Akademik

PSYCHOTHÉRAPIE
PSYCHOTHÉRAPIE

On définit habituellement la psychothérapie comme un traitement opérant par des procédés psychologiques. Ces procédés s’opposent aux actions physicochimiques des autres thérapeutiques, l’environnement agissant alors sur l’organisme par des signaux et non par une influence matérielle. Mais on ne peut considérer comme technique psychothérapique toute information provenant du milieu, ce qui engloberait les diverses formes d’apprentissage et de conditionnement. On réservera donc le terme de psychothérapie aux effets de la relation qui s’établit entre le patient et le thérapeute.

La psychothérapie se caractérise, dit-on, par sa technique et non par son objet. Elle n’est pas réservée, en effet, au traitement des maladies mentales, puisqu’elle s’applique à certains troubles corporels (troubles fonctionnels sans support organique, affections psychosomatiques) et à certaines difficultés d’adaptation (familiale, scolaire ou conjugale, par exemple) qui n’ont pas un statut psychopathologique bien défini. Inversement, toutes les maladies mentales n’y sont pas accessibles. En réalité, les états, si divers en apparence, qui tirent bénéfice de la psychothérapie présentent des traits communs. Ils sont partiellement ou totalement déterminés par le retentissement émotionnel et par des attitudes en rapport avec des conflits psychiques permanents ou transitoires qui s’expriment dans la vie intérieure du sujet ou dans ses relations avec l’entourage. La notion de conflit paraît, dans l’état actuel des connaissances et de la pratique, définir assez bien l’objet de la psychothérapie, du moins si l’on prend soin de distinguer les conflits que le sujet ne peut ni résoudre ni même reconnaître des choix que chacun doit opérer à tout moment de l’existence. Les conflits pathologiques correspondent, semble-t-il, à des «perturbations de la communication de la personnalité avec les autres et avec elle-même» (D. Lagache). La psychothérapie peut ainsi être différenciée des multiples interventions (informations, éducation, conseils) destinées occasionnellement à aider autrui à reconnaître et à effectuer les choix nécessaires de l’existence quotidienne. Elle a pour but de lutter contre les effets pathologiques des conflits intra- et interpersonnels en agissant sur le système de communication que le sujet établit en lui-même et avec les autres. Cette action s’exerce à travers la relation qui s’établit entre le thérapeute et son patient.

Origines

L’histoire de la psychothérapie semble traversée par deux courants qui s’entremêlent: l’un applique à des fins thérapeutiques des procédés psychologiques connus (hypnose, improvisation dramatique); l’autre mène de pair l’élaboration de procédés nouveaux et celle d’une théorie psychopathologique (psychothérapie morale, psychanalyse). Ces deux tendances pourraient être repérées dès les origines: d’un côté, on a recours à des procédés magiques d’inspiration religieuse; de l’autre, on a cherché à dégager d’une certaine anthropologie un art de persuader et d’influencer. C’est à ce second courant, plus préoccupé d’apologétique et d’action pastorale que de thérapeutique, que l’on eoit le terme même de psychothérapie: on le relève en effet dans la littérature chrétienne, précisément chez les Pères grecs. Pour la période scientifique moderne, il importe d’envisager trois moments: l’un, de Pinel à Freud, est marqué par le développement de la psychothérapie morale et de l’hypnotisme; le deuxième coïncide avec les découvertes de Freud; le troisième, qui s’étend jusqu’à l’époque contemporaine, est marqué par une grande diffusion des méthodes et des doctrines.

De Pinel à Freud

On peut attribuer à Philippe Pinel (1745-1826) l’idée de recourir à la psychothérapie comme à une thérapeutique psychiatrique parmi d’autres. Cet usage est lié chez lui à une perspective philanthropique qui interdit de considérer la maladie mentale sans tenir compte de l’homme malade. Pinel et ses élèves conçoivent la psychothérapie comme une forme d’assistance humaine qui ne préjuge pas de l’origine du trouble. Leuret, procédant à une revue systématique des attitudes psychothérapiques du médecin (Du traitement moral de la folie , 1840), recourt lui-même à des interventions psychologiques de type traditionnel (intimidation, conseils, exhortations), mais cherche à préciser le choix de ces dernières en fonction de la personnalité du malade. Ces idées se retrouvent chez la plupart des aliénistes du XIXe siècle. Un psychiatre de Berne, Dubois, en dégage la notion de psychothérapie morale: «L’essentiel du traitement consiste dans une conversation intime et quotidienne qui vaut mieux pour le malade que les douches ou le chloral [...]. Le vrai médecin fait plus de bien par sa parole que par ses ordonnances.» La psychothérapie morale eut une grande influence. À Paris, dans son service de la Salpêtrière, Déjerine aménagea une salle de psychothérapie où se conjuguaient les effets d’un strict isolement et de conversations quotidiennes avec le malade. Il s’agissait d’une action délibérément moralisatrice, l’attachement à la maladie étant considéré comme une fuite devant les valeurs logiques, morales et esthétiques nécessaires à un authentique bien-être de l’individu.

Les tenants de la thérapeutique morale s’opposèrent par des polémiques souvent très vives aux praticiens de la suggestion hypnotique qui avait été pendant longtemps l’arme thérapeutique des guérisseurs et des thaumaturges. Les médecins ne s’intéressèrent guère à la théorie du magnétisme animal et à la pratique de l’hypnose avant le milieu du XIXe siècle. Liébault, de Nancy, qui étudia le premier les effets médicaux de l’hypnose et son élève Bernheim, en même temps que Charcot à Paris, l’appliquèrent au traitement des manifestations hystériques. Contrairement à la psychothérapie morale, la suggestion hypnotique se présente comme une méthode spéciale dont les indications doivent être précisées et le mode d’action défini. L’école de Nancy et celle de la Salpêtrière s’opposèrent sur ce dernier point, Bernheim mettant l’accent sur le rôle de la suggestion, et Charcot sur les liens possibles entre le mécanisme de l’hystérie et les effets de l’hypnose. En fait, l’usage de l’hypnose se répandit surtout à des fins de contre-suggestion. Il s’agissait d’inculquer au malade des idées contraires à celles que lui inspire l’état de maladie.

Les découvertes de la psychanalyse

La psychanalyse est née de l’hypnose. J. Breuer, à Vienne, découvre que l’efficacité de l’hypnose dans l’hystérie tient plus à ses effets cathartiques qu’à la suggestion. Les symptômes de l’hystérie, en effet, sont en rapport avec des émotions passées devenues inconscientes, mais dont le retentissement actuel est encore excessif. La méthode cathartique consiste à utiliser l’hypnose non pour dicter au malade une attitude ou une opinion, mais pour lui permettre de retrouver les souvenirs traumatiques apparemment oubliés.

Freud adopta la théorie et la méthode. Mais celle-ci lui apparut d’application difficile. De l’étude de ces difficultés devait naître la psychanalyse. En tout premier lieu, Freud découvrit que l’oubli tenait en réalité à des résistances et que, si les souvenirs traumatiques demeuraient inaccessibles à la conscience et étaient source de symptômes névrotiques, c’était en raison des conflits psychiques qu’ils provoquaient et contre lesquels le sujet se défendait par le refoulement, le symptôme apparaissant comme le rejeton de ces éléments refoulés. Cette conception est valable pour l’ensemble des états névrotiques et explique l’élargissement des applications de la psychanalyse par rapport à l’analyse cathartique de Breuer.

La substitution de l’évocation libre des pensées à l’hypnose permit à Freud de mieux étudier ces mécanismes. En outre, il découvrit très vite que, dans la relation thérapeutique, la répétition des attitudes du passé et le transfert des sentiments infantiles gênent en partie la remémoration du passé, mais offrent un terrain d’observation inégalable et doivent être interprétés à l’intention du patient. Libres associations, résistance et conflit, transfert allaient constituer les fondements de la psychothérapie freudienne. L’hypothèse d’une activité mentale inconsciente et son repérage à travers tout un matériel, jugé jusqu’alors sans signification, demeurent pour Freud l’essentiel de la découverte de Breuer.

Sans pouvoir reprendre, même succinctement, l’histoire ultérieure de la théorie et de la technique psychanalytique, on mentionnera simplement deux aspects qui eurent un effet décisif sur l’histoire de la psychothérapie: le rôle des conflits et l’existence d’une méthode thérapeutique rigoureusement standardisée.

Développement de la méthode

Quoique fort complexes, les développements modernes de la psychothérapie peuvent être ainsi schématisés: permanence et renouveau des techniques préanalytiques, extension des applications de la psychanalyse, développement de nouvelles méthodes.

Méthodes préanalytiques et méthodes psychanalytiques

Les techniques préanalytiques, en effet, ont subsisté et se sont renouvelées, telle l’hypnose, qui n’a jamais été complètement abandonnée et a même connu un certain regain. On rapprochera de cette méthode d’autres procédés visant à placer le malade dans un état comparable, ainsi la narco-analyse qui utilise les effets hypnogènes des barbituriques, et le «training autogène» de Schultz, qui induit un état de relaxation corporelle. La suggestion, en dehors de l’hypnose, continue d’être utilisée dans de nombreuses psychothérapies de pratique courante, dites de soutien. Quant à la psychothérapie morale, si elle a disparu sous sa forme moralisatrice quelque peu simpliste, elle survit dans la psychothérapie dite rationnelle, dans des formes diverses d’aide psychologique et de counselling . Il ne s’agit plus de réconcilier le malade avec le beau, le vrai et le bien comme le souhaitait Déjerine, mais, plus modestement, de lui faire découvrir les exigences réelles que lui pose sa situation et les difficultés particulières qu’il rencontre à y répondre. Pratiquement, ces techniques font une large part aux concepts de la psychologie dynamique (motivations, conflits...), qui les apparentent à la psychanalyse. On peut en rapprocher certaines méthodes à visées rééducatrices, telle l’éducation de la volonté (Payot), de la mémoire ou du caractère (Vittoz).

De son côté, la psychanalyse freudienne a donné naissance à un grand nombre de méthodes dérivées, qui se sont largement répandues. Les unes se sont développées sous l’influence de praticiens qui ont jugé inutiles certains aspects de la technique freudienne et contesté en totalité ou en partie la théorie. Ces écoles «dissidentes» (les plus connues sont celles de Jung et d’Adler) mettent l’accent sur des aspects théoriques divers. Mais les techniques utilisées dans la pratique sont souvent assez voisines; elles ne diffèrent pas radicalement, d’ailleurs, des psychothérapies que les psychanalystes freudiens pratiquent dans les cas où ils n’aménagent pas une cure psychanalytique proprement dite (position assise, séances moins fréquentes, intérêt porté aux conflits actuels, moindre attention portée au transfert). D’autres méthodes, qui furent proposées par des freudiens restés fidèles à la théorie et aux principes généraux de la technique, reviennent à substituer à la cure classique, grâce à certains aménagements, des cures courtes, donc plus économiques (Sandor Ferenczi, Franz Alexander).

Se sont développées surtout les psychothérapies d’inspiration psychanalytique, que les psychanalystes ne prétendent pas substituer à la cure type, mais qu’ils utilisent quand, eu égard aux fins purement thérapeutiques qu’ils poursuivent, l’aménagement d’un processus analytique (régression, transfert) ne leur paraît pas nécessaire. Ces variantes techniques correspondent donc à des impératifs pratiques et à la recherche d’un minimum utile. Elles s’appliquent à un grand nombre de difficultés névrotiques mineures. On en rapprochera certaines variantes utilisées en fonction de l’âge (enfants, adolescents, personnes âgées) et les traitements de groupe. On a également cherché à étendre le champ d’application de la psychanalyse à des organisations pathologiques (psychoses, perversions sexuelles) et à des troubles du comportement (délinquance) qui ne constituaient pas au départ des indications de la cure psychanalytique proprement dite.

Toutes ces variantes ont enrichi considérablement le domaine de la psychothérapie, mais non celui de la psychanalyse. Elles n’ont pas remplacé, en effet, ni éclipsé la cure psychanalytique classique: les organisations névrotiques franches ne sont guère réductibles par les psychothérapies d’inspiration psychanalytique; d’autre part, beaucoup de sujets demandent davantage qu’une réduction des symptômes et la psychanalyse leur offre un moyen de connaissance d’eux-mêmes qui dépasse le simple bénéfice thérapeutique, ainsi que d’autres possibilités et d’autres bienfaits dans le domaine des relations familiales et professionnelles; enfin, la cure type demeure un outil incomparable d’approfondissement de la théorie et de la clinique.

Les méthodes nouvelles

Depuis la naissance de la psychanalyse, d’autres méthodes psychothérapiques ont été proposées dont les références théoriques et la technique ne doivent rien, au départ, aux découvertes de Freud.

Les psychothérapies existentielles (Dasein-analyse ) ou phénoménologiques s’attachent plus à l’étude de la totalité de la personne qu’aux mécanismes psychopathologiques. Elles cherchent à faire connaître au sujet la dimension proprement individuelle de son existence, son destin particulier et concret. Elles se relient à tout un courant philosophique mais prolongent également celui de la psychothérapie morale. Elles inspirent largement certaines tendances de l’«antipsychiatrie» moderne: nier le fait morbide, comprendre le malade par rapport à sa propre expérience sans chercher à le «jauger» par rapport à des valeurs sociales de normalité sont des thèmes qui rejoignent la Daseinanalyse .

Le recours à l’activité imaginative inspire, d’autre part, un grand nombre de recherches actuelles. On cherche à stimuler chez le patient les productions de l’imagination, sa créativité en ce domaine paraissant liée au progrès qu’il accomplit pour se dégager de ses conflits. On discutera d’ailleurs la nature de ce lien. Pour les uns, l’élaboration imaginaire a une vertu cathartique; le sujet découvre ses fantasmes morbides et s’en dégage. Pour les autres, elle a une vertu éducative (Jung): le sujet névrotique, fixé sur ses conflits infantiles, doit développer une activité imaginative et créatrice nouvelle qui le détourne du passé et le réoriente vers son avenir personnel. Les méthodes qui recourent à cette activité imaginative sont nombreuses et difficilement schématisables. Citons l’utilisation du rêve éveillé (Desoille), de l’activité imaginative sous stimulation musicale, picturale ou littéraire, l’élaboration plastique («art-thérapie»).

L’usage psychothérapique de l’improvisation théâtrale a donné naissance au psychodrame (Moreno), dans lequel comptent non seulement la création imaginaire, mais la spontanéité avec laquelle le sujet peut s’identifier au rôle qu’il se donne ou qu’on lui attribue. Selon la perspective de Moreno, les difficultés psychologiques seraient liées à des rôles pathologiques que chacun a appris à tenir sous l’influence du milieu. Aider le patient à se dégager de ces rôles, à retrouver la spontanéité de l’enfant devient l’objectif thérapeutique principal.

Dans la psychothérapie non directive (C. Rogers), qui connaît actuellement une grande vogue, sans doute en raison de sa facilité apparente, le thérapeute ne fait qu’aider le sujet à s’exprimer en se contentant de reformuler certaines conclusions ou impressions que le patient lui communique. On parvient ainsi à rétablir chez ce dernier un libre accès à ses expériences vécues, en particulier aux expériences présentes que suscite la relation thérapeutique. Le but thérapeutique essentiel est de dégager la relation présente des scories du passé et d’en faire reconnaître le caractère originaire: celui d’être une forme d’amour non possessif. Accéder à cette relation positive actuelle, c’est se libérer des entraves névrotiques que sont les fixations au passé, obstacles à une authentique individualisation.

Initialement, ces méthodes ne devaient rien à l’œuvre de Freud, mais elles ont, en fait, subi l’influence de la psychanalyse. Il serait aisé de distinguer, à l’intérieur de chacune d’elles, un courant résolument antipsychanalytique (souvent rattaché plus directement à l’œuvre du fondateur) et un courant plus éclectique dans lequel les praticiens utilisent certaines données de la psychanalyse (en particulier l’étude des conflits et du transfert) dans le contexte d’une technique d’expression différente (psychodrame psychanalytique, par exemple).

Depuis le début des années 1960 se développent des méthodes thérapeutiques qui sortent du cadre des psychothérapies tel qu’on l’a défini mais qui recourent également à des techniques psychologiques ou psychosociologiques. Parmi elles, on citera la thérapie comportementale (behaviour therapy ), qui utilise les techniques de conditionnement et qui repose sur des recherches de psychologie expérimentale, et, dans un ordre tout différent, les thérapeutiques institutionnelles, qui prennent en considération l’organisation même de l’institution de soin comme agent thérapeutique.

Situation actuelle

Psychothérapie et psychothérapies

Une présentation historique des méthodes psychothérapiques correspond sans doute aux faits. Chacune d’elles est née dans un contexte donné et s’est située à un moment de l’évolution du mouvement psychothérapique, en fonction d’un stade de la pratique psychiatrique et aussi par rapport à des influences culturelles. On s’étonnera qu’il n’ait pas encore été possible d’étudier ces méthodes dans leur ensemble, de les comparer, de définir leurs indications respectives et les procédés psychologiques qu’elles utilisent. Mais, tandis qu’il était possible d’ironiser, comme le faisait Janet au milieu des années 1920, sur le caractère «moliéresque» de leurs affrontements, un changement s’est opéré depuis lors: les psychothérapeutes se rassemblent en groupements et sociétés et cherchent, non sans peine, un langage commun. Certains veulent considérer la psychothérapie comme un tout et négligent les particularités techniques au profit de la relation thérapeutique elle-même (A. Berge). Il est vrai que les méthodes ne peuvent être considérées comme des médicaments différents dont on devrait préciser le mode d’action et l’utilité. Beaucoup d’entre elles, d’inspirations très différentes, cherchent à remédier aux mêmes difficultés. Chaque psychothérapeute, en raison de dispositions personnelles, se trouve plus à l’aise pour utiliser une méthode plutôt qu’une autre et tend à l’appliquer à tous ses patients. Cela explique pourquoi les écoles s’opposèrent au départ et pourquoi actuellement les échanges entre psychothérapeutes portent plutôt sur des problèmes communs que sur les confrontations méthodologiques.

La situation est rendue encore plus complexe en raison de la place qu’occupe la psychanalyse. Pour les uns, en général psychothérapeutes sans formation psychanalytique, la psychanalyse est une méthode parmi d’autres. Chez les psychanalystes, on peut discerner deux points de vue: tantôt ils se désintéressent des autres techniques, qui leur apparaissent des succédanés ou l’expression d’une résistance à la psychanalyse; tantôt ils acceptent le pluralisme d’un point de vue thérapeutique, mais considèrent que la méthode psychanalytique demeure l’instrument privilégié pour étudier les processus psychiques et les changements thérapeutiques, un cadre de référence irremplaçable pour définir les modes d’action des autres psychothérapies. Très rares sont les études qui ont cherché à comparer non les théories, mais la pratique effective des psychothérapeutes. Elles démontrent, en général, que, en dépit des théories, les attitudes des thérapeutes, qu’ils fussent élèves de Freud, d’Adler ou de Rogers, étaient très voisines, et que les différences s’accusaient en proportion de l’âge et de l’expérience plus qu’en fonction de l’appartenance doctrinale.

Pour situer les diverses pratiques psychothérapiques dans un cadre commun sans négliger leur spécificité, il faudrait dégager plusieurs paramètres et définir chaque forme d’intervention psychothérapeutique en fonction de différents axes de référence. Il paraît nécessaire de dégager au moins trois repères: le mode d’expression, le mode d’intervention, le niveau de régression. Le mode d’expression varie surtout chez l’enfant, lequel s’exprime, selon l’âge, par le jeu, le dessin ou le modelage, l’improvisation dramatique, plus volontiers que par la parole. Le mode d’intervention du psychothérapeute va de la non-intervention radicale (non-directivité de Rogers, techniques d’expression pure chez l’enfant) à des attitudes directives (suggestion hypnotique, psychothérapies de soutien). La plupart des méthodes se situent entre ces deux extrêmes, le psychothérapeute intervenant habituellement pour stimuler un mode d’activité et renforcer des prises de conscience (rêve éveillé, analyse existentielle) ou pour interpréter des déterminations inconscientes (psychanalyse et méthodes dérivées). Le niveau de régression pose des problèmes techniques et cliniques plus complexes. Deux modes de régression (si l’on suit la terminologie de Freud) sont, en effet, liés. L’un concerne le mode d’activité mentale (régression formelle): tantôt dominent les processus rationnels de la pensée ou de l’activité adaptée (processus secondaires), tantôt l’emportent les processus qu’on observe dans le rêve, les rêveries diurnes, et en général dans les activités qui laissent le champ plus ou moins libre aux fantaisies inconscientes (processus primaires). L’autre mode de régression concerne la réactivation de procédés de pensée infantiles (régression temporelle). La psychanalyse favorise ce double mouvement régressif, qui est une condition nécessaire pour l’interprétation des conflits infantiles. Beaucoup de psychothérapies utilisent les expressions imaginaires qui favorisent la régression formelle, mais ne cherchent pas à réactiver la régression temporelle qu’elles tiennent pour un obstacle à réduire et non pour une expérience à analyser. Les analyses phénoménologiques, les techniques de non-directivité ne favorisent aucune de ces deux formes de régression.

À l’aide de ces repères paramétriques, on détermine, certes, le registre d’application de chaque méthode, mais aussi, plus précisément, le type d’intervention qui s’applique individuellement à chaque patient. Car une même méthode comporte une gamme d’interventions assez étendue. La cure psychanalytique proprement dite est sans doute celle que l’on peut situer avec le plus de précision. Cela tient à sa rigueur méthodologique et à la constance des effets que l’on cherche à obtenir. Tandis que les psychothérapies en général cherchent à corriger les troubles individuels (à travers une tâche donnée et par un certain type d’intervention, le praticien s’adapte au cas particulier et agit en fonction des données individuelles), la visée thérapeutique n’est pas le but immédiat de la psychanalyse, où l’on cherche avant tout, grâce à un aménagement technique très codifié, à instaurer un processus psychologique précis (régression, réactivation des conflits infantiles, transfert). Ce processus crée des modifications endopsychiques qui guident l’intervention thérapeutique. Celle-ci constitue donc un temps secondaire de l’intervention. Un tel processus en deux temps explique le caractère d’exception que revêt la cure psychanalytique par rapport à toutes les autres formes de psychothérapie, y compris les psychothérapies d’inspiration psychanalytique. Cela explique aussi que l’on puisse situer de manière plus ponctuelle la place de la psychanalyse par rapport aux différents paramètres. Cette dernière ne constitue pas pour autant une référence absolue par rapport à laquelle les autres psychothérapies ne constitueraient que des variantes, mais une meilleure définition de sa position permet de comprendre qu’on doive se référer à elle nécessairement.

La pratique et les problèmes de la formation

La pratique de la psychothérapie connaît actuellement une grande expansion. Elle s’applique à des désordres mineurs de la personnalité, à des difficultés psychologiques temporaires (situations de crise, deuils, conflits familiaux). En l’associant à des thérapeutiques médicamenteuses et à des mesures institutionnelles, on en étend l’usage à des troubles mentaux graves. Comme il s’agit d’une thérapeutique longue et nécessairement coûteuse, cette expansion n’est pas sans poser des problèmes économiques qui contribuent aux difficultés que rencontre la politique générale des soins médicaux.

Une telle expansion pose également des problèmes de formation. En France, les sociétés scientifiques privées qui rassemblent les praticiens d’une méthode se proposent d’assurer la formation de ceux-ci. Le futur praticien doit faire lui-même l’expérience de la cure qu’il pratiquera par la suite, cela pour découvrir et traiter ses difficultés personnelles et pour s’initier directement à l’expérience thérapeutique; le choix d’une formation est donc laissé à son initiative, les sociétés de formation assurant la sélection des candidats d’après leurs aptitudes personnelles. Il existe ainsi entre la formation clinique universitaire et la formation psychothérapique un hiatus tel que l’intégration de l’une à l’autre se révèle difficile. Toutefois, il est souhaitable que chaque futur psychiatre soit initié à l’approche psychothérapique inhérente à sa profession et puisse la compléter éventuellement par une formation spécialisée. Ces problèmes trouvent des solutions pratiques variables selon les structures universitaires et médicales. Aux États-Unis, une formation psychothérapique d’inspiration psychanalytique est très généralement donnée dans les cliniques psychiatriques universitaires. En Union soviétique, où la suggestion et la psychothérapie morale demeurèrent les grandes formes d’intervention thérapeutique, la formation s’effectuait également dans le cadre des institutions de soins. Dans la plupart des États d’Europe occidentale, comme en France, elle relève des institutions privées spécialisées. Une telle situation a pour effet de laisser le candidat choisir les techniques psychothérapiques en fonction de son adhésion à l’une de ces institutions, et ainsi de renforcer la division des écoles; mais cela a pour avantage de maintenir la nécessité d’une expérience personnelle et de permettre à chaque candidat de s’engager plus librement.

Une autre difficulté concerne la formation préalable qui serait nécessaire à la pratique psychothérapique. Celle-ci doit-elle être réservée aux médecins psychiatres ou bien ouverte aux autres médecins et aux psychologues cliniciens? Certains imaginent même que la formation à la psychothérapie puisse être spécifique et suffisante à elle seule. Le fait que toutes ces questions restent posées illustre l’incertitude actuelle sur le statut de l’acte psychothérapique et ses limites.

La seule conclusion qu’on puisse formuler sans réserve est que la pratique de la psychothérapie nécessite plus que des connaissances théoriques et cliniques. La personnalité du psychothérapeute compte autant que ses connaissances et son expérience. Certes, il ne s’agit pas là de définir un idéal de normalité psychologique, car des personnalités fort diverses et ne répondant pas à un tel idéal sont sans doute aptes également à la pratique psychothérapique; mais il reste que des qualités psychologiques de base sont nécessaires: intuition des problèmes d’autrui, sécurité personnelle, souplesse d’attitudes. L’extrême complexité des mécanismes en cause a fait dire que la psychothérapie relevait d’un art plutôt que d’un ensemble de techniques et de connaissances. Ce terme ne doit cependant pas faire illusion: il ne sert qu’à masquer les incertitudes et les ignorances sur la manière dont s’exercent, au sein de la relation entre le thérapeute et son patient, les processus de changement individuel.

psychothérapie [ psikoterapi ] n. f.
• 1888; de psycho- et -thérapie
Didact. Thérapeutique (de troubles organiques ou psychiques) qui s'effectue par intervention psychologique sur le psychisme. Utilisation de la psychothérapie en psychiatrie, en médecine psychosomatique. Psychothérapie analytique. psychanalyse. Psychothérapie familiale, de groupe. psychodrame, sociodrame (cf. Analyse transactionnelle). Psychothérapie de soutien. Suivre, faire une psychothérapie.

psychothérapie nom féminin Toute utilisation de moyens psychologiques pour traiter une maladie mentale, une inadaptation ou un trouble psychosomatique.

psychothérapie
n. f. Toute thérapie par des moyens psychologiques.
Psychothérapie de groupe: psychodrame, etc.

⇒PSYCHOTHÉRAPIE, subst. fém.
MÉD. Thérapeutique des maladies psychiques, des troubles de la personnalité ou du comportement par des procédés psychiques, en particulier par le moyen de la parole. La connaissance exacte des causes apportant des troubles permanents ou conditionnés permet une psychothérapie associée aux thérapeutiques médicales. Des conseils sont donnés aux parents, l'enfant est suivi par les médecins et les psychologues du centre, tout en poursuivant sa scolarité (Encyclop. éduc., 1960, p. 200). Le champ de la psychothérapie est très vaste, allant des troubles caractériels et des névroses jusqu'aux affections psychosomatiques et même aux psychoses (SILL. 1965). La psychanalyse était, au commencement, pour Freud, une psychothérapie relativement brève (ANCELIN 1971).
En partic. Thérapeutique moins profonde, moins complète et moins intensive que la psychanalyse. Psychothérapie directive, relationnelle. Dans la psychanalyse classique l'analysé est couché sur le divan et il parle seul. L'analyste derrière lui est invisible et muet. En psychothérapie l'analysé est assis en face de l'analyste. Il le voit et l'entend. L'analyste commente les rêves, explique et parfois dirige (CHOISY, Psychanal., 1950, p. 205).
Psychothérapie analytique/en profondeur. Thérapeutique utilisant partiellement les principes et les techniques de la psychanalyse. En psychiatrie infantile, la psychanalyse classique est généralement impossible (...) et la psychothérapie en profondeur doit s'adapter à la psychologie particulière des jeunes sujets (POROT 1960).
Psychothérapie collective/de groupe. ,,Psychothérapie administrée simultanément à plusieurs malades, notamment des malades présentant des troubles du comportement et dont les caractères sont, autant que possible, différents et plus ou moins complémentaires, de façon à favoriser les discussions organisées`` (Méd. Biol. t. 3 1972). Les psychothérapies de groupe sont destinées plus à des troubles du comportement et des relations avec autrui qu'à des états proprement névrotiques (Pédag. 1972).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1888 (BARRÈS, M. Renan, p. 90 : Ainsi se justifient ces Essais de Psychothérapie); 1948 psychothérapie de groupe (P. BERNARD, Évolution psychiatrique, nov.-déc., n° 4 ds ANCELIN Sc. hum. 1982). Comp. de l'élém. formant psycho- et de thérapie. Fréq. abs. littér. :16.
DÉR. Psychothérapique, adj., méd. Qui relève de la psychothérapie. Action, cure, technique, traitement psychothérapique. Des équipes de spécialistes constituées par un pédo-psychiatre, un psychologue, une assistante sociale étudient dans chaque centre [psycho-pédagogique] les problèmes d'ordre éducatif et psychothérapique posés par les enfants mis en observation (Encyclop. éduc., 1960, p. 200). Toutes les méthodes psychothérapiques (soutien moral, suggestion, rééducation, psychanalyse, etc.), qui sont fondées sur la communication entre le thérapeute et le malade, poursuivent des buts identiques, c'est-à-dire l'épanouissement de la personnalité et une meilleure intégration sociale du sujet (SILL. 1965). — []. — 1res attest. [1894, ROB.] 1925 un traitement psychothérapique (MAY ds Nouv. Traité Méd. fasc. 4, p. 12), 1932 institut psychothérapique (CÉLINE, Voyage, p. 519); de psychothérapie, suff. -ique.
BBG. — QUEM. DDL t. 24, 29.

psychothérapie [psikoteʀapi] n. f.
ÉTYM. 1891; de psycho-, et thérapie.
Didact. Thérapeutique (de troubles organiques ou psychiques) qui s'effectue par intervention psychologique sur le psychisme. aussi Psychosomatique (médecine). || Conduire une psychothérapie. || Suivre, faire (fam.) une psychothérapie : se soigner par psychothérapie.REM. On dit aussi thérapie.Psychothérapie individuelle. psychothérapies collectives (familiales, du couple, de groupe). aussi Psychodrame, sociodrame. || Psychothérapie infantile.Psychothérapie d'encouragement, de soutien, visant à diminuer l'angoisse ou l'anxiété du patient. || Psychothérapies utilisant la suggestion, l'hypnose, la relaxation. Auto-hypnose, autorelaxation, sophrologie, training (autogène). || Psychothérapies par déconditionnement, par rééducation. || Thérapeutiques institutionnelles, occupationnelles, psychothérapies qui se servent de l'environnement, de l'action sur le milieu. aussi Ergothérapie. || Psychothérapie en profondeur (psychanalyse et méthodes voisines). || Psychothérapie analytique. aussi Primal (cri), transactionnel (analyse transactionnelle).
DÉR. Psychothérapique. — V. aussi Psychothérapeutique.

Encyclopédie Universelle. 2012.