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BOURGEONS
BOURGEONS

Les bourgeons sont des organes situés au sommet de la tige (bourgeon apical ou terminal) ou à l’aisselle des feuilles (bourgeons axillaires). Les bourgeons axillaires proviennent directement ou indirectement de l’activité d’un bourgeon apical. Enfin, des bourgeons adventifs apparaissent sur des tiges, sur des rhizomes ou même des feuilles, d’une façon naturelle ou à la suite de blessures; ils n’ont pas de rapports avec le bourgeon apical.

Beaucoup de plantes possèdent deux types de bourgeons. Les uns, plutôt étroits et pointus, renferment des ébauches de feuilles; en s’ouvrant (débourrage), ils engendrent un rameau: ce sont les bourgeons à bois. D’autres, plus courts et plus larges, renferment des ébauches de fleurs: ce sont les bourgeons floraux.

Les bourgeons axillaires ne croissent généralement pas dès leur formation. Chez une plante herbacée, ils ne s’allongent qu’après décapitation ou floraison du bourgeon terminal; chez d’autres espèces, leur croissance se fait tardivement lorsqu’ils sont suffisamment éloignés de ce bourgeon terminal. Dans quelques cas, on observe une ramification importante et généralisée.

Ainsi, le bourgeon terminal apparaît responsable de l’inhibition de croissance des bourgeons axillaires. Ce processus est appelé dominance apicale ou encore inhibition par corrélation de croissance .

1. Caractères anatomiques et biologiques

Structure des bourgeons

Tout bourgeon est essentiellement constitué par des ébauches de feuilles assemblées. L’absence d’ébauches florales caractérise le bourgeon végétatif autour d’un minuscule mamelon nommé point végétatif . Celui-ci est relativement vulnérable aux chocs ou à la dessication, car il est composé de tissu de caractère méristématique, c’est-à-dire de cellules jeunes, non différenciées, capables de multiplication rapide.

Dans de nombreuses espèces d’arbres, d’arbrisseaux, de plantes ligneuses, les bourgeons résistent aux gelées hivernales, même très prononcées. La température du point végétatif suit de très près les variations de température externe, car la protection thermique que réalisent les enveloppes du méristème est minime: le bourgeon passera donc l’hiver en vie ralentie.

Beaucoup de bourgeons sont en fait protégés par une série d’écailles imbriquées, assez dures, imperméables à l’eau, souvent colorées et revêtues d’un enduit cireux. Ces écailles recouvrent d’autres écailles plus minces pourvues de poils (bourre de marronniers), qui disparaissent quand le bourgeon s’ouvre. Au-dessous, on trouve les ébauches de feuilles qui, au cours de leur édification, se plissent et se superposent d’une façon caractéristique appelée préfoliation.

Quand les bourgeons éclatent au printemps, le point végétatif entre en prolifération active. Il engendre de nouvelles ébauches de feuilles et donne naissance à un axe qui s’accroît. Les feuilles insérées sur cet axe s’écartent les unes des autres, en même temps qu’elles acquièrent leurs dimensions et leurs structures définitives.

Les tissus de la tige et de la feuille dérivent de l’activité du point végétatif enfermé dans le bourgeon. Parmi eux, le parenchyme médullaire provient de la prolifération du méristème médullaire, dans la région profonde du point végétatif. Les autres tissus, qu’ils soient foliaires ou caulinaires (tissus conducteurs, tissus corticaux...) prennent naissance à partir d’une zone annulaire subapicale: l’anneau initial de Plantefol.

La région caulinaire comprise entre les ébauches s’accroît (croissance intercalaire), séparant progressivement les feuilles les unes des autres. À l’aisselle de chaque feuille, s’édifie un nouveau bourgeon.

Dans les tissus provenant du fonctionnement du point végétatif, certaines cellules peuvent se dédifférencier. Elles reviennent à l’état méristématique par le jeu de divisions accompagnées de processus cytologiques complexes (R. Buvat). Ainsi s’explique la genèse de nouveaux bourgeons, à divers niveaux de la tige (cauliflorie de l’arbre de Judée et de diverses plantes tropicales).

Le bourgeon apical fonctionne pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, au cours de la belle saison; puis le point végétatif entre en vie ralentie, autrement dit dormance , sinon il dégénère et disparaît.

À la différence de celle de l’animal, la croissance du végétal peut se poursuivre pendant toute son existence. Ce phénomène est dû à la persistance, dans les bourgeons, de zones méristématiques susceptibles d’élaborer des tissus nouveaux (embryogenèse indéfinie).

Dans des conditions bien définies (mise à fleur), le point végétatif du bourgeon se transforme en point floral. L’anneau initial engendre encore les sépales, puis la zone apicale axiale, demeurée peu active pendant la phase végétative, entre en prolifération; elle produira les ébauches de la fleur (pièces périanthaires, étamines et carpelles). Le tout se touve éventuellement inclus dans les enveloppes habituelles du bourgeon; celui-ci est alors appelé bourgeon floral .

Du point végétatif peut souvent dériver un méristème inflorescentiel comme chez les Composées (Leucanthemum, Chrysanthemum ) ou chez beaucoup d’arbres (Marronnier).

Cas particuliers

Ce qui précède concerne essentiellement les bourgeons des Angiospermes et des Gymno-spermes; toutefois, de multiples Ptéridophytes présentent, à l’extrémité de leurs rhizomes, des bourgeons qui engendrent les frondes (Pteris, Polypodium ) ou les tiges aériennes (Equisetum ).

Des bulbilles ou bourgeons adventifs apparaissent à la place de certaines fleurs (paturin et renouée vivipares, diverses espèces d’Allium ) ou de bourgeons (ficaire). Elles ont l’aspect de petits bulbes, formés surtout de parenchymes à réserves, et une organisation simple. Elles se détachent de la plante et engendrent en germant de nouveaux individus (multiplication végétative).

Les turions , ou hibernacles de diverses plantes aquatiques (potamot, utriculaire) plus complexes, comportent un point végétatif entouré d’ébauches et de feuilles serrées. Ils se détachent parfois de la plante et sont aussi susceptibles de se développer.

Chez les Conifères (sapin), dans certains cas pathologiques (parasitisme par des Champignons Urédinales, tels que Melampsorella ), un bourgeon se trouve stimulé et donne naissance à un groupe serré de rameaux (balai de sorcière). Ces rameaux, dressés verticalement sur une branche horizontale, perdent leurs feuilles à la mauvaise saison, à la différence des rameaux sains.

Sous l’influence de certains virus, la plante demeure courte, rabougrie. Bien que le bourgeon fonctionne et produise des feuilles, les entre-nœuds ne s’accroissent pas normalement (nanisme du tabac, bushy stunt de la tomate).

Forçage

Divers traitements accélèrent ou retardent l’éclosion et le développement des bourgeons. Les facteurs de forçage sont multiples: la chaleur, l’humidité, la durée de la photopériode, l’aération, les engrais, etc. Ainsi, traités par la vapeur d’eau à 35 0C-40 0C, pendant 12 à 14 heures, en local fermé, les bourgeons floraux des rameaux de lilas éclatent et engendrent des inflorescences. Inversement, le maintien en repos de multiples espèces (lilas, muguet, lis) s’obtient à basse température, proche de 0 0C. Le traitement par la chaleur déclenche la floraison. Au contraire, traités en plein hiver par l’azote liquide (face=F0019 漣 192 0C), les bourgeons végétatifs de bouleau débourrent plusieurs semaines avant les autres (Dereuddre, 1967); la température très basse a provoqué un forçage.

Culture in vitro

Des bourgeons végétatifs naissent sur des fragments de tissus végétaux cultivés in vitro, sur des milieux artificiels, dans certaines conditions (parenchyme de racines de carotte ou de chicorée cultivé en présence d’une proportion relativement faible d’acide 廓-indolylacétique). Il est même possible d’obtenir in vitro des bourgeons floraux à partir de fragments de tissus de racine, cultivés sur un milieu nutritif adéquat. Les processus de dédifférenciation qui gouvernent la genèse des bourgeons peuvent être favorisés ou inhibés par l’emploi de substances de croissance (auxines, kinines, gibbérellines) convenablement dosées.

Multiplication végétative

Pour différents besoins (horticulture, industrie papetière...), il est important de multiplier végétativement certains plants qui présentent des caractères déterminés. On évite ainsi la variation génétique qui accompagne la reproduction sexuée.

Les bourgeons situés au sommet des arbres anciens ont des propriétés sensiblement différentes de ceux des jeunes pousses. Des bourgeons prélevés sur des végétaux ligneux âgés (Séquoias, Cyprès, Platanes...) peuvent être insérés sur de jeunes plants, par des techniques de microgreffage. Plusieurs opérations de ce type conduisent à rendre leurs méristèmes juvéniles. Par bouturage, il est possible ensuite d’obtenir des clones d’arbres vigoureux. De telles populations, génétiquement homogènes, peuvent dériver d’arbres millénaires, sur lesquels ont été prélevés les bourgeons initiaux.

2. La dominance apicale

Si on décapite une plantule de pois, deux rameaux latéraux égaux ou subégaux croissent au niveau du nœud situé juste en dessous de la section. Si l’on enlève l’une des deux feuilles opposées, le bourgeon axillaire, privé de sa feuille axillante, croît plus vite que l’autre bourgeon. La feuille a donc un effet inhibiteur. Un résultat inverse peut être obtenu avec d’autres plantes; la feuille a alors un effet stimulateur. Dans d’autres cas encore, l’ablation d’une feuille ne modifie pas la réponse.

Ces quelques observations révèlent la complexité des mécanismes régulateurs de la croissance.

Les végétaux herbacés

Plusieurs théories se sont succédé pour expliquer la dominance apicale chez les végétaux herbacés (fig. 1).

La théorie trophique

Selon Goebbel (1900) et Loeb (1924), le bourgeon terminal détourne à son profit toutes les substances nutritives provenant des racines et des feuilles. L’absence de croissance des bourgeons axillaires ne serait que la conséquence d’une nutrition déficiente; d’où la notion de vigueur . Comme l’indique Went (1944), plus une plante est vigoureuse, plus elle est ramifiée.

Chez le pois chiche (Cicer arietinum ), l’entrée en croissance des bourgeons situés à l’aisselle des préfeuilles dépend de la richesse nutritive du milieu, comme l’ont montré Champagnat et son équipe: sur sable, la ramification à ce niveau est nulle; sur terreau, elle est abondante (fig. 2).

La théorie hormonale

Dès 1880, Sachs supposait que le bourgeon terminal synthétisait une substance qui migrait et inhibait la croissance des bourgeons axillaires.

Rôle de l’AIA : après la découverte des auxines et l’identification de l’acide 廓-indolylacétique (AIA), Thimann et Skoog (1934) montrent qu’un cube de gélose contenant de l’AIA, placé sur l’extrémité d’une tige décapitée, rétablit l’inhibition de croissance des bourgeons axillaires. Leur sensibilité vis-à-vis de l’AIA serait telle que leur croissance serait inhibée par des doses qui stimulent celle du bourgeon terminal.

Cette hypothèse fut rapidement abandonnée: d’une part, les bourgeons axillaires inhibés ne contiennent que de très faibles doses d’AIA; d’autre part, leur croissance, lorsque l’inhibition cesse, coïncide avec une brusque élévation de la teneur en AIA.

Des expériences de Snow sur des plantules de Légumineuses, soit par décapitations successives, soit par greffes, laissent supposer une circulation basipète, puis acropète, de l’agent de corrélation, ce qui est contraire à la polarité de circulation, essentiellement basipète, de l’AIA.

L’ensemble de ces expériences conduit à un paradoxe: l’AIA du bourgeon terminal inhiberait la croissance des bourgeons axillaires mais, appliqué sur eux, il empêcherait cette inhibition. En réalité, Sachs et Thimann ont montré que l’AIA n’était susceptible de stimuler l’allongement des rameaux latéraux que lorsque le bourgeon avait commencé à croître, c’est-à-dire après suppression de l’inhibition par corrélation.

Rôle d’un inhibiteur spécifique : Snow (1937) avait conclu de ses expériences que l’AIA n’était pas l’agent de corrélation, mais que seul un inhibiteur spécifique, synthétisé par le bourgeon terminal, était susceptible d’inhiber la croissance des bourgeons latéraux.

Cette idée a été reprise et développée par Libbert (1955). La présence des racines renforçant l’inhibition corrélative, il établit que les racines synthétisaient un précurseur, transformé en inhibiteur dans le bourgeon terminal et les jeunes feuilles. Ses conclusions rejoignent celles de Fransson qui suppose qu’une substance provenant des racines et combinée à l’AIA peut former un inhibiteur.

Les feuilles et les cotylédons peuvent être également sources d’inhibiteur. L’inhibition par corrélation ne se réalise pas si la plante souffre d’une carence en bore ou en fer. Dans ce cas, les feuilles n’exerceraient plus une inhibition sur les bourgeons.

Rôle des cytokinines : Thimann a montré que les bourgeons, naissant sur des cultures de tissus sous l’action des cytokinines (substances de croissance non auxiniques), ne présentent pas entre eux d’inhibition par corrélation. De même, l’application de cytokinines sur les bourgeons inhibés lève la dominance apicale. Une action similaire est exercée par les cytokinines sur les plantes attaquées par certaines bactéries, tel le Corynebacterium tumefaciens du tabac qui excrète des cytokinines. Mais l’application de cytokinine sur le bourgeon terminal provoque un renforcement de la dominance.

Ces résultats ont conduit à redonner de l’actualité à la théorie trophique de la dominance. Une des propriétés principales des cytokinines est en effet de mobiliser les métabolites et de maintenir une certaine activité cellulaire. On peut donc supposer que les cytokinines appliquées sur les bourgeons axillaires provoquent un détournement des métabolites vers ces organes; d’où une levée de l’inhibition corrélative. En revanche, une application sur le bourgeon terminal renforce l’afflux des métabolites vers l’apex de la plante.

Les végétaux ligneux

Les inhibitions par corrélation se retrouvent également chez les végétaux ligneux. Le phénomène est particulièrement net chez les Conifères (épicéa, sapin).

Mécanisme

À la différence des végétaux herbacés, le bourgeon terminal inhibe surtout la croissance des bourgeons insérés à la base des rameaux. De plus, l’intensité de la dominance apicale diminue rapidement avec l’âge de l’arbre.

La notion de vigueur est ici la plus importante. Quand une pousse est très vigoureuse, les bourgeons axillaires peuvent surpasser l’inhibition par corrélation; ces bourgeons dits «anticipés» croissent prématurément. De même, une modification de l’orientation de la tige (passage de la position verticale à la position horizontale) peut freiner l’alimentation du bourgeon terminal et augmenter celle des bourgeons axillaires; d’où un démarrage précoce des pousses latérales.

Enfin, lorsque la croissance du bourgeon terminal ralentit en automne par suite de son entrée en dormance, les bourgeons axillaires débourrent et peuvent donner des rameaux avant d’entrer eux-mêmes en dormance (rameaux de la Saint-Jean). Certains d’entre eux peuvent croître au printemps avant le bourgeon terminal et échapper ainsi à l’inhibition par corrélation.

Importance dans le port des arbres

Le bourgeon terminal influe également sur l’orientation des rameaux latéraux qui, au lieu d’avoir une croissance verticale, prennent une orientation horizontale (croissance plagiotrope). Si l’apex est coupé, les rameaux à croissance plagiotrope se redressent.

Si la dominance est faible, tous les bourgeons axillaires croissent également (port «en boule»). Si, au contraire, la dominance est forte, les ramifications ne se produisent que plus tard (préséance de la flèche).

Une dominance plus ou moins forte, ainsi qu’une orientation variable de la croissance des rameaux latéraux (croissance droite, oblique ou horizontale), est responsable en grande partie du port des arbres.

Les applications pratiques

Tous ces faits expérimentaux font mieux comprendre ce qui distingue la «taille en vert» et la «taille en sec». La première se pratique sur des arbres dont les bourgeons ne sont pas encore dormants de façon à obtenir un effet immédiat. La «taille en sec» s’opère en hiver. Elle permet à certains bourgeons végétatifs (dards) d’évoluer en rameaux courts florifères (lambourdes). C’est le principe de la taille fruitière.

Encyclopédie Universelle. 2012.