PSYCHOPHARMACOLOGIE
Discipline moderne, la psychopharmacologie est la science des agents chimiques capables d’influer sur l’état mental et sur le comportement. Elle comprend notamment l’étude des médicaments et des drogues susceptibles de réduire les désordres psychiques ou, au contraire, de les produire.
Son individualisation date des années cinquante. Sa dénomination date de 1956 et la fondation de la première société scientifique spécialisée (le Collège international de neuro-psychopharmacologie) est de 1957. La formation de la nouvelle discipline résulte de deux courants de recherches: l’un est celui de la «psychiatrie expérimentale», avec l’étude des troubles qui peuvent être artificiellement provoqués et celle d’un possible substrat biochimique des désordres psychiques qui peuvent apparaître à l’état naturel; l’autre courant est celui de la recherche thérapeutique en psychiatrie qui aboutit, à partir de 1952, à la découverte de la chimiothérapie des psychoses. En fait, c’est la démonstration de l’efficacité des méthodes médicamenteuses dans le traitement des troubles mentaux majeurs – autrement dit de la «folie» – qui marque l’essor de la psychopharmacologie.
La psychopharmacologie des origines à nos jours
L’usage des «poisons» de l’esprit ou la quête d’ivresses sacrées sont sans doute aussi anciens que l’humanité; on en retrouve des traces dans des gisements préhistoriques. De même, la recherche de médicaments psychologiques remonte aux origines de la médecine: la racine de Rauwolfia , dont fut extraite la réserpine, figurait dans la pharmacopée millénaire de l’Inde; l’opium aurait été utilisé dès Hippocrate et la belladone était connue des Égyptiens et des Phéniciens; quant à la coca, elle était utilisée dans l’Amérique précolombienne.
L’emploi scientifique et codifié des substances pharmaceutiques est amorcé véritablement au XIXe siècle avec l’extraction des principes actifs des plantes, précédant celle des hormones, et avec les premières synthèses, minérales puis organiques. La morphine et les autres alcaloïdes du pavot sont découverts à partir de 1816 [cf. MORPHINE], la strychnine en 1818, la caféine en 1820, la cocaïne en 1855, l’éphédrine en 1885. Cette dernière découverte conduira, après celle de l’adrénaline en 1901, à la synthèse des amphétamines à partir de 1931. Dès 1826 commence la synthèse des bromures, en 1832 celle du chloral, et en 1903 celle du premier barbiturique, le Véronal, suivie de celle du Gardénal (1912) précédant les composés modernes, d’élimination rapide, à partir de 1935.
Ces agents analgésiques ou anesthésiques, psychostimulants ou sédatifs et hypnotiques n’ont pas apporté une contribution déterminante à la thérapeutique psychiatrique du fait qu’ils agissaient sur des symptômes, mais qu’ils n’influaient pas beaucoup sur le cours des psychoses majeures. Toutefois, on doit déjà noter une certaine action des médicaments antiépileptiques et le rôle joué par la pénicilline dans le traitement des psychoses syphilitiques comme la paralysie générale. La relative inefficacité des substances pharmaceutiques disponibles jusqu’à la première moitié du XXe siècle explique le recours à des moyens physiques ou chimiques, non pour leur effet propre, mais en tant qu’agents des «méthodes de choc» biologiques. Ainsi furent proposés, entre 1917 et 1938, les traitements par la fièvre artificielle, l’insulinothérapie génératrice de comas et la convulsivothérapie par le Cardiazol ou par l’électrochoc, celui-ci étant encore très usité actuellement selon une technique améliorée grâce à l’anesthésie et à la curarisation.
Le véritable traitement chimique des psychoses débute en 1952 avec la découverte de la chlorpromazine, suivie de celle de la réserpine, prototypes des « neuroleptiques », ou tranquillisants majeurs et réducteurs des processus psychotiques. À partir de 1957 apparaissent l’imipramine et l’iproniazide, chefs de file des médicaments «antidépresseurs», ou redresseurs de l’humeur. La chimiothérapie moderne des psychoses utilise de très nombreux agents neuroleptiques ou antidépresseurs, qui n’ont cessé de se multiplier. Cependant, il s’agit encore de médications pathogéniques en ce qu’elles influent sur les processus des psychoses dont la cause essentielle demeure inconnue dans la plupart des cas, ce qui justifie les recherches sur un possible substrat biochimique.
Classification des psychotropes
La classification des substances psychoactives qui a été généralement adoptée est celle de J. Delay et P. Deniker. Elle est fondée sur les effets dominants au point de vue clinique et expérimental, et distingue trois principaux groupes d’agents: les psycholeptiques , ou sédatifs; les psychoanaleptiques , ou stimulants du tonus mental; les psychodysleptiques , qui dévient ou perturbent l’activité psychique (tabl. 1).
Dans le groupe des psycholeptiques, on trouve: les hypnotiques, dépresseurs de la vigilance et inducteurs de sommeil; les tranquillisants, qui ont des actions sédatives symptomatiques; les neuroleptiques, caractérisés par de puissantes activités thérapeutiques dans les psychoses et par une aptitude à produire des symptômes neurologiques (à laquelle ils doivent leur nom). Il convient d’y ajouter le sous-groupe nouveau des «régulateurs de l’humeur» dont le prototype est le lithium, qui se situe entre les neuroleptiques et les antidépresseurs. Des premiers, il partage l’action sédative dans les états d’excitation (maniaques), mais il exerce aussi une action préventive pour les dépressions. Il représente donc un type d’activité original provisoirement classé dans le groupe des psycholeptiques.
Dans le groupe des psychoanaleptiques, on distingue: les stimulants de la vigilance, ou antihypnotiques, dont le type est l’amphétamine; les stimulants de l’humeur, ou antidépresseurs, capables de redresser les tendances dépressives, voire de les inverser; les autres psychotoniques, ou neurostimulants.
Dans le groupe des psychodysleptiques se situent: les hallucinogènes, ou onirogènes, capables de produire un état de rêve éveillé; les stupéfiants, ou euphorisants, tels que la morphine et le chanvre indien; les agents producteurs d’ivresse (alcool, éther).
Explorations pharmacodynamiques
Quoique antérieures aux chimiothérapies modernes, les épreuves pharmacodynamiques représentent une acquisition importante de la psychopharmacologie. On dispose avec elles d’une gamme de moyens chimiques permettant de faire varier, presque à volonté, le niveau de vigilance, les dispositions émotionnelles et l’expression verbale des patients dans un dessein d’exploration diagnostique et, éventuellement, d’action psychothérapeutique.
La subnarcose à l’aide de barbituriques par voie veineuse est connue sous le nom de narcoanalyse (Horsley, 1936). L’épreuve inverse utilise l’injection veineuse d’une dose d’amphétamine. Les deux actions se combinent dans la subnarcose amphétaminée .
La résolution des défenses, combinée à la stimulation d’énergies mentales, permet de lever les mutismes et les réticences, d’explorer les amnésies, de préciser la nature des différentes sortes de dépression, d’extérioriser un délire plus ou moins dissimulé. Mais il va sans dire que de tels moyens ne sont licites qu’entre les mains des médecins.
Découverte des médicaments modernes
À partir de 1952, on a découvert divers types de médicaments actifs dans différents cas de psychoses, dont l’ensemble représente l’arsenal différencié des chimiothérapies modernes.
Ces découvertes ont été effectuées grâce aux synthèses nouvelles de la chimie pharmaceutique et grâce aux novations hardies de cliniciens qui croyaient pouvoir traiter les maladies mentales par des moyens médicaux. Jusque-là, peu de médicaments s’étaient révélés efficaces et les méthodes de choc (électrochoc, insulinothérapie, etc.) étaient seules utilisées avec quelques résultats. Paradoxalement, l’étude pharmacologique des médicaments «psychotropes» a généralement suivi les observations faites chez l’homme. Les pharmacologues ont ainsi sélectionné les tests animaux qui permettent de prédire tel ou tel type d’activité thérapeutique: celui des neuroleptiques, des antidépresseurs, des tranquillisants, etc. Ces méthodes qualitatives et quantitatives permettent d’utiles prévisions pour les principaux types d’activités déjà connus. Mais les actions thérapeutiques ne sont véritablement définies qu’après les essais cliniques, tant il est vrai que les activités psychiques supérieures et les divers troubles mentaux ne sont observables que chez les humains. On trouvera dans les tableaux 2 et 3 des exemples de correspondance entre les données de l’expérimentation animale et celles des observations humaines.
Psychopharmacologie et biochimie cérébrale
Des progrès considérables ont été réalisés, à partir des années 1960, grâce aux connaissances acquises sur les mécanismes d’action des médicaments au niveau des cellules nerveuses et de leurs connexions ou synapses. En particulier, on a découvert leur rôle à l’égard des substances chimiques, dites «neurotransmetteurs», qui permettent le passage de l’influx nerveux. De même, on a pu préciser quelles structures nerveuses étaient spécialement riches et actives pour telle ou telle transmission chimique. L’emploi des agents psychotropes a joué un rôle important dans ce vaste mouvement de la recherche neurochimique.
L’action des neuroleptiques sur la dopamine (amine dérivée de la DOPA ou désoxyphénylalanine) et sur les structures spécialisées dopaminergiques en fournit un exemple significatif. On savait que les neuroleptiques sont caractérisés par des effets secondaires neurologiques très particuliers qui se manifestent sous la forme de symptômes parkinsoniens généralement réversibles. D’autre part, on a découvert dans la maladie de Parkinson un déficit en DOPA et ce neuromédiateur a pu être utilisé dans le traitement de la maladie. À partir de 1963, A. Carlsson a démontré que les neuroleptiques agissaient, pratiquement tous, par blocage des récepteurs à dopamine postsynaptiques. Cet effet paraît d’ailleurs proportionnel à l’activité thérapeutique. On a ainsi été amené à opposer: les neuroleptiques antidopaminergiques qui ont des activités antipsychotiques (antagonistes des manifestations des psychoses) et les agents dopaminergiques (comme les amphétamines) capables d’activer les psychoses. Il y a là l’ébauche d’une théorie biochimique des maladies mentales.
Les médicaments antidépresseurs agissent sur différentes monoamines cérébrales: soit par inhibition de leur destruction (c’est le cas des inhibiteurs de la monoamine-oxydase ou IMAO), soit par inhibition du «recaptage» de la noradrénaline, de la sérotonine ou de la dopamine.
Les tranquillisants simples, comme les benzodiazépines, semblent agir sur des «récepteurs» synaptiques spéciaux et leur action va dans le même sens que celui des structures à acide gamma-animo-butynique (GABA).
Chimiothérapies psychiatriques
On désigne sous ce nom les médicaments qui doivent être administrés de façon méthodique pour obtenir une certaine imprégnation des centres nerveux. Les principales chimiothérapies sont représentées par l’emploi des neuroleptiques, par celui des antidépresseurs et par celui du lithium.
Médicaments neuroleptiques
Les neuroleptiques sont caractérisés par leurs puissantes actions sédatives et réductrices des mécanismes psychotiques (excitation, agitation, délires et hallucinations) et par leur aptitude à produire des symptômes neurologiques (parkinsonisme artificiel), à laquelle ils doivent leur dénomination. Ce type d’activité psychopharmacologique original se retrouve dans plusieurs familles de structures chimiques fort différentes: phénothiazines, réserpiniques, butyrophénones, benzamides, etc. (fig. 1).
Les phénothiazines tricycliques fournissent le plus grand nombre de neuroleptiques dans un groupe qui a également donné des antihistaminiques et des antiparkinsoniens. La chlorpromazine (Largactil) en est le prototype introduit le premier en thérapeutique psychiatrique (Delay et Deniker, 1952): son effet le plus spectaculaire est la disparition de l’agitation dans les services de psychiatrie; mais son action est plus complexe que celle d’un «tranquillisant», car il réduit également les psychoses aiguës et chroniques. À la suite du prototype ont été synthétisés des agents plus puissants: soit plus sédatifs (composés à chaîne aliphatique, telle la lévomépromazine, ou Nozinan), soit plus «désinhibiteurs», pour ne pas dire stimulants, qui sont les phénothiazines pipérazinées comme la thiopropérazine (Majeptil), la fluphénazine (Moditen). Des composés plus maniables ont été trouvés avec les phénothiazines pipéridinées: thioridazine (Melleril), propériciazine (Neuleptil). Enfin, les premiers neuroleptiques-retard, ou agents d’effet prolongé, réalisés avec les sels de fluphénazine ou de pipothiazine, permettent de réduire le traitement à une injection toutes les deux ou trois semaines.
La réserpine , alcaloïde de Rauwolfia serpentina introduit en 1954, fut sans doute le premier neuroleptique à produire des actions désinhibitrices dans les psychoses schizophréniques. Ses propriétés, comparées à celles de la chlorpromazine, ont permis d’établir les caractéristiques spéciales aux neuroleptiques.
Les butyrophénones , chimiquement différentes des précédents, partagent cependant ces caractéristiques. Le type en est le halopéridol (Janssen, 1959), qui possède une activité antihallucinatoire très particulière. Cette série chimique comporte des agents d’action très rapide utilisés en anesthésiologie et des agents d’action prolongée (fluspirilène).
D’autres familles chimiques ont donné naissance à des neuroleptiques; telles sont, par exemple, les dibenzothiazépines avec la clothiapine, les thioxanthènes avec le thiothixène, les benzamides avec le sulpiride et le sultopride.
On dispose donc, avec les neuroleptiques, d’une grande variété d’agents qui peuvent être utilement employés suivant la symptomatologie présentée par les malades à traiter et aussi selon la réactivité propre à chaque cas (tabl. 4). Ainsi ces médicaments trouvent-ils des indications dans la plupart des psychoses aiguës et chroniques et dans certaines névroses. Toutefois, les psychoses dépressives ne relèvent pas au premier chef de la cure neuroleptique.
Médicaments antidépresseurs
Cette classe de médicaments complète de façon presque symétrique celle des neuroleptiques. Grâce à leur efficacité, ils ont permis, de plus en plus, de se passer de l’électrochoc dans le traitement des dépressions, bien que celui-ci demeure irremplaçable dans certains cas.
Les antidépresseurs, aujourd’hui très nombreux, dérivent de deux prototypes. Le premier est représenté par les hydrazines inhibitrices de la monoamine-oxydase (IMAO) avec l’iproniazide ou Marsilid (N. Kline, 1957) et toute une série de composés dont le maniement requiert des précautions spéciales, mais dont l’efficacité dans certaines indications peut être supérieure à celle des dérivés dont il va être question.
Le deuxième prototype est représenté par les dérivés tricycliques de l’imipramine ou Tofranil (R. Kuhn, 1957), qui comptent un grand nombre de composés: amitriptyline (Laroxyl), trimipramine (Surmontil), désipramine (Pertofran) et surtout la clomipramine (Anafranil) qui est un des plus actifs. À côté de ces prototypes, les composés se sont multipliés surtout parmi les tricycliques: on dispose aussi de composés quadricycliques (maprotiline), bicycliques (viloxazène) et de structures diverses. Il est possible de classer les composés disponibles en allant des plus stimulants aux plus sédatifs.
Le mode d’action des antidépresseurs semble mettre en jeu les amines cérébrales. Les IMAO, en inhibant la diastase de dégradation des monoamines (ou monoamines-oxydase), favorisent l’accumulation de ces amines dans les structures nerveuses. Les agents tricycliques, par un mécanisme différent, aboutissent à un résultat similaire: ils inhibent la recapture présynaptique de la noradrénaline et de la sérotonine. Certains composés agissent davantage sur l’une ou l’autre des amines. Enfin, certains composés se distinguent par leur action dopaminergique: amineptine, nomifensine.
Malgré leurs différences de structure chimique et d’action biochimique, les antidépresseurs ont des activités très spéciales qui les différencient de tous les autres médicaments psychotropes (fig. 2). La principale est leur aptitude à redresser l’humeur dépressive, c’est l’action «thymo-analeptique», qui peut aller, si elle dépasse le but, jusqu’à une véritable inversion euphorique de l’humeur. Cette propriété différencie les antidépresseurs, d’une part, des neuroleptiques et des tranquillisants qui n’ont pas cette action, d’autre part, des psychostimulants qui, souvent, aggravent la dépression et l’anxiété.
Les indications thérapeutiques des antidépresseurs sont représentées par tous les cas où le redressement de l’humeur ou du tonus mental apparaît souhaitable: en premier lieu dans les psychoses dépressives, mais aussi dans certaines névroses où une action énergétique est préférable à une action sédative (c’est le cas de la psychasthénie où les IMAO sont particulièrement indiqués [tabl. 5]). L’association des antidépresseurs et des neuroleptiques peut être utilement employée dans les cas de psychoses où l’on recherche l’action analeptique des premiers et l’activité antipsychotique des seconds.
Traitement par le lithium
Un nouveau progrès avait été réalisé avec l’emploi des sels de lithium (carbonate). Proposé dès 1948 (Cade), puis pratiquement abandonné en raison d’accidents toxiques de surdosage, cet agent très simple a repris une place de premier plan depuis que son maniement est correctement guidé par des dosages réguliers du lithium dans le sang des malades en traitement (M. Schou et al.), et que les accidents sont efficacement évités grâce à un bilan cardio-rénal préalable.
Remarquablement efficace dans les états d’excitation psychique, le lithium peut utilement prendre le relais du traitement neuroleptique initial: il est facilement accepté des patients parce qu’il n’affecte pas la vigilance. De plus, il semble que le traitement prolongé ait une réelle action préventive dans les psychoses cycliques ou cyclothymiques et, en cas de besoin, on peut y associer des antidépresseurs.
Médicaments psychiques
Il importe de bien distinguer des chimiothérapies psychiatriques, qui réalisent des imprégnations médicamenteuses systématiques, les médications d’effets plus limités, administrées en vue d’une action symptomatique, c’est-à-dire seulement autant qu’existent les symptômes à combattre.
Hypnotiques
Les hypnotiques visent à l’incitation ou à la production artificielle du sommeil. On possède aujourd’hui beaucoup d’agents d’origines chimiques différentes. Les barbituriques , parmi lesquels il faut citer les composés d’élimination rapide (sérobarbital, amobarbital, pentobarbital), sont de plus en plus délaissés au profit des agents non barbituriques.
Parmi ceux-ci, on doit énumérer des dérivés des phénothiazines (alimémazine, mépramazine), des formules originales (méthaqualone) et surtout des benzodiazépines (cf. infra : Tranquillisants ) capables d’atteindre rapidement un taux élevé dans le sang: c’est le cas du flunitrazépam (Rohypnol), du triazolam (Halcion), etc.
Le traitement rationnel des insomnies doit faire appel soit à des tranquillisants qui préparent au sommeil, soit à des agents rapides ou «starters» du sommeil, soit à des médicaments qui prolongent le sommeil (phénothiazines), soit enfin à des combinaisons adaptées à chaque cas.
Tranquillisants
On désigne sous ce nom les sédatifs psychiques qui ne sont ni des neuroleptiques (pas d’effets secondaires neurologiques) ni des hypnotiques à proprement parler. Ils ont été recherchés à partir de différents types d’actions pharmacologiques. On compte ainsi des dérivés des somnifères (carbamate de métylpentynol), ou des antihistaminiques (hydroxizine), mais surtout des agents dérivés des relaxants musculaires. Avec la découverte des effets centraux sédatifs des curarisants de synthèse (dérivés du propanediol), est né le méprobamate ou procalmadiol. Puis, avec le chlordiazépoxide, la famille des benzodiazépines n’a cessé de se développer depuis 1960. Ces dernières possèdent, toutes, une triple action: tranquillisante (et éventuellement somnifère), de relaxation musculaire et antiépileptique. Suivant les composés et les doses, on a affaire à de simples tranquillisants (diazépam, opipramol, oxazépam, lorazépam), voire à des hypnotiques (flunitrazépam), ou à des antiépileptiques (clonazépam) [fig. 3]. Ces tranquillisants, administrés en injections, ont d’intéressantes indications dans les psychoses toxiques (psychoses alcooliques subaiguës) et dans certaines épilepsies. Par voie buccale, leur action est essentiellement symptomatique à l’égard des états d’anxiété, de tension ou de malaise psychique. Mais, en raison de la nature et des causes souvent mal définies de ces états, l’usage des tranquillisants peut conduire à des prescriptions indéfiniment prolongées – génératrices d’habitudes – et surtout à l’abus d’automédication par les sujets en quête de «confort» psychologique.
Psychostimulants
Parmi les stimulants psychiques, on distingue: les stimulants de la vigilance (nooanaleptiques) et les stimulants de l’humeur (thymoanaleptiques) dont il a été question plus haut (cf. supra : Médicaments antidépresseurs ).
Les amines de vigilance, habituellement englobées sous le nom d’amphétamines, sont des psychotoniques définis par leur action de stimulation de la vigilance (avec insomnie) et de l’activité intellectuelle, par leur action contre la fatigue et contre l’asthénie, ainsi que par leurs effets sympathomimétiques et réducteurs de l’appétit.
Les amphétamines conservent quelques indications médicales très spéciales: dans certaines formes d’épilepsie et, éventuellement, dans les crises de somnolence des narcolepsies. En dehors de ces cas particuliers, elles ont beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. On sait les dangers que font courir aux amateurs d’amaigrissement l’emploi des amphétamines comme réducteurs d’appétit. Des états anxieux, dépressifs, voire de véritables troubles psychotiques peuvent survenir même chez des sujets qui n’y sont pas prédisposés, en apparence.
L’usage des amphétamines contre la fatigue des conducteurs ou pour le «bachotage» des examens est rigoureusement proscrit en raison des catastrophes qu’il peut provoquer. Mais, on a assisté dans les années soixante à une véritable toxicomanie aux amphétamines avec tendance à la multiplication des doses et risque de véritables psychoses subaiguës et même chroniques, d’où le classement de ces substances au tableau B des substances vénéneuses, tout comme les morphiniques.
Psychotropes et psychiatrie expérimentale
Il est logique de faire débuter la psychiatrie expérimentale avec le précurseur que fut J. Moreau de Tours et avec son ouvrage Du haschisch et de l’aliénation mentale (1845). Mais il faudra plus d’un siècle pour que soient isolés les principes actifs du chanvre (dont le haschisch est la résine): les tétrahydrocannabinols.
La mescaline, extraite en 1894 d’un petit cactus mexicain, le peyotl, va donner lieu aux remarquables travaux de L. Lewin et surtout à ceux de Mayer Gross (1925) qui posent le problème de l’analogie des troubles mentaux artificiellement provoqués et des psychoses naturelles.
La découverte, presque par hasard, en 1943 (A. Hofmann et al.), des effets hallucinogènes d’un dérivé de l’ergot de seigle, le lysergamide (ou LSD), qui est actif à des doses de l’ordre de la fraction du milligramme, va poser la question de l’existence possible dans l’organisme des malades mentaux de substances chimiques nocives à des doses infinitésimales. La recherche de substances pathogènes chez les malades mentaux n’en est qu’à ses débuts et, pour le moment, elle n’a pas encore abouti.
Une hypothèse ingénieuse fut faite avec la théorie des substances indoliques, c’est-à-dire contenant le noyau indole qu’on trouve aussi bien dans certains hallucinogènes que dans les métabolites d’hormones nerveuses comme l’adrénaline [cf. ADRÉNALINE ET CATÉCHOLAMINES]. Mais l’assertion selon laquelle l’adrénochrome serait la cause de la schizophrénie ne put être confirmée. Les moyens modernes d’analyse infinitésimale permettent de nouvelles recherches dans les humeurs des malades. Ainsi fut «découverte» une tache rose suspecte à l’électrophorèse des urines des schizophrènes, mais, là encore, le test manque de fiabilité.
La génétique moderne, en découvrant à l’origine de certaines maladies des «lésions biochimiques» dans les cycles métaboliques, ouvre de nouvelles perspectives [cf. ENZYMES]. Mais, naturellement, il est tout à fait incertain qu’on découvre une anomalie précise correspondant spécifiquement à tel ou tel désordre mental. Cependant, les acquisitions de la psychopharmacologie et de la neurochimie permettent de faire de sérieuses hypothèses impliquant les structures nerveuses à métabolisme spécial que sont les noyaux gris de la base du cerveau. Que des troubles psychotiques soient réduits par les neuroleptiques générateurs de parkinsonisme artificiel et que la maladie de Parkinson (qui intéresse ces structures nerveuses) soit efficacement corrigée par la L-dopa, précurseur de la noradrénaline, sont des faits très suggestifs, surtout si l’on pense que les effets «secondaires» de la dopa sont précisément des troubles psychiques du genre de ceux que corrigent les neuroleptiques.
Pharmacopsychoses
Dans un autre ordre, la question de la similitude ou de l’identité entre psychoses expérimentales et psychoses véritables se trouve renouvelée par la connaissance qu’on a actuellement des pharmacopsychoses apparaissant au cours des toxicomanies modernes aux hallucinogènes, aux amphétamines ou aux stupéfiants. Les intoxications massives produisent des états de «schizophrénie aiguë» dont la nature risque de n’être pas reconnue en l’absence de la connaissance de l’agent causal. Les abus répétés de substances variées aboutissent à des états déficitaires, à des déséquilibres de l’humeur et au développement de thèmes délirants qu’il est de plus en plus difficile, au cours de l’évolution, de différencier de ceux qui sont dus aux psychoses vraies. Ainsi les caractères massif et chronique de l’intoxication conduisent-ils à des troubles profonds qui se confondent avec ceux de la psychopathologie réelle.
De ce qui précède on pourrait conclure que la psychopharmacologie a sans doute devant elle un champ de recherche plus étendu que celui qu’elle a déjà exploré. Le principe du traitement des troubles mentaux par des méthodes médicamenteuses ne cesse de s’étendre grâce à la mise en œuvre d’agents nouveaux, plus puissants, plus spécifiques ou plus maniables. Mais c’est seulement en découvrant les causes profondes des maladies mentales et leurs mécanismes biologiques et psychologiques qu’on pourra y faire face par des moyens de mieux en mieux appropriés [cf. NEUROCHIMIE].
psychopharmacologie [ psikofarmakɔlɔʒi ] n. f.
• 1956; de psycho- et pharmacologie
♦ Didact. Étude des substances chimiques ayant un effet sur le psychisme humain. — Adj. PSYCHOPHARMACOLOGIQUE ; n. PSYCHOPHARMACOLOGUE .
● psychopharmacologie nom féminin Branche des sciences médicales qui étudie les substances naturelles ou synthétiques dont l'effet principal s'exerce sur le psychisme (psychotropes, notamment).
psychopharmacologie
n. f. Didac. Science qui étudie l'effet des médicaments sur le psychisme.
psychopharmacologie [psikofaʀmakɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. 1956; de psycho-, et pharmacologie.
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♦ Didact. Étude des effets et de l'emploi des substances chimiques sur le psychisme humain (→ Psychotrope); science de l'action des médicaments sur le comportement psychologique. || « La psychopharmacologie est incontestablement efficace en ce qui concerne les dépressions courantes. Les réussites de la psychopharmacologie sont moins spectaculaires lorsqu'il s'agit de dépressions graves » (le Figaro littéraire, 29 sept. 1966). || « L'apparition des produits de synthèse sédatifs (…) préfigura la psychopharmacologie » (la Recherche, nov. 1980, p. 1235).
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DÉR. Psychopharmacologique, psychopharmacologue.
Encyclopédie Universelle. 2012.