TARDIGRADES
Animaux minuscules, puisque leur longueur est de l’ordre du millimètre, les Tardigrades ont été découverts au XVIIIe siècle (1773-1777). Ils fréquentent des milieux variés, mer, eau douce, stations terrestres humides (Mousses et Lichens en particulier). Les types marins seraient primitifs et auraient ensuite gagné les eaux douces et les biotopes humides. La lenteur de leurs déplacements est à l’origine du terme «Tardigrade»; ils sont aussi surnommés «Ours d’eau» en raison de leur aspect lourd. Trois cents espèces environ ont été reconnues; beaucoup d’entre elles sont cosmopolites avec une préfèrence pour les régions tempérées et froides; cependant, au Japon, un genre vit dans une source thermale à 40 0C. La place des Tardigrades dans l’arbre généalogique du règne animal est difficile à préciser. Ils constituent peut-être un clade indépendant; mais on les range souvent avec deux autres groupes (Onychophores et Pentastomidés) dans le clade artificiel des Pararthropodes (L. Cuénot, 1926) qui possèdent un mélange de caractères annélidiens et arthropodiens.
Morphologie et anatomie
Le corps, à symétrie bilatérale, est allongé, avec une face dorsale convexe et une face ventrale aplatie; quatre paires de «pieds» terminés par des griffes sont disposées sur la ligne latéro-ventrale. La disposition de la quatrième paire lui confère une action freinatrice, alors que les trois premières paires assurent la progression. Les griffes, par leur variété, constituent des caractères taxinomiques. À cette morphologie commune s’ajoutent d’autres caractères permettant de séparer deux types de Tardigrades (cf. figure): les Eutardigrades , formes nues, sans cuirasse, sans appendices, incolores ou peu pigmentées, les Hétérotardigrades , rouges ou orangés, portant une cuirasse qui résulte d’un épaississement de la cuticule chitinoïde en plaques imbriquées et sculptées; le corps porte, en outre, des appendices variés (papilles, cirres, poches sensorielles, piquants, filaments).
La musculature se compose de fibres lisses. La cavité générale , assez spacieuse, renferme le liquide cœlomique incolore, avec des vacuoles en suspension. Le système nerveux métamérisé est du type arthropodien; il comprend un gros cerveau, un ganglion sous-œsophagien et une chaîne ventrale composée de quatre ganglions. Des nerfs innervent les diverses régions. Deux petites taches oculaires pigmentées se trouvent sur le cerveau. Le tube digestif présente une bouche, un tube buccal avec deux stylets perforants et une paire de glandes buccales, un bulbe buccal à cavité réduite, un œsophage, un intestin moyen, un rectum et enfin l’anus; trois glandes de Malpighi existent chez les Eutardigrades. Les sexes sont séparés; les mâles sont parfois rares ou inconnus. L’appareil génital se compose d’une seule gonade (testicule ou ovaire) située au-dessus du tube digestif. Deux canaux déférents aboutissent au pore mâle ventral. L’ovaire se continue par un oviducte qui conduit au pore femelle dont la place varie selon le groupe.
Physiologie
Les Tardigrades sont généralement végétariens; les stylets perforent les cellules dont le contenu est aspiré; quelques espèces sont carnivores et mangent des Rotifères ou d’autres Tardigrades.
La respiration s’effectue uniquement à travers la paroi du corps; au manque d’oxygène répondent une immobilisation et un gonflement, réactions adaptatives à l’asphyxie; l’immobilisation diminue les oxydations et le gonflement accroît la surface respiratoire.
Il n’existe pas de véritable circulation. Les glandes salivaires, les glandes rectales de Malpighi assurent l’excrétion.
La fécondation et la ponte offrent deux aspects: dans un premier cas, le sperme est injecté dans l’ancienne cuticule, où les œufs à coque lisse et membrane vitelline mince seront pondus au moment de la mue, et alors fécondés. Dans un second cas, la fécondation interne précède la ponte; la coque de l’œuf, épineuse ou ornée, s’édifie après la fécondation.
Selon la température, le développement dure de cinq jours à un mois. Les jeunes diffèrent plus ou moins de l’adulte et subissent plusieurs mues. La durée de vie normale (18 à 20 mois) peut être considérablement accrue (60 années) si des périodes de vie active alternent avec de courtes périodes de vie inactive.
Trois mécanismes rendent possible ce comportement très particulier: la résistance à l’asphyxie, l’anabiose ou dessèchement, l’enkystement. On a déjà signalé que la résistance à l’asphyxie résulte de l’immobilité et du gonflement du corps. La résistance au dessèchement est grande. On sait depuis longtemps que quelques gouttes d’eau provoquent la reviviscence ; un Macrobiote à sec depuis six ans et demi commence à bouger quatre heures après l’addition d’eau; si l’animal subit un froid intense (– 273 0C pendant 8 h 30 mn) ou une assez forte chaleur (36 0C pendant 30 mn), la reviviscence est encore possible. Enfin, l’enkystement s’observe surtout chez les espèces aquatiques ou muscicoles; comme au moment de la mue, le Tardigrade se rétracte dans son ancienne cuticule et une nouvelle enveloppe se forme autour de ce kyste. L’enkystement est saisonnier: c’est en quelque sorte un arrêt du cycle vital.
tardigrades
n. m. pl. ZOOL Classe de pararthropodes de petite taille (moins de 1 mm), qui vivent dans l'eau ou dans les végétaux humides (mousses, lichens, etc.) et qui, en cas de sécheresse, entrent en état de vie ralentie et peuvent s'y maintenir pendant plusieurs années.
— Sing. Un tardigrade.
⇒TARDIGRADE, adj.; TARDIGRADES, subst. masc. plur.
I. — Adj., vx. Qui marche lentement. Les Églises, les rois (...) Ces lourdes légions tardigrades, s'indignent Contre ceux qui vont vite (HUGO, Toute la lyre, t. 1, 1885, p. 307).
— Au fig. Être tardigrade. Être vieux jeu, être en retard (dans ses jugements, sa façon de penser). Je ne crois pas être trop sévère, ni tardigrade, en disant qu'une telle conduite est indigne d'un homme (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 207).
— Empl. subst., vx. Tout ce qui dans son évolution progresse lentement. Les monarchies, ces tardigrades (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 24).
II. — Subst. masc. plur.
A. — ZOOL. Groupe de mammifères édentés qui comprend les animaux appelés aussi paresseux. Sur la terre, nous contemplons avec compassion ces ébauches animales, l'unau, l'aï, plaintives et souffrantes images de l'homme qui ne peuvent faire un pas sans pousser un gémissement:paresseux ou tardigrades. Ces noms que nous leur donnons, nous pouvions les garder pour nous (MICHELET, Oiseau, 1856, p. 24).
♦ P. compar. L'homme, créature amphibie et mitoyenne épaissie par la symbiose de l'âme et du corps, ne peut exister que dans les trois dimensions de l'espace et dans la prolongation végétative de l'intervalle; une telle situation le condamne à la lenteur et à la lourdeur des tardigrades, à l'hébétude, aux pensées crasses et grossières (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 115).
— Au sing. Mammifère appartenant à ce groupe. P. compar. Si la lenteur est relative au désir du mouvement, à l'effort toujours trompé d'aller, d'avancer, d'agir, le vrai tardigrade c'est l'homme (MICHELET, Oiseau, 1856, p. 24).
B. — ENTOMOL. Ordre d'animaux arthropodes de la classe des Arachnides, vivant dans les mousses et les lichens, caractérisés par leur pouvoir de reviviscence en cas de dessiccation. Et, de même que les rotifères et les tardigrades peuvent être chauffés à une température voisine de l'ébullition, sans perdre nécessairement leur vitalité, il en sera de même pour toi, si tu sais t'assimiler, avec précaution, l'âcre sérosité suppurative qui se dégage avec lenteur de l'agacement que causent mes intéressantes élucubrations (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 287). Les petits Invertébrés (Rotifères, Tardigrades) qui vivent dans la mousse tombent en « mort apparente » sous l'effet de la dessiccation; ils recouvrent une vitalité normale, ils « ressuscitent », dès qu'on leur restitue l'humidité nécessaire (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p. 101).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. A. Adj. 1615 « à la démarche lente » qualifiant une tortue (J. DE MONTLYARD, Hieroglyphiques de Vivian, p. 351 ds GDF. Compl.: Une tortue cheminant laquelle Pacuve appelle [...] tardigrade), ex. isolé; 1842 en parlant d'animaux (Ac. Compl.). B. Subst. 1. 1764 « animal arthropode de la classe des arachnides » (Ch. BONNET, Contempl. nat. Œuvres, t. VIII, p. 263 ds LITTRÉ); 2. 1795 plur. « famille de mammifères édentés » (GEOFFROY SAINT-HILAIRE et CUVIER, Mémoire sur une nouvelle division des Mammifères in Magasin Encyclop., n° 6, p. 15). Empr. à l'adj. lat. tardigradus « qui marche lentement » (PACUVIUS d'apr. CICERON, De Divinatione, 2, 133: Nam Pacuvianus Amphio: Quadrupes tardigrada, agrestis, humilis, aspera [...] Cum dixisset obscurius, tum Attici respondent: Non intellegimus, nisi si aperte dixeris. At ille uno verbo: testudo). Fréq. abs. littér.:26.
Encyclopédie Universelle. 2012.