BARBITURIQUES
BARBITURIQUES
Composés organiques dérivant de la malonylurée
improprement appelée acide barbiturique en raison de la forme de ses cristaux «semblables à une lyre» (barbitos ), les barbituriques constituent un groupe homogène tant sur le plan chimique que sur le plan pharmacologique. Leur action dépressive sur le système nerveux central en fait essentiellement des sédatifs, à doses plus fortes des hypnotiques, quelquefois des anesthésiques généraux.
C’est en 1903 que la diéthylmalonylurée préparée par Fischer fut introduite en thérapeutique sous le nom commercial de Véronal et la désignation commune de barbital. Le phénobarbital fut introduit en 1912 et vendu sous le nom de Luminal. Dès cette époque, on dénomma les barbituriques en utilisant la désinence «al»; mais celle-ci est impropre, étant réservée en principe aux aldéhydes et à certains de leurs dérivés. On appelle thiobarbituriques des molécules voisines où l’oxygène en 2 est remplacé par un atome de soufre. Un reste alcoyle remplace l’hydrogène porté par l’azote 1 dans les barbituriques N-substitués.
Tous les barbituriques portent deux groupements en position 5 et leur préparation type est calquée sur celle de la diéthylmalonylurée.
Dans un premier temps, on prépare le malonate d’éthyle disubstitué (en général par sodation du malonate d’éthyle). Le dérivé sodé réagit avec un halogénure d’alcoyle et donne un malonate d’éthyle monosubstitué. Une deuxième opération conduite avec un nouveau composé halogéné (différent du premier si les substituants en 5 ne sont pas identiques) permet de préparer le malonate disubstitué. Dans un deuxième temps, on condense, en présence d’éthylate de sodium, le malonate disubstitué avec l’urée (ou la méthylurée ou la thiourée). On obtient le barbiturique (le dérivé N-méthylé ou le thiobarbiturique).
Un certain nombre de variantes sont connues. Elles concernent principalement la synthèse de l’ester malonique de départ. En effet, la réaction de substitution sur le dérivé halogéné n’est pas possible si celui-ci est aromatique ou vinylique. Signalons par exemple une préparation de l’ester phénylmalonique, matière première de la fabrication du phénobarbital. On condense le phénylacétate d’éthyle avec l’oxalate d’éthyle. Le produit obtenu perd par chauffage une molécule d’oxyde de carbone et conduit ainsi au phénylmalonate d’éthyle attendu.
Les barbituriques se présentent sous la forme de poudres microcristallines incolores, amères, sublimables. Solubles dans les solvants organiques (éther, alcool, acétone), ils sont insolubles dans l’eau.
Ne comportant pas de fonction acide caractérisée par un carboxyle COOH, ils s’ionisent cependant en libérant deux hydrogènes dits «mobiles», c’est-à-dire remplaçables par des cations métalliques.
Le caractère d’acide faible est mis à profit pour le dosage acidimétrique. Les barbituriques dissous dans le diméthylformamide ou dans l’acétone sont titrables par le méthylate de sodium ou la potasse méthanolique en présence d’un indicateur coloré, alizarine dans le premier cas, thymol-sulfone-phtaléine dans le second.
Les dérivés mono- et disodiques sont obtenus respectivement aux pH compris entre 7,1 et 10,5 et supérieurs à 10,5. Solubles dans l’eau, ils ont des spectres d’absorption caractéristiques en U.V., ce qui permet leur recherche et leur dosage. En milieu très alcalin, ils s’hydrolysent avec une vitesse non négligeable. Le mélange barbital-barbital sodique donne des solutions à pouvoir tampon très utilisé en biologie. Leur faible ionisation en solution alcaline leur confère une mobilité sous l’influence d’un champ électrique, mise à profit en toxicologie (électrophorèse, électrodialyse). Les dérivés argentiques et mercuriques sont insolubles dans l’eau. En présence d’un sel de cobalt II et en milieu anhydre, les barbituriques conduisent, par l’addition d’amines variées, à des complexes hexacoordinés d’un violet intense. Cette réaction, connue sous le nom de réaction de Parri, permet de caractériser 0,03 mg de produit.
L’action hypnotique est la plus recherchée. On essaie de réunir le plus de qualités dans la même molécule: une faible toxicité, pas d’accoutumance ni d’assuétude après emploi prolongé, l’induction rapide d’un sommeil de bonne qualité, de durée normale, suivi d’un réveil facile, agréable. Le produit idéal dans tous les cas n’existe pas, mais le choix correct d’un médicament et de ses doses permet d’obtenir des effets satisfaisants: l’induction du sommeil (barbituriques à action courte, heptobarbital, hexobarbital, secobarbital associés parfois à des tranquillisants), son maintien (chez les sujets qui ont tendance à s’agiter ou se réveiller la nuit: amobarbital, cyclobarbital, phénobarbital). Certains cas (douleurs) nécessitent l’administration d’un barbiturique à action hypnotique plus puissante (butobarbital, barbital); le sommeil est profond, durable, mais le réveil n’est pas toujours agréable. On peut leur associer des antalgiques ou des calmants.
Dans les cas d’épilepsie (grand mal et épilepsie focalisée, de type moteur, sensitif ou sensoriel), associé à des hydantoïnes, le phénobarbital est prescrit en doses filées (0,10 à 0,15 g par jour). Dans les épilepsies psychomotrices, le phénobarbital est associé souvent à la carbamazépine. Il s’agit d’un traitement au long cours: il ne faut pas supprimer brutalement le médicament, sous peine de troubles assez sévères. Certains incidents peuvent apparaître (cutanés surtout, mais aussi myalgies, fièvre); la somnolence observée souvent dans les premiers temps est combattue efficacement par des doses modérées d’amphétamines ou de caféine.
On utilise actuellement les composés à action ultra courte (penthiobarbital, hexobarbital) en anesthésie générale. Introduits par voie intraveineuse sous forme de sels sodiques par petites doses, ils exigent un contrôle permanent de la respiration; on leur associe souvent des curarisants (pour améliorer le relâchement musculaire). La dose totale utilisée dans une intervention chirurgicale dépasse rarement un gramme.
Le rôle présumé du penthiobarbital comme «sérum de vérité» relève surtout de l’imagination.
Les sels sodiques de barbituriques à action plus lente sont très utiles comme antidotes de poisons convulsivants.
En cas d’intoxication, la recherche des barbituriques dans l’urine se fait grâce à des techniques rapides utilisant généralement une extraction par l’éther en milieu acide et une caractérisation au moyen de la réaction de Parri. Si l’intoxication est récente, on préfère souvent doser le toxique dans le sang par spectrophotométrie ultraviolette à deux pH différents (correspondant à deux spectres d’absorption distincts) après une extraction aussi sélective que possible. Le traitement des comas barbituriques a longtemps fait appel à des excitants (amphétamines) ou à des convulsivants (strychnine, picrotoxine). Cette thérapeutique, dangereuse surtout dans les intoxications complexes, a cédé le pas à une méthode symptomatique due à l’école danoise (Nillson et Clemensen, 1951). Dans tous les cas, le lavage d’estomas et l’intubation trachéale (qui permet la lutte contre l’anoxie et la désobstruction bronchique) sont associés à une ventilation assistée, avec surveillances cardio-vasculaire, rénale (perfusion de mannitol), pulmonaire (administration d’antibiotiques pour éviter l’infection). L’école de Mollaret, en France, associe au traitement symptomatique une alcalinisation du sang (perfusion de bicarbonate ou de trihydroxyméthylaminométhane: T.H.A.M.) qui favorise la mobilisation du toxique et son élimination rénale. Dans les cas les plus sérieux, on peut avoir recours aux techniques d’épuration extra-rénale: «rein artificiel», ou dialyse péritonéale.
Encyclopédie Universelle. 2012.