amateur, trice [ amatɶr, tris ] n.
• XVe; lat. amator
1 ♦ Personne qui aime, cultive, recherche (certaines choses). Un amateur de musique. Il est amateur de bonne cuisine. « des amateurs et surtout des amatrices de raï » (Le Monde, 1998). Les ruines d'Athènes « ne sont bien connues que des amateurs des arts » (Chateaubriand). Amateur d'art : collectionneur averti d'objets d'art. Absolt La collection d'un amateur (d'objets d'art, de livres, etc.).
♢ Spécialt Acheteur éventuel (d'une marchandise). ⇒ preneur. Cette belle pièce n'a pas encore trouvé d'amateur, un amateur. — Loc. fam. Je ne suis pas amateur : je ne suis pas acheteur; cela ne m'intéresse pas. Loc. Avis aux amateurs ! avis à ceux que cela intéresse.
2 ♦ (1762) Personne qui cultive un art, une science, pour son seul plaisir (et non par profession). Un talent d'amateur. « Un amateur qui barbouille des toiles le dimanche » (Sartre). — Adjt Un musicien amateur.
3 ♦ (1859) Sport Athlète, joueur qui pratique un sport sans recevoir de rémunération directe (opposé à professionnel). — Adjt Des champions amateurs.
4 ♦ Péj. Personne qui exerce une activité de façon négligente ou fantaisiste. ⇒ dilettante. Travailler en amateur. C'est un travail d'amateur.
● Amateur personne qui s'intéresse à l'art, à un art, et qui réunit, généralement avec goût et discernement, des œuvres, des objets d'art ; connaisseur.
amateur
n. m.
d1./d Personne qui aime, qui a du goût pour (qqch). Un amateur de chevaux.
d2./d Personne qui pratique un art, une science, un sport sans en faire sa profession.
— (En appos.) Cinéaste amateur.
d3./d Péjor. Personne qui ne fait pas sérieusement son travail. Travailler en amateur. Syn. dilettante.
⇒AMATEUR, subst. et adj.
I.— Emploi subst. [Désigne gén. une pers.]
A.— Celui (ou celle) qui manifeste un goût de prédilection pour quelque chose ou un type de choses (plus rarement de personnes) représentant une valeur. Être amateur de + subst. exprimant cette valeur
1. [Aspect imperf. : l'accent est mis sur la motivation permanente du goût] Amateur de la bonne chère, amateur des arts.
a) [Le compl. désigne une valeur concr. ou abstr.]
♦ [Chose concr.] :
• 1. M. Joubert fut en son temps le type le plus délicat et le plus original de cette classe d'honnêtes gens (...) spectateurs, écouteurs sans ambition, sans envie, curieux, vacants, attentifs, désintéressés et prenant intérêt à tout, le véritable amateur des belles choses.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, t. 1, 1851-1862, p. 160.
• 2. Je passai ma matinée à ne rien faire, allant de la source au verger, des étables à la maison, sans but, mais sans ennui ni souci du temps, satisfait d'être ici aussi bien que là, et prenant mon plaisir à respirer enfin les odeurs de la campagne, en amateur des champs et non plus en cultivateur intéressé.
H. BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, p. 184.
♦ [Valeur abstr.] :
• 3. ... ce sont ces Épicuriens que vous avez vus danser à la fête, et qui, ce soir, assisteront tranquillement aux farces de Thespis, ou aux ballets de l'Opéra. À la fois orateurs, peintres, architectes, sculpteurs, amateurs de l'existence, pleins de douceur et d'humanité, du commerce le plus enchanteur dans la vie, la nature a créé ces peuples pour sommeiller dans les délices de la société et de la paix.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Essai sur les Révolutions, t. 1, 1797, p. 108.
• 4. L'amateur de la vie fait du monde sa famille, comme l'amateur du beau sexe compose sa famille de toutes les beautés trouvées, trouvables et introuvables; comme l'amateur de tableaux vit dans une société enchantée de rêves peints sur toile.
Ch. BAUDELAIRE, Curiosités esthétiques, 1867, p. 333.
• 5. L'amateur de l'esprit ne fait pourtant que jouir de ces combinaisons et des fluctuations de l'intellect, où il admire bien des merveilles : ...
P. VALÉRY, Variété 4, 1938, p. 214.
♦ En partic. en matière d'art :
• 6. Chez un individu qui a le goût de l'art, ce goût n'est pas limité au seul tableau. Il a le goût d'une porcelaine, d'une reliure, d'une ciselure, de n'importe quoi qui est dans l'art. J'irai jusqu'à dire qu'il a le goût de la nuance d'un pantalon; et le monsieur qui se proclame uniquement amateur de tableaux et jouisseur d'art seulement en peinture, est un blagueur qui n'a pas le goût d'art en lui, mais s'est donné par chic un goût factice.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, mai 1891, p. 89.
• 7. Les vingt pages de trop qu'on trouve dans le récit de M. Barrès et qui l'alourdissent à plusieurs endroits ne l'empêchent pas de nous retenir et de nous charmer en toutes sortes de manières. Évidemment il ne saurait guère devenir populaire. Je crois qu'il a laissé le public un peu froid et la critique un peu déroutée. Mais comme il se place bien dans la file des œuvres de l'auteur! Comme il plaît au simple amateur de phrases et de rythmes par ce renouvellement continuel du style, qui est une des forces de M. Barrès ...
A. THIBAUDET, Réflexions sur la littérature, 1936, p. 182.
• 8. Il en est aujourd'hui qui, sans doute, suivent encore Lamartine; d'autres prolongent Rimbaud. Le même peut changer de goût et de style, brûle à vingt ans ce qu'il adorait à seize; je ne sais quelle intime transmutation fait glisser d'un maître à l'autre le pouvoir de ravir. L'amateur de Musset s'affine et l'abandonne pour Verlaine. Tel, nourri précocement de Hugo, se dédie tout entier à Mallarmé.
P. VALÉRY, Variété 3, 1936, pp. 34-35.
• 9. Les Grecs, les Égyptiens, les gothiques, les meilleurs peintres français du XVIIe siècle, Cézanne, affirment leur supériorité sur la majeure partie de la production humaine, par la sévérité du choix, par la passion de l'essentiel. C'est ce goût de l'ellipse plastique qui confère à leurs chefs-d'œuvre cette austérité et cette distante majesté qui incommoderont toujours les jouisseurs pressés et les amateurs de facile intimité.
A. LHOTE, Peinture d'abord, 1942, p. 124.
Rem. 1. Noter la relative fréq. du syntagme amateur d'âmes depuis que M. Barrès s'en est servi :
• 10. Mère, en date du 9 août, écrit de Charmes : « Le souvenir du père met dans mon âme quelque chose de constant. » Pensée touchante et vraie. C'était la conclusion, le point central de l'amateur d'âmes et c'était précisément une pensée que Brunetière disait ne point comprendre.
M. BARRÈS, Mes cahiers, t. 2, 26 févr.-1er sept. 1898, p. 45.
• 11. La plupart de ses personnages élégants se laissent deviner plus qu'ils ne s'expriment, soumis qu'ils sont aux nécessités de leur existence, dont un romancier moins curieux ne voit que la façade nue ou trop ornementée. Derrière l'écran, un amateur d'âmes troubles, complexes, délicates, découvre des passions aussi brûlantes qu'ailleurs, des rudiments d'intrigue ...
J.-É. BLANCHE, Mes modèles, 1928, p. 154.
• 12. ... il n'y a pas plus bête qu'un amateur de médecine, sinon un amateur de peinture. — Il y a plus bête et plus cruel encore, fit M. La Pérouse c'est celui que j'appelle l'amateur d'âmes, le maniaque qui vous attribue une conscience pour avoir le plaisir de descendre dedans, d'y apporter son propre mobilier ... Chacun de nous s'arrange avec sa part de vérité et de mensonge ...
G. BERNANOS, La Joie, 1929, p. 664.
Rem. 2. Au lieu d'un compl. prép., on rencontre parfois un adj. poss. renvoyant à la valeur intéressée :
• 13. Par quelle merveille les plus mauvais exemplaires de la photographie ou de la prédication trouvent-ils leurs amateurs et parfois leurs fanatiques? me demandais-je à mon réveil. À cause de la diversité des goûts et de la rareté du bon goût; à cause ensuite de l'inégalité de culture et de la variété des besoins.
H.-F. AMIEL, Journal intime, 1866, p. 198.
— Emploi abs. Personne qui a un goût très vif pour un objet. Anton. créateur (artiste, etc.).
♦ En gén. :
• 14. On a commencé à séparer la gourmandise de la voracité et de la goinfrerie; on l'a regardée comme un penchant qu'on pouvait avouer, comme une qualité sociale, agréable à l'amphytrion, profitable au convive, utile à la science, et on a mis les gourmands à côté de tous les autres amateurs qui ont aussi un objet connu de prédilection.
J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 281.
• 15. Bains de mer en Bretagne. — Nous voudrions dresser une nomenclature, pareille à la précédente, des bains de mer de Bretagne, dont tous les amateurs, artistes ou gens épris des grands sites et de solitude, parlent, chaque année, avec enthousiasme.
S. MALLARMÉ, La Dernière mode, 1874, p. 724.
♦ Loc. Avis aux amateurs! :
• 16. ... le premier qui fera un pas vers mon jeune ami entamera d'abord une conversation avec mes deux poings ... Avis aux amateurs! Les assaillants se regardèrent, calculèrent mentalement la pesanteur des bras du jeune Laheyrard, et après quelques grognements sourds s'éparpillèrent ...
A. THEURIET, Le Mariage de Gérard, 1875, p. 15.
• 17. « ... il paraît qu'il a été dénoncé, qu'on l'accuse d'avoir écrit un tract antimilitariste, et qu'il est sous les verrous, pour attendre le premier conseil de réforme, qui l'enverra en première ligne ... J'ai appris ça hier soir. Avis aux amateurs! ... Bref, moi, je me suis dit que c'était bête de se faire pincer : j'ai pris le large ... »
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 643.
Rem. Amateur peut désigner except. un animal :
• 18. ... tout rond, avec un petit tressaillement, il [le porc] s'avance et s'enfonce au gras sein de la boue fraîche; il grogne, il jouit jusque dans le recès de sa triperie, il cligne de l'œil. Amateur profond, bien que l'appareil toujours en action de son odorat ne laisse rien perdre, ses goûts ne vont point aux parfums passagers des fleurs ou de fruits frivoles; en tout il cherche la nourriture : il l'aime riche, puissante, mûrie, ...
P. CLAUDEL, Connaissance de l'Est, 1907, p. 58.
♦ En partic. en matière d'art. Personne qui manifeste un goût très vif pour l'art :
• 19. Un amateur ne prend plaisir à voir un tableau de Vernet que parce qu'il lui rappelle une série d'effets qu'il a observés lui-même; et je tiens qu'il n'en peut connaître tout le mérite s'il n'a vu la mer et même s'il n'y a navigué.
J.-H. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 282.
• 20. ... car les âmes créées pour admirer les grandes œuvres ont la faculté sublime des vrais amants; ils éprouvent autant de plaisir aujourd'hui qu'hier, ils ne se lassent jamais, et les chefs-d'œuvre sont, heureusement, toujours jeunes. Aussi l'objet tenu si paternellement devait-il être une de ces trouvailles que l'on emporte, avec quel amour! Amateurs, vous le savez!
H. DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, p. 10.
Rem. 1. L'accent est fréquemment mis sur la sûreté intuitive du jugement qui résulte de la fréquentation des œuvres d'art. (Quasi-)synon. connaisseur :
• 21. Ce qui distingue, en certaines matières à ma portée, le soi-disant érudit de l'amateur éclairé, c'est que le premier hérisse ses pages de notes et ses notes de signes bizarres CFR, rétablit les fautes d'orthographe dans les passages qu'il cite, copie les noms propres estropiés en écrivant sic entre parenthèses, et s'abstient soigneusement de tout agrément, ...
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Les Cahiers, 1869, p. 44.
• 22. J'ai vu disparaître un à un ces connaisseurs, ces amateurs inappréciables qui, s'ils ne créaient pas les œuvres mêmes, en créaient la véritable valeur (...). Ils savaient lire : vertu qui s'est perdue. Ils savaient entendre et même écouter. Ils savaient voir. C'est dire que ce qu'ils tenaient à relire, à réentendre ou à revoir, se constituait par ce retour, en valeur solide.
P. VALÉRY, Regards sur le monde actuel, 1931, p. 241.
Rem. 2. À cet emploi valorisateur et laudatif, s'oppose parfois un emploi péj. (avec une idée de goût excessif ou peu éclairé), tant au sens gén. que dans le domaine de l'art :
• 23. La réclame, la catalographie, les cireurs de bottes des gloires à la détrempe et des statues en mie de pain, la foule moutonnière et imbécile des amateurs ahuris, arriveront à faire vendre un jour, aux commissaires-priseurs, d'un homme, l'empreinte de ses doigts de pied sur sa dernière chaussette!
E. et J. DE GONCOURT, Journal, févr. 1864, p. 21.
• 24. [SAINT-LANDRI :] — (...) J'ai aujourd'hui l'oreille tellement exercée, tellement faite, tellement mûre, que je finis par aimer même certains accords faux, comme un amateur dont la maturité de goût arrive à la dépravation.
G. DE MAUPASSANT, Mont-Oriol, 1887, p. 167.
b) P. anal. [Dans le lang. de l'amour physique avec une connotation le plus souvent péj.]
— [Avec un compl. prép. de] :
• 25. ... Madame Formose, en costume de bayadère, vint changer le cours des émotions de la foule. Sa poitrine énorme était tassée dans un maillot couleur de chair tout à fait provoquant pour les amateurs des beautés importantes. Une jupe de gaze ne servait qu'à allumer la curiosité des yeux, ...
CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, p. 177.
• 26. Aimer aide à discerner, à différencier. Dans un bois l'amateur d'oiseaux distingue aussitôt ces gazouillis particuliers à chaque oiseau, que le vulgaire confond. L'amateur de jeunes filles sait que les voix humaines sont encore bien plus variées.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 908.
• 27. Lui, s'était engagé dans cette aventure sans réfléchir plus avant, amusé par cette conquête à faire, entraîné par l'espèce d'automatisme de l'amateur de femmes, qui cherche à séduire et à plaire d'instinct, sans même s'en rendre compte, il s'était pris au jeu lui-même.
M. VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, pp. 419-420.
— Emploi abs. :
• 28. À l'heure où les ouvrières rentrent, après leur dîner, bien des jeunes gens vont les voir passer, et leur en content de toutes les couleurs. Il y a peu de ces demoiselles qui refusent une mantille de taffetas, et les amateurs, à cette pêche-là, n'ont qu'à se baisser pour prendre le poisson.
P. MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p. 30.
• 29. Par le plus grand des hasards, le chef de bureau et la jeune fleuriste se trouvèrent nez à nez, et à peine M. de Beaupréau, qui lorgnait toutes les femmes en vieil amateur, eut-il envisagé la belle Cerise, qu'il se produisit chez lui une révolution étrange, et que tout son sang afflua à son cœur, ...
P.-A. PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 128.
• 30. ... je rencontre aussi, tous les soirs, une petite putain, peinte et poudrée. Elle est amputée d'une cuisse et marche avec des béquilles. L'autre jambe est belle, sous un bas de soie rose à la mode. Il paraît que cette personne a des amateurs : chaque jour elle change de copain.
G. DUHAMEL, Journal de Salavin, 1927, p. 115.
• 31. Celles qui se servent de leur corps, plus rares qu'on ne le pense, ne font que le prêter au désir de l'amateur mais ne cèdent rien de leur âme à la fois sentimentale et farouche. Comme toutes les filles de tous les pays, leur abandon vénal n'est que métier, avec, ici, des réserves, trois fois scellées, de tendresse et de rêve.
A. T'SERSTEVENS, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 114.
2. [Aspect perf. : l'accent est mis sur l'acte commerc. auquel peut aboutir ou aboutit le goût pour qqc.] Acheteur.
a) Vieilli. Acheteur tenté ou excessif d'œuvres d'art :
• 32. Un goût très-vif, qui ne s'éteint pas au bout d'un certain tems, devient, pour l'ordinaire, une manie; celle de notre amateur est arrivée au point d'épuiser sa fortune, qui a passé, tout entière, de son coffre-fort et de son portefeuille dans cinquante énormes cartons, où toutes ses richesses nouvelles sont renfermées. Il prend aujourd'hui sur ses plaisirs, même sur ses besoins, pour augmenter cette immense collection.
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 4, 1813, p. 233.
b) Usuel. [L'amateur est considéré du point de vue du vendeur] Acheteur, acquéreur éventuel ou probable.
— D'œuvres d'art :
• 33. ... il devinait l'artiste à lancer, non pas celui qui promettait le génie discuté d'un grand peintre, mais celui dont le talent menteur, enflé de fausses hardiesses, allait faire prime sur le marché bourgeois. Et c'était ainsi qu'il bouleversait ce marché, en écartant l'ancien amateur de goût et en ne traitant plus qu'avec l'amateur riche, qui ne se connaît pas en art, qui achète un tableau comme une valeur de bourse, par vanité ou dans l'espoir qu'elle montera.
É. ZOLA, L'œuvre, 1886, p. 201.
• 34. C'est déconcertant de penser qu'un amateur riche, capable de dépenser une forte somme pour l'acquisition des manuscrits d'un auteur pauvre, n'a jamais l'idée de lui être utile au même prix, en supprimant l'intermédiaire. Les parasites féroces, dérisoirement nommés amateurs, sentent le besoin d'un complice pour porter leur infamie. Je ne vois pas d'autre explication.
L. BLOY, Journal, 1905, p. 275.
• 35. En rougissant de honte, il dut accepter, rechercher à son tour, une offre qu'il avait rejetée avec indignation, quinze jours avant, — la proposition qu'un intermédiaire lui avait faite de la part d'un riche amateur inconnu, qui voulait acheter une œuvre musicale pour la donner sous son nom.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, p. 352.
• 36. Comme beaucoup de ses pareils, il tient à sa réputation d'amateur d'art, feint de se ruiner en collections, patronne de jeunes peintres et va bâiller plusieurs fois par mois aux grands concerts.
G. BERNANOS, Un Mauvais rêve, 1948, p. 934.
— De toute espèce de marchandise :
• 37. Autrefois j'aimais le quai aux fleurs! c'est un lieu charmant qui réunit les deux rives de la Seine, le rendez-vous de tous les amateurs de plaisirs à bon marché : là, sans contrat, sans notaire, sans enquête, vous achetez une terre, un verger, un jardin, que vous emportez triomphant dans vos bras : des myrtes, des roses, des renoncules, ...
J. JANIN, L'Âne mort et la femme guillotinée, 1829, p. 41.
• 38. Elle voulait reprendre tout en main, tout diriger à sa guise, surtout la vente de nos bricoles ... tout ce qui nous restait du ballon ... on a fait un voyage à « dos » et un autre avec la poussette ... on a fourgué surtout au « temple » ... à même le carreau ... on a eu beaucoup d'amateurs ... ils appréciaient bien les petits résidus mécaniques ... et puis pour les « puces » le samedi on faisait des lots entiers de bouquins ... on soldait tout à la « grosse » ...
L.-F. CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 503.
• 39. L'intermédiaire n'a sa raison d'être que dans un marché encombré, où le particulier a peur de se tromper tant il y a de marchandises offertes, et de se laisser chiper les meilleures occasions, tant il y a d'amateurs. Mais quand il n'y a que trois salades à vendre sur la grand'place, et un seul acheteur, il se juge capable de se débrouiller tout seul ...
J. ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, pp. 162-163.
• 40. Chaque stalag devint une manière de soukh oriental, lieu d'élection des trocs les plus inattendus et des marchandages les plus sordides. Les Américains vendaient leurs stylos, leurs montres, leur pull-over de bonne laine et leurs dents en or. Les Italiens chipaient des pommes de terre aux cuisines allemandes pour en avoir des cigarettes. Les Français et les Belges se montraient surtout amateurs de linge et de vêtements. C'étaient les principaux clients des Russes, ...
F. AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, p. 165.
c) P. ext. Être amateur (de qqc.). Être preneur de qqc., candidat à l'acquisition de qqc. :
• 41. LOUIS, montrant le crucifix. — Vous êtes amateur de curiosités, débarrassez-moi de cette horreur.
ALI. — Mais cela n'a aucune valeur! la pluie et le temps en ont fait une chose informe.
SICHEL. — Mon père, il est du quinzième.
ALI. — Il est rompu en morceaux. On dit que c'est madame votre mère qui l'a retrouvé et collectionné.
LOUIS. — Oui, elle était amateur de ce genre de choses.
P. CLAUDEL, Le Pain dur, 1918, III, 4, p. 478.
• 42. Achetait-il pour un Européen? Ce n'était pas un boy, ni un courrier — et, s'il était amateur, il regardait les objets qu'on lui montrait avec bien peu d'amour : il semblait qu'il songeât à autre chose.
A. MALRAUX, La Condition humaine, 1933, p. 304.
Rem. 1. Syntagmes usuels. a) Adj. + subst. grand amateur, simple amateur, vieil amateur, vrai amateur. b) Subst. + adj. amateur ardent, amateur distingué, amateur éclairé, amateur exercé, amateur frénétique, amateur passionné, amateur zélé. c) Subst. + de + subst. amateur de (la) bonne chère, amateur de l'énergie, amateur de vin.
Rem. 2. L'ex. suiv. contient un essai de gradation entre mots de sens voisin :
• 43. Nous pouvions le voir à notre aise, ou voleter en famille, ou soutenir des duels de chant avec un orgueilleux voisin, qui parfois venait le braver. À la longue, nous lui devenions, je crois, plutôt agréables, comme auditeurs assidus, amateurs, connaisseurs peut-être. Le rossignol a besoin d'être apprécié, applaudi; il estime visiblement l'oreille attentive de l'homme, et comprend très-bien son admiration.
J. MICHELET, L'Oiseau, 1856, p. 264.
Un autre ex. contient un néol. résumant les termes d'un syntagme analytique :
• 44. ... en fait de tableaux, personne, je ne dirai pas à Paris, mais en Europe, ne peut se flatter de rivaliser avec un inconnu, un juif nommé Elie Magus, vieillard maniaque, le chef des tableaumanes. Il a réuni cent et quelques tableaux qui sont à décourager les amateurs d'entreprendre des collections. La France devrait sacrifier sept à huit millions et acquérir cette galerie à la mort de ce richard...
H. DE BALZAC, Le Cousin Pons, 1847, p. 326.
Rem. 3. Comme il est naturel quand il s'agit de mots désignant des types, le subst. compl. (pluralité d'êtres nombrables : plaisirs, [ex. 37], sing. de noms de matière : opium [cf. Ch. BAUDELAIRE, Paradis artificiels, Un Mangeur d'opium, 1860, p. 389]) est habituellement constr. sans art.; la présence de l'art. (amateurs de l'énergie) dénote une transposition moins élaborée de la constr. verbale (ceux qui aiment l'énergie), avec, en outre, utilisation de la valeur universalisante de l'art. déf. (amateurs de l'énergie = « de l'énergie en général »; — d'énergie = « d'actions énergiques ») :
• 45. ... les habitants de Rome surtout applaudissent aux louanges données aux actions et aux sentimens des anciens Romains, comme si cela les regardait encore. Ils sont amateurs de l'énergie et de l'indépendance comme des beaux tableaux qu'ils possèdent dans leurs galeries.
G. DE STAËL, Corinne, t. 1, 1807, p. 349.
B.— Domaine des activités professionnelles. Personne qui exerce une activité comparable à une activité professionnelle.
1. [Celle-ci se distingue de l'activité professionnelle correspondante en ce qu'elle n'est pas rémunérée]
a) Vieilli. Apprenti non rémunéré de certaines branches professionnelles :
• 46. « De qui est donc cette écriture? demanda Gérard au rédacteur en chef.
— C'est d'un amateur. » Ainsi étaient désignés les rédacteurs qu'on ne payait pas.
CHAMPFLEURY, Les Aventures de Mademoiselle Mariette, 1853, p. 65.
• 47. Le jeune homme souriait, toujours en retard, prenant à l'aise son emploi de simple amateur, qu'on ne payait pas, résigné à passer là un an ou deux pour faire plaisir à son père, le fabricant de soie de la rue des Jeûneurs.
É. ZOLA, L'Argent, 1891, p. 87.
— En partic. Clerc-amateur. Clerc stagiaire travaillant bénévolement chez un notaire pour s'initier au notariat ou s'y perfectionner :
• 48. L'après-midi, ils apparaissaient de bon gré à l'étude où ils étaient clercs amateurs, serraient des mains, feuilletaient un dossier, copiaient une pièce, fumaient quelques cigarettes, et recueillaient les menus potins professionnels.
R. MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, p. 122.
b) Usuel, SP. Personne pratiquant un sport à titre de non-professionnel :
• 49. Il est si doux de triompher devant cinq ou six mille personnes. Aussi n'est-il pas rare de voir des amateurs d'une naissance distinguée partager les dangers et la gloire des toreros de profession.
P. MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p. 269.
• 50. C'est un gymnasiarque de première force, un cycliste hors ligne : il a déjà gagné trois ou quatre épreuves d'amateurs. Il dévore tous les journaux de sport, ces feuilles imprimées sur papier de couleur. Il connaît l'âge et le poids de tous les champions d'Europe.
G. DUHAMEL, Journal de Salavin, 1927, pp. 29-30.
• 51. Jacques va se doucher puis rhabillé se joint aux professionnels.
— Alors, dit Albert, tu t'en ressens pour le championnat de France amateurs dans les mi-lourds?
Il tiendra toujours ses trois rounds contre n'importe qui, dit Touffe-d'Étoupe.
— Moi, je veux bien, dit Jacques.
R. QUENEAU, Loin de Rueil, 1944, p. 60.
• 52. Si les Angevins ont éprouvé de sérieuses difficultés pour éliminer dimanche les amateurs d'Auchel, en revanche ils avaient triomphé la semaine précédente, en championnat de Rouen.
Paris contre Angers, Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 8, col. 4.
2. [L'activité en question se distingue de l'activité prof. corresp. par la moindre régularité et/ou la moindre qualification de celui qui l'exerce] Travail d'amateur, troupe d'amateurs. Anton. spécialiste :
• 53. En 1798, mon père, lié avec une trentaine de jeunes gens des deux sexes, et lié intimement avec plusieurs, joua la comédie avec eux. C'est une excellente étude que ce passe-temps-là, et je dirai ailleurs tout ce que j'y vois d'utile et de sérieux pour le développement intellectuel de la jeunesse. Il est vrai que les sociétés d'amateurs sont, comme les troupes d'acteurs de profession, divisées la plupart du temps par des prétentions ridicules et des rivalités mesquines.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 1, 1855, p. 191.
• 54. Personne n'a plus autorité que vous dans les choses d'art, et en lisant ce que vous dites de mes croquis de passant et d'amateur, je me tiens à quatre pour ne pas être pris de vanité. Heureusement, la raison me revient vite et je me dis : « vieille bête de poëte, ne vas-tu pas te figurer que tu es peintre! Contente-toi de voir et de montrer des torchons radieux ou tiens-toi tranquille ».
V. HUGO, Correspondance, 1866, p. 519.
• 55. Et pourquoi, aux yeux de certaines gens, Edmond de Goncourt est-il un gentleman, un amateur, un aristocrate qui fait joujou avec la littérature et pourquoi Guy de Maupassant, lui, est-il un véritable homme de lettres? Pourquoi, je voudrais bien qu'on me le dise?
E. et J. DE GONCOURT, Journal, mars 1887, p. 659.
• 56. J'ai vu de lui, au Champ-de-Mars, des médaillons qui sont très bien. Mais il produit peu. C'est un amateur, n'est-ce pas?
— C'est un délicat. Il n'a pas besoin de travailler pour vivre. Il caresse ses figures avec une lenteur amoureuse. Mais ne vous y trompez pas, Madame : il sait et il sent; ce serait un maître s'il ne vivait pas seul.
A. FRANCE, Le Lys rouge, 1894, p. 14.
• 57. Pour les gens qui vivent de cette science, qui font métier de la cultiver ou de l'enseigner, je serai longtemps un simple amateur, un chimiste homme du monde, et mes recherches ne recevront pas l'attention dont je les crois dignes. (...) je sais ce que je fais. Amateur tant qu'ils voudront! C'est l'avantage que j'ai sur eux : j'aime mon métier; je l'aime au point de renoncer pour lui à la vie facile qu'on m'avait préparée.
V. LARBAUD, A. O. Barnabooth, 1913, pp. 357-358.
• 58. De la Bella brumeuse que lui avait donnée la photographie d'art, il arrivait peu à peu, grâce aux photos d'amateurs, à une jeune femme à traits précis.
J. GIRAUDOUX, Bella, 1926, p. 219.
• 59. Un métier qui n'est pas rebutant n'est pas encore un métier; l'homme n'y est qu'amateur, selon un admirable mot, et qui enferme un juste mépris. L'amateur s'amuse; le point où cesse l'amusement, il ne le passe jamais.
ALAIN, Propos, 1931, p. 1020.
• 60. Et sans doute les vrais musiciens sont ceux que la technique seule intéresse et qui se moquent bien de savoir si ce qu'ils éprouvent coïncide avec ce que l'auteur a voulu dire, pourvu qu'ils voient « comment c'est fait ». Un amateur est, au contraire, un homme qui n'aime pas la musique pour elle-même, que la musique passionne dans la mesure où elle le modifie : deux familles d'esprit qui d'habitude s'entendent mal; même quand ils admirent le même chef-d'œuvre, c'est presque toujours pour des raisons différentes.
F. MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 125.
• 61. Dupin de Francueil aspirait à l'Académie des Sciences et avait monté un cabinet de chimie. Mme Dupin rêvait d'écrire. Jean-Jacques préparait le travail de ces nobles amateurs, faisait les recherches, les lectures, les extraits nécessaires, leur laissant la part du génie et de l'invention. Du moins Mme Dupin était-elle un amateur du premier ordre. Elle méditait sur le bonheur, l'amitié, l'éducation, les sentiments de l'âme, ...
J. GUÉHENNO, Jean-Jacques, En marge des « Confessions », 1948, pp. 238-239.
— P. anal., domaine idéol. :
• 62. SLICK. — Je n'ai rien à lui pardonner.
HŒDERER. — Si : d'être entré au parti sans y être poussé par la misère.
GEORGES. — On ne lui reproche pas. Seulement il y a un monde entre nous : lui, c'est un amateur, il y est entré parce qu'il trouvait ça bien, pour faire un geste. Nous, on ne pouvait pas faire autrement.
J.-P. SARTRE, Les Mains sales, 1948, 3e tabl., 3, p. 99.
— [En constr. d'appos. à un nom d'homme de métier] :
• 63. Je suis surtout médecin-amateur; c'est chez moi presque une manie, et je compte parmi mes plus beaux jours celui où, entré par la porte des professeurs et avec eux à la thèse de concours du docteur Cloquet, j'eus le plaisir d'entendre un murmure de curiosité parcourir l'amphithéâtre, ...
J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 22.
• 64. Sous le ministère de l'archevêque de Toulouse, il [M. de Nivernais] fut appelé au Conseil comme ministre sans portefeuille, ministre-amateur; c'était sa vocation en toute chose ...
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Causeries du lundi, t. 3, 1851-1862, p. 408.
• 65. Les gens de lettres? La plaie de la métropole. Et si l'on apprenait son passage à Londres, gare à ces dames bas-bleu, « esthétiques », artistes-amateurs, qui donnent des thés, bâclent des bouquins, et dont les filles composent des poèmes, forment un album d'autographes!
J.-É. BLANCHE, Mes modèles, 1928, p. 176.
— P. anal. :
• 66. Autour de la table à thé, le tribun rentrait ses griffes, et l'on feignait de les croire inoffensives; la maîtresse de maison présentait en minaudant son socialisteamateur, un ambitieux pressé qui avait pris par le plus court : il se rangerait en arrivant au pouvoir, « il serait bientôt des nôtres », comme il convenait à un fils de bonne famille, au riche héritier d'un grand commanditaire de produits chimiques.
E.-M. DE VOGÜÉ, Les Morts qui parlent, 1899, p. 52.
— En (qualité d') amateur. En dehors de tout souci professionnel :
• 67. — Mais cependant, Monsieur, vous étiez bien réellement médecin, dit Mme de Villefort, puisque vous avez guéri des malades.
— Molière ou Beaumarchais vous répondraient, Madame, que c'est justement parce que je ne l'étais pas que j'ai non point guéri mes malades, mais que mes malades ont guéri; moi, je me contenterai de vous dire que j'ai étudié assez à fond la chimie et les sciences naturelles, mais en amateur seulement ... vous comprenez.
A. DUMAS, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 752.
• 68. Qu'est-ce que c'est alors que cet air de fantaisie que prend ce Pons Daumelas et ce genre cavalier et ce genre bel esprit et cet air de dire, parlant de mes œuvres choisies, et en faisant le compte rendu dans une revue critique : vous savez, je ne connais pas ce garçon-là. Je suis le simple lecteur, le monsieur qui passe. Je parle de son livre en amateur. M. Langlois n'a pas le droit d'être un passant, et un amateur. Il faut qu'il soit un insistant, et un historien.
Ch. PÉGUY, L'Argent, 1913, p. 1156.
— P. anal. :
• 69. Des gens revenaient de Paris, des lascars partis pour la guerre en amateurs, vite embusqués là-bas grâce au piston ou à la combine, et qui s'étaient taillé de belles fortunes à fabriquer des obus, du ciment, du béton, des routes ou des vêtements.
M. VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 466.
• 70. Il a traversé la vie en amateur inquiet, qui choisit parcimonieusement les parts de lui-même qu'il abandonne. Maintenant seulement il connaît le don où tout l'être se consume ...
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 708.
• 71. Mes parents me citaient en exemple des jeunes filles « remarquablement intelligentes » et qui cependant brillaient dans les salons. Je m'en irritais car je savais que leur cas n'avait rien de commun avec le mien : elles travaillaient en amateur tandis que j'avais passé professionnelle. Je préparais cette année les certificats de littérature, de latin, de mathématiques générales, et j'apprenais le grec; j'avais établi moi-même ce programme, la difficulté m'amusait; mais précisément, pour m'imposer de gaieté de cœur un pareil effort, il fallait que l'étude ne représentât pas un à-côté de ma vie mais ma vie même : ...
S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 178.
Rem. Entouré d'un certain cont., il peut être laudatif :
• 72. « Si Henriette ne dessine pas, dit Madame Gérard, elle pourra nous faire un peu de musique.
— Oui, dit l'abbé, mademoiselle a un talent si suave!
— Un talent d'amateur de premier ordre, reprit le président brusquement. Un talent suave, cela ne classe pas. »
L.-É.-E. DURANTY, Le Malheur d'Henriette Gérard, 1860, p. 183.
3. Péj. [De la moindre qualification à la moindre qualité] :
• 73. Le plaisant de l'éducation actuelle, c'est qu'on n'apprend rien aux jeunes filles, qu'elles ne doivent oublier bien vite, dès qu'elles seront mariées. Il faut quatre heures par jour pendant six ans, pour bien jouer de la harpe; pour bien peindre la miniature ou l'aquarelle, il faut la moitié de ce temps. La plupart des jeunes filles n'arrivent pas même à une médiocrité supportable; de là le proverbe si vrai : Qui dit amateur dit ignorant.
STENDHAL, De l'Amour, 1822, p. 211.
• 74. ... de vous galvauder ainsi dans ce milieu de faux monde, cela vous donnerait un air pas sérieux, une réputation d'amateur, de petit musicien de salon, qui est terrible à votre âge. Je comprends que pour toutes ces belles dames c'est très commode de rendre des politesses à leurs amies en vous faisant venir à l'œil, mais c'est votre avenir d'artiste qui en ferait les frais.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, La Prisonnière, 1922, p. 313.
— En partic. Synon. dilettante, touche-à-tout, bohème :
• 75. Nous citerons encore une singulière variété de bohèmes qu'on pourrait appeler amateurs. Ceux-là ne sont pas les moins curieux. Ils trouvent la vie de bohème une existence pleine de séductions : ne pas dîner tous les jours, coucher à la belle étoile sous les larmes des nuits pluvieuses et s'habiller de nankin dans le mois de décembre leur paraît le paradis de la félicité humaine, ...
H. MURGER, Scènes de la vie de bohème, 1851, p. 10.
• 76. ... je n'ai aucune conscience distincte de ma valeur sociale, par conséquent pas de prétention déterminée, pas d'ambition circonscrite et de but bien accusé. — Je suis donc resté un pur dilettante dans la vie, amateur en beaucoup de choses, ne convoitant aucune maîtrise, et profitant en touriste de mon irresponsabilité.
H.-F. AMIEL, Journal intime, 22 janv. 1866, p. 90.
• 77. ... de plus, il avait commis la faute de se faire amateur, j'entends de se détacher de tout pour se promener partout. On ne vit qu'en s'incorporant à quelque être plus grand que soi-même; il faut appartenir à une famille à une société, à une science, à un art; quand on considère une de ces choses comme plus importante que soi, on participe à sa solidité et à sa force; sinon, on vacille, on se lasse et on défaille; qui goûte de tout se dégoûte de tout.
H. TAINE, Notes sur Paris, Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, préf., 1867, p. IX.
• 78. ... certains adolescents à perpétuité ne trouvent jamais en eux l'intensité du vouloir qui leur permette de secouer la séduction bourdonnante de tous les possibles, et d'inscrire en actes définitifs des renoncements absolus et des fidélités inébranlables; touche-à-tout de la connaissance ou de l'amour, amateurs et fleureteurs à vie, ratés qui se prennent pour des condottieri, impuissants qui confondent l'universalité et leur indécision vitale.
E. MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 428.
II.— Emploi adj.
A.— Dans de nombreux ex. cités plus haut, notamment ceux où amateur est employé en constr. d'attribut sans art., on peut considérer de tels emplois comme étant adjectifs.
B.— On ne retiendra ici que ceux où amateur sans art. est employé en constr. immédiatement postposée au subst. (avec ou sans virgule) qu'il détermine à la manière d'un adjectif.
1. Qui manifeste un goût de prédilection pour quelque chose.
a) [Aspect imperf.] Qui aime, apprécie.
— [Le compl. désigne une chose concr. ou abstr.]
♦ [Chose concr.] :
• 79. Ce bon campagnard, amateur de vin, de la bonne chère, et de fraîches paysannes, avait loué un petit appartement à Grenoble ...
STENDHAL, Vie de Henry Brulard, t. 2, 1836, p. 290.
Rem. Le compl. peut désigner except. une coll. hum. :
• 80. Un monarque faible et amateur de son peuple était trompé par des ministres incapables ou méchants.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Essai sur la littérature anglaise, t. 2, 1836, p. 76.
♦ [Valeur abstr.] :
• 81. Les véhicules où va s'entasser, dans les beaux jours de l'année, la classe parisienne amateur des plaisirs champêtres ...
RABAN, MARCO SAINT-HILAIRE, Mémoires d'un forçat ou Vidocq dévoilé, 1828-1829, p. 102.
• 82. Les nobles venaient déjà de frapper le premier coup à Nancy, en opposant la Garde nationale à la troupe; maintenant les évêques allaient en frapper un deuxième, bien autrement dangereux, en opposant les gens religieux, amateurs de la vie éternelle, aux patriotes, amateurs des biens de la terre.
ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, t. 1, 1870, p. 353.
• 83. Il y aura sûrement en enfer des démones qui vous désireront sans qu'on les désire. Il est impossible qu'un Dieu amateur de supplices n'ait pas pensé à cela.
H. DE MONTHERLANT, Les Jeunes filles, 1936, p. 942.
♦ En partic. en matière d'art :
• 84. Winckelmann a les défauts et les avantages d'un Grec amateur des arts; et l'on sent, dans ses écrits, le culte de la beauté, tel qu'il existoit chez un peuple où si souvent elle obtint les honneurs de l'apothéose.
G. DE STAËL, De l'Allemagne, t. 2, 1810, p. 68.
• 85. — Le dessin est curieux, savant, et visant un peu au néo-Michel-Angélisme. — Tous les mouvements sont heureusement trouvés — et accusent un esprit sincèrement amateur de la forme, si ce n'est amoureux.
Ch. BAUDELAIRE, Salon de 1845, 1845, p. 37.
— Emploi abs. :
• 86. ... rien d'ultérieur n'est sorti en ce sens de l'École de Malebranche. Son école même ne lui a pas survécu. Il n'eut pas de disciples puissants, et qui firent marcher après lui le système, mais seulement des disciples caudataires ou amateurs. Sa philosophie excita de violents amours, mais comme une belle femme, et l'enthousiasme pour elle ne se transmit pas hors d'un très-petit cercle de quelques-uns des derniers contemporains.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 249.
• 87. ... et son malheur était né de l'enthousiasme d'un bourgeois du voisinage, pour les pommes de canne qu'il sculptait avec son couteau, dans des racines. Dès lors, devenu le pâtre de génie, le grand homme en herbe du bourgeois amateur, qui se trouvait être membre de la commission du musée, poussé par lui, adulé, détraqué d'espérance, il avait tout manqué successivement, les études, les concours, la pension de la ville; ...
É. ZOLA, L'Œuvre, 1886, p. 70.
— P. anal., dans le lang. de l'amour physique :
• 88. Il se trouvait, il y a quelques années, à Carlsruhe, chez le ministre plénipotentiaire, et l'entendait dire à un de ses amis, très galantin et très amateur de femmes : « Ici, mon cher, vous ne ferez rien. Les femmes sont cependant très faciles, mais elles n'aiment pas les Français. »
E. et J. DE GONCOURT, Journal, sept. 1870, p. 593.
• 89. — Qui donc t'a fait entrer dans la loge de la belle Onoto! demanda Athanase.
— Eh! Gounsovski lui-même, mon cher. Il est très amateur, tu sais?
G. LEROUX, Rouletabille chez le tsar, 1912, p. 86.
b) [Aspect perf.] Qui achète :
• 90. De Groux part à la recherche d'un millionnaire amateur signalé la veille par un imbécile, de nos amis. Le millionnaire est un horrible mufle, qui ne le reçoit même pas.
L. BLOY, Journal, 1892, p. 16.
2. Domaine des activités professionnelles. Qui exerce une activité comparable à une activité professionnelle.
a) [Sans rémunération] SP. :
• 91. Ainsi les taureaux se dérobaient devant lui, comme ces veaux pleins d'épées qui fuient moribonds devant le matador amateur, impuissant à les convaincre que c'est leur intérêt de se laisser faire une bonne fois.
H. DE MONTHERLANT, Les Bestiaires, 1926, pp. 398-399.
• 92. Nous avons publié mercredi le stupéfiant communiqué officiel de l'U.V.F. concernant le cas d'Émile Joler, le coureur cycliste amateur qui avait sollicité une licence de professionnel.
L'Œuvre, 18 janv. 1941.
b) [Avec une qualification moindre] :
• 93. On fait la science des littératures comme ferait de la botanique un fleuriste amateur qui se contenterait de caresser et d'admirer les pétales de chaque fleur. La belle et grande critique, au contraire, ne craint pas d'arracher la fleur pour étudier ses racines, compter ses étamines, analyser ses tissus.
E. RENAN, L'Avenir de la science, 1890, p. 201.
• 94. Je n'aime que le théâtre des hommes de théâtre amateurs, Musset, Banville, Gautier. Au théâtre des professionnels, Sardou, Augier, Dumas, je préfère mon lit.
J. RENARD, Journal, 1896, p. 344.
• 95. C'est ainsi que germa l'idée dans l'esprit de l'abbé Sennevilliers : fabriquer un petit poste de TSF, utiliser ses connaissances de sans-filiste amateur, et communiquer avec la France, il n'y avait au début, dans ce projet, il faut le dire, aucun souci d'héroïsme. Ce sont souvent les circonstances plus que votre volonté qui vous amènent à devenir un héros.
M. VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, pp. 62-63.
• 96. Elle avait un vieil ami, M. Bloch, qui était architecte-conservateur au Louvre et qui était aussi peintre amateur. Et c'était un peintre qui rêvait de la Méditerranée. Mme Ligneul n'était point sûre du génie de son ami, mais elle lui était reconnaissante de partager les mêmes nostalgies qu'elle.
P. DRIEU LA ROCHELLE, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 72.
— P. anal. :
• 97. En lui s'amassa soudain tout le dédain de l'homme sain pour l'infirme, de l'étudiant amateur pour l'étudiant zélé, du joli garçon qui se devine aimé, pour le rival qui ne l'est plus; ...
R. MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, p. 148.
• 98. Ce qui me contrarie un peu, c'est que vous avez l'air de prendre tous ces gens, chrétiens amateurs ou nouveaux convertis, Sorel, Variot, Péguy etc. pour les représentants authentiques du catholicisme.
P. CLAUDEL, A. GIDE, Correspondance, lettre de P. C. à A. G., 1899-1926, p. 191.
Rem. 1. Amateur s'applique généralement à une/des pers. mais peut aussi se rapporter à une chose :
• 99. Anthime se hissa sur le coffre à avoine, et, assis, le dos rond, les jambes pendantes de chaque côté de michka, considéra d'un regard amateur les cous puissants qui s'allongeaient vers le fourrage.
A. DE CHÂTEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, p. 179.
• 100. La lutte amateur connaît actuellement (...) une légère reprise.
L'Œuvre, 26 janv. 1941.
Rem. 2. Gramm. Tant dans l'emploi subst. que dans l'emploi adj., la forme du fém., rare, est gén. amateur (ex. 41, 61, 71, 81, 100). À noter toutefois la forme amatrice chez un auteur :
• 101. Ces « amatrices » préféraient de beaucoup les rôles à déshabillage.
F. GALIPEAUX, Souvenirs, 1931, p. 57.
Cette forme est d'ailleurs considérée comme correcte par certains grammairiens :
• 102. Ce mot a-t-il un féminin? faut-il dire, une femme amateur, ou une amatrice? Il me semble que l'analogie nous autorise à donner un féminin à ce mot, on dit, une spectatrice, une actrice, une force créatrice; pourquoi ne dirait-on pas une amatrice? Linguet et J. J. Rousseau en ont fait usage, et un mauvais jeu de mots ne doit pas l'exclure de notre langue. On objectera, peut-être, qu'on ne dit pas autrice, et qu'il ne doit pas être plus permis de dire amatrice : il y a beaucoup de différence : une femme qui fait un livre est une femme extraordinaire; mais depuis long-temps, et aujourd'hui plus que jamais, les femmes cultivent leur esprit : elles aiment les arts et les lettres; il faut donc donner à ce mot une inflexion féminine, qui rende cette nouvelle idée. D'ailleurs amatrice vient du latin amatrix, et de l'italien amatrice.
É. MOLARD, Le Mauvais langage corrigé, 1810, p. 19.
Prononc. :[], fém. [-].
Étymol. ET HIST.
I.— Amateur. 1. a) 1488 amateur de « celui qui aime (qqn) » (Mer des hist., I, 198a, éd. 1491 ds Rom. Forsch. t. 32, p. 8 : Est ung roy requis d'avoir pitié et clémence, affin qu'il soit doulx amateur des indigents et souffreteux) 1495 [éd. 1531] « id. » (J. DE VIGNAY, Mir. hist., XXXI, 106, Delb. ds QUEM. t. 1 1959 : Certes il estoit vray amateur des poures); très empl. au XVIe s. avec un compl. désignant une pers.; en 1690 (FUR., s.v., note : il ne se dit point de l'amitié ni des personnes); b) 1504 amateur de « celui qui aime (qqc.) » (J. LE MAIRE, Œuvres, éd. Hicher, IV, 65 ds R. Hist. litt. Fr., t. 2, p. 109 : Julius Cesar tres curieux amateur des perles); 2. 1762 (Ac. : Amateur [...] Il se dit aussi de celui qui aime les beaux arts sans les exercer [...] Il ne sait pas peindre, mais il est amateur); d'où a) 1845 emploi péj. (BESCH. : Amateur. Se prend en mauvaise part parmi les artistes [...] travailler en amateur); b) 1898 emploi spécialisé au domaine du sp. (Nouv. Lar. ill. : Amateur [...] Sports. Terme sportif employé surtout en vélocipédie pour désigner tout coureur qui ne lutte pas dans un but de lucre).
II.— Amatrice. Av. 1547 « celle qui aime (qqc.) » (MICHEL D'AMBOISE, Propos fantastiques, 2 ds HUG. : La Galaxes de la paix amatrice Et Dyana des boys observatrice). — COTGR. 1611; repris au XVIIIe s. (J.-J. ROUSSEAU, Ém., III ds LITTRÉ), qualifié de mot nouv. par Ac. 1798.
Empr. au lat. amator « celui qui aime » empl. avec un compl. désignant une pers. dep. PLAUTE (Men., 268 ds TLL s.v., 1827, 76 : magnus amator mulierum es), avec un compl. désignant un inanimé dep. CICÉRON (Tim., 51, ibid., 1829, 18 : qui intelligentiae sapientiaeque se amatorem profitetur); cf. a. fr. ameor, attesté dep. 1172-75 (CHRÉT. DE TROYES, Chev. au lion ds T.-L.) au sens de « amant »; avec un compl. désignant une pers. dep. ca 1256 (Aldebrandin de Sienne ds GDF.), avec compl. désignant un inanimé dep. 1250 (amierres et faisierres de peis, ibid.), mot qui disparaît au XVe s. À l'emploi 2 b amateur, terme sp., est empr. à l'angl. amateur, attesté dep. 1882 (NED) dans cet emploi, dér. du sens « celui qui aime les arts sans les pratiquer » attesté dep. 1784 par Hannah More (MACK. t. 2 1939, p. 198) et lui-même empr. au fr. attesté en ce sens dep. 1762, supra. Amatrice, forme fém. de amateur, cf. lat. amatrix « amoureuse » dep. Plaute ds TLL s.v.
STAT. — Fréq. abs. litt. :1 351. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 1 385, b) 1 913; XXe s. : a) 2 035, b) 2 314.
BBG. — ARNAUD 1966. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — CANART (P.). Homonymics : French Walloon and Chinese. A.U.M.L.A. 1954, n° 2, pp. 36-37. — DAIRE 1759. — DODIN 1968. — DUP. 1961. — Éd. 1913. — Électron. 1963-64. — FÉR. 1768. — GAY t. 1 1967 [1887]. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 101. — Gramm. t. 1 1789. — GUIZOT 1864. — HANSE 1949. — LAF. 1878. — LAF. Suppl. 1878. — LARCH. 1880. — LAURENT (P.). Contribution à l'histoire du lexique français. Romania. 1925, t. 51, p. 33. — LAV. Diffic. 1846. — MARCEL 1938. — MULLER 1966. — NOTER-LÉC. 1912. — PRÉV. 1755. — SANDRY-CARR. Lutte 1963. — SOÉ-DUP. 1906. — TÉNOT 1967. — THOMAS 1956.
amateur, trice [amatœʀ, tʀis] n.
ÉTYM. 1488; lat. amator « celui qui aime », de amare. → Aimer.
❖
1 (1504). || Amateur de… : personne qui aime, cultive, recherche (certaines choses, certaines activités). || Un amateur de jardinage (La Fontaine, Fables, IV, 4). || Un amateur de beau langage. || Il, elle est amateur de peinture, de sculpture, de musique, de nouveautés, de curiosités. || Un amateur de corridas. ⇒ Aficionado. — Amateur de bonne cuisine, de mets délicats. ⇒ Friand, gastronome, gourmand, gourmet.
1 Un fanfaron amateur de la chasse (…)
La Fontaine, Fables, VI, 2.
2 Profanes amateurs de spectacles frivoles (…)
Racine, Esther, Prologue.
3 J'ai parlé avec quelque étendue des ruines d'Athènes, parce qu'après tout elles ne sont bien connues que des amateurs des arts (…)
Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, VI.
3.1 L'amateur de la vie fait du monde sa famille, comme l'amateur du beau sexe compose sa famille de toutes les beautés (…) comme l'amateur de tableaux vit dans une société enchantée de rêves peints sur toile.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Pl., p. 333.
4 (…) un gourmet, un amateur de raffinements gastronomiques.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, VIII, p. 110.
♦ Littér. || Amateur d'âmes (Barrès, 1898).
♦ En valeur d'adj., placé après un nom et sans déterminant. — (Personnes). || « Ce bon campagnard, amateur de vin, de la bonne chère et de fraîches paysannes… » (Stendhal, Vie d'Henry Brulard). || « Un Grec amateur des arts » (Mme de Staël, in T. L. F.). — (Collectivités). || « La classe parisienne amateur des plaisirs champêtres » (Raban, in T. L. F.).
♦ Spécialt. || Amateur d'art : collectionneur averti d'objets d'art. || Mme X est un amateur d'art. — Amateur (même sens). || La collection d'un amateur (d'objets d'arts, de livres rares, etc.). ⇒ Collectionneur. || Un amateur éclairé.
4.1 De sorte que, si tu sais lire l'histoire militaire, ce qui est récit confus pour le commun des lecteurs est pour toi un enchaînement aussi rationnel qu'un tableau pour l'amateur qui sait regarder ce que le personnage porte sur lui, tient dans les mains, tandis que le visiteur ahuri des musées se laisse étourdir et migrainer par de vagues couleurs.
Proust, le Côté de Guermantes, Folio, p. 133.
REM. Dans ce sens comme au sens 2., la valeur originelle du mot (qui aime, a de la passion pour…) s'est progressivement effacée.
4.2 (…) car les âmes créées pour admirer les grandes œuvres ont la faculté sublime des vrais amants; ils éprouvent autant de plaisir aujourd'hui qu'hier, ils ne se lassent jamais, et les chefs-d'œuvre sont, heureusement, toujours jeunes. Aussi l'objet tenu si paternellement devait-il être une de ces trouvailles que l'on emporte, avec quel amour ! Amateurs, vous le savez !
Balzac, le Cousin Pons, p. 10.
♦ Spécialt. Acheteur éventuel (d'une œuvre d'art, d'une marchandise). || Cette pièce n'a pas encore trouvé d'amateur, un amateur.
♦ ☑ Loc. fam. Je ne suis pas amateur : je ne suis pas acheteur; cela ne m'intéresse pas.
♦ ☑ Loc. fam. Avec une telle dot, elle ne manquera pas d'amateurs. ⇒ Prétendant.
♦ ☑ Loc. fam. Avis aux amateurs ! : avis à ceux que ça intéresse, qui en veulent. || Il y a encore trois bouteilles de champagne : avis aux amateurs ! — Iron. || Si quelqu'un veut recevoir mon poing dans la figure, qu'il le dise : avis aux amateurs !
2 (1762). Absolt. Personne qui cultive un art, une science pour son seul plaisir (et non par profession). || Un talent d'amateur. || Un amateur très doué. — En fonction d'adj. || Un musicien amateur. || Peintre amateur (→ Peintre du dimanche). || Il est très amateur.
5 L'amateur est celui dont la personnalité vivante ne sera jamais recouverte par le métier (…) L'amateur sera souvent considéré par son époque comme un écrivain mineur.
A. Maurois, Études littéraires, t. II, Jacques de Lacretelle, p. 207.
♦ (Dans d'autres domaines). Non professionnel. (En fonction d'adj.). || Radio, sans-filiste amateur. || Il (elle) n'est qu'amateur, mais c'est un bon (une bonne) paléontologue. || Des astronomes amateurs.
3 (1859, in Petiot; dès 1833, Mérimée, à propos des toreros). Sports. Athlète, joueur qui pratique un sport sans recevoir de rémunération directe (opposé à professionnel). || Un amateur. — En fonction d'adj. || Cycliste amateur. || Elle est championne amateur.
4 Vieilli. Apprenti non rémunéré (dans certaines professions). — Appos. ou adj. || Clerc amateur : clerc travaillant chez un notaire pour apprendre le métier, et sans être rémunéré.
5 (1845, Bescherelle). Péj. Personne qui exerce une activité de façon négligente ou fantaisiste. ⇒ Dilettante. || Travailler en amateur. || C'est du travail d'amateur.
6 Si la philosophie, si la science, si l'art, si la littérature n'étaient qu'un agréable passe-temps, un jeu pour les oisifs, un ornement de luxe, une fantaisie d'amateur (…)
Renan, Réflexions sur l'état des esprits (1849), in Œ. compl., t. I, p. 217.
7 À une frivolité consciente et voulue (il aime par intermittences, les courses, le jeu, le monde), à la nonchalance de l'amateur, il joint un profond sérieux (…)
A. Maurois, Études littéraires, t. II, Jacques de Lacretelle, p. 219.
8 Oui, au début, c'est ce qu'il était… un amateur qui barbouille des toiles le dimanche comme on pêche à la ligne.
Sartre, l'Âge de raison, VI, 82.
REM. 1. Amateur peut se dire aussi des femmes. Elle est grand amateur de musique. Toutefois, amatrice tend à s'imposer comme la forme usuelle.
2. En fonction d'adj., amateur est invariable en genre. Une championne amateur.
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DÉR. et COMP. Amateurisme. Radioamateur.
Encyclopédie Universelle. 2012.