Akademik

PROSODIE
PROSODIE

PROSODIE

L’une des deux branches de la phonologie est la prosodie, l’autre branche étant constituée par la phonématique. La prosodie étudie les phénomènes «suprasegmentaux», c’est-à-dire ceux qui ne sont pas segmentables dans le cadre de la double articulation. On peut ainsi distinguer comme faits relevant de l’approche prosodique:

– L’accent tonique, qui, par la mise en relief d’une syllabe par rapport aux autres, permet de distinguer le sens de deux suites phoniques phonétiquement semblables; ainsi, en italien, c’est l’accent tonique qui permet de distinguer entre /’papa / («pape») et /pa’pa / («papa»), le premier monème étant accentué sur la première syllabe, le second sur la deuxième syllabe.

– L’intonation, qui permet par exemple en français de distinguer l’affirmation de l’interrogation dans deux suites semblables du point de vue des unités de première et de seconde articulation; ce fait d’interrogation est traduit dans la graphie par un point d’interrogation (ce qui rend possible la distinction entre il pleut? et il pleut ); mais le phénomène ici transcrit est avant tout oral: c’est l’intonation qui, au départ, fait la différence de sens.

– Le degré d’allongement, dont la pertinence est variable: en arabe classique, par exemple, on distinguait entre les trois voyelles brèves /i/, /u/ et /a/ et leurs homologues longues / 稜/, / / et / /; dans ce cas, la longueur est un trait pertinent au sens phonologique du terme; mais, dans une langue comme le français, l’allongement peut avoir une fonction expressive. Le cas se présente, par exemple, lorsque le / face=F3210 履/ de formidable est allongé: c’est fooormidable .

Le point d’incidence des phénomènes de prosodie est d’étendue variable. Il peut être plus petit que le phonème, on parle alors de more (en particulier pour ce qui concerne l’accentuation ou la longueur). Il peut aussi être plus étendu qu’un monème, voire qu’un syntagme: c’est le cas dans les phrases où l’interrogation est marquée par l’intonation, il pleut / il pleut?

L’analyse de la seconde articulation aboutit donc à délimiter des unités qui n’épuisent pas la nature du matériau phonique: les recherches menées en laboratoire, notamment à l’aide de «synthétiseurs de la parole», ont montré l’importance de ce qui débordait la seule phonématique et qu’on a englobé sous le nom de prosodie, ou encore sous l’expression de faits suprasegmentaux. La question est de savoir si les faits ainsi relevés sont phonologiques, c’est-à-dire s’ils permettent de distinguer entre elles des unités de première articulation. La réponse est certes affirmative, au moins pour certains systèmes de langues: en anglais, par exemple, certains mots dissyllabiques relèvent de classes grammaticales différentes selon que l’accent est porté par la première ou la deuxième syllabe (ainsi s’opposent permít , verbe et pérmit , nom); quant à l’origine phonétique de l’accent, il faut la chercher dans l’énergie articulatoire, la hauteur mélodique et la durée, traits évidemment relatifs au reste du mot, généralement pris comme unité de référence; ces diverses manifestations physiques tendent à établir une unité de référence plus petite, à savoir la syllabe.

Un grand nombre de langues ont recours à des registres; certaines syllabes se situent, dans la réalisation phonique, à un point haut, bas ou moyen (les tons) de la courbe mélodique. Là encore, le ton est phonologique, c’est-à-dire pertinent pour l’identification, et relatif, c’est-à-dire qu’on ne l’apprécie qu’en fonction des tons portés par les syllabes environnantes, car, dans ces langues, chaque syllabe porte un ton. Parfois (cas très souvent cité du suédois), c’est un segment plus vaste que la syllabe qui porte le ton, ou plutôt la direction mélodique: buren , «la cage», et buren , «porté», ne représentent pas du tout une courbe de même allure sur des enregistrements kymographiques (le kymographe est un cylindre rotatif sur lequel les inscriptions d’un stylet viennent rendre compte des divers mouvements de la parole).

Reste enfin à délimiter l’unité accentuelle: c’est dans certaines langues le mot, c’est-à-dire un élément lexical accompagné des morphèmes qui en assurent l’insertion dans l’énoncé; dans d’autres, c’est le lexème (unité lexicale elle-même). Au-delà du mot, la phrase est porteuse d’un contour intonatif, et l’on distingue généralement dans sa mélodie quatre niveaux phonologiques, évidemment relatifs l’un à l’autre, car la hauteur absolue des voix varie d’un sexe à l’autre, d’un âge à l’autre, d’un sujet à l’autre; mais on arrive à déterminer un niveau moyen, un niveau bas, de deux ou trois notes en dessous, un niveau haut, qui lui est à peu près symétrique, et enfin un niveau très haut, moins fréquent et de même écart par rapport au précédent; on leur applique généralement la notation symbolique 2, 1, 3 et 4 respectivement, de telle sorte que n’importe quel énoncé entre dans un des schémas chiffrés de séquences: le contour intonatif le plus répandu en anglais, par exemple, est 231, qui marque l’affirmation et aussi parfois l’interrogation; 22 est usité pour les appellatifs polis et 11 pour les appellatifs moins respectueux, etc. L’analyse fine des mélodies de phrase peut être extrêmement utile pour une discipline, la phonosyntaxe, qui relie les manifestations orales du code à des contenus de pensée ou à des formes sociales de la parole.

prosodie [ prɔzɔdi ] n. f.
• 1573; « bonne prononciation » 1562; gr. prosôdia « accent, quantité, dans la prononciation »
Caractères quantitatifs (durée) et mélodiques des sons en tant qu'ils interviennent dans la poésie ( métrique, versification; mètre , pied); règles concernant ces caractères. [i] « En apprenant la prosodie d'une langue, on entre plus intimement dans l'esprit de la nation qui la parle » (Mme de Staël).
Règles concernant les rapports de quantité, d'intensité, entre les temps de la mesure et les syllabes des paroles, dans la musique vocale.
Ling. Étude de l'accent et de la durée des phonèmes.

prosodie nom féminin (grec prosôdia) Ensemble des règles relatives à la quantité des voyelles en vue de la composition du vers. Ensemble des règles permettant d'établir une correspondance juste entre les syllabes accentuées ou atones des paroles et les temps forts ou faibles de la musique. Étude de la forme et de la substance des éléments phoniques dont les limites ne coïncident pas avec celles du phonème, qu'elles soient inférieures (comme les mores) ou supérieures (comme la syllabe, le mot, le syntagme et la phrase). [Ainsi, les recherches sur l'accent et sur l'intonation ; l'étude du rythme, du débit et des pauses dans la parole.]

prosodie
n. f.
d1./d Didac. étude des règles relatives à la métrique et, partic., étude de la durée, de la hauteur et de l'intensité des sons.
d2./d LING Partie de la phonologie qui étudie les faits phoniques qui échappent à l'analyse en phonèmes, tels que le ton, l'intonation, l'accent et la durée.
d3./d MUS Prosodie musicale: règles concernant l'application de la musique à des paroles ou inversement.

⇒PROSODIE, subst. fém.
A.Vx. Prononciation correcte et régulière des mots selon l'accent et la quantité des syllabes. La prosodie française est moins marquée que celle des autres langues (Ac. 1835-1935). Par le mot Prosodie on entend la manière de prononcer régulièrement dans les mots chaque syllabe prise à part et considérée en elle-même (BANVILLE, Pt traité poés. fr., 1881, p.43).
B.MÉTR. Ensemble des règles de versification qui concernent la quantité des voyelles, les faits accentuels et mélodiques, surtout en grec et en latin (d'apr. MOUNIN 1974). Fautes de prosodie, les règles de la prosodie classique. Notre prosodie fourmille encore de petites règles absurdes provenant presque toutes de cette idée fausse qu'il faut aussi rimer pour les yeux (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.87). Commodien, Prudence et Fortunat qui naquirent tous trois en des jours ténébreux où l'on ne savait plus ni la prosodie ni la grammaire (A. FRANCE, Île ping., 1908, p.166):
♦ Distinguer dans les vers le fond et la forme; un sujet et un développement; le son et le sens; considérer la rythmique, la métrique et la prosodie comme naturellement et facilement séparables de l'expression verbale même, des mots eux-mêmes et de la syntaxe; voilà autant de symptômes de non-compréhension ou d'insensibilité en matière poétique.
VALÉRY, Variété III, 1936, p.50.
P. méton. Ouvrage dans lequel ces règles sont exposées et appliquées. Amidei prenait une prosodie et à grand'peine écrivait un méchant sonnet (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p.21).
C.LINGUISTIQUE
1. ,,Étude de phénomènes variés étrangers à la double articulation mais inséparables du discours, comme la mélodie, l'intensité, la durée, etc.`` (MOUNIN 1974). Traditionnellement, on limite la prosodie à l'étude de trois éléments tels que l'accent dynamique (...), l'accent d'intonation (...) et la durée (Ling. 1972).
2. [Pour certains linguistes amér. ou de l'école angl.] Segmentation de la chaîne parlée selon des traits relevant habituellement de la phonématique mais qui affectent des unités plus étendues que le son minimal (d'apr. MOUNIN 1974).
D.MUS. [Dans le chant, la déclamation musicale, les récitatifs] Ensemble des règles concernant les rapports de quantité, d'intensité, d'accentuation entre la musique et les paroles. En même temps que la version allemande [de Salomé], Strauss en écrivait la version française. Sa correspondance avec Romain Rolland publiée montre son souci scrupuleux de résoudre les problèmes de prosodie que lui pose l'accentuation du texte français (DUMESNIL, Hist. théâtre lyr., 1953, p.170). Sorte de chant improvisé qui se soucie peu de la prosodie (MENON, LECOTTÉ, Vill. Fr., 2, 1954, p.20).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1572 gramm. «prononciation régulière des mots conformément à l'accent et à la quantité» (RAMUS, Gramm. fr., p.4); 1573 «traité de ces règles» (J. DE LA TAILLE, Man. de faire des vers en franç., f° 4 r°, éd. 1573 ds GDF. Compl.); av. 1593 mus. (AMYOT, Musique, 3 ds HUG.). Empr. au lat. prosodia «accent tonique ou mélodique», du gr. «chant pour accompagner la lyre», «variation dans le niveau de la voix» notamment «prononciation d'une syllabe accentuée» «plus généralement incluant les autres différences normalement non écrites de prononciation, comme quantité et respiration» «signe donnant des indications de prononciation», dér. de «que l'on chante avec accompagnement d'un instrument», fig. «qui s'accorde avec», de «à côté de» et «chanter». Au sens 1 l'angl. prosody est att. dep. ca 1450 ds NED: prosodye. Fréq. abs. littér.:82.
DÉR. 1. Prosodier, verbe trans. Marquer la prosodie, respecter les accents, la durée des syllabes, les règles de la prosodie musicale. La traduction allemande de mon Faust était (...) prosodiée de telle sorte qu'il n'y avait pas moyen de la chanter (BERLIOZ, Souv. voy., 1869, p.238). J'ai envie de rire, à présent, en entendant le Méphistophélès qui détaille les couplets de la puce si burlesquement prosodiés que Berlioz a dû le faire exprès (COLETTE, Cl. Paris, 1901, p.122). [], (il) prosodie []. 1res attest. a) 1805 (U. DOMERGUE, Manuel des étrangers amateurs de la lang. françoise, p.392: celle des deux pages qui est prosodiée joint à l'avantage d'universaliser la prononciation de Paris, celui d'accoutumer l'oeil et la main à l'orthographe de la raison), b) 1842 (Ac. Compl.: Prosodier. [musique] Observer avec soin les longues et les brèves); de prosodie, dés. -er. 2. Prosodiste, subst., rare. Spécialiste de la prosodie (supra B). Ce sont là les mystères de l'art; mais vous les connaissiez comme poëte avant de les expliquer comme prosodiste (HUGO, Corresp., 1843, p.597). Un pauvre diable de prosodiste latinisant, un chevalier sans gloire du dactyle et du spondée (L. FEBVRE, Sur Rabelais, [1931] ds Combats, 1953, p.252). []. 1re attest. 1843 (HUGO, loc. cit.); de prosodie, suff. -iste. L'angl. prosodist de même sens est att. dep. 1779-81 ds NED.
BBG. —FONAGY (I.), FONAGY (J.). Prosodie prof. et chang. prosodiques. Fr. mod. 1976, t.44, pp.193-228. — JAFFRÉ (J.). Prosodie et signif. Lang. fr. 1974, n° 23, pp.119-127. — KHOMSI (A.). Prosodie et synt. Trav. du Lab. de Phonét. de Tours. 1977, t.3, pp.39-54 ; Struct. prosodique et lang. BREF. 1975, n° 2, pp.31-43. — KONOPCZYNSKI (G.). Le Statut de la prosodie... In: [Mél. Faure (G.)]. Probl. de prosodie. 1. Ottawa, 1980, pp.49-59. — KUKENHEIM (L.). Rôle de la prosodie ds l'hist. de la lang. fr. In: [Mél. Boutière (J.)]. Liège, 1971, t.1, pp.317-331. — UNIV. DES LANG. ET DES LETTRES. Grenoble. Rech. sur la prosodie du fr. Grenoble, 1979, 210 p.— WIMMER (Ch.). La Prosodie et le syst. de la lang. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t.13, n° 1, pp.277-298. —ZWANENBURG (W.). Rech. sur la prosodie de la phrase fr. Leiden, 1965, 135 p.

prosodie [pʀɔzɔdi] n. f.
ÉTYM. 1562; grec prosôdia « accent, quantité, dans la prononciation » (→ -odie).
Didactique.
1 Vx (gramm.). Prononciation correcte des mots.
2 (1573). Mod. Caractères quantitatifs (durée…) et mélodiques des sons (surtout en grec et en latin), en tant qu'ils interviennent dans la poésie. Métrique, versification; mètre, pied (→ Intonation, cit. 6).Règles concernant ces caractères. || Apprendre la prosodie grecque, la quantité des voyelles (longues, brèves). || Dictionnaire de prosodie latine. Gradus.
1 Ils (les anciens) ont une harmonie élémentaire qui tient surtout à deux choses, à des syllabes presque toujours sonores, et à une prosodie très distincte (…) La plupart de nos syllabes n'ont qu'une quantité douteuse, une valeur indéterminée; celles des anciens, presque toutes décidément longues ou brèves, forment leur prosodie d'un mélange continuel de dactyles et de spondées, d'iambes, de trochées et d'anapestes; ce qui (…) équivaut à différentes mesures musicales, formées de rondes, de blanches, de noires et de croches.
J.-F. de La Harpe, Abrégé du Cours de littérature, t. I, III, p. 92.
2 En apprenant la prosodie d'une langue, on entre plus intimement dans l'esprit de la nation qui la parle que par quelque genre d'étude que ce puisse être.
Mme de Staël, De l'Allemagne, II, IX.
3 Mus. Règles concernant les rapports de quantité, d'intensité, entre les temps de la mesure et les syllabes des paroles dans la musique vocale.
4 Ling. Étude de l'accent et de la durée des phonèmes.
5 (1875). Pièce vocale grecque antique que l'on chantait en s'accompagnant de la lyre.
DÉR. Prosodier, prosodique.

Encyclopédie Universelle. 2012.