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MOUSSES
MOUSSES

Les Mousses, ou Musci , cryptogames chlorophylliens, constituent l’ensemble des classes III (Sphagnopsida ), IV (Andreaeopsida ) et V (Bryopsida ) de l’embranchement des Bryophytes.

Au cours de leur vie, elles présentent une alternance de phases (ou alternance de générations). Deux éléments se succèdent: le gamétophyte, tige feuillée toujours verte portant les anthéridies ou les archégones (ou les deux à la fois); le sporophyte, peu chlorophyllien, formé d’un pied fixé sur le gamétophyte, d’un pédicelle plus ou moins long et d’une capsule souvent déhiscente, fermée dans la plupart des cas par un péristome et un opercule, contenant les spores et dont la paroi porte à l’extérieur, dans certains cas, des stomates.

Ce groupe de végétaux comprend près de vingt mille espèces réparties en sept cents genres environ, la plupart terrestres, certains (les Fontinales par exemple) vivant dans les eaux douces stagnantes ou courantes.

Morphologie et anatomie

Trois exemples mettront en évidence les caractères morphologiques et anatomiques de chacune des trois classes.

«Sphagnum palustre»

Sphagnum palustre peut être pris comme représentant de la classe des Sphagnopsida. Plante hydrophile, cette sphaigne vit depuis la plaine jusqu’à 2 000 m d’altitude, dans les tourbières, au bord des eaux courantes ou des étangs. Ses tiges, dressées mais souples, hautes de quelques décimètres, forment des coussins denses, vert pâle ou vert jaunâtre, parfois teintés de rose ou de brun (fig. 1 a).

Le gamétophyte se forme à partir de la spore, minuscule pyramide à trois faces latérales planes. Tombée sur le sol humide, la spore germe, émet un court filament qui produit une lame protonémique munie, sur sa marge, de rhizoïdes. À partir d’une cellule marginale du protonéma, un bourgeon s’individualise et va produire la tige feuillée.

La tige reste unique ou se divise. Dépourvue de rhizoïdes, elle meurt continuellement par sa base tandis qu’elle croît par son sommet. Sa structure présente, de l’extérieur vers l’intérieur: un hyaloderme formé de cellules vides incolores dont les pores permettent l’entrée et la sortie de l’eau; un cylindre central prosenchymateux, brun rouge; une région centrale médullaire. Elle porte les feuilles caulinaires.

Les rameaux naissent tout le long de la tige, groupés en faisceaux. Les feuilles raméales, sessiles, sans nervure, s’y insèrent en spirale. Le tissu foliaire comprend deux sortes de cellules (fig. 1 c): des cellules longues et étroites, chlorophylliennes donc constituant le tissu assimilateur, nommées chlorocystes; entre les mailles du réseau de chlorocystes, de grandes cellules losangiques, hyalines, dépourvues de chlorophylle, munies de fibres et de pores, facilitant la circulation de l’eau, que l’on nomme hyalocystes.

Certains rameaux, plus courts que les autres, se terminent par une sorte de chaton: c’est l’inflorescence mâle. Dans l’axe des feuilles courtes, imbriquées, disposées sur quatre rangs, se trouve une anthéridie sphérique, portée par un pied long et grêle et qui s’ouvre par son extrémité distale, libérant les anthérozoïdes biciliés.

Vers le sommet de la tige, un rameau court porte l’inflorescence femelle, c’est-à-dire quelques archégones nés à l’extrémité de l’axe, entourés de feuilles périchétiales. Un seul archégone sera fécondé. Le zygote résultant de la fécondation se segmente et donne le sporophyte.

Le sporophyte (fig. 1 b) comprend une capsule portée par un pied court reposant sur un long pseudopode; celui-ci provient de l’allongement du rameau porteur de l’archégone et, par conséquent, appartient au gamétophyte. La capsule se libère bientôt en déchirant la coiffe (paroi de l’archégone) qui l’entourait. Elle se compose d’une enveloppe externe épaisse portant des stomates, d’une columelle centrale et d’un sac sporifère formant dôme au-dessus de la columelle. Quand les spores sont mûres, un opercule s’individualise à la partie supérieure de la capsule, la columelle se dessèche, la capsule devient cylindrique, l’opercule, chassé par la pression interne, tombe, les spores se dispersent.

La multiplication végétative s’effectue par la chute de petits rameaux grêles qui produisent une plante normale.

«Andreaea petrophila»

Andreaea petrophila sera considérée comme type de la classe des Andreaeopsida , qui comprend environ cent trente espèces distribuées en deux genres, vivant surtout dans les montagnes et les régions arctique et antarctique. Elle forme des touffes brunes et noirâtres sur les rochers siliceux.

La spore tétraédrique mesure 20 猪m environ, germe à l’intérieur de son enveloppe en un corps pluricellulaire (fig. 2 a). L’enveloppe se rompt; un filament sort, se ramifie; certains rameaux se fixent au substrat et s’élargissent en une lame ramifiée: c’est le protonéma, sur lequel naissent les bourgeons. Chacun donne une tige feuillée ressemblant à celle des Bryales, dichotome, dressée ou couchée à sa base (fig. 2 b). Les feuilles, ovales, concaves, sans nervure, formées d’une seule assise de cellules, portent des papilles nombreuses sur leur face dorsale.

Les inflorescences mâles ressemblant à de petits bourgeons naissent à l’aisselle des feuilles. Elles possèdent des anthéridies courtement pédicellées et des paraphyses, filaments stériles élargis à leur partie supérieure. Les inflorescences femelles, archégones et paraphyses entourés de leurs feuilles périchétiales, terminent la tige.

Après la fécondation se développe le sporophyte composé d’un pédicelle court, porté par un pseudopode qui, comme celui des Sphaignes, appartient au gamétophyte, et d’une capsule couverte par une coiffe et dépourvue de péristome et d’opercule. La capsule s’ouvre par quatre valves restant soudées à leur base et à leur sommet (fig. 2 c); par temps sec, elle laisse sortir les spores.

«Funaria hygrometrica»

L’une des Bryopsida les plus répandues, la Funaire hygrométrique, se rencontre dans les bois frais, dans les forêts sur les places à charbon de bois, au bord des chemins, dans les jardins et les serres (fig. 3 a).

La spore unicellulaire, mesurant 10 猪m de diamètre, germe et produit un protonéma formé de deux parties: le chloronéma, filament irrégulièrement ramifié, à parois cellulaires externes incolores, à cloisons latérales perpendiculaires au filament, contenant de nombreux chloroplastes, à phototropisme positif donc qui reste à la surface du sol; le caulonéma faisant suite au chloronéma, ramifié très régulièrement, composé de cellules à parois externes brunes et à parois latérales obliques, dépourvu de chlorophylle (sauf dans la cellule terminale), à phototropisme négatif donc qui pénètre dans le sol, et sur lequel naissent les bourgeons. Le bourgeon produit à sa base des rhizoïdes et, à son apex, une tige.

La tige, nommée aussi «caule» ou «caulidie», dressée, haute de 3 à 5 mm, porte des feuilles insérées en spirale mais qui se rassemblent au sommet en une sorte de petit bourgeon terminal. Ces feuilles, longues de 4 mm environ, concaves, à marge entière, plus ou moins aiguës, ont une nervure atteignant le sommet. Elles sont formées d’une seule assise de cellules hexagonales un peu allongées.

Un rameau latéral de la plante se termine par un bouquet de feuilles périgoniales entourant les anthéridies et les paraphyses. Au sommet d’un rameau principal, une couronne de feuilles périchétiales entoure les archégones.

Après fécondation se forme le sporophyte. Un pédicelle long de 4 cm, souvent courbé au sommet, jaune, orangé ou rougeâtre, porte une capsule perpendiculaire à lui ou pendante dont la couleur varie du jaune pâle au roussâtre suivant sa maturité. L’urne, lisse quand elle est jeune, devient striée longitudinalement et dissymétrique et porte des stomates dans sa partie inférieure (fig. 3 b). Elle est fermée par un opercule excentrique, convexe, recouvert par une coiffe à long bec et fendue latéralement. Au sommet de l’urne, une rangée de cellules hautes constitue l’anneau. Lorsque l’opercule tombe, on aperçoit le péristome. Ce péristome (fig. 3 c) comprend: une rangée externe de dents longuement triangulaires, disposées en spirale, couvertes de fins tubercules, de teinte orangé vif ou brun rouge, réunies entre elles à leur sommet par un disque de fin tissu; une rangée interne de lanières jaunes plus courtes que les dents externes et finement ornées de tubercules. Suivant l’état hygrométrique de l’atmosphère, les dents s’écartent et laissent s’échapper les spores ou se referment.

Cytologie

Le nombre de chromosomes semble toujours le même dans les classes très homogènes morphologiquement, celle des Sphagnopsida (n = 19) et celle des Andreaeopsida (n = 10). Dans celle des Bryopsida , au contraire, il diffère suivant les familles.

Le nombre et la morphologie des chromosomes aident à résoudre certains problèmes taxonomiques, phylogénétiques ou biogéographiques. Ainsi, grâce à l’examen du caryotype, on a établi la place du genre Pleuridium parmi les Ditrichacées, celle du genre Bruchia parmi les Dicranacées; on a pu comprendre la composition de l’espèce Plagiothecium denticulatum , mousse des rochers siliceux, de la terre et des souches de nos bois, qui rassemble diverses sous-espèces, variétés et formes correspondant à des populations à n = 10 ou n = 10 + 1 et à des polyploïdes à n = 20 ou n = 25.

Chez les mousses, on constate parfois la présence de petits chromosomes faiblement colorés, que l’on a nommés «chromosomes accessoires» (ou «chromosomes surnuméraires», «m- chromosomes») et qui n’auraient probablement pas un rôle génétique important. Chez Fissidens cristatus , par exemple, certaines plantes possèdent n = 13 et des plantes d’origine géographique différente n = 13 + 2 m , et cependant aucun caractère morphologique particulier n’est décelable dans les unes ou dans les autres.

Les chromosomes sexuels ont été assez souvent reconnus chez les Mousses, en particulier dans les genres Polytrichum , Hypnum et dans les Bartramiacées.

Composition chimique

La constitution chimique des Mousses est assez peu étudiée. Cependant, les Sphaignes, qui vivent dans un milieu très particulier et qui contribuent à la formation de la tourbe, ont plusieurs fois attiré l’attention des chimistes. Elles contiennent des acides aminés (acide aspartique et acide glutamique en particulier), des acides organiques (fumarique, succinique, oxalique et surtout malique et citrique), des hydrates de carbone (glucose, fructose, sucrose et certains fructosides).

Les Bryopsida concentrent dans leurs tissus certains éléments du sol. Scorpidium scorpioides croissant dans un sol contenant 0,0065 p. 100 d’uranium accumule 0,016 p. 100 de son poids d’uranium. Sur un terrain où poussent des plantes diverses, certaines Mousses contiennent plus de deux fois autant de vanadium que les plantes vasculaires. Des Mousses vivant sur un filon de pegmatite accumulent autant de béryllium que les plantes vasculaires qui les accompagnent. Dans les cendres de Sphagnum palustre , on a trouvé 0,1 p. 100 d’aluminium, et dans celles de Leptodontium aggregatum 24,4 p. 100. Enfin, des analyses ont montré, dans 100 g de poids sec de certaines Mousses, jusqu’à 400 mg de fer.

Classification

Les Mousses ont été réparties en trois classes (cf. tableau): les Sphagnopsida , représentées par le seul genre Sphagnum , groupe très homogène; les Andreaeopsida , comprenant seulement deux genres; les Bryopsida , auxquelles appartiennent le plus grand nombre d’espèces. Cette dernière classe est assez hétérogène. On la divise en treize ordres comprenant au total trente-quatre familles, que l’on distingue d’après les particularités du gamétophyte et du sporophyte. Quelques exemples montreront l’importance des variations à l’intérieur de ce groupe.

La structure de la tige est souvent assez simple, mais, chez les Polytrichacées, elle comprend des îlots de stéréides (cellules à parois épaisses) dispersés dans un tissu constitué par des hydroïdes (cellules laissant facilement circuler l’eau).

La forme de la feuille (fig. 4) varie beaucoup (circulaire, ovale, sublinéaire) et le tissu foliaire diffère suivant les familles et les genres. Ainsi, le limbe est en général mince, unistrate, mais, chez les Leucobryacées, il possède plusieurs assises de cellules hyalines perforées entourant de petites cellules chlorophylliennes.

Dans la feuille, la nervure manque ou bien elle apparaît simple ou double, presque toujours étroite (fig. 4). Cependant, chez les Polytrichacées, elle peut occuper presque toute la largeur du limbe ou porter de longues lamelles parallèles hautes de plusieurs cellules.

La constitution de la feuille présente parfois une originalité surprenante. Chez les Fissidentacées, le limbe se plie le long de la nervure, formant ainsi une carène nommée «lame vraie»; la nervure se prolonge au-delà de la carène et une «lame apicale» s’étend contre ce prolongement; en outre, tout le long de la nervure se développe une «lame dorsale». L’ensemble forme une sorte de bateau.

Sur le sporophyte existe une apophyse, masse renflée située entre le pédicelle et l’urne. Chez les Polytrichacées, cette apophyse est très développée et bien visible; sous l’urne des Splachnacées, notamment de Splachnum luteum , elle forme une grande collerette très élégante (fig. 5).

D’après le mode d’ouverture de la capsule, on peut distinguer deux groupes parmi les Mousses. Les espèces dites cléistocarpiques ont une capsule s’ouvrant par déchirement de la paroi et dépourvue d’opercule; les espèces dites stégocarpiques ont une capsule s’ouvrant par un opercule. Ce caractère ne manque pas d’intérêt pour la classification des Bryopsida.

Le péristome possède un nombre de dents égal à 4 (Tetraphis pellucida ) ou à un multiple de 4, soit 8, 16 ou 32. Les dents se disposent en une seule rangée ou en deux rangées et, dans ce dernier cas, on distingue un endostome et un exostome.

La coiffe elle-même se présente sous des formes très diverses. Elle ressemble, par exemple, à un bonnet conique recouvrant le sommet de l’urne et peut alors être lisse ou porter de longs poils.

Ancienneté

L’apparition des Mousses s’est échelonnée aux diverses époques géologiques depuis le Carbonifère ou même, semble-t-il, depuis le Dévonien.

On a trouvé des Sphaignes en plusieurs points de l’hémisphère Nord jusqu’au Groenland depuis le Jurassique et, en abondance, au Quaternaire. Dans le Permien de l’Angaride existaient des Bryophytes dont le gamétophyte ne rappelle pas celui des Sphaignes mais présente un dimorphisme cellulaire qui, incontestablement, les rattache aux Sphagnopsida. Ces végétaux fossiles constituent l’ordre des Protosphagnales représenté au Permien par trois genres complètement disparus depuis cette époque. Leur importance au point de vue de la phylogénie des Mousses et de l’origine des Sphaignes paraît très grande.

Les Andreaeopsida sont connues au Quaternaire par quatre espèces. Leur apparition semble, cependant, beaucoup plus ancienne, car un échantillon trouvé dans le Dévonien a pu être attribué à la famille des Andreaeacées.

Les Bryopsida étaient représentées au Permien, et probablement même à la fin du Carbonifère, par des genres actuellement disparus, au Tertiaire par des genres disparus et par des genres vivant encore à notre époque. Un grand nombre d’espèces actuelles existaient aux périodes glaciaires et interglaciaires et, probablement, depuis le Pliocène. Les Bryopsida , malgré leur ancienneté certaine, apparaissent dans les couches géologiques, probablement un peu après les Hépatiques qui existaient déjà au Dévonien.

Encyclopédie Universelle. 2012.