carrer [ kare ] v. tr. <conjug. : 1> I ♦ Rendre carré.
1 ♦ Techn. Donner une forme carrée à. Carrer une pierre, un bloc de marbre, les tailler à angles droits.
2 ♦ Math. Trouver le carré équivalant à (une surface). Chercher à carrer un cercle (cf. La quadrature du cercle). — (1765; quarrer, 1549) Arithm., alg. Former le carré de (un nombre).
II ♦ SE CARRER V. pron. réfl. (1606; d'apr. carrure)
1 ♦ Vx Prendre une attitude d'importance et de satisfaction.
2 ♦ (XIXe) Se carrer dans un fauteuil, dans sa voiture, s'y installer confortablement; s'y mettre à l'aise. ⇒ 2. se caler, 1. s'étaler. — Fig. « À l'aise dans son vieux fauteuil, il se carrait dans ses espérances » (Balzac).
carrer
v.
d1./d v. tr. TECH Donner une forme carrée à. Carrer une poutre, une pierre.
d2./d v. Pron. S'installer confortablement, en prenant ses aises. Se carrer sur son siège.
⇒CARRER, verbe trans.
I.— Emploi (surtout) trans.
A.— 1. ARITHM. [P. réf. au calcul de la surface d'un carré] Élever un nombre au carré, le multiplier par lui-même.
— Au fig. Rendre plus intense. L'opium absorbe toutes les forces humaines, (...) il les prend, les carre ou les cube (BALZAC, Œuvres diverses, t. 2, 1850, p. 576).
— [Au jeu de la bouillotte] Se carrer. S'assurer la priorité sur un adversaire en doublant sa mise.
2. GÉOM., vx. Convertir une surface en un carré équivalent. On pourrait faire usage du calcul des probabilités, pour rectifier les courbes ou carrer leurs surfaces (P. LAPLACE, Théorie analytique des probabilités, 1812, p. 359).
B.— Rendre carré, donner une forme carrée (à quelque chose). Carrer un bloc de marbre (Ac. 1798-1932) :
• 1. ... elle [la princesse] nous raconte la création successive de cette propriété, les 18 arpents primitifs devenus 82 arpents, l'acquisition de Catinat, les 9 arpents à conquérir pour la carrer.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1866, p. 292.
— Spécialement
1. HIST. MILIT., vx. Former (un bataillon, une troupe) en carré.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. du XIXe s. ainsi que ds ROB.
2. Carrer les épaules, le buste :
• 2. ... il carrait les épaules, redressait et dilatait le buste, (...); il s'imaginait toujours que sa structure physique avait la même apparence de vigueur que l'expression voulue de ses traits.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Belle saison, 1923, p. 969.
II.— Au fig.
A.— Usuel. Se carrer.
1. Développer toute sa carrure physique, et/ou se donner toute son importance morale :
• 3. ... elle [Brulette] mettait Charlot sur les genoux du grand-père, et me faisait danser avec elle, en chantant, riant et se carrant comme si toute la paroissée eût été encore là pour la regarder...
G. SAND, Les Maîtres sonneurs, 1853, p. 240.
• 4. Il y avait encore Barrada, le canonnier, (...). Et puis le Hello, Barazère, six autres du grand mât et quatre du beaupré, — tous se carrant, avec des airs superbes, dans des robes asiatiques.
LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 122.
— P. anal. S'étaler largement. Un potager de briques se carrait devant la fenêtre (POURRAT, Gaspard des Montagnes, À la belle bergère, 1925, p. 176).
2. S'installer dans toute sa largeur, s'enfoncer confortablement dans un large siège. Se carrer dans un fauteuil. Il [le dominicain] ne se carrait pas dans les fauteuils; il s'y posait droit (DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 168).
— P. métaph. :
• 5. ... il [Andoche] semble se carrer, s'installer dans son bavardage, sans grand souci des auditeurs et comme s'il ne cherchait, (...) qu'à satisfaire une volupté personnelle.
R. MARTIN DU GARD, La Gonfle, 1928, I, 1, p. 1172.
— Emploi trans. [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps] Planter confortablement. Il [Matelot] avait carré ses coudes d'aplomb sur la table (GIONO, Le Chant du monde, 1934, p. 244).
B.— Emplois arg. ou fam.
1. Emploi trans. Placer, enfoncer solidement. Les deux frangins lui carrèrent leurs rapières dans le bidonnard (L. STOLLÉ, Contes, Barbe-bleue, 1947, p. 2).
— En partic.
a) Mettre de l'argent de côté, économiser. Carre donc pour ne pas tomber dans le lac (HOGIER-GRISON, Les Hommes de proie, Le Monde où l'on vole, 1887, p. 302).
b) Cacher, dissimuler. Les viocs y ont carré des ronds (MARCUS, 15 fables célèbres, 1947, p. 6).
— Emploi pronom. On s'carre à l'abri (BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 140).
c) Voler à la carre (infra carre dér. 2), par escamotage :
• 6. Ils vont un ou deux pour changer de l'argent contre de l'or ou de l'or pour de l'argent, et pendant le change ils carrent quelques pièces.
J.-J. CLÉMENS, Écrits composés au bagne de Rochefort, t. 1, 1876, p. 410.
2. Emploi pronom. Se carrer, se carrer à toutes pompes. Se mettre à l'abri en s'enfuyant. Il a fallu qu'on se carre en trombe (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 530).
— Au fig. Se carrer de qqc ou de qqn. Éviter quelque chose ou quelqu'un, s'en méfier. Mais carre-toi du Pass'Lacet / Y t'accroch'rait à son bidet (HOGIER-GRISON, Les Hommes de proie, Le Monde où l'on flibuste, 1887, p. 326).
Prononc. et Orth. :[] ou [-], (je) carre [ka()]. [a] ant. ds DUB. et Lar. Lang. fr., cf. aussi NOD. 1844 et LITTRÉ; [] post. ds WARN. 1968, cf. aussi FÉR. Crit. t. 1 1787 (qui recommande de prononcer r forte), LAND. 1834, GATTEL 1841 (r forte également), FÉL. 1851 et DG; [a] ou [] ds PASSY 1914 et Pt ROB. Ac. 1694-1740 : quarrer; Ac. 1762-1878 : carrer mais consacrent encore une vedette de renvoi à quarrer. Pour le terme d'arg. : s'écrit avec 1 ou 2 r. Pour la graph. avec 2 r cf. supra. Pour la graph. avec 1 seul r cf. F. VIDOCQ, Les Voleurs, 1836, p. 56; BRUANT 1901, p. 291, 331; cf. encore L. LARCHEY, Dict. hist. d'arg., 2e Suppl., 1883, p. 29 qui, s.v. carer, renvoie à carrer. Étymol. et Hist. 1. 1180-1200 « donner une section carrée » (Aliscans, éd. Guessard et A. de Montaiglon, 102 ds T.-L.); 1504 carrer (J. BOUCHET, Regnars traversans, f° 41a ds GDF. Compl.); 2. 1549 math. (J. PELETIER, L'Aritmetique, f° 54 r° ds QUEM. Fichier); cf. aussi 1765 (Encyclop. t. 13, s.v. quarrer); 3. a) 1606 se quarer « prendre une attitude d'importance et de satisfaction » (NICOT); b) 1831 se carrer dans qqc. « s'installer confortablement dans quelque chose » ici fig. (BALZAC, Maître Cornélius, p. 236 : Le grand-prévôt qui se promenait de long en large dans la cour, vint à pas lents, comme un chien qui se carre dans sa fidélité); cf. 1833 se carrer dans un fauteuil (MÉRIMÉE, Mosaïque, p. 119); c) 1803 jeux (WAILLY Vocab. : Carrer (se) ... au jeu de bouillotte, ouvrir le jeu avant d'avoir vu ses cartes, en mettant devant soi un enjeu qui excède la mise générale); 4. a) 1835 arg. « cacher » (Raspail ds Le Réformateur ds ESN. : [Une fille :] J'ai carré dans mon faux-derrière); 1844 se carrer « se cacher » (Dict. de l'arg. mod., p. 26); b) 1866 se carrer « se sauver » (A. DELVAU, Dict. de la lang. verte, p. 63 : Se carrer de la débine, se tirer de la misère). Du lat. quadrare au sens 1 (Col. ds GAFFIOT); à rapprocher de 3 : carre étymol. 3 « carrure »; 4 est prob. dér. de carre étymol. 1 « cachette », issu du sens de « coin », lui-même déverbal de carrer au sens 1. Fréq. abs. littér. :78.
DÉR. 1. Carrement, subst. masc. [Correspond à carrer II A] Région. Mouvement qui ramène deux couples face à face en dansant la bourrée. Il [l'étranger] ne dansait pas de la même manière que nous autres encore qu'il s'accordât très-bien à nos carrements et à notre mesure (G. SAND, Les Maîtres sonneurs, 1853, p. 92). Rem. GUÉRIN 1892 enregistre un subst. région. de sens voisin : ,,pause en musique``. — 1re attest. 1853 supra; de (se) carrer au sens dial. (Centre, JAUB. et G. SAND, La Petite Fadette, p. 125) de « (dans la bourrée) changer de place avec sa danseuse », suff. -ement (-ment1). 2. Carre, care, subst. fém. [Correspond à carrer II B] Arg. Cachette. Pour les diams, Paulo avait trouvé une carre increvable (A. SIMONIN, Le Pt Simonin ill., 1957, p. 73). P. ext. Vol à la carre,p. ell. carre (vx). Vol par escamotage dans les magasins. Les Romanichels (...) ont exercé avec beaucoup d'habileté le vol à la carre (F. VIDOCQ, Les Voleurs, 1836, p. 68). — Ds Ac. 1835 et 1878, s.v. carre mais avec également un renvoi à quarre. Ds Ac. 1932 s.v. carre uniquement. Le terme d'arg. s'écrit aussi bien avec 1 ou 2 r (cf. NOUGUIER, Notes manuscrites interfoliées au Dict. de Delesalle, 1900, p. 58 et BRUANT 1901 qui admettent les 2 graph.). — 1re attest. 1835 (RASPAIL, Le Réformateur ds ESN.); déverbal de carrer.
BBG. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 93, 124, 253, 338. — GUIRAUD (P.). Le Jargon de la Coquille. Cah. Lexicol. 1967, t. 11, n° 2, p. 47 (s.v. carre). — QUEM. 2e s. t. 4 1972, p. 46. — RIGAUD (A.). La Vraie cour des Miracles. Vie Lang. 1969, p. 21 (s.v. cachette). — SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 157, 188.
carrer [kaʀe] v. tr.
ÉTYM. V. 1180; du lat. quadrare « rendre carré ». → Cadrer.
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1 Donner une figure, une forme carrée à (qqch.). — Techn. || Carrer une pierre, un bloc de marbre, les tailler à angles droits.
♦ Vx. || Carrer une troupe, la disposer en carré.
♦ Carrer les épaules (→ Buste, cit. 3). → ci-dessous, Se carrer.
2 Fig. Caractériser nettement. || Carrer des phrases (→ Monologue, cit. 2).
1 Tel est bien le trait qui le carre solidement, un robuste aplomb.
A. Thibaudet, Gustave Flaubert, p. 111.
3 Math., géom. Trouver le carré équivalent à (une surface déterminée par des lignes courbes). || Chercher à carrer un cercle, la quadrature du cercle.
4 (1765; quarrer, 1549). Arithm., alg. Former le carré de (un nombre); multiplier un nombre par lui-même.
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II (1835; de carre « cachette », lui-même emploi spécialisé de carre « angle, coin »). Argot. Cacher, dissimuler.
1.1 Tous ces poilus-là, ça n'emporte pas son couvert et son quart, pour manger sur le pouce. I's préfèr't mieux aller s'installer chez une mouquère de l'endroit (…) et la rombière leur carre dans son buffet leur vaisselle, leurs boîtes de conserves et tout leur bordel pour le bec.
H. Barbusse, le Feu, t. I, p. 49 (1917).
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se carrer v. pron.
ÉTYM. (1606; d'après carrure).
1 Vx. Développer toute sa carrure pour se mettre à l'aise ou prendre une attitude d'importance et de satisfaction. — (XIXe). || Se carrer dans un fauteuil, dans sa voiture, s'y installer confortablement; s'y mettre à l'aise. ⇒ Étaler (s'), prélasser (se).
2 Dans ce penser il (un baudet) se carrait,
Recevant comme siens l'encens et les cantiques.
La Fontaine, Fables, V, 14.
3 C'est vrai qu'elle danse bien, mais la voilà qui fait la belle fille et qui se carre comme une agasse.
G. Sand, la Petite Fadette, XVI, p. 113.
3.1 Le représentant en vins se carrait dans un coin en agitant un journal comme un drapeau (…)
R. Queneau, le Chiendent, p. 44.
♦ Figuré :
4 À l'aise dans son vieux fauteuil, il se carrait dans ses espérances.
Balzac, le Cabinet des antiques, Pl., t. IV, p. 395.
2 Vx. Au jeu de bouillotte, Doubler sa mise.
3 (1866). Argot, vieilli. Se mettre à l'abri en s'enfuyant; fuir, filer. || « Se carrer à toutes pompes » (Esnault). — REM. On trouve chez Céline l'emploi intransitif :
5 — Foutez-moi le camp ! Foutez-moi le camp tous !
Ils reculaient, grognant, râlant… ces crocs !… s'ils regrettaient !
— Allez ! Allez ! Carrez ! Carrez !
Céline, Féerie pour une autre fois, p. 242 (1952).
♦ Au fig. || Se carrer de (qqch. ou qqn) : se méfier de (qqch. ou qqn).
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DÉR. Carre, carrure.
COMP. Contrecarrer.
HOM. 1. Carré, 2. carré, carrée.
Encyclopédie Universelle. 2012.