Akademik

BARBE-BLEUE
BARBE-BLEUE

BARBE-BLEUE

Héros d’un conte célèbre, Barbe-Bleue épouse puis tue plusieurs femmes, en prétextant un interdit violé, mais la dernière lui échappe par ruse et le fait mettre à mort. Le nom est devenu synonyme d’homme cruel et sanguinaire.

Faut-il, avec l’abbé E. Boissard (1886), identifier Barbe-Bleue à Comerus, barbare roi breton qui égorgeait ses femmes dès qu’elles étaient enceintes et que châtia saint Gildas? Ou encore à Gilles de Rais, maréchal de France et compagnon de Jeanne d’Arc? S’agit-il d’une figuration du Soleil qui dévore la nuit, comme l’affirmait l’interprétation mythologique du XIXe siècle? Ou bien est-ce, comme le soutient le «ritualiste» Saintyves, en 1923, à partir du motif de la chambre interdite, un récit «initiatique»?

Le conte porte les numéros 311-312 dans la classification internationale Aarne-Thompson. Il est connu sous trois formes différentes. Dans la première, la plus répandue en Europe occidentale, à l’exception de la France, c’est un monstre (Fitcher Vogel , conte no 46 des frères Grimm); la deuxième est la forme française, popularisée par l’adaptation de Pierre et Charles Perrault (1697); la troisième, une version christianisée où manque le motif de la chambre interdite.

Les versions orales du conte contiennent de nombreux traits qui manquent dans l’adaptation de Ma Mère l’Oye : animal messager, déshabillage et adieu aux vêtements, et qui rendent plus vraisemblable le «suspense» final.

Le détail de la barbe bleue ne se retrouve que dans l’adaptation des Perrault et dans les versions qui s’en sont inspirées. Est-elle réellement bleue? Le plus vraisemblable, c’est qu’elle est très noire, au point de paraître bleue, comme l’aile du corbeau. Autre singularité du personnage: cette barbe très virile est précédée de l’article la qui confère au surnom un statut masculin-féminin commun à plusieurs autres héros du recueil: sœur Anne, le Chat botté, etc. Le conte, bien que dramatique, contient de nombreuses notations burlesques et plusieurs références aux nouveautés de cette fin de siècle: les «sophas», les grands miroirs, etc.

Popularisé par le colportage, l’imagerie d’Épinal et l’édition illustrée pour enfants, le conte La Barbe-Bleue connaît un immense succès. Il inspire aussi d’innombrables auteurs dramatiques, romanciers et musiciens. Parmi les œuvres les plus connues, Ariane et Barbe-Bleue de Maurice Maeterlinck (1901) que Paul Dukas met en musique en 1906, Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue d’Anatole France (1909), et, de Bela Bartók, Le Château de Barbe-Bleue (1911).

Encyclopédie Universelle. 2012.