étioler [ etjɔle ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1690 v. pron.; d'une var. de éteule
1 ♦ (1762) Rendre (une plante) grêle et décolorée, par manque d'air, de lumière. ⇒ débiliter. L'obscurité étiole les plantes. Pronom. Plantes qui s'étiolent faute de soins. ⇒ se faner, se rabougrir.
♢ Agric. Faire pousser (certains légumes) à l'abri de l'air afin que leurs organes restent blancs. Étioler des endives.
2 ♦ Rendre (qqn) chétif, pâle. ⇒ affaiblir, anémier. Le manque de grand air, d'exercice étiole les enfants. Pronom. Ce malade s'étiole. ⇒ dépérir, languir. Un enfant « pâlit et s'étiole [...] dans une chambre fermée » (Bernardin de Saint-Pierre).
3 ♦ (1831) abstrait Affaiblir, atrophier. — Pronom. « Ayant besoin de joie comme les plantes de soleil, je m'étiolais dans cette tristesse » (France). « il y a des milieux tristes, contraints, où l'amour s'étiole assez vite » (Maurois).
⊗ CONTR. Affermir, développer, épanouir, fortifier.
● étioler verbe transitif (variante dialectale de éteule) Rendre une plante grêle et la décolorer par défaut de lumière : L'obscurité étiole les plantes. Rendre quelqu'un pâle, chétif, par défaut d'air ou de lumière : L'air des villes étiole les enfants. ● étioler (synonymes) verbe transitif (variante dialectale de éteule) Rendre une plante grêle et la décolorer par défaut de...
Synonymes :
Rendre quelqu'un pâle, chétif, par défaut d'air ou de lumière
Synonymes :
- anémier
- débiliter
étioler
v. tr.
d1./d Provoquer l'étiolement de. étioler une plante.
|| v. Pron. Des jeunes pousses qui s'étiolent.
d2./d Par ext. Affaiblir, rendre pâle et malingre (une personne).
|| v. Pron. Cet enfant s'étiole.
— Fig. L'esprit s'étiole à ces occupations vaines.
⇒ÉTIOLER, verbe trans.
A.— HORTIC. [Le compl. d'obj. dir. désigne certains légumes : endive, céleri, etc.] Décolorer, rendre grêle et moins amer par culture à l'abri de l'air, de la lumière. La lumière plus ou moins faible nourrit ou étiole les portions vertes des plantes (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 220).
— Emploi pronom. passif. Se décolorer, devenir grêle et moins amer en poussant à l'abri de l'air, de la lumière :
• ... les plantes privées d'air et de lumière, telles que celles qui végètent dans les souterrains, s'étiolent, c'est-à-dire blanchissent. Tels sont les cardons et les chicorées que l'on conserve l'hiver dans des caves, et les laitues romaines, dont l'été on lie les feuilles pour les attendrir. Tous ces végétaux artificiels, privés d'air et des rayons du soleil, ont peu de substance et de vertu. Il en est de même de l'herbe qui croît à l'ombre des arbres; elle y devient longue et molle...
BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 144.
— P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Altérer le teint et la santé, faire pâlir et languir par manque d'air pur et de soleil. Une robe de satin noir qui contribuait à la rendre plus pâle, à faire d'elle la Parisienne blême, ardente, étiolée par le manque d'air, l'atmosphère des foules (PROUST, Prisonn., 1922, p. 102).
♦ Emploi pronom. passif. S'anémier, se débiliter par manque d'air pur et de soleil. Ce qu'il leur faudrait, c'est le grand air, les jeux au soleil; on s'étiole dans ces pièces trop étroites (...) mes enfants ne sont pas joyeux (GIDE, Paludes, 1895, p. 101). V. basaner ex. 4.
— P. métaph., emploi pronom. passif. [Le suj. désigne une pers. envisagée dans sa vie morale, intellectuelle ou une chose abstr.] Péricliter par manque de contact avec le réel, etc. Combien de jeunes talents confinés dans une mansarde s'étiolent et périssent faute d'un ami (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 12). Les principes s'étiolent et pâlissent dans votre cave constitutionnelle (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 799). Des œuvres qui, n'ayant aucune possibilité de s'épanouir à l'air, s'étiolaient, devenaient chimériques, irréelles (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p. 996).
B.— P. ext. [Le compl. d'obj. dir. désigne des plantes quelconques] Priver de vitalité en supprimant les conditions favorables à un épanouissement normal (notamment l'humidité, la fertilité du sol). Qu'est-ce qu'un jardin centenaire où pas un marronnier n'a plus de vingt ans, sinon un étouffoir bon, tout juste, à étioler des plantes dépaysées? (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 25).
— Emploi pronom. passif. Perdre sa vitalité, se faner. Les chênes dont les chétifs s'étiolent au vent de la mer et dont les robustes n'en poussent que mieux (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 286). Ne laissant pas « inutilement » s'étioler, sur les sépultures fraîches, tous ces splendides bouquets (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 231). L'aptitude pour ainsi dire à filtrer le suc d'un terroir, à l'assimiler, n'est point égale dans toutes les plantes. Là où celle-ci prospère, celle-là s'étiole (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 34).
— P. anal., emploi pronom. passif. [Le suj. désigne un être vivant] Dépérir. La faune voit s'épanouir le groupe des mammifères. Les marsupiaux, florissants au début du Tertiaire, vont s'étioler pour se cantonner finalement, de nos jours, en Australie (COMBALUZIER, Introd. géol., 1961, p. 156).
— P. métaph., emploi pronom. passif. [Le suj. désigne une pers. envisagée dans sa vie morale, intellectuelle ou une chose abstr.] Perdre de sa vigueur, s'affaiblir par manque d'éléments stimulants, vivifiants. Les illusions qui ont pu les séduire, tombent peu à peu d'elles-mêmes, imperceptible semence d'amour-propre qui s'étiole faute d'aliment (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 620). Accueille (...) l'inondation, de la sève humaine. Reçois-la, cette sève, — car, sans son baptême, tu t'étioleras sans désir, comme une fleur sans eau (TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 202). Les mauvais désirs et les mauvaises pensées, quand il y en a, viennent du dehors; à peine en moi, elles languissent et s'étiolent : je suis un mauvais terrain pour le mal (SARTRE, Mots, 1964, p. 19).
C.— Au fig.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. envisagée dans sa vie morale, intellectuelle] Atténuer la personnalité, le caractère, les ressources morales ou intellectuelles. Il m'a tout l'air de ces gens qui s'attachent aux privilégiés avec l'office de penser pour eux (...). Ce fut jadis le rôle de Cicéron auprès des patriciens de Rome, étiolés et amoindris par un siècle d'aristocratie heureuse (STENDHAL, L. Leuwen, t. 1, 1836, p. 184). Le poëte las que la vie étiole (MALLARMÉ, Poésies, 1898, p. 34).
— Emploi pronom. passif. Perdre sa personnalité, son caractère, ses ressources morales, intellectuelles. Un jésuite qui, rencontrant une âme douée de quelque vitalité, la laisserait s'étioler ou s'annihiler dans une quiétude stérile, aurait manqué à son devoir (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 301). Celui qui a simplifié et appauvri sa propre vie se ferme à toute compréhension véritable (...), il y a une étroite interdépendance entre toutes les couches de l'être : quiconque laisse s'étioler l'une ou l'autre est malade dans sa personne entière (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 83). J'en avais assez d'être un pur esprit (...) je devinais que la violence de la chair, sa crudité, m'auraient sauvée de cette fadeur éthérée où je m'étiolais (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 308).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose abstr.] Diminuer la force, l'intensité de. Trop d'aristocratie énerve l'art, étiole le génie (BARB. D'AUREV., 3e Memor., 1856, p. 54). En apprenant les sciences trop vite, on fatigue donc des facultés de l'esprit qui ne sont point encore développées; si on veut exercer ces facultés par un exercice trop précoce, on les fatigue et on les étiole (C. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p. 217).
— Emploi pronom. passif. Perdre sa force, son intensité. Le bel art du Chant s'étiole et tend à disparaître (SAINT-SAËNS, Portr. et souv., 1909, p. 328). C'est l'ardeur des convictions qu'il [l'homme qui veut répandre sa foi] suscite qui vient réconforter la sienne. Elle s'étiolerait vite si elle restait seule (DURKHEIM, Formes élem., vie relig., 1912, p. 609). Les théories toutes pures s'alanguissent et s'étiolent (VALÉRY, Tel quel I, 1941, p. 96).
Rem. La docum. atteste a) Étiolant, ante en emploi adj. Qui étiole; en partic. qui fait perdre la vitalité. Si les influences étiolantes et modératrices venaient à cesser, la prolifération des infusoires atteignant son maximum (PROUST, Temps retr., 1922, p. 772). b) Étioline, subst. fém. Pigment jaunâtre des plantes étiolées qui croissent à l'abri de l'air et de la lumière. La « xanthophylle » ou étioline est un composé voisin du carotène (...), jaune, conférant leur couleur blanc jaunâtre aux feuilles étiolées, développées à l'obscurité (CAMEFORT, GAMA, Sc. nat., 1960, p. 332). Attesté aussi ds GUÉRIN 1892, Nouv. Lar. ill.-Lar. 20e s.v. étiolement et BAILLON t. 2 1886, GATIN 1924.
Prononc. et Orth. :[], (il s')étiole []. Enq. : /etjol/ (il s')étiole. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1. 1690 pronom., hortic. (J. DE LA QUINTINIE, Instruction pour les jardins fruitiers et potagers ds Trév. 1704); 2. 1805 trans. « rendre (quelqu'un) chétif, pâle » (CUVIER, Anat. comp., t. 5, p. 549). Prob. dér. d'une var. dial. de éteule (bourg. étieuble, champ. équiole, FEW t. 12, p. 271b); dés. -er. Fréq. abs. littér. :79.
étioler [etjɔle] v. tr.
ÉTYM. 1690, v. pron.; d'une var. de éteule; cf. étieuble, équiole en Champagne.
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1 (1762). Hortic. Rendre (une plante) grêle et décolorée, par manque d'air, de lumière. ⇒ Débiliter, rabougrir. || L'obscurité étiole les plantes. — Pron. || Plante qui s'étiole. ⇒ Dépérir, faner (se). — P. p. adj. || Arbuste étiolé.
1 Quelques pauvres fleurs étiolées penchaient languissamment la tête comme des jeunes filles poitrinaires, attendant qu'un rayon de soleil vînt sécher leurs feuilles à moitié pourries.
Th. Gautier, Omphale, p. 232.
♦ Spécialt, agric. Faire pousser certains légumes à l'abri de l'air afin que leurs organes restent blancs. || Étioler des chicorées, du pissenlit, du céleri. — Pron. || Lier les feuilles d'une laitue pour que le cœur s'étiole (→ Étiolage).
2 (1805). Rendre (qqn) chétif, pâle. ⇒ Affaiblir, anémier, débiliter. || Le manque de grand air, d'exercice étiole les enfants. — Pron. || S'étioler. || Ce malade s'étiole. ⇒ Dépérir, languir.
2 Un enfant languit sans air comme la plante qui en est privée (…) il pâlit et s'étiole comme elle dans une chambre fermée.
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, XI.
3 Craignant que Gertrude ne s'étiolât à demeurer auprès du feu sans cesse, comme une vieille, j'avais commencé de la faire sortir.
Gide, la Symphonie pastorale, p. 44.
3 (1830). Abstrait. Affaiblir, atrophier. ⇒ Appauvrir, asphyxier, détruire, ruiner. || Cette vie oisive l'étiole peu à peu. — Au participe passé :
4 (…) je semblais atroce à ces petites âmes étiolées par la politesse de Paris.
Stendhal, Souvenirs d'égotisme, p. 50.
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s'étioler v. pron.
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5 (…) les portions de son caractère qui ne peuvent se développer s'étiolent, et les autres s'épanouissent d'autant plus.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 43.
6 Ayant besoin de joie comme les plantes de soleil, je m'étiolais dans cette tristesse.
France, le Petit Pierre, XX.
7 (…) car le bonheur appelle le bonheur et il y a des milieux tristes, contraints, où l'amour s'étiole assez vite.
A. Maurois, Un art de vivre, p. 54.
8 La mémoire est comme les muscles : elle se fortifie dans le travail et s'étiole dans la paresse.
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, V.
9 Lorsque les forces morales que tout homme recèle en lui, et qui font sa grandeur, ne sont ni éduquées ni cultivées, elles s'étiolent et ne se trouvent plus en mesure de gouverner comme il convient le corps, dont les besoins démesurément accrus nécessiteraient précisément ce « supplément d'âme (…) »
P. Vallery-Radot, Notre corps…, p. 138.
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étiolant, ante p. prés. adj.
♦ || Climat étiolant. || Oisiveté étiolante.
10 Les gens vont d'habitude à leurs plaisirs sans penser jamais que, si les influences étiolantes et modératrices venaient à cesser, la prolifération des infusoires atteignant son maximum, c'est-à-dire faisant en quelques jours un bond de plusieurs millions de lieues, passerait d'un millimètre cube à une masse un million de fois plus grande que le soleil, ayant en même temps détruit tout l'oxygène, toutes les substances dont nous vivons, et qu'il n'y aurait plus ni humanité, ni animaux, ni terre, ou sans songer qu'une irrémédiable et fort vraisemblable catastrophe pourra être déterminée dans l'éther par l'activité incessante et frénétique que cache l'apparente immutabilité du soleil : ils s'occupent de leurs affaires sans penser à ces deux mondes, l'un trop petit, l'autre trop grand pour qu'ils aperçoivent les menaces cosmiques qu'ils font planer autour de nous.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 772.
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étiolé, ée p. p. adj.
♦ Qui s'est étiolé ou qu'on a étiolé. || Arbuste étiolé (→ supra, cit. 1). — Fig. (→ supra 2., 3., cit. 4). || Un enfant étiolé. ⇒ Anémique; pâle. || Une intelligence étiolée.
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CONTR. Affermir, développer, épanouir, fortifier, relever, renforcer.
DÉR. Étiolement.
Encyclopédie Universelle. 2012.