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AUGUSTE
AUGUSTE

Caius Octavius C. f., devenu par adoption C. Julius Caesar Octavianus, officiellement appelé Augustus à partir de 27 avant J.-C., est né à Rome en 63 avant J.-C. et mort à Nola le 14 août 14 après J.-C. Héritier de Jules César, il fonda sous le nom de «principat» l’Empire romain, qui devait durer, avec bien des avatars, presque cinq siècles. On a donné le nom de «siècle d’Auguste» à la période marquée par son long règne qui, après les excès des guerres civiles, vit fleurir, dans le domaine des lettres et des arts, des œuvres devenues classiques.

L’aventure politique d’Auguste est l’une des plus extraordinaires qui soient. Alors qu’il n’avait ni l’audace de Sylla, ni les talents de César, il a réussi là où ils avaient échoué et, comme l’a bien vu Tacite, il a établi sur Rome – c’est-à-dire, pour l’époque, sur le monde entier – à son profit et à celui de ses héritiers, une monarchie de fait. La plupart des formes politiques et presque toute l’idéologie du régime impérial romain résultent de ses initiatives. Ce régime durera cinq siècles et marquera pour toujours l’histoire de l’Europe: le titre d’Augustus , qu’il fut le premier à se faire octroyer, fut porté par tous ses successeurs, ainsi que le nom de César, qui était le sien, et qu’on retrouve encore dans le Kaiser allemand ou le czar russe.

1. Les origines

C. Octavius naquit à Rome en septembre 63, sous le consulat de Cicéron. Son père, C. Octavius, alors ancien édile, devait devenir préteur en 61 et proconsul de Macédoine en 60-59; tout indiquait qu’il accéderait un jour au consulat, mais la mort l’en empêcha. La famille, cependant, n’appartenait pas à la noblesse: C. Octavius, le père, était un homo novus , originaire de Velletri (Vellitrae ), vieux municipe étruscisé du Latium. La branche paternelle d’Auguste, jusqu’à son grand-père inclus, se contenta du rang équestre et des honneurs municipaux; son grand-père exerça même la banque. L’origine d’Octave n’est donc pas particulièrement relevée, et lui-même n’entrera dans la très haute noblesse, celle des Livii, des Claudii, que par alliance. Cependant, son père, C. Octavius, avait épousé en secondes noces Atia, fille d’un sénateur originaire d’Aricie, M. Atius Balbus, apparenté à Pompée, et de Julia, sœur de César. Le jeune Octave se trouvait donc être – c’est l’origine de sa fortune – le petit-neveu de César, qui s’intéressa à sa carrière future. Dès qu’elle fut veuve, la mère d’Auguste, Atia, fut remariée dans la noblesse; elle épousa L. Marcius Philippus, consul en 56.

En septembre 45, César, rédigeant son testament, fait de Caius Octavius son héritier, conjointement avec ses autres petits-neveux, Q. Pedius et Pinarius; en plus, fait capital, il l’adopte. Il avait pu le mettre à l’épreuve en le faisant participer à la guerre en Espagne contre le fils de Pompée. S’il refuse, en 44, de le nommer maître de la cavalerie (c’est-à-dire second personnage de l’État, après le dictateur) et s’il nomme Lépide à sa place, il projette néanmoins de l’emmener avec lui dans la grande expédition contre les Parthes, qu’il préparait au moment de sa mort.

Le jeune Octave reçut l’éducation soignée des nobles de son temps, et César y veilla particulièrement: éloquence, avec, pour maîtres, Epidius – qui enseigna aussi Virgile et M. Antoine – et Apollodore de Pergame; philosophie, avec Arius d’Alexandrie et Athénodore de Tarse. Lui-même était assez doué et ne répugnait pas à montrer ses talents, non seulement, comme il était naturel, dans l’éloquence d’apparat ou politique, mais aussi en poésie; il écrivit des épigrammes et même des tragédies, dont il avait le bon goût de reconnaître qu’elles n’étaient pas des chefs-d’œuvre. Il laissa finalement une œuvre assez considérable, si l’on tient compte des écrits politiques tels que les Res gestae (le prétendu «Testament d’Auguste») ou les Commentarii de vita sua . Il fut sans aucun doute un lettré, comme son ami Mécène, comme l’avait été son oncle – et on peut lui attribuer, sans risque d’erreur, la responsabilité de la politique de ralliement des écrivains, des poètes, comme Virgile et Horace, qui, plus tard, furent sollicités pour célébrer le nouveau régime.

2. Le triumvirat et la guerre civile

À la mort de César, le jeune Octave décide, malgré les conseils de sa mère et de son beau-père, de revendiquer le dangereux héritage, et surtout de faire valider officiellement l’adoption qui, le faisant le véritable fils de César, lui permettra de recueillir un jour ses clientèles. Ce projet se heurte naturellement aux ambitions de l’homme qui, dans les mois qui suivent les ides de mars, s’est imposé comme le maître à Rome, Antoine. Ce dernier gérait normalement le consulat, et avait réussi fort habilement à discréditer et à éloigner les «tyrannoctones». Appuyé sur l’armée et les vétérans, il se posait en héritier politique de César, faisant en particulier voter une série de lois assez démagogiques dont les projets avaient été trouvés dans les notes de César, qu’il avait en sa possession. Le jeune Octave et Antoine ont des entrevues orageuses; ce dernier fait traîner le vote de la loi qui validera l’adoption. Octave travaille l’opinion en présidant (avec Matius, ami intime de César) les jeux en l’honneur de la victoire de César. À ce moment, la situation politique, à Rome et en Italie, se précise: le parti sénatorial retrouve un chef avec Cicéron, et Antoine, voyant venir la fin de son consulat, prétend échanger sa province de Macédoine contre la Cisalpine, que le proconsul Decimus Brutus, un des meurtriers de César, refuse de lui céder. Octave, alors, aidé par les anciens collaborateurs directs de son père adoptif, joue sa chance, et, à titre entièrement privé, lève une armée parmi les vétérans, et part rejoindre Brutus en Cisalpine.

La guerre civile éclate à nouveau entre Antoine d’une part, Brutus, Octave et les armées consulaires de l’autre (guerre de Modène: victoire sur Antoine, le 27 avr. 43). Depuis le 7 janvier, sur proposition de Cicéron, le Sénat a validé rétrospectivement l’initiative d’Octave, lui a donné un imperium proprétorien. Il reçoit aussi le droit de briguer directement la préture et de prendre la parole au Sénat, parmi les consulaires. Après sa victoire sur Antoine, battu mais non éliminé, Octave réclame bien plus qu’il ne lui a été promis: le droit de briguer directement le consulat. Devant le refus du Sénat, Octave n’hésite pas à marcher sur Rome avec ses troupes, et, par un coup d’État, se fait élire consul par les comices (19 août 43).

Entre-temps, Antoine en fuite réussit à convaincre Lépide, proconsul de Narbonnaise et de Cisalpine, de faire cause commune avec lui. Puis tous deux s’entendent avec Octave pour se partager l’Occident et poursuivre la guerre contre les «républicains», Brutus et Cassius, qui tenaient la Grèce et l’Orient. Une loi crée pour eux le titre de «triumvirs constituants», avec pleins pouvoirs et mission d’établir, une fois les guerres terminées, à échéance de cinq ans, une nouvelle constitution (27 nov. 43). L’établissement du triumvirat s’accompagna de sanglantes proscriptions (trois cents sénateurs et deux mille chevaliers) et de la confiscation, au profit des vainqueurs, d’un nombre considérable de propriétés. Ainsi, en quelques mois, grâce à une série d’initiatives factieuses et de coups d’État appuyés par les anciens intimes de son père adoptif, Octave a réussi à se hausser au sommet du pouvoir. Il devra cependant le partager avec ses complices durant onze ans.

Les triumvirs se portèrent d’abord contre Brutus et Cassius, et les écrasèrent dans les deux batailles de Philippes, en Macédoine (oct. 42). Ils procédèrent ensuite à une nouvelle répartition de leurs provinces respectives. Antoine devait pacifier l’Orient, et recevoir la Narbonnaise, Lépide l’Afrique, Octave l’Occident, avec mission de lutter contre Sextus Pompée. Antoine avait cependant laissé en Occident (en Gaule) une armée fidèle, sa femme Fulvie et son frère Lucius, consul pour 41.

Le grand problème était la crise économique et financière, consécutive aux proscriptions, et le partage des terres de dix-huit cités que l’on avait confisquées au profit des vétérans. Lucius Antonius et Fulvie tentèrent de soulever l’Italie exaspérée contre Octave. La guerre traîna autour de Pérouse, Antoine et Octave faillirent rompre; cependant Mécène et Asinius Pollion ménagèrent «la paix de Brindes» (oct. 40), qui faisait en principe d’Octave le maître de l’Occident, d’Antoine celui de l’Orient – paix scellée par un mariage dynastique entre Antoine et Octavie, sœur d’Octave. La crise économique et l’attitude menaçante de Sextus Pompée, maître de la Sicile et de la mer, obligèrent les triumvirs à conclure avec ce dernier un accord qui prévoyait le partage des magistratures à venir, et de lourdes indemnités (39 av. J.-C.). Mais les engagements ne furent tenus d’aucun côté, la rupture était toujours menaçante entre Octave et Antoine, et les opérations reprirent contre Pompée. En 37, les pouvoirs des triumvirs furent reconduits pour cinq ans; avec le concours d’Agrippa, amiral de talent, et de Lépide, Octave fut vainqueur, non sans mal, de Pompée à Nauloque (août 37). Mais les maladresses de Lépide permirent à Octave de débaucher son armée, de le déposer de son titre de triumvir sans consulter Antoine, et de le priver de sa province. Lépide ne conserva que le grand pontificat.

Octave reste donc seul maître en Occident. Dès son retour à Rome, il esquisse un retournement politique essentiel, et manœuvre pour l’avenir. Il se fait reconnaître des honneurs extraordinaires, en particulier la sacro-sainteté des tribuns de la plèbe, et se pose en restaurateur de la paix et de l’ordre, allant ainsi dans le sens des vœux unanimes de l’Italie, épuisée par les guerres civiles, par le problème des vétérans et par la crise économique.

Pendant ce temps, en Orient, Antoine pacifie, organise une série de protectorats et d’États tampons, et entreprend, à deux reprises (la première se solde par un assez grave échec), des expéditions militaires contre les Parthes. Il s’installe en Égypte, épouse sans doute Cléopâtre, et fait à celle-ci la donation d’un très vaste empire. Cette politique qui, sur place, ne manque ni de grandeur ni d’habileté – et qui lui acquiert des sympathies auprès des Orientaux – choque l’opinion romaine. Dès 36, le conflit avec Octave apparaît inévitable. Cependant Antoine, qui garde des partisans à Rome même, réclame à son tour le rétablissement de la légalité. Le triumvirat expirait probablement (on n’est pas très sûr de la date) le 31 décembre 33. Durant toute l’année, Antoine et Octave négocient ou polémiquent violemment. En 32, les deux consuls sont des partisans d’Antoine; l’un d’eux, C. Sosius, prétend mettre Octave en accusation. Ce dernier, qui s’abstient désormais de revêtir le titre de triumvir (alors qu’Antoine le conserve sur ses monnaies), exécute alors un troisième coup d’État, convoquant le Sénat grâce à l’appui des soldats, et chasse les consuls (plus de trois cents sénateurs les suivirent en Orient, où ils allèrent rejoindre Antoine). Ce dernier répudie Octavie. C’est alors que des transfuges révélèrent à Octave l’existence du testament d’Antoine, déposé chez les vestales, qui scandalisa l’opinion pour la part qui y était faite à l’Égypte. Le Sénat déchut Antoine de ses pouvoirs triumviraux, et la guerre fut déclarée à l’Égypte.

La guerre civile était inévitable. Octave, qui n’avait plus le titre de triumvir, en conservait cependant tous les pouvoirs. De plus, il se fit désigner comme dux pour la grande guerre nationale contre l’Égypte, par un serment solennel qu’il fit prêter non seulement aux alliés, mais à tous les citoyens romains d’Italie: c’était utiliser, de manière systématique, un procédé bien connu en Italie depuis Scipion Émilien et Livius Drusus, et tenter de fonder la légitimité sur un consensus général; l’idée était alors dans l’air et on la trouve exprimée souvent, même par un homme soucieux du droit comme Cicéron. Mais il est douteux que ce grand élan d’un patriotisme italien encore à venir (l’Italie avait eu, jusqu’à une date récente, trop à se plaindre des Romains) ait été vraiment spontané. Ce fut un des traits constants de la propagande augustéenne de créer la confusion sur ce point. En plus de ce commandement militaire et de cette tutelle générale sur l’État, Octave prit soin, en 31, de revêtir le consulat: c’est donc à la fois comme consul, comme dux et comme princeps de l’Italie qu’il mena la guerre d’Orient, marquée par la victoire d’Actium sur la flotte d’Antoine et de Cléopâtre (2 sept. 31), puis par la lente conquête de l’Orient (sept. 31-1er août 30) qui s’acheva par le suicide d’Antoine et de Cléopâtre à Alexandrie. Dans l’été 29, Octave revint à Rome et célébra, les 13, 14 et 15 août, trois triomphes. Il était incontestablement le seul maître, doté d’une puissance de droit et de fait que jamais personne n’avait connue avant lui.

3. Le principat

À coup sûr, Octave désirait conserver ce pouvoir. Mais l’exemple de César et de Sylla l’obsède; il sait que la monarchie est insupportable à Rome et que, comme César, il risque de rencontrer des assassins; d’autre part, il veut éviter de se démettre, comme Sylla. Il lui faut donc non seulement se faire accepter, mais se faire désirer. Or, en 28-27, l’opinion est unanime: elle réclame un régime qui mette fin aux guerres civiles et aux pouvoirs d’exception. Antoine et Octave, chacun de son côté, l’avaient promis. C’est pourquoi, durant l’année 28, Octave, ses conseillers, son parti cherchent fiévreusement le meilleur moyen de concilier leurs ambitions et le possible; Agrippa, Octave et Mécène auraient, selon Dion Cassius (liv. LII), débattu des avantages respectifs du retour à la république ou à la monarchie. Cela n’a rien d’invraisemblable. Finalement, un scénario est mis au point, qui aboutit, au début de 27, à la fondation d’un nouveau régime, auquel on veut donner toute la solennité possible.

Octave César commença par déclarer par un édit que l’ère des guerres civiles et des mesures exceptionnelles prendrait fin avec l’année 28; du même coup, il abdiquerait tous les pouvoirs successifs et extraordinaires qu’il détenait: pouvoirs constituants du triumvirat, commandement suprême, tutelle générale sur la République (à l’exception du consulat). Et, sa mission accomplie – la fin des guerres civiles, la paix –, il remettrait les pouvoirs à leurs détenteurs légitimes, le Sénat et le peuple. Mais, en vertu même de ses pouvoirs constituants, il devait faire quelque chose de plus: proposer un nouvel ordre des choses, une nouvelle constitution, qui permît à Rome de repartir sur des bases entièrement nouvelles, de «renaître» en somme. Tout cela fut réalisé lors de deux séances du Sénat, en janvier 27.

Il est très difficile d’analyser ce nouveau régime – le principat – car il est foncièrement ambigu et hypocrite; on peut n’y voir, avec Tacite, qu’une monarchie de fait, sans le nom. En réalité, c’est un peu plus nuancé. D’abord, à cause de la personnalité même du prince. Ayant accompli cette «mission», César se voit en effet reconnaître, dans l’État, une place à part, exceptionnelle. Il était déjà «fils d’un Dieu» (Jules César); il va recevoir un nom nouveau qui attestera sa magnanimité et le rôle qu’il joue dans le destin de Rome; plusieurs furent proposés (Romulus, par exemple), mais finalement le choix se porta sur un nom réservé aux dieux: «Auguste», qui signifie quelque chose comme «le sacré, le saint». Autres honneurs: le droit d’orner sa maison de laurier – en tant que triomphateur perpétuel – et de porter la couronne civique, preuve tangible qu’il a sauvé Rome et que les Romains sont un peu ses clients, redevables de leur liberté. Resté consul (il l’est sans interruption depuis 31), César Auguste, avec ces seuls honneurs exorbitants, aurait pu prétendre à une sorte de tutelle morale sur l’État. Le Sénat insista cependant pour qu’il eût aussi une participation constitutionnelle au nouvel ordre des choses: il reçut donc une «province» spéciale, à savoir l’imperium proconsulaire sur certaines provinces, presque toutes celles où des armées faisaient face aux Barbares. Défini dans le temps (pour dix ans) et dans l’espace, un pouvoir de cette sorte n’est que le développement de certains précédents de l’époque républicaine. Pour le reste, c’est-à-dire les vieilles provinces et l’Italie, on en revient au système traditionnel du gouvernement par des magistrats régulièrement élus, par des promagistrats sous le contrôle éminent du Sénat.

En apparence, on peut soutenir – comme Auguste lui-même le fera – qu’il n’est, dans le système du gouvernement, qu’un magistrat comme les autres, doté d’une sphère particulière (potestas ) égale à celle des autres. Mais il ajoute lui-même qu’il est aussi le premier «par son autorité». Or, l’apparition de cette notion est essentielle; elle met le princeps sur le même plan que le Sénat, elle donne un label officiel à son pouvoir d’arbitrage, même dans des sphères d’application qui, en principe, ne dépendent pas de lui (les provinces sénatoriales, par exemple). Il faut essayer de voir en détail les divers aspects de ces pouvoirs et leur évolution, car les distinguos juridiques et la phraséologie qu’ils impliquent influenceront tout le Haut-Empire.

4. Les pouvoirs d’Auguste

D’abord, le prince est imperator ; il l’est en quelque sorte par droit d’héritage, parce qu’il est fils de César, et il porte ce titre comme un prénom qui fait partie de son état civil (depuis 29 av. J.-C.). Mais il l’est aussi parce qu’il a reçu, en 28 sans doute, un imperium total sur toutes les armées romaines (comme il l’avait, en 32, sur celles de l’Occident). Il joint donc au pouvoir consulaire (purement civil depuis Sylla) un imperium militaire, qu’il garde en permanence. Le droit de commandement sur les troupes, où qu’elles se trouvent, sera une des marques essentielles du régime impérial. Ce pouvoir lui a été sans doute dévolu par une loi, une lex de imperio , qui, renouvelée plus tard, sera la véritable charte d’investiture de l’Empire. Il s’agit donc, avant tout, d’un pouvoir militaire.

En outre, Auguste est aussi consul (il le restera sans interruption jusqu’en 23, année où le régime subit d’importantes modifications). Cette magistrature lui permet d’exercer une sorte de présidence de la République assez souple sur Rome, l’Italie, et sur les autres magistrats, avec droit de regard éventuel sur les provinces proconsulaires. Exerçant le consulat de façon continue, il a donc, en fait, le pas sur son collègue, et il est une sorte de «premier consul». Ce «principat consulaire», qui semble sauvegarder la légalité républicaine, coïncide en réalité avec une période autoritaire du régime.

Il est également, on l’a dit, proconsul de toutes les provinces importantes du point de vue militaire, pendant une période de dix ans. Il se peut qu’il n’y ait pas eu de coïncidence chronologique entre les deux délégations de pouvoir: celle, générale, de l’imperium consulaire, dévolue en 28 et renouvelable en 18; celle, particulière, de l’imperium proconsulaire sur certaines provinces, renouvelable en 17, mais renouvelée en fait, par anticipation, en 18. On voit donc qu’Auguste joue sur les mots lorsqu’il déclare dans son testament qu’il n’a pas eu de «pouvoirs» supérieurs à ceux des autres magistrats, et qu’il ne leur a été supérieur que par «l’autorité (morale)», car il y a une compétence constitutionnelle précise du principat, définie par la lex de imperio , et l’imperium proconsulaire sur certaines provinces.

Tel est, en gros, le nouveau régime fondé en 28-27. C’est une monarchie de fait, mais qui évite soigneusement les titres odieux de «roi» ou de «dictateur» et qui se contente de juxtaposer sur une même tête une série de pouvoirs d’origine traditionnelle, mais dont la multiplication même fausse toute la régularité. Et le tout est exprimé par le terme de princeps , qui est celui par lequel Auguste et ses successeurs ont voulu officiellement être désignés (le mot apparaît dans un édit signé de lui), mais qu’ils n’ont cependant pas pris dans la titulature officielle qu’ils se donnent, sur les inscriptions ou sur les monnaies, par exemple. Le mot avait une résonance républicaine: il évoquait à la fois le «prince du Sénat», sorte de président d’honneur et de doyen d’âge de l’Assemblée (qui n’avait de pouvoirs que moraux), et la façon, toute officieuse, dont on désignait à Rome les «leaders» du Sénat ou des partis. C’est à ce genre de principat que pense Cicéron quand il écrit le De republica. En évitant de se faire donner des pouvoirs perpétuels, et en prétendant qu’il n’était que le princeps , Auguste entendait repousser tout soupçon de monarchie.

5. L’évolution du régime

Soumis en principe à la règle du renouvellement décennal, ce régime subit aussi, durant la longue durée du règne, des changements qui n’en modifièrent pas les fondements, mais furent destinés à faciliter certaines choses. La principale de ces modifications eut lieu en 23, à la suite d’événements assez graves: procès d’un gouverneur de province, complot où était compromis le collègue d’Auguste au consulat, maladie du prince. Ce dernier se démit du consulat (qu’il ne devait désormais revêtir à nouveau que deux fois, brièvement, pour présenter au peuple ses petits-fils et héritiers), il remit les comptes de l’Empire au nouveau consul, et désigna sans doute Agrippa comme son héritier. Mais, d’un autre côté, ayant ainsi apparemment rétabli à Rome même la constitution sénatoriale, il se fait donner la puissance tribunicienne entière qui va lui permettre d’agir directement avec le peuple, et, en particulier, de proposer des lois. Ainsi semble restauré, à Rome et en Italie, un régime tout à fait indépendant du prince; de fait, il y aura comme une renaissance de l’agitation politique autour des élections, si bien qu’à plusieurs reprises le peuple ou le Sénat voulurent offrir à Auguste la dictature; peut-être était-ce là son vœu secret: il apparaissait à la fois comme indispensable et comme modéré. Ainsi, à partir de 23, Auguste n’est plus magistrat: il a des puissances ou des pouvoirs de magistrat, mais il n’est plus inséré dans les magistratures officielles. Après lui, tous les empereurs dateront leur règne par les années de leur puissance tribunicienne.

En bien d’autres occasions, profitant des circonstances ou s’y soumettant, Auguste recueillit encore des pouvoirs particuliers: pouvoirs censoriaux, soin de mettre à jour la liste du Sénat, cura morum. Il refusa obstinément la dictature, la censure, le consulat en eux-mêmes, mais accepta pour un temps une partie des pouvoirs que ces magistratures impliquaient.

En fait, tous ces pouvoirs se chevauchent sans coïncider tout à fait, pour permettre au prince, selon l’occasion, de laisser la constitution traditionnelle fonctionner, ou au contraire d’intervenir sans appel. En fin de compte, appuyée sur les bases solides d’un imperium à coup sûr total et général (ce qui lui donne le droit de publier des edicta , et un droit de regard sur toute la hiérarchie de l’État), sur une auctoritas qui deviendra de plus en plus institutionnelle, et en même temps sur un prestige moral et même religieux (nom d’Augustus , culte impérial dans les provinces, culte du génie d’Auguste en Italie), la toute-puissance d’Auguste est manifeste. Elle s’exerce aussi dans le domaine législatif: il a le droit de proposer des lois grâce à la tribunicia potestas ; le droit de publier des édits ou des mandata , applicables même dans les provinces du Sénat grâce à l’imperium ; le droit de proposer au Sénat des textes qu’il fera appliquer en tant que magistrat – ce qui donne au Sénat une nouvelle importance législative; enfin, il prend dans son conseil des décisions qui seront destinées à devenir, au IIe siècle, la source essentielle du droit romain. Cette toute-puissance s’exerce également dans le domaine judiciaire, par l’extension du «droit d’appel à César», qui lui permet d’évoquer presque toute sorte de procès. Elle se manifeste enfin dans la vie politique, en ce sens que pratiquement, et sauf exceptions à certaines périodes du règne d’Auguste, c’est lui qui peut régler l’élection des magistrats.

Mais cette toute-puissance se prétend fondée surtout sur l’adhésion spontanée des masses, ce qu’on appelle le consensus universorum ; elle se veut acceptée et même sollicitée: c’est ainsi qu’à la mort de Lépide (12 av. J.-C.), Auguste sera élu grand pontife, mais à la suite de manifestations de loyalisme dans toute l’Italie.

6. La politique d’Auguste

L’idée centrale du règne est la nécessité d’une remise en ordre, dans tous les domaines, avec une volonté très nette de conservatisme social. Auguste restaura le prestige du Sénat, en épurant plusieurs fois l’Assemblée, en donnant parfois de l’argent aux sénateurs. Le cens minimal fut fixé à 1 000 000 ou 1 200 000 sesterces. C’est, comme il est normal, parmi les sénateurs que l’empereur choisit ses légats dans ses provinces, les membres de son conseil... Auguste restaura aussi l’ordre équestre, en l’épurant, en remettant en vigueur de vieilles cérémonies: pour avoir le titre de chevalier, il fallait un cens minimal de 400 000 sesterces, mais – comme au temps de la République – l’octroi officiel du titre de chevalier était nécessaire. Les deux ordres réunis (pas plus de 10 000 familles peut-être) sont étroitement associés au règne, dans l’optique du consensus .

L’Italie est aussi l’objet de tous ses soins et d’un certain nombre de privilèges, ainsi que les colonies dans les provinces. Auguste fut très avare du droit de cité, restreignit l’octroi de l’affranchissement, s’efforça de diminuer les distributions de blé et d’huile à la plèbe. Il voulait un monde fortement hiérarchisé, ses préférences allant au milieu des grandes familles municipales, ou aux dynastes hellénisés d’Orient; sa politique est une politique de classe, en faveur des riches. Mais, en même temps, il entend lutter contre la liberté des mœurs et la décadence de ces mêmes milieux, et édicte, à partir de 19, toute une série de lois morales sur le mariage, sur l’adultère, sur l’obligation d’avoir des enfants. Il se peut aussi qu’il ait été constamment frappé par le manque d’hommes capables et compétents dont Rome pouvait disposer.

L’armée et les finances sont aussi organisées par lui sur des bases nouvelles. Il stabilise les effectifs autour de 25 légions, composées de citoyens engagés volontaires en principe, qui servent d’abord seize, puis vingt ans. Les chevaliers et les sénateurs fournissent les cadres supérieurs (tribuns, préfets), les anciens magistrats sont légats. Pour les deux ordres supérieurs, le service militaire demeure une obligation très contraignante: l’Empire s’appuie sur une caste en partie militaire. Les soldats ont la possibilité d’accéder au centurionat qui permet, en général, à la retraite, de jouir d’une belle aisance et d’un grand prestige, parfois d’entrer dans l’ordre équestre.

En matière de finances apparaît, sous Auguste, la distinction entre le trésor public, alimenté par les revenus des provinces sénatoriales et les quelques impôts directs et indirects qui pèsent sur les citoyens, et le fiscus , caisse impériale et militaire, alimentée par certains impôts directs, en fait d’ailleurs addition des divers fisci , qui sont les caisses locales des provinces. Mais Auguste, en tant que proconsul, devait aussi avoir le droit de tirer certaines sommes régulièrement votées de l’aerarium , et, en pratique, c’est le prince qui a la haute main sur les finances, administrées soit par le Sénat, soit par ses propres services.

7. Les problèmes extérieurs

La politique extérieure se solda, en revanche, par de graves échecs, et Auguste donna à son successeur le conseil de renoncer à toute action de conquête. Seules, les opérations de pacification réussirent pleinement. Le nord-ouest de l’Espagne, les Alpes, jusqu’alors insoumises, furent pacifiés (28-25). En 16 avant J.-C., Auguste confia à ses beaux-fils, Drusus et Tibère, une campagne sur les Alpes qui aboutit à la création des provinces de Rhétie et de Vindélicie. Toutefois, sur le Rhin et sur le Danube, les difficultés furent beaucoup plus éprouvantes. Selon les notions géographiques du temps, Auguste voulait conquérir la lisière nord du monde habité. En 12 avant J.-C., Drusus lança une grande offensive par mer et par terre en Germanie, et parvint en 9 avant J.-C. jusqu’à l’Elbe. Puis Tibère, en 5 après J.-C., reprit ces opérations: la Germanie semblait conquise jusqu’à l’Elbe, mais le passage du Nord-Est n’avait pas été découvert. En 6 après J.-C., l’offensive allait reprendre en Germanie, lorsque la grande insurrection d’Illyrie en détourna Tibère pendant trois ans et, en l’an 9, Quinctilius Varus perdit ses trois légions dans la forêt de Teutberg – désastre dont la politique germanique de l’Empire ne se remit jamais. En Orient, Auguste hérita de la politique des protectorats inaugurée par Antoine, mais il ne reprit pas à son compte les projets dangereux de guerre contre les Parthes, que César avait caressés, et c’est par la diplomatie qu’il obtint en 19 le retour des enseignes de Crassus. En fait, le grand apport de son règne est l’annexion de l’Égypte, qui, d’ailleurs, est une sorte de domaine privé du prince, héritier direct des Ptolémées, administré par un préfet de rang équestre. Tout bien considéré, ce fut une politique extérieure majestueuse, mais prudente et peu agressive.

8. Le problème de la continuité

Ayant rétabli la paix, fondé un nouveau régime qui avait les apparences de la légalité, qui excluait désormais l’arbitraire, les proscriptions, etc., et qui laissait une certaine part d’initiative aux nobles, mais sur lequel il exerçait une tutelle à la fois légale et morale reconnue par tous, Auguste apparaissait au sommet de la gloire. Le grand problème était cependant de savoir ce que deviendrait ce régime exceptionnel, conçu pour un homme exceptionnel, lorsque celui-ci disparaîtrait.

De 23 avant J.-C. à 5 après J.-C., Auguste va éprouver diverses formules. Comme il est naturel dans la société antique, c’est parmi ses proches, ses confidents ou sa famille qu’il espère trouver à la fois des coadjuteurs et des successeurs. Le premier choisi fut Agrippa, son vieil ami, qu’il avait marié en 21 avant J.-C. à sa fille Julie; en 18 avant J.-C., à l’occasion du renouvellement décennal de son imperium , il fait donner à Agrippa pour cinq ans la puissance tribunicienne et le pouvoir proconsulaire, et celui-ci se rend en Orient avec une sorte de mission générale. En 13 avant J.-C., ses pouvoirs sont renouvelés. Peut-être, alors, Auguste voulut-il se réserver le pouvoir civil et donner à Agrippa des responsabilités militaires? Mais ce dernier meurt en 12 avant J.-C.

Dès cette époque, Auguste, s’il emploie comme légats proconsulaires ses deux beaux-fils Drusus et Tibère, réserve l’avenir pour ses petits-fils Caius et Lucius César, qu’il avait adoptés en 17 avant J.-C. Bien que Tibère ait eu la puissance tribunicienne pour cinq ans en 6 avant J.-C., il s’efface alors et part pour Rhodes, laissant la place aux adolescents, en faveur de qui Auguste réclame de grands honneurs et dont il hâte la carrière. En l’an 1 avant J.-C., Auguste donne à Caius César une mission générale en Orient, et le soin de régler les affaires d’Arménie. Mais les deux frères meurent en 2 et 4 après J.-C.

Auguste, alors, rappelle Tibère, et l’adopte. En même temps, il lui fait donner la puissance tribunicienne pour dix ans, et sans doute un imperium proconsulaire. Bien qu’à Rome, après le complot de Cinna, une certaine libéralisation dans l’octroi des magistratures se manifeste, Tibère est de plus en plus associé à l’Empire; en 13 après J.-C., il reçoit même une délégation totale, sans doute par une lex de imperio qui lui donne exactement les mêmes pouvoirs que son père adoptif: il ne lui manque que le nom d’Auguste.

Quand Auguste meurt en 14 après J.-C., au milieu de l’adulation générale, mais éloigné en fait des affaires par son grand âge, le pouvoir se trouve sans contestation possible entre les mains de Tibère, héritier choisi et désigné (mais peut-être ni très aimé ni très consentant). Cependant, la fiction du régime voulait que ce pouvoir absolu ait été consenti et délégué, à l’origine, par le peuple et le Sénat. C’est pourquoi Tibère dut accomplir, à la mort d’Auguste, une série de rites et de manœuvres à la fois hypocrites et indispensables pour faire reconnaître par le Sénat le pouvoir de fait qu’il détenait. L’Empire était cependant fondé.

Le très long règne d’Auguste marque donc une étape considérable dans l’histoire de Rome. Commencée comme celle d’un aventurier révolutionnaire et chef de faction, sa carrière se termine comme celle d’un souverain à l’autorité forte, mais paternelle et philanthropique, adoré dans la plus grande partie du monde comme un dieu; pour les provinces, Rome se confond avec l’empereur. Cependant, l’exercice absolu du commandement militaire reste la réalité fondamentale, que la persistance des organes traditionnels de l’État ne peut cacher. L’œuvre d’Auguste est immense dans tous les domaines, et la paix qu’il a instaurée à l’intérieur de la totalité, ou presque, du monde connu, se traduit par une floraison d’édifices de toutes sortes, ainsi que d’œuvres d’art majestueuses, sinon très originales, qui justifient l’expression de «siècle d’Auguste».

1. auguste [ ogyst ] adj.
XVe; « consacré par les augures » XIIIe; lat. augustus
Littér. Qui inspire un grand respect, de la vénération ou qui en est digne. grand, noble, respectable, 1. sacré, saint , solennel, vénérable. Cette auguste assemblée (surtout iron.). L'ombre « Semble élargir jusqu'aux étoiles Le geste auguste du semeur » (Hugo). ⊗ CONTR. 1. Bas, méprisable. auguste 2. auguste [ ogyst ] n. m.
• 1898; adapt. d'une expr. all. d'apr. 1. auguste, par antiphr.
Lang. du cirque Type de clown au maquillage violent et caricatural. L'auguste et le clown blanc.

auguste adjectif (latin augustus) Littéraire Sert à qualifier des princes ou des rois. Qui a quelque chose d'imposant et de solennel ; majestueux : Le geste auguste du semeur.auguste (synonymes) adjectif (latin augustus) Littéraire Qui a quelque chose d'imposant et de solennel ; majestueux
Synonymes :
- digne
- grand
- majestueux
- noble
- sacré
- vénérable
Contraires :
- bas
- méprisable
- mesquin
- vil
- vulgaire
auguste nom masculin Titre donné aux empereurs romains et qui leur confère un caractère sacré. ● auguste nom masculin (de Auguste, nom propre) Type de clown grotesque.

Auguste
n. m. Type de clown au maquillage bariolé.
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Auguste
(1848 - 1931) cousin du préc., psychiatre et naturaliste suisse: le Monde social des fourmis du globe comparé à celui des hommes (1921-1923).
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Auguste
(1862 - 1954) frère et collaborateur du précédent.
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Auguste
(Caius Julius Caesar Octavianus Augustus) (63 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.) empereur romain. Petit-neveu et fils adoptif de César, connu d'abord sous le nom d'Octave, puis sous celui d'Octavien. à la mort de César (44 av. J.-C.), il forma, avec Antoine et Lépide, le second triumvirat. En 36 av. J.-C., il fit déposer Lépide; en 31 av. J.-C., il vainquit Antoine à Actium. En 28 av. J.-C., le sénat l'éleva à la dignité militaire d' imperator; en 27 av. J.-C., à celle d' augustus (vénérable): il avait désormais tous les pouvoirs. Il ne put se maintenir en Germanie et ramena au Rhin la limite N.-E. de l'Empire, mais il annexa les régions correspondant auj. à la Bavière, à l'Autriche et à la Bulgarie. Il réorganisa la société, les finances, le gouvernement. Rome lui doit de nombr. monuments. Virgile, Horace, Ovide, Tite-Live illustrèrent le siècle d'Auguste. Son beau-fils Tibère, qu'il avait adopté, lui succéda.

I.
⇒AUGUSTE1, adj.
I.— HIST. ANC. Titre honorifique indiquant le caractère sacré reconnu à Octave par le Sénat romain, et porté ensuite par ses successeurs et leurs épouses :
1. Victoria, mère de Victorin, qui se donnoit le titre d'auguste et de mère des armées, fut la Zénobie des Gaules...
CHATEAUBRIAND, Études historiques, 1831, p. 167.
[En parlant d'une terre] Sacré :
2. Cette voix a l'accent farouche du prodige.
Si c'est le cri d'un peuple, il est pour nous, te dis-je;
Si c'est un cri des dieux, il est contre ceux-là
Par qui le sol sacré de l'Olympe trembla.
Xercès souille la Grèce auguste. Il faut qu'il parte!
HUGO, La Légende des siècles, Les Bannis, t. 3, 1877, p. 210.
Mois Auguste. Nom donné par les Romains au mois sextilis lorsqu'Auguste fut nommé grand pontife.
Rem. Voltaire tenta en vain de remplacer le mot août (mois d'août) par auguste (d'apr. LITTRÉ).
TECHNOL. Papier auguste. Papier à lettres de première qualité fait de papyrus et employé dans l'antiquité romaine.
II.— P. ext.
A.— Relatif aux princes, aux rois et à leurs épouses :
3. Lettre à Marie-Louise, écrite du Cap de Bonne-Espérance et expédiée d'Europe.
« Madame, à peine hors de Sainte-Hélène, je crois de mon devoir de déposer avec empressement aux pieds de Votre Majesté des nouvelles de votre auguste époux. (...) »
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 2, 1823, p. 546.
B.— Qui a quelque chose d'imposant, de solennel, de grave; qui est digne de vénération ou de respect.
1. Vieilli. [En parlant de ce qui a trait à l'Antiquité et aux temps anc. : demeures, ruines, sanctuaires, temples, trophées, victimes, hymnes, etc.] :
4. ... c'est un temple auguste qui a ses colonnes, ses portiques, ses sanctuaires et ses lampes; mais les fondements de son architecture sont encore plus admirables que son élévation et que ses décorations.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 240.
5. La Lydienne au front orné de cheveux roux
Abaissa sur Hercule un œil plein de courroux,
Et lui cria, superbe et de rage enflammée,
En touchant la dépouille auguste de Némée :
« Esclave, donne-moi cette peau de lion. »
BANVILLE, Les Exilés, La Reine Omphale, 1874, p. 30.
2. [En parlant d'une pers. et, p. méton., de son maintien, de son port (gestes, regard, voix, etc.) ou encore d'une partie de son corps (visage, tête, front, etc.)] Cette tête auguste, vieillard auguste (Ac. 1932); air, visage auguste :
6. Lorsque Newton et Bossuet découvroient avec simplicité leurs têtes augustes, en prononçant le nom de Dieu, ils étoient peut-être plus admirables dans ce moment, que lorsque le premier pesoit ces mondes, dont l'autre enseignoit à mépriser la poussière.
CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 53.
7. La citoyenne veuve Gamelin, sa cocarde désormais mieux ajustée à sa coiffe, avait pris, du jour au lendemain, une gravité bourgeoise, une fierté républicaine et le digne maintien qui sied à la mère d'un citoyen juré. Le respect de la justice, dans lequel elle avait été nourrie, l'admiration que, depuis l'enfance, lui inspiraient la robe et la simarre, la sainte terreur qu'elle avait toujours éprouvée à la vue de ces hommes à qui Dieu lui-même cède sur la terre son droit de vie et de mort, ces sentiments lui rendaient auguste, vénérable et saint ce fils que naguère elle croyait encore presque un enfant.
A. FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, p. 118.
3. [En parlant de certaines qualités ou sentiments] :
8. Ma mère, qui estimait Mélanie, eut la générosité de n'être pas jalouse de l'amour que je donnais à ma vieille bonne et, si cet amour n'était pas aussi grand, aussi auguste que celui que je gardais à ma mère, il était plus tendre peut-être, et certes plus intime.
A. FRANCE, Le Petit Pierre, 1918, p. 195.
9. « Je ne possède plus rien », pensait-elle avec une joie encore naïve et pourtant grave, auguste, qu'elle aurait voulu serrer farouchement sur sa poitrine, ainsi que le fruit sublime de son extraordinaire union...
BERNANOS, La Joie, 1929, p. 682.
4. [En parlant d'une assemblée, d'un groupe, d'une troupe; ou bien d'une cérémonie, d'une réunion, etc.] Dans cette auguste assemblée, cette auguste cérémonie (Ac. 1932) :
10. ... la salle était occupée par une partie de la foule immense qui avait suivi Corinne. La chaise destinée pour elle était sur un gradin inférieur à celui du sénateur. Corinne, avant de s'y placer, devait, selon l'usage, en présence de cette auguste assemblée, mettre un genou en terre sur le premier degré.
Mme DE STAËL, Corinne, t. 1, 1807, p. 60.
PARAD. S'emploie en assoc. avec des adj. tels que grand, grave, imposant, magnifique, noble, sacré, saint, solennel, vénérable.
Rem. S'emploie parfois ironiquement; cf. l'expr. prendre un air auguste :
11. À sa famille 3 janvier 1839.
Voici donc mon auguste griffe qui veut en quelques lignes renfermer ce qu'il y a de plus étendu, les sentiments d'un cœur qui vous aime et tous les vœux qui s'y forment pour vous au commencement de cette année.
M. DE GUÉRIN, Correspondance, 1839, p. 371.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — LAVEDAN 1964. — PERRAUD 1963. — Pol. 1868.
II.
⇒AUGUSTE2, subst. masc.
SPECTACLES. Clown portant un costume déformé, des souliers en bateau et une chevelure hirsute, qui donne souvent la réplique au clown blanc :
À l'élégance du clown blanc au costume étincelant de paillettes brillantes, à l'aspect fin et distingué sous son visage blafard, s'oppose le négligé de l'auguste dont l'arrivée suffit à déclencher le rire à la vue de son costume burlesque, de son visage bariolé et des innombrables accessoires qu'il traîne derrière lui.
Hist. des spectacles, 1965, p. 1539 (encyclop. de la Pléiade).
En partic. Auguste de soirée. ,,Clown qui intervient entre deux numéros le temps de préparer la piste`` (GITEAU 1970).
PRONONC. — 1. Forme phon. :[ogyst] ou [-]. DUB. et Pt Lar. 1968 transcrivent [o] fermé; PASSY 1914, Harrap's 1963, Pt ROB. et WARN. 1968 donnent les deux possibilités de prononc. PASSY note, dans le cas de [o], une durée mi-longue sur la 1re syllabe. 2. Hist. :[o] fermé ds LAND. 1834, GATTEL 1841, NOD. 1844, FÉL. 1851, LITTRÉ et DG. Pour [o] et [], cf. augmenter (cf. aussi BUBEN 1935, p. 54, § 44).
ÉTYMOL. ET HIST.
I.— 1. 1243 Antiq. rom. « titre conféré à Octave par le Sénat romain, et qui fut porté par ses successeurs » (PH. MOUSKET, Chron., éd. Riffenberg, 477 ds T.-L. : Si se fist la recouroner Et cezar auguste clamer); 2. XVe s. fig. « digne de respect, imposant » (G. CHASTELL, Ver. mal prise, p. 549, Buch. ds GDF. Compl. : Tant plus seront nos fortunes robustes, Plus clers nos noms, nos œuvres plus augustes).
II.— 1898 fam. (Nouv. Lar. ill. : Auguste [...] type de clown).
I empr. au lat. augustus, 1, « cognomen des empereurs » (Ier s., Monument d'Ancyre, 6, 14 ds TLL s.v., 1382, 3); 2 dep. CICÉRON, Brut., 295, ibid., 1381, 36. II p. antonomase de Auguste, nom de personne. Ce type comique dont la paternité est revendiquée par Tom Belling en Allemagne, et Jimmy Guyon en France, apparut à la fin du XIXe s. (Encyclopœdia universalis s.v. clown).
STAT. — Fréq. abs. littér. :1 170. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 167, b) 2 429; XXe s. : a) 1 964, b) 642.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BOUILLET 1859. — ÉD. 1967. — GITEAU 1970. — LELOIR 1961. — Mét. 1955.

1. auguste [ogyst] adj. et n. m.
ÉTYM. 1243; lat. augustus.
1 N. m. Hist. Titre porté par les empereurs romains à partir d'Octave.
1 Le 16 janvier (27 avant J.-C.), le Sénat témoignait officiellement sa reconnaissance à Octavien en lui conférant le titre sacré d'Auguste sous lequel on le désignera désormais. L'historien Florus (Épit., II, 34) résume à la fois, avec précision, la signification du terme et le sens de l'acte : « On délibéra, dans le Sénat, si, pour avoir fondé l'Empire, il ne serait pas appelé Romulus. Mais le nom d'Auguste, jugé plus saint et plus vénérable — sanctius et reverentius —, fut préféré comme un titre qui devait pendant son séjour sur la terre lui conférer d'avance l'immortalité ».
Léon Homo, Auguste, p. 112-113.
Adj. Didact. || Histoire auguste : recueil contenant l'histoire des empereurs depuis Hadrien.
2 Adj. (XVe). Littér. (ou style soutenu). Qui inspire un grand respect, de la vénération ou qui en est digne. Grand, imposant, majestueux, noble, respectable, 1. sacré, saint, solennel, vénérable. || Personnage auguste.Air auguste. || Un auguste nom.(Choses concrètes). || Monument auguste.
REM. Sans être aujourd'hui absolument archaïque, cet emploi était beaucoup plus courant dans la langue classique qu'en français moderne.
2 Je me réduisis donc à ne toucher qu'un petit nombre d'Importuns; et je pris ceux qui s'offrirent d'abord à mon esprit, et que je crus les plus propres à réjouir les augustes personnes devant qui j'avais à paraître (…)
Molière, les Fâcheux, Avertissement.
3 Le beau sujet à divertir la cour, que Monsieur Boursaut ! Je voudrais bien savoir de quelle façon on pourrait l'ajuster pour le rendre plaisant, et si, quand on le bernerait sur un théâtre, il serait assez heureux pour faire rire le monde. Ce lui serait trop d'honneur que d'être joué devant une auguste assemblée (…)
Molière, l'Impromptu de Versailles, 3.
4 (…) Il profane
Notre auguste nom, traitant d'âne
Quiconque est ignorant, d'esprit lourd, idiot.
La Fontaine, Fables, XI, 5.
5 Vengez la reine, immolez tous
Ce traître à ses augustes mânes.
La Fontaine, Fables, VIII, 14.
6 De votre auguste père accompagnez les pas.
Racine, Athalie, I, 3.
7 L'auguste majesté sur votre front empreinte (…)
Racine, Esther, II, 7.
8 Il imagina qu'il fallait attirer la vénération du peuple par un habit qui eût quelque chose d'auguste et de magnifique.
Racine, Port-Royal.
9 De l'auguste chapelle ils montaient les degrés (…)
Boileau, le Lutrin, 3.
10 L'auguste et saint ministère de la justice (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Michel Le Tellier.
11 Ceux qui ont vu de quel front il (Charles 1er) a paru dans la salle de Westminster et dans la place de Whitehall, peuvent juger aisément combien il était intrépide à la tête de ses armées, combien auguste et majestueux au milieu de son palais et de sa cour.
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.
12 Voyez comme elle abaisse cette tête auguste devant laquelle s'incline l'univers.
Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche.
13 Chacun veut contempler son auguste visage (…)
Voltaire, Mérope, V, 8.
14 (L'ombre) Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur.
Hugo, Chansons des rues et des bois, II, 3.
15 La Beauté est une si grande et si auguste chose, que des siècles de barbarie ne peuvent l'effacer à ce point qu'il n'en reste des vestiges adorables.
France, le Crime de S. Bonnard, p. 313.
CONTR. Bas, méprisable, profane, vulgaire.
DÉR. Augustat, augustement. — V. 2. Auguste.
HOM. 2. Auguste, 3. auguste.
————————
2. auguste [ogyst] n. m.
ÉTYM. 1898; adapt. d'une expression allemande d'après 1. auguste, par antiphrase.
Type de clown au maquillage violent et caricatural (s'oppose aux « clowns blancs », ou clowns proprement dits). || Auguste de soirée, qui intervient entre deux numéros.REM. Dans la langue courante, on appelle (improprement) les augustes clowns.
0 Un apport plus important — et inattendu — pouvant être celui du cirque, des facéties des clowns et en particulier du rôle de l'« Auguste », dont l'activité consiste à imiter de travers et dont la maladresse ou la stupidité provoque des catastrophes burlesques.
Roger Caillois, l'Homme et le Sacré, p. 205-206.
HOM. 1. Auguste, 3. auguste.
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3. auguste [ogyst] n. m.
ÉTYM. Mil. XVIIIe, Voltaire, in Littré; lat. augustus.
Vx et rare. Août.
0 Il est mort le 5 auguste 1778, laissant sept enfants, dont quatre garçons.
Restif de la Bretonne, la Vie de mon père, p. 149.
HOM. 1. Auguste, 2. auguste.

Encyclopédie Universelle. 2012.