CAVALERIE
Le terme «cavalerie», issu du mot italien cavalliera , désigne les troupes dont les déplacements, les évolutions et le combat s’exécutent à cheval.
La mobilité, la vitesse et la souplesse des allures, qui permettent la variation rapide des attitudes, la rusticité, enfin, constituent les qualités essentielles d’une bonne cavalerie. Durant trois mille ans, la cavalerie représente l’arme de l’exploration lointaine, de la manœuvre stratégique profonde. Elle permet la surprise, l’exploitation à outrance, l’invasion et la conquête. Elle transforme l’histoire, car elle provoque, par-delà les espaces vides, des conflits entre peuples qui s’ignorent; elle exaspère leurs luttes par le dynamisme et la passion.
1. Les cavaleries antiques
Les sociétés anciennes chassent le cheval sauvage comme un gibier; il demeure longtemps inconnu ou négligé au Proche-Orient. Mais il est déjà domestiqué par les nomades mongols et tibétains; et les princes chinois l’utilisent vingt siècles avant notre ère. Depuis le Gobi, l’usage du cheval va s’infiltrer au fond des péninsules d’Asie et vers les plaines de l’Europe orientale. Cette pénétration sera marquée, du deuxième millénaire avant notre ère aux XIIIe et XIVe siècles, par de grandes invasions cavalières. Déferlant des steppes marginales du Pamir, ou depuis les bords du Kéroulen, exceptionnellement d’Arabie ou du Maghreb, elles sont déclenchées par des peuples de dompteurs de chevaux; ces sociétés errantes et primitives forment des armées tribales d’archers montés dont la simplicité met en défaut les civilisations plus évoluées qu’elles détruisent ou subjuguent.
Par réaction, les États sédentaires organiseront des cavaleries . L’ère commence des «grands empires mouvants». Plutôt que le cavalier à califourchon, c’est le char attelé, plate-forme roulante d’archers, qui prédomine chez les Hittites, les Hourrites et les Égyptiens. La charrerie , caste de métier, compte trente à trois cents véhicules pour mille fantassins. Ramsès II, devant Kadesh (Homs), se heurte à deux mille chars hittites.
Les grands empires mouvants
Les Assyriens mettent en selle une véritable cavalerie, libérée de la roue, montant des animaux racés et combattant à l’épée et à la lance comme à l’arc et au javelot. Le relais est pris par les fondateurs d’un nouvel «empire mouvant»: les Perses, dont les succès reposent sur une cavalerie d’archers qui atteint, avec Darius, une perfection inégalée. Durant la grande révolte de 522-521, un corps franchit, en douze jours, plus de cinq cents kilomètres, depuis Ecbatane jusqu’en Arménie, où les rebelles sont surpris en pleine concentration.
Mais, aventurée hors des steppes, dans les sites compartimentés de l’Hellade, la marée équestre de Xerxès (soixante mille chevaux, au dire de Platon) ne pourra, malgré le soutien d’une infanterie considérable mais hétérogène, entamer la solidité des hoplites.
Entraîné par Alexandre, le monde grec passe plus tard à la contre-offensive, de 334 à 323; la cavalerie lourde des «hétaires» bouscule la chevalerie perse. Chargeant par escadrons, au glaive et à la lance, la phalange équestre, composée au départ de cinq mille cavaliers seulement (pour trente mille hoplites), constitue l’arme de choc et d’exploitation. Elle atteindra l’Indus et le haut Nil. Les Séleucides, Antiochos III entre autres, conserveront longtemps les terres conquises, grâce à une cavalerie maintenue en haleine, et remontée par les fameux haras d’Apamée.
L’échec des Romains devant les cavaleries barbares
L’organisation rationnelle de la «légion» permet la conquête des pays méditerranéens et des forêts gauloises, bataves et bretonnes. Mais l’infanterie romaine ne parvient jamais à reconstituer, en Orient, l’empire macédonien. Elle ne peut réduire les Parthes qui pratiquent la stratégie du harcèlement: désastre de Crassus, en 53 avant J.-C., à Carrhes; échec d’Antoine l’année suivante; raids sans lendemains sur Ctésiphon, de 98 à 193; défaite de Nisibe en 200, d’Edesse où Valérien est pris par les Sassanides, en 300 après J.-C.; mort de Julien, en 369, sous les murs de Ctésiphon. Andrinople, en 378, sonne le glas de l’infanterie romaine face à la cavalerie barbare. Toutefois l’empire d’Orient se maintient.
2. Les cavaleries médiévales
La cavalerie de Byzance
Durant mille ans encore, Byzance oppose aux hordes d’archers montés une armée professionnelle peu nombreuse, articulée sur le principe ternaire, avec primauté à la cavalerie: le «méros» de trois mille chevaux est divisé en trois «moires» de trois «tagmas»; et les «buccelarii», mi-infanterie mi-cavalerie, de vingt mille hommes, en trois «turmas» de trois «moires» de dix «tagmas». Les «cataphractaires» manient l’arc, la lance et l’épée. L’étrier, innovation décisive, utilisé depuis longtemps par les Scythes, leur donne une assise qui permet la charge à fond et le choc. Les Vandales et les Perses sont surclassés. L’infanterie de Byzance est reléguée au rôle subalterne de garde des camps et communications.
La chevalerie d’Occident
Les royaumes francs et wisigoths, l’Empire carolingien adoptent le système de la cavalerie cuirassée; elle se recrute parmi les propriétaires fonciers qui s’équipent à leurs frais et sont dotés, eux aussi, de l’arc et de la lance. Mais l’impuissance carolingienne à dominer Normands, Sarrasins, Hongrois engendre une société armée, morcelée et complexe. C’est l’époque de la forteresse et de l’adoubement solennel. Excellents guerriers individuels, les chevaliers ne peuvent constituer une cavalerie homogène, mais des rassemblements temporaires de cohésion précaire.
Aux XIIe et XIIIe siècles, la chevalerie admet à ses côtés une «sergenterie» roturière, montée et armée plus légèrement. La cellule de l’organisation féodale sera la «lance garnie»: chevalier, écuyer, archer, page, «coutillier», valet, tous montés. Les «lances» se groupent en «bannières», elles-mêmes rassemblées en «batailles» de cinquante à cent chevaliers, davantage même, aux ordres d’un grand seigneur, et sous l’autorité suprême du suzerain. En dépit d’une bravoure et d’un entraînement individuel exceptionnels, les «chevaliers Teutoniques» et les Polonais du duc de Silésie sont écrasés par les Mongols, à Liegnitz en 1241, et les Hongrois, au pont de Mohi.
Les hordes mongoles
Car si les cavaleries tribales perses, arabes et turques ont été contenues, rien ne peut briser l’ouragan mongol. Gengis Khan et ses descendants submergent presque toute l’Asie et l’Europe orientale: dernière épopée du cheval de guerre issu du Gobi. L’errance sur de grands espaces, le climat rude, la chasse et la guerre entre clans ont donné aux Mongols les qualités du troupier né, à leurs chefs le sens inné de la tactique et de la stratégie. Disposant d’animaux rustiques, recrutés par «yourtes», clans et tribus, organisés en divisions de dix mille chevaux, régiments de mille, escadrons de cent, groupes de dix, les Mongols mènent la guerre comme une gigantesque battue. Ils progressent dispersés en surface, vivent de la chasse et du lait des juments qui poulinent en route, se renseignent au plus loin, surgissent à l’improviste, exploitent surprise et désarroi, manœuvrent de flanc ou de revers, harcèlent à l’arc, attaquent concentrés en masse et au sabre, mènent jusqu’à l’anéantissement une poursuite féroce. Leur cohésion, leur discipline, la fureur de leur élan, la terreur qu’ils inspirent, leur ubiquité les rendent irrésistibles. Mais l’Europe cloisonnée, boisée, agricole, hérissée de forteresses, les étonne, et la mort d’Ogoday les ramène au berceau de leur empire. Nouvelle et brève flambée, un siècle plus tard, Tamerlan, à la tête d’une cavalerie mongole islamisée, ravage l’Inde et l’Asie du Sud-Ouest.
3. De la chevalerie à la cavalerie
Les chevaleries européennes sont également tenues en échec par le système militaire turc (Nicopolis, 1396), par les «communiers» d’Occident, par les archers gallois. De plus, le canon, le «baston à feu», la longue pique retrouvée restaurent la puissance de choc et d’arrêt des gens de pied, effacent la suprématie des cavaliers bardés.
Gendarmerie, cavalerie légère, dragons
En France, Charles VII institue les «compagnies de gendarmes d’ordonnance»: quinze, de cent lances chacune. Il crée ainsi la première armée permanente soldée. À travers l’Europe, l’organisation de «gendarmeries» professionnelles donne naissance aux «cavaleries» modernes. Dans le même temps, l’Asie cavalière s’assoupira. Et déjà les Moscovites découplent leurs cosaques à contre-courant, jusqu’au Kamtchatka (1689).
Devant les armes à feu, la «cavalerie», à peine née, élargit son recrutement hors de la classe aristocratique, et se diversifie. Si la charge «en haie», à la lance, demeure la mission exclusive des nobles «gendarmes», après les guerres d’Italie où l’arquebuse a percé l’«armure de plates», une cavalerie semi-légère apparaît, armée du pétrinal et du pistolet; elle combat par le feu en formations ouvertes et profondes, chaque rang venant tirer «à brûle-pourpoint», et s’effaçant dans les intervalles par un «caracol». La recherche du choc, ainsi négligée au XVIe siècle, est remise en honneur par Cromwell et Gustave Adolphe, avec des unités peu nombreuses mais bien montées, très manégées, d’un moral élevé. Les régiments s’articulent en escadrons de plusieurs compagnies au cours de la guerre de Trente Ans. En 1635, Richelieu met sur pied cinquante régiments de deux escadrons à deux compagnies. Les compagnies comptent environ cent, puis soixante à soixante-dix «maîtres». Louis XIV dispose, en 1678, de sa «maison du roi», de la vieille «gendarmerie», qui, sous Henri IV, a délaissé la lance, et, après Rocroi (1643), l’armure de «pied en cap»; mais, surtout, de quatre-vingt-dix-neuf régiments de cavalerie ordinaire, dite «légère», des dragons enfin, créés par le maréchal de Brissac entre 1550 et 1560, portés à six régiments par Richelieu, puis à quatorze. Les dragons sont plutôt des fantassins et des pionniers montés, dotés d’outils, de fusils, et de baïonnettes dès le début du XVIIIe siècle.
Vers une spécialisation accrue: les hussards
L’élevage national produit de bonnes races autochtones, en particulier au Limousin, en Normandie; après la vogue, depuis le Moyen Âge, des chevaux syriens et espagnols, allemands, puis danois et frisons, Henri IV a créé les premiers haras royaux, que multiplie et aménage Colbert. Ainsi la cavalerie française, aguerrie, remontée par des élevages de qualité, se révèle-t-elle excellente en face de rivales de classe, anglaise et autrichienne. Mais ces cavaleries reflètent aussi les lourdeurs de leur temps; elles ne réalisent aucun exploit stratégique de grande allure, à part la manœuvre de Turenne en Alsace (déc. 1674-janv. 1675), de Marlborough depuis les Flandres jusqu’à Höchstädt, en 1704, ou de Villars à Denain, en 1712.
Au XVIIIe siècle, la cavalerie se spécialise. Mis à la mode par les Autrichiens, les hussards , armés du sabre courbe, entrent en lice. La guerre de Sept Ans multiplie les troupes légères. Frédéric II dispose d’une cavalerie d’élite, conduite avec science par Seydlitz et Ziethen (Rossbach et Leuthen, 1757), mais à qui le «vieux Fritz» ne confie pas de missions lointaines, car le moral et la fidélité ne sont pas au niveau d’une instruction minutieuse et d’une discipline toute formelle.
4. Cavaliers de la Révolution et de l’Empire: XIXe siècle
En France, à la veille de la Révolution, la cavalerie, comme toute l’armée royale, est moderne, instruite, très bien tenue. Elle compte, en 1786, trente et un régiments de cavalerie, dont un seul cuirassé, deux de carabiniers (l’élite), vingt-quatre de dragons, six de hussards, six de chasseurs, portés à douze, en 1788, par transformation de six régiments de dragons; mais la «gendarmerie», trop coûteuse, a été supprimée.
L’émigration, la suppression des haras, la prolifération de corps fantaisistes, le gâchis qui s’ensuit portent un coup fatal à la cavalerie française, dont manqueront cruellement les généraux de la République. À son retour d’Égypte, Bonaparte s’emploie à la réorganiser; en 1804, elle comprend (outre les trois régiments de la garde): une cavalerie légère (dix régiments de hussards, vingt-six de chasseurs), une cavalerie de ligne (trente régiments de dragons), une cavalerie lourde (douze régiments de cuirassiers, deux de carabiniers). S’y ajouteront ultérieurement des chevau-légers-lanciers et les cavaleries étrangères alliées. Malgré la restauration des haras en 1806, l’élevage français est vite épuisé; les chevaux de prise y suppléent tant bien que mal.
Mais Napoléon utilise cette arme à merveille. La cavalerie légère est, dans son ensemble, répartie par divisions ou brigades à travers les corps d’armée; ce qu’il en reste, et surtout la cavalerie de ligne et la «lourde» forment la «réserve de cavalerie», corps autonomes et divisions dotés d’artillerie à cheval. La cavalerie explore, découvre, renseigne, masque, dupe, protège, combat avec l’appui de l’artillerie, en liaison avec l’infanterie qu’elle précède ou soutient, fait brèche et poursuit à fond. Cependant, c’est dans la campagne d’Iéna que la cavalerie impériale assume le plus complètement ses missions stratégiques et tactiques. Du simple point de vue tactique, ses interventions dans la bataille sont le plus souvent sans appel, comme à Austerlitz, dans la grande charge de Murat à Eylau, ou au cours de la mêlée crépusculaire d’Eckmühl. En 1812, elle s’épuise contre l’insaisissable rideau des Cosaques, et, à Waterloo, les six mille chevaux lancés, sans appui d’artillerie ni soutien d’infanterie, ne peuvent écraser des «carrés» intacts. Déjà, la puissance du feu semble devoir éloigner définitivement du champ de bataille les actions massives à cheval et à l’arme blanche. Or, depuis le XVIIe siècle, le combat à pied a toujours été envisagé, car les cavaliers sont dotés de mousquetons ou de carabines. Mieux, en 1812, Napoléon leur donnera des baïonnettes, même aux «lourds»; c’est bien la marque tangible que le combat à pied est possible et souhaité, quand le feu interdit le combat à cheval.
Toutefois, le romantisme de la charge hante les cavaliers français; les étrangers partagent ces aspirations attardées, alors que l’obus explosif, la carabine rayée, le fusil à répétition, la mitrailleuse rendent de plus en plus hasardeuses et vulnérables les évolutions équestres; l’hécatombe de la brigade de cavalerie légère de lord Cardigan à Balaklava en est l’affirmation. Quelques tournois spectaculaires, cavalerie contre cavalerie, comme, en 1870, celui de Mars-la-Tour, effacent les sanglantes chevauchées des cuirassiers à Reichschoffen, de la brigade Bredow à Vionville, ou des chasseurs d’Afrique à Floing. Seuls, les Américains ont adapté aux conditions nouvelles du combat leurs escadrons qui pratiquent le tir à pied et à cheval, et chargent revolver plutôt que sabre au poing. Enfin Sherman, avec sa marche décisive à la mer, sur les arrières des confédérés, retrouve le style des grandes stratégies indirectes.
À l’inverse, en 1914, la cavalerie allemande et une grande partie de la cavalerie française entrent en campagne lance en arrêt. Les chefs de cavalerie ne sont pas braqués, cependant, sur le combat à cheval; telle instruction du colonel Lyautey aux officiers du 14e hussards a insisté sur les exercices à pied, l’infiltration à cheval débouchant sur la surprise par le feu. La cavalerie des Boers démontre l’efficacité de ce procédé. En revanche, les raids cosaques, en Mandchourie, restent vains.
5. La cavalerie au XXe siècle
Le premier conflit mondial ne donnera pas le coup de grâce à la cavalerie, qui dispose maintenant de mitrailleuses attelées, de batteries à cheval, de chasseurs cyclistes, d’autos-blindées. Les occasions ont toutefois manqué de succès stratégiques spectaculaires, même sur les fronts orientaux, où évoluent de grandes unités montées, russes, allemandes et autrichiennes. Sur le front occidental, la cavalerie française apparaît aussi ardente qu’aux premiers âges, dans les rencontres occasionnelles de pelotons ou d’escadrons. Mais les actions des «corps de cavalerie», dans les deux camps, ne sont pas déterminantes. La densité du feu, la permanence de la bataille handicapent aussi le nécessaire entretien des montures, en dépit de l’admirable allant de la troupe, dont témoignent, entre autres, le raid de 120 kilomètres effectué par la 5e division de cavalerie, sur les arrières de la 1re armée allemande, du 8 au 11 septembre 1914, ou bien la «course à la mer» après la bataille de la Marne. Les commandements adverses maintiennent des unités à cheval durant toute la guerre de position dans l’espoir de les découpler un jour à travers la brèche, en direction des grands arrières. Certaines tentatives prématurées se soldent par de graves échecs: français en Champagne, 1915; anglais à Cambrai, 1917. En revanche, le commandement allemand, en mai 1918, ne peut exploiter la rupture du Chemin des Dames, faute des divisions de cavalerie demeurées en Ukraine; leur intervention aurait sans doute alors été décisive, comme le seront celles du «corps monté» australien en Palestine, l’odyssée de la brigade Jouinot-Gambetta, qui déterminera dans les Balkans l’effondrement germano-bulgare, ou la poursuite menée par la cavalerie italienne à Vittorio Veneto.
La guerre 1939-1945 n’élimine pas non plus la cavalerie. Beaucoup mieux adaptées au combat à pied qu’en 1914, disposant d’animaux dont le cuir s’est «fait à la dure» pendant la «drôle de guerre», les unités françaises à cheval se battent avec brio en mai et juin 1940. Les Allemands, faute d’essence, gardent jusqu’à la fin des transports hippomobiles et des troupes montées, particulièrement en Russie. Quant à l’Armée rouge, elle a conservé une énorme cavalerie; elle en aurait poussé les effectifs au chiffre fabuleux de six cent mille; des corps autonomes de plusieurs divisions, articulées en trois régiments et appuyées par des mortiers, escadronnent dans les secteurs secondaires, interviennent au moment du dégel qui paralyse les véhicules à moteur; en 1944, quand s’est perdue la supériorité allemande en blindés et en avions, la cavalerie russe surgit en grandes masses, déborde sur les lointains arrières à travers forêts et marécages. Enfin, la victoire française du Garigliano (mai 1944) est due à l’exploitation en montagne des tabors et de la 4e division marocaine, avec leurs pelotons montés, leurs batteries et leurs trains de combat portés sur bât.
6. L’avenir de la cavalerie
Néanmoins, le rôle de la cavalerie devient trop épisodique, en Occident, pour justifier sa conservation. D’ailleurs, l’élevage est axé maintenant sur les courses et le sport; habitués au tracteur, les paysans ne savent plus soigner les chevaux; maréchaux-ferrants, bourreliers, selliers disparaissent...
En revanche, des marais du Pripet jusqu’en Mandchourie, des unités de cavalerie, montées sur animaux rustiques et dotées d’une grande puissance de feu, ravitaillées par héliportage ou parachutage, sont encore susceptibles d’assurer, à travers une nature difficile, des missions de surveillance, d’infiltration et d’occupation.
À moins d’une destruction totale, et bien improbable, de la civilisation mécanique, l’âge de la cavalerie, entrée dans l’histoire il y a quatre mille ans, touche à sa fin.
Animal noble, le cheval a transformé le monde en prêtant à l’homme sa vitesse; s’il a étendu la guerre, il a ensuite contribué à la «sublimer», quand l’Occident prend le relais des cavaliers d’Asie et ne conserve d’eux que la bravoure. La chevalerie transmet ses idéaux, «dans la foulée», à la cavalerie. Expression de l’âme impériale des peuples, arme brillante de l’initiative et de l’audace, après les patiences du dressage, du manège, du service en campagne, ses qualités se résument dans l’«esprit cavalier», qui subsiste après la relève du cheval par le moteur: «cavalerie blindée», «cavalerie légère blindée»... Aux États-Unis, la 1re division de cavalerie est héliportée...
cavalerie [ kavalri ] n. f.
• 1308; it. cavalleria, de cavallo « cheval »
1 ♦ Ensemble de troupes à cheval, d'unités de cavaliers. Division de cavalerie grecque. ⇒ hipparchie. Charge de cavalerie. Cavalerie légère (chasseurs, hussards, spahis). Grosse cavalerie (cuirassiers). Fig. C'est de la grosse cavalerie, du tout-venant (dans une vente, un inventaire). Trompette, sabre de cavalerie.
2 ♦ L'un des corps de l'armée comprenant, à l'origine, des troupes à cheval. La cavalerie moderne est motorisée. ⇒ blindé, 1. char. Division, brigade, régiment, escadron, peloton de cavalerie. Officier de cavalerie.
3 ♦ (1866) Ensemble de chevaux. ⇒ écurie. La cavalerie d'un cirque.
4 ♦ Loc. Vieilli (de monnaies à l'effigie de saint Georges à cheval) La cavalerie de Saint-Georges : l'argent anglais.
♢ (1935) Traites de cavalerie, de complaisance. Ce monde « de spécialistes de chèques de cavalerie » (Druon).
● cavalerie nom féminin (italien cavalleria) Ensemble des formations militaires combattant à cheval et intervenant dans la bataille par le mouvement et par le choc (charge). ● cavalerie (expressions) nom féminin (italien cavalleria) Cavalerie légère, celle qui était chargée plus particulièrement des mouvements rapides et des missions de reconnaissance (chevau-légers, hussards, chasseurs, spahis). Cavalerie de ligne, celle qui, tout en étant apte aux missions précédentes, était capable de prendre place dans la bataille en combattant à pied (dragons). Cavalerie lourde ou grosse cavalerie, celle qui agissait surtout par le choc et la charge (cuirassiers, carabiniers). Vieux. Cavalerie de saint Georges, l'argent anglais. (Saint Georges à cheval figure au revers des pièces d'or anglaises.) Familier. C'est de la grosse cavalerie, c'est du tout-venant, sans finesse. Effets ou papiers de cavalerie, lettres de change que deux commerçants tirent l'un sur l'autre sans qu'aucune opération commerciale intervienne et qui leur permettent de se procurer frauduleusement des fonds auprès de leur banquier par voie d'escompte. ● cavalerie (synonymes) nom féminin (italien cavalleria) Effets ou papiers de cavalerie
Synonymes :
- effets de complaisance
cavalerie
n. f.
d1./d Anc. Ensemble des troupes militaires à cheval. Charge de cavalerie.
|| Mod. Ensemble des troupes militaires motorisées.
d2./d Traite frauduleuse sans contrepartie de marchandise. Papiers de cavalerie.
⇒CAVALERIE, subst. fém.
I.— ART MILIT.
A.— Ensemble de troupes servant à cheval. Officier de cavalerie; régiment de cavalerie; grosse cavalerie; cavalerie de ligne, de réserve; charge de cavalerie. Toutes les cavaleries des deux grandes armées (A. FRANCE, La Vie littér., t. 2, 1888-92, p. 183) :
• 1. ... le Ministère des Affaires étrangères venait de lui faire connaître que nos reconnaissances de cavalerie, (...), pourraient également pénétrer en Belgique.
JOFFRE, Mémoires, t. 1, 1931, p. 238.
— Cavalerie légère. Cavalerie de mouvement, peu armée, chargée des opérations de reconnaissance, de débordement, etc. [En emploi de qualificatif] Au fig. Ensemble vif d'êtres ou de choses :
• 2. Mais les uns [les compositeurs classiques] et les autres [les compositeurs baroques], qu'ils appartiennent à l'infanterie de la plastique et à ses formations nettes et compactes, ou à la cavalerie ardente des mouvements de la vie, ils restent au service de cette stratégie supérieure qu'est la composition, ...
HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 223.
— Cavalerie lourde, grosse cavalerie. Cavalerie de charge, cuirassée, etc., lourdement armée. [En emploi de qualificatif] Au fig., péj. Chose qui manque de finesse. C'est de la (grosse) cavalerie :
• 3. ... l'on entend arriver du plus loin sa [Hugo] grosse cavalerie d'esprit, artillerie et train, et métaphores.
SAINTE-BEUVE, Mes poisons, 1869, p. XXX.
B.— P. ext.
1. Au sing. Un des corps de l'armée d'un pays. L'arme de la cavalerie; s'engager, servir dans la cavalerie; les chars de la cavalerie moderne. L'âge de la cavalerie, entrée dans l'histoire il y a quatre mille ans, touche à sa fin (Encyclop. univ. 1969).
2. [P. anal. de fonction] Cavalerie blindée. Corps des chars d'assaut.
3. Ensemble des chevaux d'une entreprise (de transport, de cirque, etc.). Certaines houillères possèdent une cavalerie de 200, et même 300 chevaux (J.-N. HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Cours d'exploitation des mines, 1905, p. 482).
II.— [P. anal. de fonction; p. réf. aux pièces d'or anglaises où Saint-George figure en cavalier] La cavalerie de Saint-Georges. L'or dépensé par la diplomatie anglaise pour acheter les adversaires de sa politique :
• 4. Le « chef du Foreign Office français » avait envoyé les tirailleurs de Marchand opérer au loin contre l'Angleterre : le chef du véritable Foreign Office répondait en envoyant la cavalerie de Saint-Georges manœuvrer dans nos villes contre le cabinet français et les soldats français.
MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 51.
III.— Arg. Opération fictive entre commerçants simulant une affaire pour se procurer de l'argent auprès d'une banque. [Les autres] complices (...) qu'Elam avait mis dans son bain avec des traites de cavalerie (A. SIMONIN, J. BAZIN, Voilà taxi! 1935, p. 168).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Début XIVe s. (Ystoire de li Normand [trad. faite en Italie de la chron. d'A. du Mont-Cassin] éd. V. de Bartholomaeis, 221-15 ds QUEM.). Empr. à l'ital. cavalleria (dér. avec suff. -eria de cavalliere, v. cavalier1; XIIIe s. Conti di antichi cavalieri ds BATT.); v. G. Gougenheim ds Mél. E. Hoepffner, p. 123. Fréq. abs. littér. :1 217. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 529, b) 1 889; XXe s. : a) 975, b) 2 271. Bbg. DUCH. 1967, § 9.6. — HERB. 1961, p. 64. — HOPE 1971, p. 179. — KOHLM. 1901, p. 38. — RUEG (G.L.). Lang. de l'automob., lang. noble. Vie Lang. 1966, pp. 336-337. — SAR. 1920, p. 31. — TOURNEMILLE (J.). Au jardin des loc. fr. Vie Lang. 1954, pp. 251-252. — TRACC. 1907, pp. 125-126. — WIND 1928, p. 126, 196.
cavalerie [kavalʀi] n. f.
ÉTYM. 1308; ital. cavalleria, de cavallo « cheval ».
❖
1 Ensemble de troupes servant à cheval, d'unités de cavaliers. || Division de cavalerie grecque. ⇒ Hipparchie. || Cavalerie romaine. || Cavalerie de l'Empire. || Combats de cavalerie. || Charge de cavalerie. || Reconnaissance, patrouille effectuée par la cavalerie. || Cavalerie légère (chasseurs, hussards, spahis). || Cavalerie de ligne (dragons). || Cavalerie lourde ou grosse cavalerie (cuirassiers). || Corps, unités de cavalerie. ⇒ Cavalier. || Cavalerie allemande, russe, française. || Sonnerie de cavalerie (⇒ Boute-selle). || Trompette de cavalerie. || Sabre de cavalerie. || Service fournissant la cavalerie en chevaux. ⇒ Remonte. || Fanion, guidon, cornette d'une unité de cavalerie.
1 La cavalerie de Darius était forte de trois cent mille chevaux.
♦ Par métaphore ou figuré :
2 Sous la cavalerie effroyable des vents (…)
Hugo, la Légende des siècles, L, « L'élégie des fléaux ».
3 D'un bout des dortoirs à l'autre, des escadrons de gros rats font des charges de cavalerie en plein jour.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, VIII.
♦ ☑ Fig. C'est de la grosse cavalerie : cela manque de finesse; c'est du tout-venant (dans une vente, un inventaire). ☑ Faire donner la grosse cavalerie : recourir à un procédé grossier. — Avec un compl. en de.
3.1 Chaque fois qu'un spectacle semble immotivé, le bon sens fait donner la grosse cavalerie du symbole.
R. Barthes, Mythologies, p. 88.
2 (1546). L'un des corps (⇒ Arme, II., 2.; armée, cit. 14) de l'armée, ne comprenant, à l'origine que des troupes à cheval, et aujourd'hui, des troupes mobiles, motorisées. ⇒ Blindé, char. || Division, brigade, régiment, escadron, peloton de cavalerie. || Motocyclettes, automitrailleuses, chars d'assaut, camions d'un régiment de cavalerie. || Officier de cavalerie. || Soldat de cavalerie. ⇒ Cavalier. || Être dans la cavalerie (→ argot Basane).
3 (1866). Anc. Ensemble de chevaux (d'une entreprise, lorsque la traction hippomobile n'avait pas encore été détrônée par l'automobile). ⇒ Écurie. || La cavalerie d'une compagnie d'omnibus, d'un déménageur. — Mod. || La cavalerie d'un cirque.
4 ☑ Vx. Fig. et fam. La cavalerie de saint George (ou saint Georges) : l'argent anglais (les pièces portaient l'image de saint George à cheval). — Spécialt. L'or dépensé par la diplomatie anglaise pour essayer d'infléchir la politique internationale.
4 La « cavalerie de Saint-George », ainsi que l'on dira, était prête.
Louis Madelin, l'Avènement de l'Empire, XII, L'Europe et le Nouvel Empire, p. 171.
5 ☑ (1935). Traites, papiers, effets, chèques de cavalerie, faits par complaisance ou pour couvrir frauduleusement une tractation. ⇒ Complaisance (infra cit. 10).
5 (…) ce monde invraisemblable de margoulins (…) de carambouilleurs (…) de requins, de naïfs, de spécialistes du chèque de cavalerie, de pirates (…)
M. Druon, Rendez-vous aux enfers, p. 299.
♦ ☑ Comm. Effet de cavalerie : effet de commerce sur un prête-nom, une société fictive, etc., et permettant d'obtenir de l'escompte auprès d'une banque.
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CONTR. Infanterie, piétaille.
Encyclopédie Universelle. 2012.