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SQUELETTE
SQUELETTE

Le squelette varie considérablement, chez les végétaux comme chez les animaux, tant par sa nature physico-chimique que par son mode de formation et par ses relations avec les éléments cellulaires ou tissulaires. Pourtant, il constitue toujours la partie de l’organisme qui assure la rigidité du corps. En ce sens, il est bien plus facile de définir le squelette par sa fonction essentielle – le soutien mécanique – que par sa structure ou sa composition.

Dans le règne animal, et particulièrement chez les Métazoaires, les formations squelettiques peuvent être constituées seulement par des substances organiques, généralement extracellulaires, de consistance plus ou moins ferme; il s’agit de protéines ou de polysaccharides souvent associés en proportions variables. Parmi les protéines, les plus importantes sont, sans doute, les différentes formes de collagène qu’on trouve dans tout le règne animal, les sclérotines des Invertébrés, durcies par un procédé de tannage, les kératines des Vertébrés. Mais fréquemment, le durcissement est réalisé par une minéralisation consistant en un dépôt de substances minérales sur la trame organique. La calcification est un cas particulier, mais très répandu, de minéralisation qui met en jeu des sels de calcium, en premier lieu des carbonates sous différentes formes (calcite, aragonite, etc.), mais d’autres ions métalliques (magnésium, strontium, fer), ou encore de la silice, peuvent intervenir dans la minéralisation. L’ossification propre aux Vertébrés, est la calcification d’une trame organique, contenant des polysaccharides et des fibres de collagène, par un dépôt minéral où domine un phosphate de calcium, l’hydroxyapatite. L’élaboration des matrices organiques squelettiques, leur minéralisation éventuelle, et notamment l’ossification sont des phénomènes biologiques complexes qui dépendent tout à la fois du milieu extra-cellulaire et des cellules qui appartiennent à ces tissus [cf. MINÉRALISATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE].

On parle de squelette externe lorsqu’il est formé à la surface du corps par des cellules épidermiques. Entrent, par exemple, dans cette catégorie la coquille des Mollusques, la cuticule des Arthropodes, les tubes des Annélides Polychètes; ce type de squelette est particulier au grand ensemble des Protostomiens. Les formations squelettiques sont dites internes lorsqu’elles sont élaborées par des cellules mésodermiques, dans l’épaisseur de tissus; les formations endosquelettiques se rencontrent chez les Deutérostomiens: Échinodermes et Cordés [cf. STOMOCORDÉS].

Les structures squelettiques animales, minéralisées ou non, assurent en premier lieu le soutien et la protection des tissus mous; en fournissant en support aux insertions musculaires, elles permettent certains mouvements. Dans quelques cas, en outre, et tout spécialement chez les Vertébrés, elles constituent une réserve minérale considérable qui peut être utilisée pour assurer l’homéostasie (cf. métabolisme PHOSPHOCALCIQUE). C’est le cas pour le squelette humain; la description de celui-ci, qui déborde le cadre du présent article, se trouve dans les articles d’anatomie régionale humaine [cf. ANATOMIE].

1. Squelettes intracellulaires ou péricellulaires des Protozoaires et des Végétaux

Parmi les Protistes, vaste groupe polyphylétique d’êtres unicellulaires, différents groupes possèdent un squelette minéralisé. On se bornera à signaler l’existence de structures squelettiques purement organiques (généralement des scléroprotéines) chez les Zooflagellés (axostyle), chez certains Ciliés (squelette du cytopharynx par exemple), chez les Radiolaires (capsule centrale chitineuse). Dans la classe des Rhizopodes, les Foraminifères [cf. FORAMINIFÈRES] possèdent un squelette, ou test, de composition généralement calcaire, qui se présente comme une sorte de coquille minuscule, fréquemment organisée dans l’espace selon une spirale et compartimentée en loges successives de plus en plus grandes. Cette disposition «mime» parfois la coquille de certains Mollusques. Aussi, les Nummulites – Foraminifères fossiles géants atteignant plusieurs millimètres de diamètre – ressemblent-ils quelque peu à de minuscules Nautiles. Par de multiples pores de la coquille sortent des prolongements protoplasmiques. Les Foraminifères sont marins, et l’empilement de leur squelette est un élément fondamental dans la constitution de nombreuses roches sédimentaires. Dans la classe des Actinopodes [cf. ACTINOPODES] se rangent les Radiolaires, Protistes marins, planctoniques. Leur élégant squelette est constitué de spicules rayonnants composés de silicate de chaux et d’alumine. Il est fréquemment sphérique ou en forme de cloche, très ajouré, orné de pointes et d’aiguilles. Certains Radiolaires sécrètent des spicules de sulfate de strontium.

Les Diatomées, Algues unicellulaires, sont les seuls végétaux à posséder un squelette silicifié, qui se compose de deux valves emboîtées l’une dans l’autre, ornementées de façon caractéristique [cf. DIATOMÉES].

La plupart des Végétaux, unicellulaires ou pluricellulaires, doivent leur rigidité à la combinaison d’un «squelette hydraulique» et d’un squelette dur. Le premier est constitué par les cellules végétales elles-mêmes. Dans les conditions normales de température et d’humidité, les vacuoles du cytoplasme sont pleines d’eau et exercent une pression dite de turgescence sur la membrane cellulaire; cette turgescence joue un rôle considérable dans le maintien du port de nombreux Végétaux (cf. équilibre HYDRIQUE).

Indépendamment du «squelette hydraulique», le squelette «figuré» des Végétaux est entièrement composé de matières organiques. Au niveau cellulaire, la membrane offre la particularité d’être double. À la pellicule ectoplasmique s’ajoute, en effet, une épaisse paroi de nature pecto-cellulosique dont le rôle mécanique est capital, tant dans le maintien de la rigidité des tissus que dans celui de la cohésion cellulaire. C’est la réaction de cette membrane déformable, mais résistante, qui permet à la pression de turgescence de jouer un rôle mécanique.

Chez les Végétaux vasculaires [cf. PLANTES], le port de la plante dépend de tissus différenciés par modification des membranes cellulaires; ils constituent, d’une part, l’appareil conducteur et, d’autre part, des tissus de soutien (collenchymes, sclérenchymes et fibres) caractérisés par des modifications de la membrane. Les collenchymes sont formés de cellules susceptibles de croissance, à parois cellulosiques épaissies sur toute leur surface ou seulement aux points de contact entre plusieurs cellules voisines. Dans les sclérenchymes , au contraire, les parois cellulosiques se lignifient, et les cellules, bien que vivantes, ne sont plus capables d’allongement. Les fibres sont formées de cellules très allongées, fusiformes, dont le contenu cellulaire meurt; la cellule fibreuse achevée ne présente plus en son centre qu’une lumière résiduelle entourée par des parois très épaisses de nature cellulosique ou ligneuse. L’accolement de cellules de ce type (faisceau de fibres) constitue les fibres textiles d’origine végétale. Si les collenchymes sont en général superficiels, les sclérenchymes et les fibres sont situés en profondeur et souvent associés aux éléments conducteurs. Parmi ceux-ci, les tubes criblés s’opposent aux vaisseaux dont les parois sont renforcées par des épaississements lignifiés; les épaississements annelés ou spiralés permettent l’allongement des cellules et se trouvent dans les vaisseaux jeunes; les épaississements, plus importants mais non extensibles, des vaisseaux âgés formeront (avec les tissus connexes, souvent lignifiés aussi) le bois. Cet assemblage, tant par les propriétés physiques de ses constituants que par leur arrangement précis dans l’espace, confère aux végétaux ligneux leurs propriétés mécaniques bien connues [cf. BOIS].

2. Squelette des Invertébrés

Les fonctions essentielles des formations squelettiques, soutien et protection, se retrouvent dans la plupart des groupes d’Invertébrés; elles son assurées par des tissus de consistance dure, ou plutôt par des substances organiques extra-cellulaires plus ou moins résistantes, souvent durcies par minéralisation.

Des cellules spécialisées, les scléroblastes de la mésoglée, élaborent, chez les Spongiaires, des spicules calcaires ou siliceux de forme et de taille très diverses. Chez certaines éponges, une substance sans doute proche du collagène, la «spongine», forme un réseau de fibres ramifiées, cœxistant éventuellement avec des spicules siliceux.

Le «périsarc», qui entoure les colonies de beaucoup d’Hydraires, est une sorte de fine cuticule chitineuse. Mais c’est chez les Anthozoaires que, parmi les Cnidaires, les formations squelettiques sont les plus variées: externes ou internes, organiques ou minérales.

Les colonies d’Alcyonium , par exemple, ont un squelette de spicules de calcite élaborés par les scléroblastes de la mésoglée. Chez le corail rouge (Corallium ), les spicules sont soudés par un ciment calcaire. La tige ramifiée qui forme l’axe de la colonie de Gorgonia est, en fait, un squelette externe élaboré par l’épiderme invaginé et constitué par une protéine proche du collagène.

Les Madréporaires, solitaires ou coloniaux, édifient un exosquelette morphologiquement compliqué, pauvre en substances organiques, essentiellement composé de carbonate de calcium (aragonite).

Chez les Mollusques et chez les Arthropodes, les structures squelettiques sont externes, c’est-à-dire élaborées par l’épiderme autour du corps de l’animal. On peut considérer de même comme un exosquelette les tubes édifiés par certains Annélides Polychètes, formés soit par des matières organiques durcies (protéines tannées), soit par des matières organiques imprégnées de calcaire, soit par des matières organiques cimentant des matériaux exogènes (grains de sable, débris de coquilles).

La coquille des Mollusques, si variée dans sa morphologie, comporte le plus souvent une mince couche superficielle, purement organique, et deux couches plus épaisses, dans lesquelles une trame organique sert de support à des matériaux minéraux (du calcaire sous forme de calcite ou d’aragonite). Le terme de conchyoline, qui désigne la substance organique de la coquille, masque une diversité chimique encore mal connue où coexistent souvent protéines durcies et chitine [cf. MOLLUSQUES]. La coquille bivalve des Brachiopodes [cf. BRACHIOPODES], malgré sa ressemblance apparente avec celle des Mollusques Lamellibranches, en diffère profondément, en particulier quant à l’orientation des valves. Cette coquille est faite, comme celle des Mollusques, d’une trame organique et de composants minéraux qui varient suivant les genres: chitine associée à du phosphate de calcium chez la Lingule, par exemple; protéine et calcite le plus souvent.

L’épaisse cuticule des Arthropodes est, elle aussi, un squelette externe typique élaboré par l’épithélium épidermique. Sa caractéristique importante est sa continuité parfaite sur toute la surface du corps et des appendices. Elle se réfléchit même au niveau de la bouche et de l’anus pour tapisser les portions antérieure et postérieure du tube digestif. Des pièces dures et rigides, les sclérites, véritables éléments du squelette, sont unies entre elles par des membranes articulaires souples, qui permettent les mouvements. La structure de la cuticule est complexe; on y distingue typiquement trois couches superposées avec des propriétés physiques et chimiques particulières. L’endocuticule, couche la plus profonde, élastique et flexible, est constituée de chitine (un polysaccharide azoté) associé à une protéine. L’exocuticule, portion dure de la cuticule, forme les sclérites; elle contient aussi de la chitine, avec une protéine durcie (sclérotine) par un procédé de tannage qui, en faisant intervenir des substances phénoliques, en modifie l’organisation moléculaire. Du carbonate de calcium renforce parfois, surtout chez les Crustacés, la dureté de certaines parties de la carapace ou des appendices. L’épicuticule, enfin, superficielle et très mince, comporte, en particulier chez les Arthropodes terrestres, des substances lipoprotéiques imperméables. Entre les parties dures de la cuticule, les membranes articulaires souples sont formées seulement par l’endocuticule recouverte de l’épicuticule.

La continuité et la rigidité de l’exosquelette des Arthropodes sont liées aux modalités particulières de la croissance de ces animaux. Celle-ci se réalise, de manière discontinue, à la faveur du rejet périodique de la cuticule suivi de son renouvellement. C’est le phénomène de la mue.

Chez les Échinodermes, un endosquelette existe dans tous les groupes, sous forme de plaques calcaires plus ou moins étendues, de formes très variées, juxtaposées ou dispersées, présentant éventuellement des ornements divers (épines, piquants mobiles, tubercules). Bien qu’elles apparaissent en surface, les pièces squelettiques sont localisées sous l’épiderme, dans le derme; chacun de ces éléments, élaboré par un scléroblaste, représente un unique cristal de calcite associée, en proportion parfois importante, à du carbonate de magnésium. La matière organique, peu abondante, est mal connue; elle est sans doute de nature protéique, mais la présence de collagène n’est pas certaine [cf. ÉCHINODERMES].

3. Le squelette hydrostatique

Les liquides de l’organisme, qui occupent les cavités du corps, ont, en plus de leurs fonctions habituelles dans la nutrition et dans la respiration, un rôle important de participation aux mécanismes hydrauliques qui assurent, en particulier chez des animaux mous, de mouvements éventuellement impliqués dans la locomotion.

Lorsque deux pièces squelettiques sont articulées l’une sur l’autre, il existe souvent deux muscles qui, s’insérant en des points différents, exercent des actions antagonistes. Chez les Vertébrés, par exemple, pour tel segment d’un membre, il existe un muscle fléchisseur et un muscle extenseur. Des dispositifs analogues se rencontrent aussi chez les Arthropodes avec des relations un peu différentes liées au fait que le squelette est externe. L’important est que les mouvements sont réalisés par des muscles antagonistes insérés sur des pièces squelettiques articulées.

La situation est différente dans le cas d’animaux dépourvus de squelette ou, tout au moins, dont les systèmes musculaires n’ont pas d’insertions squelettiques.

On peut prendre l’exemple d’une anémone de mer dont la paroi du corps comporte une couche musculaire circulaire et des faisceaux de fibres longitudinales. Ces deux musculatures, par leur orientation, agissent dans des directions différentes, mais elles ne sont pas antagonistes car les contractions des unes n’entraînent pas l’extension des autres. Leur contraction simultanée a pour effet de réduire et la hauteur et le périmètre de la colonne, donc son volume. Le relâchement de toutes les fibres musculaires ne suffit pas à rétablir le volume initial. Celui-ci est obtenu grâce aux battements ciliaires des cellules du pharynx qui créent un appel d’eau vers la cavité gastrique de l’anémone et y réalisent une pression qui va distendre les parois. À cette force qui agit en antagoniste des muscles et qui peut, ainsi, maintenir une certaine rigidité des tissus mous, on donne le nom de squelette hydrostatique .

Divers mécanismes hydrauliques comparables interviennent chez beaucoup d’Invertébrés lorsque des formations squelettiques dures manquent à assurer l’antagonisme musculaire. Le fluide qui intervient est représenté chez les Cnidaires par le liquide extérieur pénétrant dans la cavité gastrale; c’est le mésenchyme et le liquide interstitiel chez les Plathelminthes et autres Acœlomates; chez les Annélides, où le squelette hydrostatique joue un rôle considérable dans la locomotion, c’est le liquide cœlomique, incompressible, qui transmet les pressions, réalisées par des contractions musculaires.

Des mécanismes hydrauliques sont mis en jeu chez les Mollusques, pour les mouvements d’extension du pied ou des siphons des Lamellibranches, réalisés par un afflux du liquide hémocœlien. Chez les Arthropodes, la plupart des mouvements sont dus à des muscles squelettiques; mais des phénomènes tels que l’élongation de la trompe des papillons, l’extension des pattes des araignées sont réalisés aussi par un accroissement local de la pression de l’hémocœle.

Un dernier exemple de squelette hydrostatique est celui, très original, des Échinodermes, où il est représenté par une partie du cœlome, le système aquifère, associé aux ambulacres (cf. ASTÉRIDES, ÉCHINODERMES). Les tubes ambulacraires s’allongent sous l’action de la pression hydraulique provoquée par la contraction des muscles de la paroi des ampoules qui leur sont associées.

4. Squelette des Vertébrés

Le squelette des Vertébrés combine admirablement les fonctions mécaniques de soutien avec les nécessités de la croissance et de la mobilité. Ces caractères proviennent de la présence de tissus hautement spécialisés, dont certains, comme l’os, sont particuliers à l’embranchement, tandis que d’autres sont plus répandus, comme le cartilage par exemple, qui se retrouve chez les Mollusques.

Par ailleurs, le squelette des Vertébrés abrite les tissus médullaires qui – pour n’avoir aucune fonction dans le soutien mécanique du corps – n’en jouent pas moins un rôle essentiel puisque la moelle des os est le siège de l’hématopoïèse chez l’adulte.

Les tissus squelettiques proprement dits sont d’origine mésodermique et appartiennent tous à la catégorie des tissus conjonctifs [cf. ONTOGENÈSE ANIMALE]. Le tissu osseux [cf. OS] joue évidemment un rôle mécanique essentiel. Il est constamment accompagné de tissus conjonctifs denses, fibreux, riches en collagène, qui forment les ligaments et les capsules articulaires reliant entre eux les segments squelettiques, qui interviennent dans la constitution des muscles (tendons, aponévroses), ou qui permettent, enfin, le glissement des segments osseux les uns sur les autres (cartilages articulaires). Indépendamment de ce rôle articulaire qui justifie leur persistance dans le squelette de l’adulte [cf. ARTICULATIONS], les cartilages sont des tissus squelettiques qui permettent la croissance embryonnaire (A. S. Romer, 1942). Grâce à leur faculté particulière d’accroissement par expansion interne, ce qui les oppose aux tissus osseux, ils peuvent constituer un «modèle» initial pour de nombreux os, modèle souple, résistant et capable d’une expansion très rapide. Cartilages, tendons et ligaments sont intimement associés à la membrane ostéogène qu’est le périoste. Ces éléments peuvent se minéraliser et participer à la formation de l’os lui-même, de telle sorte que tous les tissus mésodermiques, du muscle à l’os, sont en fait reliés entre eux, à la fois sur les plans fonctionnels et structuraux, par une série d’intermédiaires histologiques qui participent plus ou moins des uns et des autres. Par son origine embryologique, sa structure et ses fonctions, l’appareil musculo-squelettique constitue donc vraiment un ensemble cohérent, où il est peut-être artificiel d’opposer trop systématiquement les tissus osseux proprement dits aux autres constituants fibreux, minéralisés ou non (F. Weidenreich, 1930). Par ailleurs, on oppose fréquemment dans le squelette des éléments osseux superficiels (exosquelette) aux os situés profondément dans le corps (endosquelette): tandis que les premiers se forment par ossification dermique directe, les autres sont précédés d’un modèle cartilagineux. Le terme d’exosquelette, ainsi appliqué aux os dermiques, est impropre il devrait exclusivement désigner les éléments durs secrétés à l’extérieur de l’épithélium épidermique, tels que la cuticule chez les Invertébrés. À strictement parler, le terme d’exosquelette devrait donc s’appliquer, chez les Vertébrés, aux formations épidermiques cornées (ongles, griffes, sabots, cornes, plaques cornées de la carapace des tortues et tatous), plutôt qu’aux os dermiques eux-mêmes. De toute façon, la distinction classique entre endosquelette et exosquelette, selon la présence ou l’absence originelle de cartilage, est assez artificielle, car certains os théoriquement dermiques (clavicule, mandibule des Mammifères) comprennent des éléments cartilagineux; le cartilage serait même un tissu présent à la surface d’un grand nombre d’os dermiques jeunes (B. Hall, 1971). À l’inverse, certains os typiquement endosquelettiques, comme les vertèbres des Téléostéens, semblent se former de façon «directe», sans intervention d’un modèle cartilagineux préalable.

L’étude du squelette des Vertébrés ne peut que suivre la répartition anatomique générale de ses éléments et leur mode de formation.

On pourra d’abord distinguer un squelette axial d’un squelette zonaire et appendiculaire [cf. MEMBRES]. L’un et l’autre comportent des os pairs et des os impairs, d’origine dermique ou d’origine enchondrale.

Le squelette axial comprend le crâne et le squelette postcéphalique.

Pour le crâne [cf. CRÂNE], on distingue deux constituants squelettiques fondamentaux, le neurocrâne et le splanchnocrâne.

– Le neurocrâne est formé d’os différenciés autour de l’encéphale et des vésicules sensorielles céphaliques. Il comprend des os dermiques; ils forment en principe le toit (ou voûte) du crâne et une grande partie de son plancher. Le chondrocrâne est l’ensemble des éléments embryonnaires du neurocrâne qui ont une origine enchondrale (précédés de modèles cartilagineux): c’est l’endocrâne, constituant les parois et une partie du plancher crânien, voire, dans certains cas, le toit.

– Le splanchnocrâne . Ce terme est l’équilalent de «squelette viscéral» (cf. infra ); en l’envisageant d’une manière limitative, il ne comprend que les éléments antérieurs (arcs mandibulaire et hyoïdien) de celui-ci, plus ou moins étroitement associés au neurocrâne [cf. CHONDRICHTHYENS].

Le squelette axial postcéphalique est constitué par la colonne vertébrale, composée d’une série métamérisée de pièces osseuses articulées les unes sur les autres, les vertèbres.

La corde (ou chorde) dorsale, axe squelettique des Cordés inférieurs, par exemple l’Amphioxus [cf. CÉPHALOCORDÉS], et des embryons des Vertébrés, persiste, plus ou moins modifiée, chez les Poissons; elle est à peu près complètement éliminée chez les Tétrapodes et c’est à sa place que s’édifie la colonne vertébrale. Des éléments squelettiques (côtes chez tous les gnathostomes, sternum chez les Tétrapodes) associés aux vertèbres font aussi partie du squelette axial.

Le squelette zonaire et appendiculaire est celui des ceintures (pectorale et pelvienne) et des membres [cf. MEMBRES]. À l’exception des éléments dermiques de la ceinture pectorale (clavicule, par exemple), il ne comprend que des os endosquelettiques. Toutefois, les nageoires paires des Poissons possèdent également des éléments distaux dermiques (lépidotriches).

L’interprétation rationnelle de la structure du squelette revient très souvent à distinguer dans des éléments complexes résultant d’une coalescence, tels que le crâne, les traces d’une disposition multisegmentaire, métamérique, originellement plus régulière. Encore bien visible, en général, dans le squelette tronco-caudal, la segmentation originelle régulière a été, en effet, bouleversée en de nombreux points, en particulier vers l’avant du corps (par le processus de céphalisation) et au niveau des membres.

Il faut ajouter encore à tous ces éléments squelettiques cartilagineux ou osseux, enchondraux ou dermiques, les formations squelettiques superficielles que constituent les écailles sensu lato . Ce terme désigne, chez les Poissons, des plaques osseuses dermiques, de largeur et d’épaisseur variables, souvent associés à des structures dentaires (dentine et émail). Les os dermiques du crâne des Poissons osseux, comme les rayons qui soutiennent les membranes des nageoires (lépidotriches), sont de même nature et de même structure. (cf. ACTINOPTÉRYGIENS, DENTS, POISSONS, TÉLÉOSTÉENS).

On trouve aussi chez quelques Reptiles (Crocodiliens, Chéloniens) des plaques osseuses cutanées. Mais les écailles, présententes chez tous les Reptiles et, exceptionnellement, chez les autres Amniotes, sont bien différentes de celles des Poissons. Il s’agit d’épaississements de la kératine élaborée par l’épiderme. Ces «cornéoscutes», ainsi désignées par opposition aux «ostéoscutes» (les plaques osseuses des Crocodiliens), constituent, avec les autres formations kératinisées (cornes, griffes), les seuls vrais éléments exosquelettiques des Vertébrés.

5. Croissance et remaniement du squelette

Les modalités de la croissance du squelette sont très variées, bien qu’elles répondent toutes à un impératif commun et spécifique: assurer l’expansion d’une matériau dur et rigide, incapable d’expansion interne [cf. OS].

La forme du squelette, sa structure, la nature de ses tissus ne sont pas indépendantes du processus de croissance; au contraire, ce dernier conditionne la nature même du squelette et les modalités possibles de son évolution. Autrement dit, la structure du squelette intègre en elle-même son propre processus de croissance. Elle ne peut pas être interprétée seulement en fonction de son rôle physiologique «final» et patent (contention, protection, soutien mécanique, stockage de sels minéraux), mais en fonction aussi des lois géométriques et mécaniques qui président nécessairement à son élaboration.

Dans les étapes zoologiques «primitives» de l’édification squelettique, les processus d’accrétion (dépôts successifs) seront seuls responsables de l’édification du squelette sans qu’aucun phénomène d’érosion ne se manifeste. Un tel processus de croissance ne permet pas la réalisation de n’importe quelle forme, mais il limite assez strictement, pour des raisons géométriques, le nombre de formes possibles [cf. STRUCTURE ET FONCTION]. La croissance squelettique se réalise donc le plus souvent selon une loi d’homothétie; très fréquemment aussi selon une spirale génératrice, plane ou non; ou encore selon un mode dichotomique; enfin, par combinaison ou altération de ces processus.

Dans tous ces cas, malgré les limitations implicites qui viennent d’être rappelées, le jeu différenciel, dans le temps et dans l’espace, de taux de croissances relatives, variés, mais toujours positifs ou au moins nuls, jamais négatifs, est déjà capable d’édifier des architectures squelettiques remarquablement complexes et souvent d’une belle régularité. Telles sont les modalités de l’édification des spicules de divers Protistes et des Spongiaires, des polypiers des Madrépores ou des cystides des Bryozoaires, des coquilles de Brachiopodes ou de Mollusques, etc. Dans tous ces cas, le squelette est soit inarticulé, soit constitué de pièces peu variées, n’ayant entres elles que des articulations simples.

Dans les étapes zoologiques «évoluées» de l’édification du squelette se réalisent au contraire des articulations diversifiées multiples, dont le fonctionnement dans l’espace est très complexes, et qui permettent au squelette de remplir simultanément les fonctions de protection, de préhension, de soutien mécanique, tout en ménageant à l’individu une grande mobilité.

La croissance de squelettes aussi complexes ne peut en général s’accomplir par simple développement homothétique des différents éléments, au moyen d’une accrétion externe. Dans ce cas, en effet, le poids et l’épaisseur des divers segments squelettiques deviendraient rapidement prohibitifs avec l’accroissement de taille. Pour un matériau constant, le maintien d’un même niveau d’adaptation de la structure à la fonction exige, avec une augmentation de taille, des modifications des proportions relatives, que la simple accrétion ne peut réaliser. Les concavités des surfaces articulaires ne pourraient modifier leurs rayons de courbure et ainsi de suite. Pour toutes ces raisons l’accroissement du squelette exigera non seulement des taux d’accrétion positifs ou nuls, mais encore négatifs. Autrement dit, des résorptions de substance squelettique apparaîtront désormais comme un processus indispensable à la croissance elle-même. Cette nécessité paradoxale apparaît clairement dans la croissance du tissu osseux (cf. OS, fig. 2).

La résorption liée à la croissance se réalise, suivant les groupes, selon des modalités et avec une intensité assez variées.

Chez les Arthropodes, la résorption est totale et périodique. La «difficulté» que pose la croissance d’un squelette complexe aux nombreuses pièces articulées est «surmontée» par le processus de la mue: le squelette est entièrement éliminé de façon temporaire et reconstitué ultérieurement à une échelle plus grande, d’ailleurs souvent avec des changements de proportions (allométrie). Cette «solution» n’est bien entendu applicable qu’à des exosquelettes et elle limite les Arthropodes, pour des raisons biomécaniques (J. Currey, 1968) et métaboliques, à des tailles individuelles relativement restreintes.

Chez les Vertébrés, la résorption est au contraire partielle et permanente. Le squelette est constamment le siège de modifications discrètes impliquant une érosion, qui se traduit nettement dans la structure histologique du tissu osseux; ce remaniement est lié à la croissance. Il semble maintenant bien établi que ce remaniement s’effectue sous l’influence de deux hormones antagonistes. L’hormone parathyroïdienne accélérerait la résorption, tandis que la calcitonine, en modifiant l’état de surface des zones en résorption, ou en modifiant l’activité des ostéoclastes, s’opposerait à son action (cf. HORMONES, PARATHYROÏDE, métabolisme PHOSPHOCALCIQUE, THYROÏDE). L’activité hormonale n’est que le «médiateur», par lequel s’effectue la résorption, mais le contrôle de cette activité dans le temps, les modalités fines de sa localisation dans le squelette comme de sa régulation à l’échelon local et général sont encore très mal connus. Ils semblent être de nature génétique (Enlow, 1968) et liés à l’activité générale du métabolisme spécifique.

La «solution» du remaniement de croissance caractérisant les Vertébrés ne s’applique qu’au squelette profond (endosquelette) et elle n’introduit pas, comme chez les Arthropodes, de phases biologiques tout à fait critiques pour l’individu, comme l’est la mue. Elle concilie au contraire la croissance avec le maintien d’une bonne résistance mécanique, d’une activité permanente, d’où la possibilité pour les Vertébrés d’acquérir une très grande taille individuelle et d’adapter la structure fine de leur squelette aux conditions de fonctionnement mécanique, qui en découlent (cf. MEMBRES, VERTÉBRÉS).

Cette solution a par ailleurs pour conséquence, grâce aux échanges ioniques permanents entre le milieu intérieur et le squelette, d’utiliser celui-ci comme un réservoir de sels minéraux, toujours disponibles pour les autres «compartiments» de l’organisme (milieu intérieur, nerfs, muscles, etc.) en fonction des nécessités physiologiques (R. Amprino, 1967, inter alia ).

On conçoit ainsi à quel point le processus de la croissance retentit de façon lointaine sur tous les aspects de la relation entre structure et fonction.

squelette [ skəlɛt ] n. m.
scelette, squelete mil. XVIe; gr. skeletos, proprt « desséché »
I
1Ensemble des os constituant la charpente du corps de l'homme et des vertébrés. ossature. Maladies du squelette ( ostéite, ostéoporose) . Le squelette de la main. Par ext. Structure rigide jouant un rôle de soutien pour un organe. Le squelette du nez, de la langue.
Ces os, dépouillés de tous les tissus mous, et conservés dans la position qu'ils ont dans le corps vivant. carcasse, ossements. « on trouva parmi toutes ces carcasses hideuses, deux squelettes [dont l'un] était celui d'une femme » (Hugo). Squelette articulé (d'un institut d'anatomie).Fam. Un squelette dans le placard.
Fig. Personne très maigre, qui n'a plus que la peau sur les os. Quinze mois « avaient fait du frais Tourangeau aux joues satinées et brillantes un squelette parisien, hâve et jaune » (Gautier). C'est un squelette ambulant (cf. Sac d'os).
2Ensemble des tissus plus ou moins durs qui servent d'armature ou de protection au corps d'un invertébré (test, carapace, coquille). Squelette siliceux des radiolaires.
3Chim. Combinaison des atomes de carbone dans la molécule (d'un corps organique).
II
1(1690) Charpente (d'un navire, d'un édifice). Géol. Le squelette d'une montagne, l'ensemble des parties les plus dures, qui résistent le mieux à l'érosion.
2Fig. Les grandes lignes (d'un ensemble abstrait, d'une œuvre). architecture, 3. plan. « Je vous donne seulement l'essentiel [...] le squelette de sa conférence, sans chair, sans visage » (Lemaitre). « Un dictionnaire sans citation est un squelette » (Voltaire).

squelette nom masculin (grec skeleton, de skeletos, desséché) Charpente osseuse du corps de l'homme et des animaux. Ensemble des éléments osseux d'un organe : Squelette de la main, du nez. Restes osseux d'un individu ou d'un animal morts. Familier. Personne très maigre. Charpente d'une œuvre, d'un discours où ne figure que l'essentiel, exposé sèchement. Structure charpentée, ossature d'une construction. Enchaînement des atomes de carbone dans la molécule d'un composé organique. ● squelette (synonymes) nom masculin (grec skeleton, de skeletos, desséché) Charpente osseuse du corps de l'homme et des animaux.
Synonymes :
- ossature
Charpente d'une œuvre, d'un discours où ne figure que l'essentiel...
Synonymes :
- canevas
- esquisse
- plan

squelette
n. m.
d1./d Ensemble des éléments qui constituent la charpente du corps de l'homme et des vertébrés. Le squelette humain pèse de 3 à 6 kg et comprend 198 os.
Squelette externe des mollusques, des insectes: exosquelette.
|| Ensemble des os d'un corps mort et décharné.
d2./d Fig., Fam. Par exag. Personne très maigre.
d3./d CHIM Ensemble d'atomes formant une chaîne dans une molécule. Squelette carboné des molécules organiques.
d4./d Fig. Armature, charpente, carcasse. Le squelette d'un navire, d'un avion.
|| Plan général (d'une oeuvre). Squelette d'un exposé, d'un roman.

⇒SQUELETTE, subst. masc.
I. A. — 1. ANATOMIE
a) Ensemble des os qui forment la charpente du corps des humains et des animaux vertébrés. Synon. ossature. Dans les populations des pays où l'eau est riche en calcium, le squelette devient plus lourd que dans celles des régions où l'eau est tout à fait pure (CARREL, L'Homme, 1935, p. 261). Le squelette sert d'organe de soutien aux parties molles et forme de véritables leviers sur lesquels agissent les muscles. Avec les articulations et les muscles, il constitue l'appareil locomoteur (Méd. Biol. t. 3 1972).
SYNT. Squelette de l'homme, de la femme; squelette d'un animal; squelette puissant, de petite taille; déminéralisation, calcification défectueuse du squelette; affections, altérations, maladies du squelette; radiographie du squelette; le squelette humain se compose de deux cent huit os.
P. métaph. Toutes ces villes chinoises sont molles comme des méduses. Le squelette, ici, c'est nous (MALRAUX, Conquér., 1928, p. 63). La France, ossature et squelette de l'extrême occident. C'est pourquoi notre fond national est rude, avare, de grain serré, d'un génie enclin à la résistance et à la pétrification (MORAND, Excurs. immob., 1944, p. 49).
En partic.
Ensemble des éléments osseux d'un organe, d'une partie du corps. Squelette de la main, de la tête; squelette du tronc. L'opérateur divise par une (...) incision dans laquelle il comprend le périoste; puis il dispose le rétracteur. S'il agit sur un membre dont le squelette est formé d'un seul os, ce rétracteur ne présente que deux divisions (NÉLATON, Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 228). Une mendiante accroupie (...) tendait le squelette atroce de ses doigts intolérables (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 442).
♦ ,,Tout élément osseux ou non dont la structure rigide au sein d'un organe mou lui confère un rôle de soutien particulier`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Squelette du nez; squelette de la langue; squelette fibreux du cœur. Les cellules conjonctives constituent le squelette des organes. Elles sont présentes partout (CARREL, L'Homme, 1935, p. 86).
b) Ensemble des éléments de la charpente osseuse d'un homme ou d'un animal, dépouillés des parties molles, après la mort. Synon. carcasse (pour un animal), os, ossements. Les dix bières vermoulues avaient été exhumées. Dès que le Supérieur Général et la Sainte-Face furent là, les croquemorts s'approchèrent d'une bière et en firent sauter le couvercle. Ainsi des autres. Presque tous les corps étaient réduits en squelettes dont les menus os s'étaient effondrés (JOUHANDEAU, M. Godeau, 1926, p. 87):
1. Je m'allonge dans mon lit, je tire les draps sur la figure, c'est le linceul, et puis ensuite ça y est, je suis mort, je me mets à pourrir, à puer, les vers commencent à me ravager, je me putréfie, je me liquéfie, je me résorbe, il ne reste plus que mon squelette, puis mes os s'effritent et ma poussière enfin se disperse.
QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 166.
P. métaph. Ils avaient aperçu, abandonnée au bord d'une allée, une raquette défoncée, et dont le manche gardait un reste de cuir rouge, squelette d'un joujou mort, seul souvenir d'hier (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 278). En appos. Les vrais héros, c'étaient ces contingents squelettes, poignée d'hommes de toutes nationalités amenés en hâte dès le début du printemps (MORAND, Fin siècle, 1957, p. 67).
P. anal. [À propos d'un arbre] Ensemble du tronc et des branches, dépourvu de feuillage. Oh! La fraîche, la tendre, la légère, la délicieuse verdure! Sur le squelette des arbres tardifs, elle commençait à paraître à peine, indécise, flottante, ainsi qu'une vague fumée (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 26). Le village dans la boue et la neige est privé de végétation, le squelette noir des arbres tend ses bras défeuillés vers le ciel gris (MENON, LECOTTÉ, Vill. Fr., 3, 1954, p. 106).
Au fig.
Personnification de la mort. On dit que je suis fort malade, Ami; j'ai déjà l'œil terni; Je sens la sinistre accolade Du squelette de l'infini (HUGO, Chans. rues et bois, 1865, p. 274). La mort participe à tous les événements de la vie. Un squelette cordial assiste l'accouchée, il prend part aux jeux des petits, il entonne la marche nuptiale au devant des époux (FAURE, Hist. art, 1914, p. 516).
Loc. Squelette dans le placard. Histoire, événement malheureux entachant le passé d'une personne, d'une famille, et qu'on s'est ingénié à cacher. [La veuve d'un huissier] accable Saint-Jérôme [un homme de loi] de prévenances, de gentillesses qu'il accepta sans sourire. On aurait dit même qu'elle était un tout petit peu lèche-botte. Les huissiers de petits bourgs, vous savez, ont souvent un squelette dans le placard (GIONO, Chron., Noé, 1947, p. 124).
En partic. Squelette articulé d'un cabinet d'anatomie. Le squelette artificiel, beaucoup plus convenable pour les études anatomiques, est celui dont les pièces sont rattachées les unes aux autres par des fils métalliques (Lar. 19e).
PALÉONT. Ensemble des restes osseux, plus ou moins fossilisés, d'un homme ou d'un animal, trouvés dans le sol ou dans une sépulture. Découvrir, mettre au jour un squelette; reconstituer un squelette. La découverte d'un squelette entier, dans une carrière de Pantin, vint corroborer ses déductions [de Cuvier]. Par la même méthode, il fit revivre nombre d'espèces disparues (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1,1961, p. 507).
c) P. méton. Cadavre humain. Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d'un air fâché, Épiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu'elle avait lâché (BAUDEL., Fl. du Mal, 1857, p. 50).
2. P. exagér., fam. Personne très maigre, décharnée, dont les os saillissent sous la peau. C'est un squelette, un vrai squelette, un squelette ambulant, un squelette vivant; la maladie en a fait un squelette. La beauté de la femme ne lui plaît que précoce et presque macabre de maigreur, avec une élégance de squelette apparue sous la chair adolescente, ou bien tardive et dans le déclin d'une maturité ravagée (BOURGET, Essais psychol., 1883, p. 19). « (...) Quand je suis parti, on m'avait mis aide-cuisinier. » (...) Aide-cuisinier! Ils ont dû bien manger sur ce bateau! Au bout d'un mois il n'y aura plus que des squelettes à bord. Ça va être le bateau-fantôme (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 1er tabl., 14, p. 53).
Squelette de. Des rosses que chevauchent, sinistres dans leurs grands manteaux, d'affamés squelettes de dragons (CÉARD, Soir. Médan, Saignée, 1880, p. 217).
— [À propos d'un animal] C'était une chienne d'une maigreur affreuse, avec de grandes mamelles pendantes. Elle trottinait derrière l'homme d'un air lamentable et affamé, la queue serrée entre les pattes, les oreilles collées contre la tête; et, quand il s'arrêtait, elle s'arrêtait, repartant quand il repartait. Il voulut chasser ce squelette de bête (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Hist. chien, 1881, p. 765).
B. — SC. NAT.
1. a) Ensemble des tissus plus ou moins durs servant d'armature ou de protection aux animaux invertébrés. Squelette siliceux des radiolaires; squelette chitineux des Arthropodes. V. exosquelette s.v. exo- II B 2 ex.:
2. Pour le développement quantitatif des organes, un squelette externe de chitine est une mauvaise solution. Malgré des mues répétées, la carapace emprisonne; et elle cède rapidement sous des volumes intérieurs grandissants. L'insecte ne peut pas grandir au delà de quelques centimètres sans devenir dangereusement fragile.
TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p. 168.
b) Toute construction organique dure ou coriace subsistant après la mort. Squelette d'éponge, de corail, de bryozoaires. Les coraux, ou polypiers (...), étaient répandus dans les mers primaires qui devaient être très chaudes. Ils ne ressemblaient pas tout à fait aux coraux d'aujourd'hui, mais leurs squelettes calcaires, en s'accumulant sur les hauts fonds ou au bord des continents, y formaient des récifs analogues à ceux des mers équatoriales actuelles (BOULE, Conf. géol., 1907, p. 75). Dans toutes ces poussières de lieux et d'âges si divers, qu'a-t-il trouvé en fin de compte? Une infinité de corps légers. Des débris de toutes sortes. (...) des restes d'acares, des squelettes d'infusoires siliceux (...), des capsules de fougères (J. ROSTAND, Genèse vie, 1943, p. 91).
2. Ensemble des fibres ligneuses formant l'armature des différentes parties des végétaux. De longues volées de feuilles sèches foisonnaient soudain dans la haute salle avec un friselis glacial et posaient sur les meubles et les tapis le squelette grelottant de leurs nervures sèches avec les soubresauts d'un oiseau harassé (GRACQ, Argol, 1938, p. 138).
C. — TECHNOLOGIE
1. Ensemble des parties essentielles et résistantes qui soutiennent un tout. Synon. armature, charpente, ossature, structure. Squelette d'une aile d'avion. Elle essayait, d'une main tremblante, de détacher l'élastique. Elle y parvint après quelques efforts, et ouvrit brusquement le squelette loqueteux du parapluie (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Parapluie, 1884, p. 450).
En appos. Au rude vent de vos crins roux Faites tourner l'aile squelette Du vieux moulin de la Galette (LORRAIN, Modern., 1885, p. 11).
2. Spécialement
a) BÂT. Assemblage de pièces constituant la charpente ou la structure d'une construction, d'un bâtiment. Le squelette de fer d'un bâtiment. [L'architecture] représente une création analogue à celle de l'être humain (...) au squelette, ou, pour dire mieux, à l'ossature mathématique du bâtiment, il [l'artiste] ajoutera comme des muscles dont il nous montrera les attaches (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p. 138). Je découvre au Parthénon, à la mosquée d'Omar, à Sainte-Sophie, à Notre-Dame, au Palais siennois, tous différents ou même antagonistes d'apparences, un squelette intérieur d'une logique structurale rigoureusement analogue pour répondre à des besoins divers (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 170).
P. métaph. Les paysans lisent l'almanach. Quoi de plus beau pour eux? Les jours qui viennent, et les mois, et les saisons, ce sont des jalons sur leurs projets. De l'année qui va suivre, on connaît d'avance certaines choses. D'abord ce qui est comme immuable, c'est-à-dire le départ et le retour des étoiles; tel est le squelette de l'almanach (ALAIN, Propos, 1910, p. 81).
Littér. Ensemble de restes, vestiges d'une construction. Elle a (...) des flancs haut boisés et de rocheux réservoirs des sources qui l'alimentent? Qui sait? Peut-être cache-t-elle aussi dans ses détours quelque large bassin (...), où les rochers portent une église, un village, un squelette décharné d'antique château? (LAMART., Tailleur pierre, 1851, p. 389). Vers la gare et le théâtre, on distinguait maintenant un vaste espace libre, comme un champ de bataille, où çà et là de grands squelettes noirs de pierre et de fer s'érigeaient, sinistres, avec leurs fenêtres ouvertes sur le vide et l'incendie (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 13).
b) CHIM. ORG. Structure constituée par l'enchaînement des atomes de carbone dans la molécule d'un composé organique. Squelette d'une molécule. Le squelette du propane est formé de trois atomes de carbone (ROB. 1985).
c) MAR. Carcasse ou ensemble des couples et des baux d'un navire. On voyait le bateau, (...) un bout de sabot (...), dont la coque joufflue, peinte de minium vif, tirait l'œil. Tout près, la péniche charpentée avec des planches de sapin, à peine équarries par la hache du ségard, montrait le squelette de sa membrure enduite de goudron (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 212).
d) PÉDOL. ,,Fraction solide minérale, depuis les graviers jusqu'aux limons, à l'exclusion des particules colloïdales`` (PLAIS.-CAILL. 1958). Un sol réduit à son squelette est très appauvri, n'ayant plus de complexe absorbant (PLAIS.-CAILL. 1958). Le mode d'association du squelette et du plasma détermine la structure, ou agrégation du sol (GDEL).
II. — P. anal. ou au fig.
A. — Schéma, grandes lignes d'une œuvre, d'un ensemble abstrait. Synon. canevas, esquisse, plan3. Squelette d'un exposé, d'une conférence. Une critique radicale pourrait sans doute se demander si la notion de système a jamais joué un rôle en philosophie, si elle n'est pas une invention après coup de disciples qui dépouillent une œuvre de tout ce qu'elle avait de fort et de concret pour n'en garder que le squelette abstrait. La fixation de la pensée vivante en un système est, la plupart du temps, l'œuvre des critiques plutôt que des auteurs eux-mêmes (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 51). En quelques notes jetées sur le papier, le député nous montra le squelette de son prochain discours à l'Assemblée (Lar. Lang. fr.).
PRESSE, IMPR. ,,Maquette générale d'une publication en projet, indiquant seulement les grandes masses de la répartition de la matière`` (CFPJ Presse 1982). ,,Ligne creuse`` (CFPJ Presse 1982).
B. — Ouvrage où le sujet est présenté d'une manière aride et sans développements. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth.: []. Ac. 1694, 1718: squelete, dep. 1740: -lette. FÉR. Crit. t. 3 1788, d'apr. Trév.: -lète. Étymol. et Hist. 1. 1552 [éd. 1587] scelette « charpente osseuse des vertébrés après la mort » (PONTUS DE TYARD, Solitaire second ds Discours philos., 41b d'apr. H. VAGANAY ds Rom. Forsch. t. 32, p. 166); 1690 servant à l'enseignement de la médecine (FUR.); 1694 squelette artificiel; squelete d'yvoire (Ac.); 2. 1562 « charpente osseuse des vertébrés » (PARÉ, Œuvres, IV, 43, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 1, p. 313a: La composition universelle ... des os du corps humain s'appelle des grecs Sceletos); 1671 squelete, squelet (POMEY); 3. « personne décharnée » [cf. 1586 (RONSARD, Derniers Vers, Sonet I, 1 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 18, p. 176: Je n'ay plus que les os, un schelette je semble )] 1669 (Nouv. dict. fr.-all., Basle, pour J. H. Widerhold d'apr. FEW t. 12, p. 3b); fin XVIIe s. (BOSSUET, Sermons Veritable convers., préambule ds LITTRÉ); 4. 1690 « charpente, carcasse (d'un navire) » (FUR.); 5. 1726-28 « ouvrage de l'esprit présenté de manière aride » (ROLLIN, Traité des Et., V, 3e part., I, 2 ds LITTRÉ), cf. 1760, 11 août (VOLTAIRE, Lettre à Ch. Pinot Duclos ds Corresp., éd. Th. Besterman, t. 106, Banbury, 1972, p. 42: un dictionnaire sans citations est un squelette). Empr. au lat. sceletus, gr. « corps desséché, momie ». Fréq. abs. littér.:897. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 1 410, b) 1 468; XXe s.: a) 1 406, b) 978. Bbg. HASSELROT 20e s. 1972, p. 11.

squelette [skəlɛt] n. m.
ÉTYM. 2e moitié XVIe, squelete; scelete, 1552; grec skeletos, proprt « desséché », d'où « momie; squelette »; souvent fém. au XVIIe.
———
I
1 a Ensemble des os (cit. 1) et des cartilages qui constituent la charpente des vertébrés. Ossature. || Squelette de l'homme, des vertébrés (→ Colonne, cit. 9; métamorphose, cit. 7). || La chair, les muscles et le squelette (→ Le mou et le dur). || Maladies du squelette.Squelette de la main, de la tête.
1 Le squelette (…) n'est pas seulement la charpente du corps. Il fait aussi partie des systèmes circulatoire, respiratoire et nutritif, puisqu'il fabrique, grâce à la moelle, des leucocytes et des globules rouges.
Alexis Carrel, l'Homme, cet inconnu, III, XII.
Par ext. Structure rigide jouant un rôle de soutien pour un organe. || Squelette du nez. || Squelette de la langue.
b Ensemble formé par les os d'un homme ou d'un animal mort, dépouillés de tous les tissus mous, et conservés dans la position qu'ils ont dans le corps vivant. || Le squelette d'un animal. Carcasse, os, ossement(s). || Trouver des squelettes dans le désert. || La mort (1. Mort), représentée par un squelette qui tient une faux (→ aussi Macabre, cit. 2).
2 (…) il est infiniment rare de trouver un squelette fossile (de quadrupède) un peu complet; des os isolés, et jetés pêle-mêle, presque toujours brisés et réduits à des fragments, voilà tout ce que nos couches nous fournissent dans cette classe, et la seule ressource du naturaliste.
Cuvier, Disc. sur les révolutions…, p. 96.
3 (…) on trouva parmi toutes ces carcasses hideuses, deux squelettes dont l'un tenait l'autre singulièrement embrassé. L'un de ces deux squelettes, était celui d'une femme (…) L'autre (…) était un squelette d'homme. On remarqua qu'il avait la colonne vertébrale déviée, la tête dans les omoplates, et une jambe plus courte que l'autre. Il n'avait d'ailleurs aucune rupture des vertèbres (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, II, XI, IV.
Squelette articulé (d'un cabinet d'anatomie). || Squelette démontable.
4 (…) un doigt décharné, plus pâle que celui des squelettes blanchis qui sautillent, au branlement des armoires, sur leurs faux muscles de laiton, dans les cabinets d'anatomie (…)
Charles Nodier, Contes, « Fée aux miettes », XIV.
c (1669). Par exagér., fam. Personne très maigre, qui n'a plus que la peau sur les os.C'est un vrai squelette, un squelette ambulant, un squelette vivant. Décharné, maigre, squelettique (→ Reclus, cit. 4).
5 Quinze mois (…) avaient fait du frais Tourangeau aux joues satinées et brillantes un squelette parisien, hâve et jaune, presque méconnaissable.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Balzac », II.
5.1 Certes si les regards avaient la propriété d'absorber un peu de la substance sur laquelle ils se fixent avec intensité, depuis dix ans que Mme Marmet rencontrait la duchesse sans avoir trouvé le moyen de se faire présenter, on aurait pu croire que c'était sa contemplation ardente et impuissante qui avait réduit la duchesse à ce squelette ratatiné et poussiéreux que sous une vieille robe de laine noire elle offrait à la méditation des snobs, opposant sa grandeur immatérielle à l'humilité de sa chair, et la chétive apparence de cette proie peu désirable à l'impossibilité de la saisir.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 664.
2 Ensemble des tissus plus ou moins durs qui servent d'armature ou de protection au corps d'un invertébré (test chitineux ou calcaire des foraminifères, spicules des spongiaires, coquille des mollusques, carapace de chitine des arthropodes, etc.). || Squelette siliceux des radiolaires. || Squelette externe.
———
II
1 (1690, squelet). Charpente (d'un navire, d'un édifice). Carcasse, ossature. || Squelette d'un édifice en béton armé. || Squelette d'un navire en bois.Géol. || Le squelette d'une montagne : l'ensemble des parties les plus dures, qui résistent le mieux à l'érosion.Par métaphore. || Le squelette de la terre, l'ossature (cit. 3) géologique.
Littér. || Squelettes d'arbres : arbres dépouillés de leurs feuilles (→ Ramas, cit. 2).
6 Les squelettes d'arbres morts abondent dans ce verger.
Hugo, les Misérables, II, I, II.
2 (1727). Les grandes lignes (d'un ensemble abstrait, d'une œuvre). Architecture, canevas, plan. || Le squelette d'un exposé, d'une conférence. Esquisse, schéma.Ouvrage où le sujet est présenté de manière trop sèche et abstraite. || « Un dictionnaire (cit. 3) sans citation est un squelette » (Voltaire).
7 Je vous donne seulement l'essentiel des propos abondants et ingénieux de M. Sarcey, — le squelette de sa conférence. — sans chair, sans visage, sans ventre.
Jules Lemaitre, Impressions de théâtre, Corneille.
3 (Mil. XXe). Chim. Le plus souvent déterminé. Structure constituée par les atomes de carbone liés entre eux, dans une molécule organique. || Squelette carboné. || Squelette d'une, de la molécule. || Le squelette du propane est formé de trois atomes de carbone.
DÉR. Squeletté, squelettique.

Encyclopédie Universelle. 2012.