lettre [ lɛtr ] n. f. I ♦
1 ♦ (XIIe) Signe graphique qui, employé seul ou combiné avec d'autres, représente, dans la langue écrite (écriture alphabétique, syllabique), un phonème ou un groupe de phonèmes. ⇒ caractère, graphème . Les 26 lettres de l'alphabet français. Double lettre (ex. tt, mm). Groupe de deux, trois lettres représentant un seul son (ex.ph, sch en français). ⇒ digramme, trigramme. Lettres et accents. Les lettres d'un mot (⇒ épeler) , d'un sigle. Lettre étymologique. Lettre initiale du nom, du prénom (⇒ chiffre, initiale, monogramme) . Code comportant des lettres et des chiffres. ⇒ alphanumérique. — Fam. (par euphém.) Les cinq lettres. — (Aspect, forme) Lettre majuscule, minuscule. Déliés, hampe, jambages, pleins, queue d'une lettre. Lettre capitale. — Loc. En toutes lettres : sans abréviation (cf. Au long). Nombre en toutes lettres, écrit avec des mots et non avec des chiffres, pour plus de clarté. Au fig. Nettement. « ma disgrâce était écrite en toutes lettres sur mon visage » (Duhamel). — Gravé en lettres d'or : digne d'être gardé toujours présent en mémoire.
2 ♦ (1486) Imprim. Caractère typographique représentant une des lettres de l'alphabet. Le corps d'une lettre. Titre en grosses lettres. Lettres du bas de casse, en romain, lettres italiques. Lettres des touches d'un clavier.
3 ♦ Vx Phonème représenté par le caractère alphabétique. ⇒ consonne, voyelle; semi-consonne. Lettre muette. Lettre qui se lie à une autre.
II ♦ Au sing. collect. LA LETTRE.
1 ♦ (Xe) Les mots qui composent un texte; ce texte. — Loc. LETTRE MORTE : texte qui n'a plus de valeur juridique, d'autorité officielle; fig. inutile, sans effet. Ces documents « seraient pour vous lettre morte » (A. Hermant).
2 ♦ (1835) Grav. Inscription, légende qu'on met au bas d'une estampe pour en indiquer le sujet. Épreuve avant la lettre, tirée avant qu'on n'imprime la lettre. — Loc. fig. Avant la lettre : avant l'état définitif, l'époque du complet développement. « L'enfant, c'est l'homme avant la lettre » (A. d'Houdetot).
3 ♦ (XIIe) Le sens strict des mots (d'un texte) (⇒ littéral); l'expression formelle de la pensée d'un auteur. La lettre de la loi. La lettre et l'esprit : la forme et le fond. Mon ancien maître « lui reprocha de suivre la lettre de la loi plutôt que l'esprit » (F. Mauriac).
♢ Loc. (XIIIe) À LA LETTRE; AU PIED DE LA LETTRE : au sens propre, exact du terme. ⇒ exactement, proprement, véritablement. Prendre une expression à la lettre, au pied de la lettre : dans son sens littéral, strict, étroit (⇒ littéralement, stricto sensu) ou au sérieux. « il prenait au pied de la lettre tout ce qu'on lui disait » (Lesage). — Suivre un règlement à la lettre, scrupuleusement, rigoureusement.
III ♦
1 ♦ (XIe ) Écrit que l'on adresse à qqn pour lui communiquer qqch. ⇒ épître, message, missive; fam. babillarde, bafouille, poulet. Écrire une lettre. Un bout de lettre. ⇒ billet, mot. Par cette lettre. ⇒ 1. présent (la présente). Lettre dactylographiée, manuscrite; autographe. Signature (⇒ souscription) , post-scriptum au bas d'une lettre. Envoyer une lettre à l'adresse de qqn (⇒ suscription) . — Lettre circulaire, message de vente adressé à des clients potentiels. Lettre personnalisée, sur laquelle figure l'identité du destinataire. Vente par lettres. ⇒ publipostage; mailing(anglic.). Échanger des lettres. ⇒ correspondre; correspondance. Recevoir des lettres. ⇒ courrier. Accuser réception d'une lettre. Répondre à une lettre. Papier à lettres. — Style des lettres. ⇒ épistolaire. « écrire une lettre d'amour [...] aucun genre épistolaire n'est moins difficile : il n'y est besoin que d'amour » (Radiguet). Lettre de rupture. Lettre anonyme. Lettre de faire-part. Lettre de condoléances. Lettre de recommandation. Lettre de château : lettre de remerciement aux personnes chez qui on a fait un séjour. — Affranchir une lettre. Lettre timbrée de Paris. ⇒ 1. pli. — Boîte aux lettres. Jeter des lettres à la boîte. ⇒ 2. poster. Facteur qui apporte des lettres. — Lettre exprès, par avion (⇒ aérogramme) . Nos lettres se sont croisées. Lettre recommandée. Lettre urgente. ⇒ dépêche.
♢ Loc. fam. (1825) Passer comme une lettre à la poste, facilement et sans incident; être facilement digéré (aliment, repas); être facilement admis. Excuse, réforme qui passe comme une lettre à la poste.
♢ (1835) LETTRE OUVERTE : article de journal, rédigé en forme de lettre et généralement de caractère polémique ou revendicatif. Lettre ouverte au président de la République.
2 ♦ Écrit officiel. — Hist. Lettre de cachet, de grâce, de jussion, de naturalisation, de rémission. Lettres patentes. Lettres de noblesse. — Diplom. Lettres de créance, qui accréditent un diplomate (⇒ accréditation) . — Admin. Lettre circulaire. Lettre missive. Lettre de service, lettre ministérielle, indiquant à un officier le commandement particulier qu'il est appelé à tenir. Lettre de marque : commission délivrée en temps de guerre par l'État au capitaine d'un navire armé. Lettre de mer. ⇒ passeport.
♢ Spécialt Document officialisant un acte commercial, certains actes juridiques, une opération financière. Dr. trav. Lettre d'embauche. Lettre de licenciement, de démission. — Comm. Lettre d'avis, informant le destinataire de l'arrivée d'un colis. — Lettre de transport, document constatant un contrat de transport de marchandises. ⇒ récépissé. Lettre de transport aérien, maritime (⇒aussi connaissement) . Lettre de voiture internationale, concernant un acheminement ferroviaire international.
♢ Banque Lettre de crédit, par laquelle une banque accrédite un client afin qu'il puisse retirer des fonds auprès d'une succursale ou d'un correspondant. Lettre de garantie, garantissant l'exécution des obligations du vendeur. — (1671) LETTRE DE CHANGE : effet de commerce par lequel une personne (le tireur) donne ordre à un débiteur (le tiré) de payer une certaine somme d'argent, à échéance déterminée, à une autre personne (le preneur ou bénéficiaire) dont elle est elle-même débitrice, ou à son ordre. ⇒ billet (à ordre), traite. Émettre une lettre de change.
IV ♦ Au plur.
1 ♦ (1538) Vieilli La culture littéraire. Avoir des lettres (⇒ lettré) . Les belles-lettres (vx), ou absolt les lettres. ⇒ littérature; humanités.
♢ Mod. Académie des inscriptions et belles-lettres. Chevalier des arts et des lettres. — Homme, femme de lettres (1570) , personne qui fait profession d'écrire. ⇒ écrivain. Société des gens de lettres.
2 ♦ La littérature, la philologie, la philosophie, l'histoire, la géographie, les langues, par opposition aux sciences. Faire des études de lettres (⇒ littéraire) . Une licence de lettres classiques, comprenant grec et latin, de lettres modernes, comprenant des langues vivantes. (La classe de) lettres supérieures. ⇒ hypokhâgne. Docteur ès lettres.
● belles-lettres nom féminin pluriel Nom donné à la grammaire et à la littérature.
belles-lettres
n. f. pl. Vieilli Ensemble constitué par la grammaire, l'éloquence, la poésie, l'histoire, la littérature. Académie des inscriptions et belles-lettres.
⇒BELLES-LETTRES, subst. fém. plur.
A.— Ensemble de textes envisagés du point de vue de leur valeur littéraire.
1. [Comme textes créés ou à créer] :
• 1. ... De là naissent les langages techniques, — et parmi eux, la langue littéraire. On voit dans toutes les littératures apparaître, plus ou moins tard, une langue mandarine, parfois très éloignée de la langue usuelle; mais, en général, cette langue littéraire est déduite de l'autre, dont elle tire les mots, les figures, les tours les plus propices aux effets que recherche l'artiste en belles-lettres.
VALÉRY, Variété 3, 1936, p. 27.
2. [Comme textes étudiés] Étudier les belles-lettres :
• 2. On sentira que ce n'est pas assez qu'une idée soit bonne, mais qu'il faut encore qu'elle soit exprimée avec clarté pour être facilement comprise et avec charme pour être généralement adoptée. C'est dans cet esprit qu'il faut commencer la lecture des ouvrages de belles-lettres.
LACLOS, De l'Éducation des femmes, 1803, p. 475.
B.— P. méton. Ensemble d'études consacrées aux textes littéraires. Synon. Lettres humaines (Trév. 1704, s.v. lettres), humanités.
— Vieilli. Enseignement littéraire dispensé dans les écoles. Classe de belles-lettres :
• 3. Il revint à Paris lorsque les troubles furent apaisés, et fut nommé professeur de belles-lettres au collège de Louis le Grand; il a occupé cette chaire pendant dix ans.
CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p. 151.
• 4. J'eus le premier prix de belles-lettres avec acclamation, j'eus un accessit ou un second prix aux mathématiques, et celui-là fut dur à enlever.
STENDHAL, Vie de Henry Brulard, t. 2, 1836, p. 349.
— Spéc. Société de savants, formant une des cinq classes de l'Institut de France, et ayant pour mission l'étude historique des langues et civilisations, en particulier de l'antiquité au seuil de l'époque moderne. Académie des inscriptions et belles-lettres :
• 5. Avec Boileau, Rainssant, Charpentier, Tallemant le Jeune, Quinault et Félibien, il [Racine] s'occupa à inventer des inscriptions pour les médailles frappées en l'honneur des grandes actions du roi. L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres est née de ce cénacle de courtisans érudits.
MAURIAC, La Vie de Jean Racine, 1928, p. 181.
C.— Goût de la création ou des études littéraires :
• 6. — (...) je me souviens que Dauvergne, dans sa jeunesse, a fait jouer à Dijon une pièce (...). Et c'est une ville littéraire que Dijon, ça lui donne tout de suite un petit parfum de belles-lettres.
ZOLA, Paris, t. 1, 1898, p. 311.
1re attest. 1691 (POMEY, s.v. Lettres); composé de belle, fém. de beau et de lettres, fém. plur. (opposé à sciences). — []. — Fréq. abs. littér. : 109.
Rem. On rencontre dans la docum. le mot (rare et vieilli) bellettrien, ienne, adj. Qui étudie les belles-lettres. Les étudiants bellettriens. — Subst. Élève de la classe de belles-lettres. Les jeunes belletriens lausannois (GIDE, Journal, 1933, p. 1188).
belles-lettres [bɛllɛtʀ] n. f. pl.
ÉTYM. 1691; belles lettres, 1666; de belle, fém. de beau, et lettres.
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1 La littérature, envisagée du point de vue esthétique. || Avoir le goût des belles-lettres.
0 Il n'est pas évident que le culte des belles-lettres ne coûte rien à la justice; toujours est-il qu'on en reçoit une coutume de se plaire aux mythes et de s'y attarder (…) Tous les dieux courent avec ma plume. Je veux qu'ils fassent poids.
Alain, les Idées et les Âges, VII, II, in les Passions et la Sagesse, Pl., 1960, p. 195.
2 Vieilli. Matière littéraire enseignée dans les écoles. ⇒ Lettres (mod.). || Un professeur, une classe de belles-lettres.
♦ Académie des inscriptions et belles-lettres : branche de l'Institut de France qui se consacre à l'étude des langues et des civilisations.
Encyclopédie Universelle. 2012.