enhardir [ ɑ̃ardir ] v. tr. <conjug. : 2> ♦ Rendre hardi, plus hardi. ⇒ encourager. Enhardir qqn à faire qqch. « Obscurité douce, qui enhardit l'amour timide » (Laclos). « Enhardi par cette première démarche » (Romains). ⇒ stimuler. — S'ENHARDIR v. pron. Devenir plus hardi, prendre de l'assurance. « Il s'enhardit jusqu'à lui demander [...] » (Romains). ⊗ CONTR. Décourager, effrayer, intimider.
● enhardir verbe transitif (de hardi) Donner de la hardiesse à quelqu'un, de l'assurance, encourager : Ce succès l'a enhardi. ● enhardir (difficultés) verbe transitif (de hardi) Prononciation [̃ ;&ph85; ;ʀ&ph88; ;&ph93; ;ʀ], avec un hiatus entre en- et -a, comme entre an et a dans un an a passé. ● enhardir (synonymes) verbe transitif (de hardi) Donner de la hardiesse à quelqu'un, de l'assurance, encourager
Synonymes :
- réconforter
Contraires :
- abattre
- décourager
- lasser
- rebuter
enhardir
v. tr. Donner de la hardiesse à. Le succès l'a enhardi. Ant. intimider, décourager.
|| v. Pron. Prendre de la hardiesse, de l'assurance.
⇒ENHARDIR, verbe trans.
I.— Rendre hardi, plus hardi.
A.— [Le suj. désigne une chose] Rendre quelqu'un (plus) hardi.
1. [Dans une situation donnée] Donner de l'assurance, de la hardiesse à quelqu'un. Synon. encourager; anton. effrayer, intimider, lasser. Cette longanimité enhardit mon adversaire; sa colère s'accrut de mes dédains (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 212). La curiosité m'enhardissant peu à peu, je descendis jusqu'à la fenêtre du rez-de-chaussée (PROUST, Sodome, 1922, p. 602). Le champagne m'enhardissait (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 188).
♦ Enhardir (qqn) à + inf. Mais l'esprit d'urgence enhardit les cybernéticiens, lorsqu'ils ont besoin de connaissances théoriques non encore élaborées, à effectuer eux-mêmes un complément de recherche théorique (DAVID, Cybern., 1965, p. 69) :
• 1. Si un jour M. de Stermaria était sorti sans elle, surtout si Mme de Villeparisis en venant s'asseoir à notre table lui avait donné de nous une opinion qui m'eût enhardi à m'approcher d'elle, peut-être aurions-nous pu échanger quelques paroles, prendre un rendez-vous, nous lier davantage.
PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 689.
— Au passif. [Avec le compl. prép. en, par] — Djali, reprit la jeune fille enhardie par le succès croissant, comment prêche maître Jacques Charmolue, procureur du Roi en cour d'église? (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 77). Le jeune homme, enhardi par la sympathie qui l'entoure raconte, d'une voix pleine, un match de football que son équipe a gagné l'an dernier contre le club havrais (SARTRE, Nausée, 1938, p. 153). Enhardis par l'impunité, ils [les poissons] remplissent la coquille (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 121).
2. [De façon plus permanente] Donner de l'audace, de la hardiesse à quelqu'un. Dans cette crise, le rôle des hommes de pensée est d'enhardir les hommes de cœur (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 141). Ce premier succès enhardit Villemessant qui lança un journal du soir à dix centimes, L'Événement (COSTON, A.B.C. journ., 1952, p. 25) :
• 2. Comme, d'autre part, elle lisait beaucoup, et, dédaigneuse de mes conseils, choisissait de préférence les livres susceptibles de l'enhardir, elle ne craignait plus de me tenir tête.
GIDE, Robert, 1930, p. 1323.
— [L'obj. désigne une qualité hum.] Tout ce qui apaise ses rancunes et enhardit ses timidités (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 308). Elle colore toute sensation, (...), enhardit les tendances (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 230).
Rem. La docum. atteste l'emploi adj. du part. passé. Le Parlement enhardi rend un édit promulguant l'expulsion de Mazarin (BRASILLACH, op. cit., p. 264). Enhardi, il vint à Paris et y produisit quantité de petits ouvrages jugés ravissants (DUMESNIL, Hist. théâtre lyr., 1953, p. 103).
B.— Au fig., au passif. [En parlant d'une création littér.] Être rendu (plus) hardi, plus original. Après que j'aurai enseveli de premiers essais enhardis, en « la conque » (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 92). L'espoir (...) que ce qui passe pour défaut, timide, sera tenu pour qualité, enhardi (GIDE, Journal, 1921, p. 722).
II.— Emploi pronom. réfl.
A.— [En parlant d'une pers.]
1. [Dans une situation donnée] Devenir (plus) hardi, prendre de l'assurance, de la hardiesse. Synon. oser, permettre (se). Ayant de nouveau bu de l'eau-de-vie pour s'enhardir (L. BLANC, Organ. trav., 1845, p. 30). Les passagers plus âgés et plus craintifs se montrèrent, s'enhardirent et, finalement, se décidèrent à marcher d'un bout à l'autre des ponts pour faire un peu d'exercice (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 161) :
• 3. ... Forcheville répondit à ce propos maladroit de Saniette avec une telle grossièreté, se mettant à l'insulter, s'enhardissant, au fur et à mesure qu'il vociférait, de l'effroi, de la douleur, des supplications de l'autre, que le malheureux, après avoir demandé à Mme Verdurin s'il devait rester, et n'ayant pas reçu de réponse, s'était retiré en balbutiant, les larmes aux yeux...
PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 277.
— S'enhardir jusqu'à + inf. Et ayant appris un jour que la jeune fille devait aller prochainement à un bal de noces d'une de ses amies, il s'était enhardi jusqu'au point de promettre à Angèle un bouquet de violettes pour aller à ce bal (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 103). Quand ils virent que leurs supérieurs se livraient à un si fructueux négoce, les simples « Schütze » s'enhardirent jusqu'à vouloir les concurrencer (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 317).
♦ S'enhardir jusqu'à + subst. (rare). Durand s'enhardissant jusqu'à la critique (GONCOURT, Journal, 1863, p. 137). Combien de temps aurait-il fallu qu'il demeurât immobile pour qu'elles [les fourmis] s'enhardissent jusqu'au dépècement? (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 143).
— S'enhardir à + inf. Elle rôdait là depuis une heure, elle s'était enhardie à s'approcher, en entendant les rires (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1263). Il s'enhardit à solliciter une grâce du Roi (SAINT-EXUPÉRY, Pt Prince, 1943, p. 441) :
• 4. Mais lorsqu'elle s'enhardissait à fredonner, bouche close, le démon du chant qui s'emparait d'elle la laissait, le temps d'un éclair, tremblante, hébétée, dans une espèce de confusion inexplicable, ses petites mains froides gluantes de sueur, et le sang venant d'une poussée à sa tête, comme si elle se fût trouvée, nue, tout à coup, devant une foule railleuse.
BERNANOS, Nouvelle Histoire de Mouchette, 1937, p. 1292.
2. [De façon plus permanente] Devenir (plus) hardi, acquérir de l'audace, de la hardiesse. Georges d'Estourny, dont l'ambition s'était enhardie avec le succès (BALZAC, Splend., et mis., 1844, p. 182). Dans l'ordre peu à peu les têtes s'enhardissent (VALÉRY, Variété II, 1929, p. 58).
— S'enhardir à + subst. (rare) :
• 5. Forte de ses ordonnances du médecin et de l'obéissance de ses gens, stimulés par moi qui vis dans cette lutte un moyen de lui apprendre à exercer sa domination sur son mari, la comtesse s'enhardit à la résistance; elle sut opposer un front calme à la démence et aux cris; elle s'habitua, le prenant pour ce qu'il était, pour un enfant, à entendre ses épithètes injurieuses.
BALZAC, Le Lys dans la vallée, 1836, p. 218.
B.— Au fig. [En parlant d'une chose nouvelle] S'affirmer, s'imposer. L'idée d'un écrasement possible de l'Allemagne s'enhardit peu à peu (GIDE, Journal, 1914, p. 457). Cette originalité s'enhardit chez Adam Lindsay Gordon, le chantre des libres chevauchées à travers le « Bush » (La brousse) (Arts et litt., 1936, p. 4211). Une variété vivante et contrariée de timbres qui s'essaient, qui s'enhardissent, s'interrompent, se contredisent, et préparent, chacun selon sa nature, leur prochaine et miraculeuse unité (VALÉRY, Variété V, 1944, p. 120).
— Emploi pronom. réciproque. Il [l'esprit] produit mécaniquement des idées vives qui s'enhardissent l'une l'autre (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 44).
Rem. La docum. atteste enhardissement, subst. masc. Fait d'être enhardi, de s'enhardir. Ce mot n'est attesté ds la docum. que par un ex. au fig. (en parlant du style). Les quelques mots qu'elle me dit à la suite de sa lecture, m'éclairent à la fois sur la signification de ces pages et l'enhardissement que certains y pourraient trouver, — mais aussi, mais surtout, sur leur insuffisance (GIDE, Journal, 1916-19, p. 603).
Prononc. et Orth. :[], (j')enhardis []. Sans h aspiré ds les dict. mod. (cf. BARBEAU-RODHE 1930, DUB., Pt ROB., WARN. 1968 et Lar. Lang. fr.). Mais les dict. plus anc. insistent sur l'aspiration de h (cf. FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 2 1787, GATTEL 1841, BESCH. 1845, LITTRÉ et DG. Seuls LAND. 1834 et NOD. 1844 n'indiquent pas l'aspiration de h). Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Les éd. de 1798 à 1932 soulignant l'aspiration de h. Pour MART. Comment Prononce 1913, p. 248 h empêche surtout de faire la liaison dans des mots du type enhardir ou de fondre 2 voyelles subséquentes dans des mots du type ahuri, cohue, rehausser, etc., ou encore de maintenir la composition de la prép. en dans des mots du type enharmonie. Si cet h peut être aspiré quand il est d'orig. germ. (enhardir) il est toujours muet quand il est d'orig. lat. (enharmonie). Étymol. et Hist. 1155 trans. (WACE, Brut, 7786 ds KELLER, p. 114b); 1174-76 pronom. (G. DE PONT-SAINTE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 2956). Dér. de hardi; préf. en-; dés. -ir. Fréq. abs. littér. :479. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 695, b) 840; XXe s. : a) 825, b) 492.
enhardir [ɑ̃aʀdiʀ] v. tr.
ÉTYM. V. 1155; de en-, hardi, et suff. verbal.
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♦ Rendre hardi, plus hardi, donner de l'assurance à. ⇒ Encourager. (Sujet n. de personne). || Enhardir qqn à faire qqch.
1 Vous ne craignez donc plus de trouver des esprits ?
Et ce galant, la nuit, vous a donc enhardie ?
Molière, l'École des femmes, V, 4.
♦ (Sujet n. de chose). || Ses premiers succès l'avaient enhardi (→ Claire-voie, cit. 2).
2 Tu n'es qu'un conjuré paré d'un nom sublime,
Que l'impunité seule enhardissait au crime.
Voltaire, Brutus, V, 2.
3 (…) elle passa dans son appartement, et nous laissa tête à tête, ma Belle et moi, dans un salon mal éclairé; obscurité douce, qui enhardit l'amour timide.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XXIII.
♦ Fig. (Compl. n. de chose) :
4 (Un art) qui fait sentir aux gens de goût comment un écrivain supérieur sait à la fois enhardir et maîtriser une langue timide et minutieuse.
D'Alembert, Éloge de Bossuet, 7.
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s'enhardir v. pron.
♦ Devenir hardi, prendre de l'assurance. ⇒ Oser, permettre (se). || S'enhardir jusqu'à… (suivi d'un nom ou de l'inf.). || Je me suis enhardi à lui parler. — (Rare). || S'enhardir à qqch., à l'action.
5 Si je m'enhardis, en parlant, à me détourner tant soit peu de mon fil, je ne faux (manque) jamais de le perdre (…)
Montaigne, Essais, II, XVII.
6 (…) il s'enhardissait jusqu'à avancer son petit bec confiant, pour recevoir une cerise ou une fraise.
Loti, Figures et choses…, p. 19.
7 Il s'enhardit jusqu'à lui demander, sachant bien que sa question était dangereuse (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XX, p. 221.
♦ Récipr. (Rare). || S'enhardir l'un l'autre. — Fig. || Idées qui s'enhardissent (→ Dialogue, cit. 3).
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enhardi, ie p. p. adj.
— (Au p. p.). || Personnes enhardies par le succès, par l'approbation d'autrui. — Littér. || Un espoir enhardi par un début de résultat. — (Adj.). || Des timides un peu enhardis.
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CONTR. Décontenancer, décourager, effaroucher, effrayer, interloquer, interdire, intimider, saisir.
DÉR. Enhardissement.
Encyclopédie Universelle. 2012.