éprendre (s') [ eprɑ̃dr ] v. pron. <conjug. : 58>
• 1080 v. tr.; de é- et prendre
1 ♦ Être saisi, entraîné (par un sentiment, une passion). « Je m'épris pour elle de l'inclination la plus tendre » (Marivaux). Chalier « s'était épris d'un grand amour pour la liberté » (Jaurès).
2 ♦ Devenir amoureux (de qqn). ⇒ s'amouracher, s'attacher, s'enamourer; s'enticher, se toquer. « la nature distinguée des femmes qui s'y sont prises, qui se sont éprises de lui » (Sainte-Beuve).
3 ♦ Littér. Commencer à aimer (qqch.). ⇒ s'enthousiasmer, se passionner. « Qu'il étudie les plus grands maîtres, qu'il s'éprenne davantage de la simplicité » (Diderot).
⊗ CONTR. Déprendre (se), 1. détacher (se); détester, haïr.
éprendre (s')
v. Pron. S'éprendre de.
d1./d Se passionner pour (qqch). S'éprendre d'un idéal.
d2./d Tomber amoureux de (qqn). Dans Le Misanthrope de Molière, Alceste s'éprend de Célimène.
d3./d Se mettre à aimer (qqch).
éprendre [epʀɑ̃dʀ] v. tr. [CONJUG. prendre.]
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; de é-, et prendre.
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I Vx.
1 (Le sujet désigne le feu). Se mettre à, commencer à brûler (qqch.). ⇒ Allumer, embraser. || Le feu éprit la maison (Hatzfeld). — Pron. :
1 Si quelquefois le feu s'éprend en ces corps (…)
2 Fig. (XIIe, au p. p.). Saisir, s'emparer de (le sujet désigne un sentiment, une passion). || Passion qui éprend le cœur, l'âme.
2 (…) l'amour qui pour lui m'éprit si follement M'avait fait bonne part de son aveuglement.
Corneille, Mélite, III, 5.
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II Mod.
1 (V. 1120). Littér. || S'éprendre de (un sentiment) pour (qqn, qqch.) : être saisi, entraîné par (un sentiment, une passion…) pour… || Il s'est épris d'une belle passion pour cette femme (Littré). || S'éprendre d'amour, de tendresse pour qqn. || S'éprendre d'une grande passion pour la science.
3 Ah ! lorsqu'elle m'a vu, si son âme surprise D'une ombre de pitié au moins s'était éprise (…)
Voltaire, les Scythes, III, 1.
4 Je m'épris pour elle de l'inclination la plus tendre.
Marivaux, la Vie de Marianne, VII.
5 Il (Chalier) s'était épris d'un grand amour pour la liberté, d'une grande pitié pour les pauvres (…)
Jaurès, Hist. socialiste…, VII, p. 71.
2 (1640). Plus cour. || S'éprendre de (qqn) : devenir, tomber amoureux de (qqn). ⇒ Amouracher (s'), attacher (s'), coiffer (se), embéguiner (s'), énamourer (s'), enticher (s'), toquer (se). || S'éprendre d'une femme (→ Affectivité, cit. 2). || Ils se sont épris l'un de l'autre. — Absolt. || Il s'est épris. — Son cœur s'est épris, son âme s'est éprise.
6 Je m'épris en Anjou d'une belle Marie Que j'aimai plus que moi, que mon cœur, que ma vie !
Ronsard, les Élégies, « Discours I », Pl., p. 17.
7 On a touché son âme, et son cœur s'est épris (…)
Corneille, Cinna, I, 2.
8 Ce qui suffirait pour donner la plus haute idée de la qualité du talent de M. de Chateaubriand, c'est en général la nature distinguée des femmes qui s'y sont prises, qui se sont éprises de lui pour son talent.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 29 avr. 1850, t. II, p. 64.
9 Quand on est Jeanne de Saint-Papoul, on ne risque pas de s'éprendre d'un pianiste, d'un valet de chambre, d'un docteur, d'un prêtre.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, VIII, p. 127.
3 S'éprendre de (qqch.) : commencer à aimer (qqch.). ⇒ Emballer (s'), passionner (se). || S'éprendre d'un pays, d'un paysage (→ Diaprer, cit. 5). || S'éprendre de son travail. || S'éprendre d'une idée, d'une théorie. ⇒ Entêter (s'), enticher (s'), enthousiasmer (s').
10 Qu'il étudie les plus grands maîtres, qu'il s'éprenne davantage de la simplicité.
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épris, ise p. p. adj.
1 (V. 1188). Vx ou littér. || Épris de (un sentiment) : animé, possédé par (un sentiment, une passion). || Amants (cit. 9) épris d'une grande passion, d'un amour, d'un désir mutuel.
11 Tu sais de quel courroux mon cœur alors épris Voulut en l'oubliant punir tous ses mépris.
Racine, Andromaque, I, 1.
2 (1690). || Épris de (qqch.) : pris de passion pour (qqch.). ⇒ Amoureux, avide, entiché, féru, passionné. || Être épris de justice, de perfection. || Il est épris de son métier, de son travail. || Âme éprise de gloire, de beauté, de jolies formes (→ Allègre, cit. 4; âme, cit. 72). || Être épris de musique, de peinture (⇒ Raffoler).
12 Cent fois plus épris de la fortune que les premiers (les libertins), ils (les hypocrites) en sont jaloux jusqu'à l'excès (…)
La Bruyère, les Caractères, XVI, 26.
13 Celui qui est épris de perfection n'a qu'une volonté — qui est de la joindre (…)
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », II, p. 33.
14 Épris de belle laine, comme d'autres de sa race aiment le beau bois, le beau cuir, il palpe avec amour une ratine souple.
A. Maurois, Bernard Quesnay, XXVIII, p. 191.
3 (Fin XIIe). || Épris de (qqn) : amoureux de (qqn). || Il est très épris de cette femme (→ Conter, cit. 11). || Ils sont follement épris l'un de l'autre. — Absolt. ⇒ Fou, pris, séduit; assoté (fam. et vx), chipé (vx).
♦ Cœur épris (→ Ardre, cit. 2), âme éprise (→ Ailleurs, cit. 5). || Le livre du cuer (cœur) d'amour espris (épris d'amour), roman du roi René (1457).
15 Voilà ce que peut dire un cœur vraiment épris.
Molière, le Misanthrope, I, 2.
16 (…) le seigneur Marcelli (…) était passionnément épris de vous; il allait jusqu'à promettre de vous offrir son nom si vous vouliez quitter le théâtre (…)
Nerval, les Filles du feu, « Corilla ».
17 Son mari et elle se croyaient d'abord fort épris l'un de l'autre, mais l'illusion dura peu : elle seule l'aimait, et encore d'un premier amour de pensionnaire.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 10 juin 1850, t. II, p. 190.
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Encyclopédie Universelle. 2012.