme qui rit, II, IX, II.
5 La vérité est, quoi qu'on dise, supérieure à toutes les fictions.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Préface.
♦ (Déb. XVIIIe). Caractère de ce qui est imaginé; ce qui est imaginé. || La fiction d'un amour éternel. || Ce n'est que de la fiction. || La réalité dépasse la fiction.
6 Il faut remarquer que la fiction, quand elle a de l'efficace, est comme une hallucination naissante : elle peut contrecarrer le jugement et le raisonnement, qui sont les facultés proprement intellectuelles.
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, p. 112.
♦ Création de l'imagination, en littérature; ensemble de ces créations, en tant qu'elles constituent un genre littéraire. || Livre de fiction (conte, roman…). || Les fictions poétiques. ⇒ Allégorie, apologue (cit. 4), conte, fable (→ Égayer, cit. 13; épique, cit. 1). || Écrire une œuvre de fiction (⇒ Affabuler, 1.). || Fiction inventée par un romancier. || Fiction d'anticipation scientifique (⇒ Science-fiction), politique (⇒ Politique-fiction).
7 Elle perdait insensiblement (dans la lecture de l'histoire) le goût des romans et de leurs fades héros; et, soigneuse de se former sur le vrai, elle méprisait ces froides et dangereuses fictions.
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.
8 Nous aimons les fictions dans la mesure même où la fable reste assez dépendante du monde réel pour que nous ne sentions jamais mourir en nous le sentiment du vrai. Pour que le merveilleux lui-même nous enchante, il faut qu'à certain moment il nous persuade; il faut que, pendant une minute au moins, l'existence des fées et des lutins nous semble une chose possible, une chose même probable.
G. Duhamel, Salavin, Vie et mort d'un héros de roman.
9 (…) je sentais qu'il me faudrait entreprendre tôt ou tard une vaste fiction en prose, qui exprimerait dans le mouvement et la multiplicité, dans le détail et le devenir, cette vision du monde moderne, dont la Vie unanime chantait d'ensemble l'émoi initial.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, Préface.
3 (1690). Écon., dr. « Procédé de technique juridique consistant à supposer un fait ou une situation différente de la réalité pour en déduire des conséquences juridiques » (Capitant). ⇒ Convention. || Par une fiction légale, l'enfant simplement conçu est, dans certains cas, considéré comme né.
♦ De fiction : de convention. ⇒ Conventionnel.
10 L'or et l'argent sont une richesse de fiction ou de signe.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXI, XII.
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CONTR. Réalité, vérité.
DÉR. Fictionnel.
COMP. Non-fiction. V. Science-fiction, et aussi -fiction.
Encyclopédie Universelle. 2012.