affabulation [ afabylasjɔ̃ ] n. f.
• 1798; bas lat. affabulatio
1 ♦ Vx Moralité d'une fable.
2 ♦ (1863) Arrangement de faits constituant la trame d'un roman, d'une œuvre d'imagination.
3 ♦ Psychan., psychol. ⇒ fabulation (2°).
● affabulation nom féminin (bas latin affabulatio, moralité d'une fable) Manière purement imaginaire de présenter des faits ; fabulation. Arrangement des faits constituant la trame d'une œuvre d'imagination. ● affabulation (difficultés) nom féminin (bas latin affabulatio, moralité d'une fable) Sens et emploi La distinction entre ces deux mots n'est pas toujours nette. 1. Affabulation = manière dont un récit de fiction est organisé ; cette fiction elle-même (terme technique de critique littéraire). Recommandation Pour désigner un récit inventé, plus ou moins mensonger, préférer les équivalents invention, mensonge, fiction. 2. Fabulation : invention de faits imaginaires que le sujet présente comme réels (terme technique de psychologie et de psychiatrie).
affabulation
n. f.
d1./d Trame d'une oeuvre de fiction.
d2./d Mensonge, travestissement de la vérité.
⇒AFFABULATION, subst. fém.
A.— Rare, vx. Morale énoncée au début ou plus généralement à la fin d'une fable, d'un apologue :
• 1. L'affabulation n'est pas toujours liée au récit.
LA SERRE (Besch. 1845).
• 2. L'affabulation est quelquefois sous-entendue.
LA CHÂTRE t. 1 1865.
• 3. Dans Ésope, l'affabulation est toujours à la fin de la fable; dans La Fontaine, elle se trouve quelquefois au commencement.
Lar. 19e.
Rem. Sens attesté ds Ac. 1798-1932. Ac. 1878 ajoute : ,,On emploie plus souvent dans ce sens moralité ou morale`` (cf. étymol.).
— P. ext. Moralité tirée d'un événement symbolique :
• 4. « ...Sire, demanda maître Ogier au roi qui regardait par la petite fenêtre de son oratoire le vieux Paris égayé d'un rayon de soleil, oyez-vous point s'ébattre, dans la cour de votre Louvre, ces passereaux gourmands emmi cette vigne rameuse feuillue?
— Oui-dà! répondit le roi, c'est un ramage bien divertissant. — Cette vigne est en votre courtil; cependant point n'aurez-vous le profit de la cueillette, répliqua maître Ogier avec un bénin sourire; passereaux sont d'effrontés larrons, et tant leur plaît la picorée qu'ils seront toujours picoreurs. Ils vendangeront pour vous votre vigne.
— Oh! nenni, mon compère! je les chasserai! » s'écria le roi. Il approcha de ses lèvres le sifflet d'ivoire qui pendait à un anneau de sa chaîne d'or, et en tira des sons si aigus et si perçants que les passereaux s'envolèrent dans les combles du palais.
« Sire, dit alors maître Ogier, permettez que je déduise de ceci une affabulation. Ces passereaux sont vos nobles, cette vigne est le peuple. Les uns banquètent aux dépens de l'autre. Sire, qui gruge le vilain gruge le seigneur. Assez de déprédations! un coup de sifflet, et vendangez vous-même votre vigne. »
A. BERTRAND, Gaspard de la nuit, 1841, pp. 143-144.
Rem. Passage légèrement archaïsant (oyez-vous point, emmi, courtil, etc.).
B.— RHÉT. Organisation méthodique d'un sujet en « fable », c'est-à-dire en intrigue d'une pièce de théâtre, en trame d'un récit imaginaire :
• 5. La pièce commença et fut attentivement écoutée. Derrière les acteurs, car le fond de la scène n'était pas éclairé, se projetaient de grandes ombres bizarres qui semblaient jouer la pièce en parodie, et contrefaire tous leurs mouvements avec des allures disloquées et fantasques; mais ce détail grotesque ne fut pas remarqué par ces spectateurs naïfs, tout occupés de l'affabulation de la comédie et du jeu des personnages, lesquels ils tenaient pour véritables.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, pp. 178-179.
• 6. L'histoire supplanta chez lui le roman dont l'affabulation, ficelée dans des chapitres, empaquetée à la grosse, forcément banale et convenue, le blessait.
J.-K. HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 30.
• 7. Il me reste à apprendre en quoi cette feuille, cet insecte est essentiellement différent, et par là en quoi il est nécessaire, ce qu'il fait là, sa position dans l'ensemble, son rôle dans l'affabulation de la pièce.
P. CLAUDEL, Art poétique, 1907, p. 144.
• 8. Alors M. Gueroult commença d'entreprendre mon éducation. Il me faisait mettre au piano, et à chaque morceau qu'il m'enseignait, il inventait une sorte d'affabulation continue, qui le doublât, l'expliquât, l'animât : tout devenait dialogue ou récit.
A. GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, p. 398.
• 9. Je travaille peu en ce moment, sauf à des odes qui me donnent beaucoup de mal, car je m'attaque pour la première fois à la parole dure et au mouvement pur de la pensée sans aucun soutien d'affabulation ou de théorie objective.
P. CLAUDEL, A. GIDE, Correspondance, lettre de P. C. à A. G., 1899-1926, p. 79.
• 10. [Mozart dans allegro du Quintette en sol mineur] (...) renonçant aux moyens ordinaires, ceux de l'affabulation dramatique (...), il invente un chant continu qui va et va vite, qui court, sans presque reprendre haleine.
H. GHÉON, Promenades avec Mozart, 1932, p. 256.
• 11. Ce théâtre, livré aux penchants de celui qui l'anime, ne présente que leur affabulation et tout groupe humain, comme tout individu, élabore la fable qui répond le mieux à ses désirs; le thème initial et commun, le réel, y prend chaque fois apparence diverse.
R. HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 27.
— Au plur. Œuvres d'imagination organisées en « fable » :
• 12. Notes très nombreuses et pleines d'éléments d'affabulations futures sur Hakem, sur Salomon, sur la reine de Saba, — « Saba matin, reine du matin », « Candace » — sur les mœurs et la religion des Druses.
M.-J. DURRY, Gérard de Nerval et le mythe, 1956, p. 95.
— P. ext. Succession des épisodes d'un rêve :
• 13. La nuit, il eut un rêve. Il rêva à la vieille gouvernante anglaise qu'il avait, petit garçon. De sa vie il n'avait rêvé d'elle. Impossible, d'ailleurs, de retrouver l'affabulation de son rêve.
H. DE MONTHERLANT, Pitié pour les femmes, 1936, p. 1102.
• 14. ... L'angoisse ne devait naître que plus tard, beaucoup plus tard, et s'épanouir petit à petit, et me travailler insidieusement, en secret, m'entraîner dans un monde de rêves insensés, d'affabulations, de raisons déraisonnantes, d'actes gratuits, d'épreuves de force mensongères, de voyages inutiles en risque-tout...
B. CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 230.
Rem. 1. Sens à la fois proche et différent de celui de fabulation en psychol. : ,,présentation d'un récit imaginaire, souvent vraisemblable, comme étant réel, sans intention délibérée de tromper`` (PIÉRON 1963, s.v. fabulation); fabulation est parfois remplacé, dans ce sens, par affabulation (cf. étymol.). 2. Groupes associatifs plusieurs fois attestés : affabulation (du) rêve (cf. ex. 13; P. RICŒUR, Philosophie de la volonté, 1949, p. 366; etc.); inventer (une) affabulation (cf. ex. 8; R. MARTIN DU GARD, Notes sur André Gide, 1951, p. 1403).
Prononc. :[].
Étymol. ET HIST. — 1. 1798 (Ac. : Affabulation [...] Sens moral d'une Fable, d'un Apologue). Vivant au XIXe s. et au début du XXe s., qualifié de vieux par Pt ROB.; 2. 1863 « trame d'une œuvre d'imagination », supra ex. 5 (à rejeter, d'apr. A. Thérive ds Les Nouvelles Littér., 24 sept. 1927 : Si vous voulez bien écrire en fait de critique, parlez de la fable ou des faits ou de l'aventure ou du propos ou du sujet ou du thème d'un livre de fantaisie, mais jamais de son affabulation; cf. Figaro littér. du 8-14 sept. 1969, p. 24); 3. néol. « récit inventé de toutes pièces, terme de psychol. » (Lar. 3).
Empr. au b. lat. affabulatio, attesté dep. la fin du Ve s. ou le début du VIe s. au sens 1 de « moralité d'une fable » (PRISCIEN, Gramm., III, 431, 1 ds TLL s.v., 1172, 5 : oratio qua utilitas fabulae retegitur, quam epimythion vocant, quod nos affabulationem possumus dicere), sens non attesté en lat. médiév. Les sens 2 et 3, ne sont attestés ni en b. lat., ni en lat. médiév.; ils sont peut-être le fait d'un néol. formé sur fable au sens « trame d'une œuvre d'imagination » et qui signifierait proprement « mise en forme (ad-) de fable ».
STAT. — Fréq. abs. litt. :25.
BBG. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — Figaro littéraire n° 1216 du 8-14 sept. 1969, p. 24. — HANSE 1949.
affabulation [afabylɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1798; bas lat. affabulatio, du lat. class. fabula. → Fable.
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1 Vx et rare. Moralité d'une fable, partie qui en indique le sens moral.
2 (1863). Arrangement de faits constituant la trame d'un roman, d'une œuvre d'imagination. ⇒ Narration, récit, trame. || Affabulation mythique, littéraire.
1 En dépit du grotesque de l'affabulation, un tel personnage ne manque pas d'une certaine richesse dramatique (…)
R. Barthes, Mythologies, p. 181.
2 De plus en plus, actuellement, on tend vers une expression unique de l'art, qui doit être quelque chose comme une approche de la conscience humaine. L'affabulation se risque vers la science, et la science retrouve les mythes.
J.-M. G. Le Clézio, l'Extase matérielle, p. 74.
♦ L'affabulation d'un rêve.
3 Psychan., psychol. ⇒ Fabulation.
3 L'adulte reprend les jouets de l'enfant, mais il n'a plus l'instinct de jeu et d'affabulation qui leur donnait leur sens originel.
M. Tournier, le Roi des Aulnes, p. 309.
4 (…) qu'il s'embrouille dans ses affabulations, qu'il jette aux orties son identité pour en ramasser une autre (…) voilà un train d'enfer qu'il ne faudrait surtout pas ralentir.
Alain Bosquet, les Bonnes Intentions, p. 91.
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DÉR. Affabuler.
Encyclopédie Universelle. 2012.