MISSILES
Les missiles balistiques, après avoir fait une entrée spectaculaire sur le théâtre des armements à la fin de la Seconde Guerre mondiale avec les fusées V2 de l’ingénieur allemand Wernher von Braun, ont acquis à partir des années soixante une importance déterminante en politique internationale à cause de la puissance destructrice de leurs charges nucléaires. On a pu parler de deterrent , mot anglais qui peut se traduire par «arme de dissuasion», autrement dit l’«équilibre de la terreur» (cf. armement NUCLÉAIRE).
Les deux premières guerres mondiales ont prouvé l’efficacité des avions et des blindés, systèmes offensifs mobiles, de petites tailles, dotés d’une grande capacité de destruction, et difficiles à contrer sans accepter de lourdes pertes. C’est pour permettre de lutter efficacement contre eux que l’idée de fabriquer des engins guidés, donc précis et porteurs d’une charge explosive adaptée à la cible, a conduit vers la fin des années quarante au développement d’une nouvelle catégorie d’armes: les engins tactiques.
Les premiers engins tactiques appartenaient à des familles bien caractérisées par leur destination et leur mode de lancement: engins antichars lancés depuis le sol ou depuis un véhicule lent, engins air-air pour le combat aérien, engins sol-air pour la lutte antiaérienne. Par la suite, grâce aux progrès technologiques accomplis sur la propulsion et le guidage, sont apparus des engins tactiques antinavires; la destruction de la frégate israélienne Eilath par un missile Styx de fabrication soviétique lancé par une vedette égyptienne lors de la guerre de Six Jours en 1967 a stimulé vigoureusement le développement de ce type d’arme en Occident, et plus particulièrement en France avec la célèbre famille des missiles mer-mer Exocet. Dans le domaine du combat aéroterrestre sont apparus des missiles antichars et des missiles munis de charges à fort pouvoir destructeur contre des troupes au sol, des bâtiments, des pistes d’aérodrome, etc.
À la télécommande par fil des premiers engins ont succédé des dispositifs de plus en plus sophistiqués, utilisant les ondes électromagnétiques, le rayonnement infrarouge, le laser. Suivant une loi bien connue dans l’armement, chaque progrès sur un type de missile entraîne des recherches techniques permettant à sa cible potentielle de se protéger soit par des contre-mesures électroniques ou optiques, soit par des manœuvres évasives, soit par la contre-attaque à des distances de plus en plus grandes.
1. Le guidage
Pour assurer sa mission dans un environnement hostile, un missile (ou engin) réalise trois types d’actions: il détecte et mesure l’écart entre sa situation (position et vitesse) actuelle et la situation qui lui permettrait de remplir sa mission; il définit le chemin à parcourir pour réduire cet écart (guidage); il gère les actionneurs à sa disposition, en fonction de l’évolution prévisible à court terme de sa situation pour se rapprocher du chemin défini.
Ainsi apparaissent trois chaînes fonctionnelles imbriquées, comportant un grand nombre d’équipements (détecteurs, calculateurs, actionneurs) qui concourent, chacun pour sa part, à la réussite de la mission (fig. 1).
Il faut cependant distinguer le cas des missiles stratégiques du cas des missiles tactiques, dont les missions sont radicalement différentes par la durée du vol, par la portée, par les accélérations, par les temps de réaction.
Le guidage des missiles stratégiques
Le guidage initial des missiles balistiques
Différentes techniques plus ou moins complexes peuvent être utilisées pendant la phase de lancement. La méthode la plus répandue est le guidage par inertie qui utilise uniquement les informations des systèmes inertiels (fig. 2) du bord et de ce fait est insensible au brouillage. Elle est donc universellement adoptée sur les lanceurs militaires. Elle consiste à calculer directement à bord de l’engin la trajectoire réellement suivie en intégrant deux fois consécutivement les accélérations du centre de gravité du lanceur suivant trois axes fixes dans l’espace; axes matérialisés par des gyroscopes à un degré de liberté. Les gyroscopes ont la propriété essentielle d’avoir leur axe de rotation qui garde une direction fixe, quelles que soient les évolutions auxquelles on les soumet. La structure portant les gyroscopes et les accéléromètres destinés à mesurer les accélérations doit être isolée des mouvements de roulis, de tangage et de lacet par une suspension asservie. Cette structure et la suspension forment une centrale à inertie. Les accélérations mesurées étant relatives à l’espace galiléen, il en va de même des vitesses obtenues après la première intégration, et il faut effectuer une correction pour tenir compte de la vitesse angulaire de la Terre. De même, il faut corriger les accélérations mesurées des composantes dues à la pesanteur, puisque les accéléromètres sont également influencés par cette dernière.
La trajectoire ainsi obtenue sous la forme des trois coordonnées du centre de gravité de l’engin est alors comparée avec la trajectoire programmée dans le calculateur de bord, qui détermine les corrections à apporter pour suivre au mieux cette trajectoire. La précision de ce mode de guidage est très bonne, les principales erreurs sont dues à la dérive des gyroscopes définissant les axes de coordonnées et aux erreurs des accéléromètres.
Actuellement, les gyroscopes sont construits avec une dérive inférieure à 10-3 degré par heure, ce qui donne à l’impact une précision de quelques dizaines de mètres. Les accéléromètres peuvent détecter des accélérations aussi faibles que le millionième de la pesanteur (10-6 g ).
La précision des centrales à inertie conditionne directement celle de la trajectoire du missile. En effet, la phase du vol pendant laquelle on peut guider le missile se limite à la phase propulsée, qui dure de 100 à 200 secondes, alors que la phase balistique (non propulsée), où le missile est soumis à la seule attraction terrestre, dure plus longtemps, de 1 000 à 2 000 secondes.
Aujourd’hui, les limites technologiques des centrales inertielles de type pendulaire sont atteintes et il est envisagé d’utiliser d’autres types de capteurs pour améliorer la précision, tels que des accéléromètres à poutre vibrante.
Quel que soit le mode de guidage adopté, les ordres de guidage doivent être transformés en couples de manœuvre appliqués à l’engin. Cette transformation est l’œuvre du système de pilotage ; celui-ci comprend un bloc de commande dont le rôle est de calculer ces couples en tenant compte de l’orientation de l’engin, et un bloc de puissance pour fournir l’énergie nécessaire aux manœuvres.
Le guidage final des missiles balistiques
La phase finale du guidage dépend fondamentalement du type du lanceur. Dans le cas des lanceurs militaires, la précision du point d’impact fournie par le guidage au cours de la phase propulsée est jugée suffisante, et il suffit au moment de la rentrée dans l’atmosphère de contrôler soigneusement l’orientation de l’engin afin d’obtenir une incidence correcte. Afin d’améliorer la précision du missile et de le rendre indépendant des perturbations à la rentrée de l’atmosphère, il peut être recouru à un guidage permanent tout au long de la trajectoire, ce qui nécessite de doter les corps rentrants (ogives manœuvrantes) d’actionneurs de pilotage pour corriger les erreurs. De plus, ces corps rentrants peuvent être dotés de moyens spécifiques de guidage terminal par corrélation d’image radar qui permettent d’obtenir des précisions de quelques dizaines de mètres (cas du Pershing).
Le guidage des missiles de croisière
Les missiles de croisière sont de petits avions sans pilote volant à quelques dizaines de mètres d’altitude sur des portées pouvant atteindre des milliers de kilomètres, à des vitesses subsoniques (missiles américains) ou supersoniques A.S.M.P. (air-sol moyenne portée) de l’Aérospatiale. La durée du vol pouvant atteindre plusieurs heures, la précision de leur centrale à inertie n’est plus suffisante pour assurer une navigation exacte; il faut donc la recaler régulièrement. Sur les missiles américains, le recalage se fait en survolant certaines zones géographiques. En arrivant sur ces zones, l’altimètre radar du missile capte le profil d’altitude du terrain survolé, et le calculateur de vol le compare avec le profil chargé dans sa mémoire sous forme de données numériques. Il fait alors les corrections nécessaires et remet le missile sur la bonne route en recalant la centrale inertielle pour la phase suivante du vol jusqu’au prochain point de recalage (procédé Tercom).
Le guidage des missiles tactiques
Contrairement aux missiles stratégiques, les missiles tactiques ont un domaine d’action compris entre quelques centaines de mètres et quelques dizaines de kilomètres, et des temps de vol allant de quelques secondes à quelques dizaines de secondes. Une autre différence provient du fait que les missiles stratégiques tirent sur buts fixes, minutieusement repérés à l’avance, alors que les missiles tactiques ont pour cibles en général des navires, des véhicules blindés, des aéronefs (avions, hélicoptères) et, depuis peu, des missiles stratégiques dans leur phase de rentrée atmosphérique. Pour faire face à des scénarios de combat où la rapidité de tir est souvent aussi importante que la précision, car l’adversaire possède des armes semblables, trois grandes familles de procédés de guidage sont utilisées: la télécommande, le faisceau directeur, l’autoguidage.
La télécommande
Les ordres de guidage sont transmis par télécommande à partir d’un poste de repérage de l’objectif. Ce poste peut être installé à terre, sur un véhicule terrestre, à bord d’un navire ou d’un aéronef. La télécommande peut se faire par des fils (acier ou fibre optique) qui se déroulent du missile, comme pour des engins antichars de la première génération (S.S.-11 et 12 de l’Aérospatiale), mais aussi par radio. Le guidage utilise généralement la procédure d’alignement ; on astreint le missile à rester sur la ligne de visée, laquelle bien entendu balaie un secteur angulaire en suivant le mouvement de l’objectif si celui-ci évolue.
L’objectif peut être suivi avec une lunette optique ou avec un radar. Un dispositif appelé écartomètre détecte l’écart du missile par rapport à la direction de l’objectif. Dans le cas d’une visée optique, on utilise souvent un écartomètre infrarouge et un marqueur emporté par le missile. L’écartomètre (ou goniomètre) comporte un modulateur qui élabore deux tensions proportionnelles aux écarts angulaires en gisement et en site. Les tensions, après amplification convenable, sont envoyées par télécommande au missile, qui est ainsi maintenu en alignement avec sa cible.
Le faisceau directeur
Ce mode de guidage utilise toujours le type de navigation par alignement. Le faisceau directeur peut être constitué par un pinceau d’ondes électromagnétiques, légèrement décalé de l’axe du réflecteur d’antenne et animé d’un mouvement de balayage conique comme dans un radar de poursuite. Mais l’onde est modulée en phase, en fonction de la rotation du pinceau autour de l’axe du réflecteur. Le missile est équipé d’un récepteur. L’amplitude du signal est fonction de la distance du missile à l’axe du réflecteur, et la phase du signal définit la direction de cet écart par rapport à la direction de référence de la modulation en phase du pinceau. Le missile dispose donc à bord de tensions électriques qui caractérisent en coordonnées polaires sa position par rapport à l’axe du réflecteur. Ces tensions sont transformées en commandes de gouvernes, de manière à ramener le missile sur l’axe du réflecteur. Le pointage du faisceau sur l’objectif peut se faire par visée optique ou au moyen d’un radar de poursuite. Dans ce dernier cas, le même réflecteur peut être utilisé pour le radar et pour l’émission du faisceau.
Enfin, on peut aussi utiliser pour le faisceau directeur un rayon laser (Bofors RBS70 suédois). Le missile s’oriente alors sur la tache laser maintenue sur l’objectif par l’illuminateur.
L’autoguidage: les autodirecteurs
Le caractère essentiel de l’autodirecteur est d’assurer le repérage de l’objectif par le missile et de permettre d’élaborer à bord les ordres nécessaires au guidage sur l’objectif.
Différentes lois de navigation peuvent être utilisées pour le missile. La plus simple est la poursuite pure. Le guidage se fait alors en pointant le vecteur vitesse du missile en permanence sur l’objectif. Lorsque celui-ci suit une route rectiligne, on obtient pour le missile une trajectoire connue en mathématiques sous le nom de courbe du chien.
Une approche plus raffinée peut être adoptée en décalant la direction de vol du missile d’un angle d’avance constant dans le sens du vecteur vitesse de l’objectif. C’est la poursuite avec avance, facile à mettre en œuvre.
Une loi de navigation plus intéressante est la poursuite sur but futur. Elle consiste à diriger constamment le missile vers un point E (fig. 3) d’interception qui serait atteint si les vitesses VB du but et VM du missile restaient invariables en grandeur et en direction. L’angle 﨏 entre le vecteur vitesse du missile et la ligne missile-but est obtenu facilement par la relation:
Ici la ligne missile-but se déplace parallèlement à elle-même:
Bien entendu, si l’objectif évolue, l’orientation du missile doit être réajustée.
Enfin, une loi de navigation intermédiaire entre la poursuite pure avec avance et la poursuite sur but futur peut être utilisée. C’est la loi de navigation proportionnelle (fig. 3). En désignant par l’angle du vecteur vitesse du missile avec une direction fixe, cette loi s’écrit sous la forme:
ou, en désignant 猪 l’angle de la ligne missile-but avec la direction fixe:
formule dans laquelle A = k / (k 漣 1). A, k étant des coefficients de proportionnalité dépendant du missile.
À partir de ces deux formules, il est facile de voir que, dans le cas d’un objectif volant en ligne droite à vitesse constante: A = 1 correspond à la poursuite pure (d 﨏 / dt = 0); A = 秊 correspond à la poursuite sur but futur (d 猪 / dt = 0).
Il semblerait intéressant de prendre une valeur de A aussi grande que possible, mais l’étude cinématique montre que cela peut conduire à des courbures trop grandes de la trajectoire du missile en cas de manœuvre évasive du but, donc à des accélérations qui risquent de conduire au décrochage aérodynamique ou à une rupture des missiles. Un compromis s’impose donc en pratique. En général, un missile doit être capable de soutenir des accélérations triples de celles de la cible manœuvrante.
Les premiers autodirecteurs étaient fixés dans l’axe du missile et ne permettaient que la navigation en poursuite. La navigation proportionnelle s’étant imposée pour des raisons d’efficacité, les capteurs des autodirecteurs sont maintenant mobiles par rapport au missile. Certains comportent une tête montée à la cardan qui s’oriente constamment sur l’objectif.
Il existe trois classes d’autodirecteurs: l’actif, le semi-actif et le passif, sans compter les autodirecteurs mixtes (multimodes).
L’autodirecteur actif . Il émet (et reçoit) le signal dont il a besoin. C’est le plus souvent un petit radar monté à bord du missile. La navigation proportionnelle étant généralement utilisée, la tête de guidage porte l’antenne et le réflecteur de ce petit radar; le fonctionnement est semblable à celui du radar de poursuite.
Après avoir utilisé la gamme d’onde radar centimétrique, on aborde aujourd’hui la gamme millimétrique, laquelle permet une grande précision à l’impact, bien qu’elle soit plus sensible aux conditions atmosphériques.
L’autodirecteur semi-actif . Contrairement à l’autodirecteur actif, il n’est pas autonome; la tête de celui-ci porte l’antenne et le réflecteur, mais seul le récepteur est monté à bord du missile et l’émetteur appelé illuminateur est indépendant. Ce dernier est en somme un radar de poursuite auquel on demande une fonction supplémentaire, servir d’émetteur pour le récepteur du missile. L’émission de l’illuminateur peut aussi consister en un faisceau laser; l’illuminateur est porté par le poste de repérage de l’objectif et peut ainsi être installé à terre, sur un véhicule terrestre, à bord d’un bateau ou d’un aéronef, dont l’avantage sur les autres est la discrétion.L’autodirecteur passif . Il comporte une tête constamment orientée vers l’objectif, mais elle est commandée différemment. On utilise pour cela le rayonnement émis par l’objectif (infrarouge émis par les parties chaudes ou ondes électromagnétiques), d’où le qualificatif de passif.
Dans le cas des autodirecteurs infrarouges passifs les plus modernes, un dispositif optique, lié à la tête de l’autodirecteur, recueille le rayonnement infrarouge et le dirige sur un ensemble de cellules photoélectriques (mosaïque); la combinaison des mouvements de la tête optique (déplacement du point de focalisation du rayonnement infrarouge) et de la disposition spatiale des cellules permet de former point par point une image de la zone à observer. Cette image peut être exploitée par divers procédés en mode «veille» ou «poursuite» pour détecter la présence de la cible et repérer sa direction. Une modulation permet alors de transformer les écarts angulaires en ordre de pilotage par l’intermédiaire de tensions électriques. Ce système n’est employé que pour des missiles de courte portée (en raison de l’absorption élevée du rayonnement infrarouge par l’atmosphère) ou alors pour des missiles évoluant dans la haute atmosphère.
Actuellement, des autodirecteurs bimodes sont développés qui combinent au mieux les avantages des autodirecteurs actifs ou semi-actifs radars (ondes millimétriques) et des autodirecteurs passifs (infrarouges). Cette combinaison doit rendre en principe l’autodirecteur moins vulnérable aux contre-mesures électroniques (leurrage, brouillage, etc.). La difficulté consiste à élaborer de bons algorithmes de décision, capables de tenir compte de toutes les situations. En effet, un critère uniquement «ou», donnant l’ordre lorsque l’actif ou le passif seuls fonctionnent, risquerait d’être facilement leurré. Un critère uniquement «et», exigeant que les deux systèmes soient d’accord pour fonctionner, serait trop contraignant, et risquerait de laisser échapper des objectifs. Il faut donc mettre au point des critères de décision capables de traiter les différents cas possibles en fonction des possibilités des détecteurs.
D’une façon générale, les constructeurs de missiles s’orientent de plus en plus vers des missiles totalement autonomes du type «tire et oublie» (fire and forget ), en sorte que le tireur (fantassin, véhicule terrestre, avion, navire) puisse immédiatement après le tir se mettre à l’abri ou prendre à partie de nouvelles cibles.
2. Propulsion
Historiquement, le premier missile balistique mis au point vers la fin de la Seconde Guerre mondiale (V2 allemand) était propulsé par un moteur-fusée à ergols liquides. Les missiles suivants développés aux États-Unis et en Union soviétique ont suivi cette filière. Mais, d’une façon générale, il n’y a pratiquement plus aujourd’hui de missiles militaires utilisant la propulsion par fusée à ergols liquides, en raison du danger encouru lorsque le missile doit être stocké pendant de longues périodes dans un silo ou dans la soute d’un sous-marin. Dans ces conditions, il est préférable de perdre un peu sur l’impulsion spécifique (Is de 290 secondes pour les ergols solides contre 320 secondes pour les ergols liquides) afin de gagner sur la sécurité et sur la facilité de mise en œuvre [cf. PROPERGOLS].
Si F désigne la poussée que donne pendant T secondes un poids P de propergol, le produit FT est l’impulsion totale que peut fournir ce poids de propergol; l’impulsion spécifique FT/P, exprimée en secondes, caractérise la qualité du propergol.
La fusée à propergols solides tire son énergie de la combustion d’un bloc compact dans lequel comburant et combustible sont intimement mélangés. On distingue deux catégories de propergols solides: les propergols à double base et les propergols composites. Les premiers, qui se présentent sous la forme d’une seule phase solide, sont essentiellement formés de nitroglycérine (entre 30 et 50 p. 100) et de nitrocellulose (entre 70 et 50 p. 100) auxquelles s’ajoutent des stabilisants et des additifs spécifiques en faible proportion. Ils sont surtout utilisés pour des blocs de faible dimension, donc de faible poussée.
Pour les puissantes fusées des missiles balistiques, ce sont les propergols composites qui sont utilisés ici, le combustible et le comburant constituant deux phases distinctes. Les mélanges les plus satisfaisants sont ceux de perchlorates (sodium, potassium ou ammonium) et de polyuréthanes, avec quelques additifs pour stabiliser la combustion (notamment l’aluminium en poudre qui augmente aussi la poussée).
Les blocs de poudre présentent essentiellement deux types d’architectures.
– Le bloc de type «cigarette» à combustion frontale, pouvant être guidée par une nappe de fils coulés dans le bloc, assurant une surface de combustion constante, donc une poussée constante. C’est le cas de nombreux missiles tactiques.
– Le bloc à cavité ou canal interne, dont la combustion s’effectue de l’axe du cylindre vers la paroi; la section de cette cavité régit l’évolution de la poussée en fonction du temps; pour avoir une poussée pratiquement constante, il est nécessaire d’adopter une cavité à section en étoile de façon que la surface de combustion soit constante. C’est le cas pour les missiles balistiques.
Les blocs de poudre sont directement coulés dans le corps du propulseur préalablement revêtu sur sa paroi interne de matériaux de protection. Ceux-ci ont pour objet, d’une part, de lier le bloc de poudre à la structure métallique, d’autre part de protéger cette structure contre la chaleur transmise à travers le bloc. Les poussées demandées aux lanceurs croissant sans cesse, les dimensions des blocs de poudre se sont également accrues. C’est ainsi que des blocs de poudre de 6 mètres de diamètre sont utilisés pour les boosters de la navette spatiale.
Le pilotage des lanceurs balistiques s’effectue par action sur la direction de la poussée, mais les techniques sont différentes selon que la propulsion se fait par fusées à liquides ou par fusées à poudre.
Dans le premier cas, la tuyère, articulée par un dispositif à la cardan, peut pivoter dans les plans de tangage et de lacet. Dans le second cas, où les moteurs sont généralement équipés de quatre tuyères, on obtient les déviations du vecteur poussée par des rotations combinées de ces tuyères autour d’un axe distinct de leur axe de symétrie. Ces deux types de tuyères mobiles sont commandés par des vérins.
L’orientation de la poussée peut aussi être modifiée avec une tuyère fixe, en déviant le jet par des moyens aérodynamiques. Cela se fait par injection dans la tuyère même d’un fluide sous un faible débit. Jusqu’à des déviations de l’ordre de 5 degrés, les pertes de poussée sont minimes. Ce procédé a été utilisé sur certains étages de missiles balistiques américains, comme le Polaris et le Minuteman, et sur le deuxième étage du M.S.B.S.
Enfin, des tuyères à butée flexible, actionnées par deux vérins, peuvent être utilisées. Cette solution, nettement plus légère et plus simple que le schéma à quatre tuyères, s’est progressivement imposée sur tous les missiles balistiques, notamment sur le M4 français de l’Aérospatiale (fig. 4).
3. Missiles stratégiques: balistiques, semi-balistiques, missiles de croisière
Le nom de lanceur balistique désigne un engin dont la mission consiste à placer une charge utile donnée sur une trajectoire balistique hors de l’atmosphère terrestre. La trajectoire peut recouper la surface terrestre après son premier apogée. Elle peut constituer une orbite terrestre si elle est déterminée principalement par la gravitation terrestre. Enfin, si elle s’écarte suffisamment de la Terre, elle tombe sous l’influence d’autres champs d’attraction gravitationnels, c’est le cas des lanceurs spatiaux. La différence entre ces trois types de trajectoires provient essentiellement de la vitesse qui doit être communiquée à la charge utile en fin de propulsion. Celle-ci est inférieure à 7 000 m/s dans le premier cas, comprise entre 7 000 et 11 000 m/s dans le deuxième, et supérieure à 11 000 m/s dans le troisième.
La mise en œuvre des missiles balistiques repose sur trois aspects essentiels: l’obtention de la vitesse initiale requise (propulsion), l’orientation de la vitesse finale en un point défini (guidage), la stabilité et l’orientation de l’engin autour de son centre de gravité (pilotage).
La propulsion du missile fait appel à des moteurs-fusées à propergols liquides ou solides. Le problème de guidage est dominé par le fait que ces véhicules ne sont propulsés que pendant une très courte partie de leur vol et ne sont véritablement guidés que pendant cette phase, le reste du vol s’effectuant, selon la balistique, en fonction de la vitesse acquise. Ce guidage initial est cependant complété par une correction une fois que la trajectoire définitive a été calculée; elle peut être un autoguidage sur l’objectif intervenant après la rentrée dans l’atmosphère.
Enfin, de gros efforts ont été consentis pour réduire le poids à vide, grâce à la mise au point de technologies nouvelles, permettant ainsi d’augmenter la charge utile.
Performances
Dans le cas d’une fusée à étages, l’accroissement de vitesse créé par un étage propulsif de lanceur est donné par la formule:
dans laquelle Vs représente la vitesse d’éjection des gaz, supposée constante, et m p , m s , m n les masses du propergol, de la structure et de la charge utile respectivement. Cette formule montre que, pour une charge utile et une vitesse d’éjection données, l’accroissement de vitesse est d’autant plus important que la masse de propergol est plus élevée et la masse de structure plus faible.
On peut caractériser les performances d’un étage par l’indice constructif m s / (m s + m p ), ces performances étant d’autant meilleures que la valeur de cet indice est plus faible. Les valeurs courantes se situent entre 0,15 et 0,04. Même avec une charge utile nette et un indice constructif de 0,1, l’accroissement de vitesse est limité à 2,4 Vs , soit au maximum 8,5 km/s pour les propergols chimiques actuellement utilisés. Cette valeur diminue évidemment si la charge utile augmente. On ne peut donc pratiquement réaliser aucune mission spatiale ou même de longue portée terrestre avec une fusée à un seul étage. Si l’on utilise, au contraire, plusieurs étages qui sont largués en cours de vol après avoir brûlé leur propergol, les accroissements de vitesse s’ajoutent, permettant d’obtenir une vitesse finale bien supérieure (fig. 5). En fait, le nombre d’étages est limité généralement à deux ou trois, la multiplication des étages augmentant la complexité du lanceur et, partant, les risques d’incidents. Le lanceur Saturn V (missions lunaires Apollo) comportait trois étages d’indices constructifs 0,065, 0,085 et 0,103.
Des indices constructifs très faibles ne peuvent être obtenus que grâce à une légèreté exceptionnelle de la structure. Comme la légèreté ne peut être recherchée au détriment de la résistance, il a fallu mettre au point des méthodes de fabrication particulières, axées notamment sur l’emploi de matériaux de résistance spécifique élevée. En outre, il faut tenir compte des conditions d’ambiance très sévères auxquelles les structures de lanceurs sont soumises: vibrations acoustiques dues aux moteurs, flux de chaleur pour les ogives de missiles au cours de la rentrée dans l’atmosphère (températures de l’ordre de 1 500 K, imposant l’utilisation de revêtements dits ablatifs, dont la chaleur de vaporisation absorbe la chaleur produite par l’échauffement aérodynamique).
Structures
Un étage de lanceur est généralement composé d’un ou de plusieurs réservoirs cylindriques fermés par des fonds et sur lesquels sont montés les moteurs-fusées. Lorsqu’il y a plusieurs étages, ceux-ci sont reliés entre eux à l’aide de jupes cylindriques ou tronconiques. La séparation entre étages se fait par des dispositifs pyrotechniques apparentés aux boutons explosifs.
Les réservoirs doivent être capables de résister à une pression supérieure à la pression de combustion, sauf pour les étages à propergols liquides dont les moteurs sont alimentés par motopompes; dans ce cas, les parois peuvent être beaucoup plus minces et légères. Les premiers missiles étaient en acier roulé-soudé à haute résistance à durcissement structural (Vascojet, par exemple), ou en acier fluotourné. Les fonds sont généralement emboutis, usinés, puis assemblés sur les viroles. Dans le cas des missiles militaires à propergols solides, une légèreté encore plus grande est obtenue en utilisant des matériaux non métalliques, tels que fibre de verre ou Kevlar, que l’on bobine sur un mandrin de forme appropriée après l’avoir enrobé d’une résine synthétique. La résistance des fibres de verre peut atteindre 220 kg/mm2. Un avantage annexe du procédé est de permettre la réalisation de réservoirs d’un seul tenant, les fonds étant bobinés en même temps que le corps, ce qui accroît le gain de poids [cf. MACHINES-OUTILS]. Cette technologie est réservée exclusivement aux propulseurs à poudre (troisième étage du lanceur Diamant A et Diamant B, deuxième étage du M.S.B.S. français).
Les jupes interétages, pour lesquelles les qualités de rigidité sont particulièrement importantes, font le plus souvent appel à des matériaux sandwiches métalliques, nids d’abeilles [cf. MATÉRIAUX].
Enfin, les problèmes de structure qui se posent pour les tuyères des moteurs-fusées sont essentiellement des problèmes de résistance thermique et de résistance mécanique au jet de gaz chauds (typiquement 3 500 K pendant une minute). Le col, où le flux de chaleur est le plus intense, est généralement réalisé en tungstène ou en graphite recouvert de tungstène. Pour les divergents, on emploie soit des matériaux réfractaires, molybdène ou tungstène, soit des matériaux plastiques renforcés par des fibres de silice ou d’amiante, soit plus récemment des matériaux composites structurés carbone-carbone, tels que le Sepcarb de la Société européenne de propulsion (S.E.P.).
En dehors des étages propulsifs, les missiles lanceurs comprennent encore des cases d’équipement contenant les organes de guidage et de pilotage, les moyens de télémesure, et une ou plusieurs ogives ou corps de rentrée, destinées à protéger la charge utile lors de la rentrée dans l’atmosphère, où les décélérations sont typiquement de 50 à 80 g , les flux de chaleur et les températures atteintes de 1 500 à 2 000 kelvins. L’ogive est recouverte alors de matériaux dits ablatifs (par exemple un composite carbone-carbone à tissage tridimensionnel) qui se volatilisent en absorbant une partie importante de la chaleur produite par l’onde de choc et le frottement aérodynamique (cf. supra ).
Réalisations
Aux premiers temps de l’ère spatiale, ce furent les mêmes lanceurs qui ont satisfait aux besoins civils et militaires, notamment pour la mise en orbite des premiers satellites artificiels. Très vite, cependant, une diversification est apparue. Pour les missions spatiales qui nécessitent des impulsions élevées, on utilise essentiellement la propulsion par ergols liquides, plus énergétiques, ce qui n’empêche pas que certains étages soient propulsés par poudre (lanceur américain Scout à 4 étages, troisième étage Diamant B).
Mais les missiles balistiques doivent pouvoir supporter des stockages de longue durée et partir sur commande sans vérification préalable; ils font maintenant tous appel à la propulsion par poudre, prête à l’emploi et facile à stocker. Ces missiles peuvent envoyer à des distances allant jusqu’à 16 000 kilomètres des charges militaires de plusieurs centaines de kilogrammes, dont la puissance atteint plusieurs mégatonnes (1 mégatonne correspond à l’énergie libérée par 1 million de tonnes d’explosif chimique du type T.N.T.). Une ogive est une tête nucléaire qui comprend un «bus» ou «partie haute», distributeur qui expédie au moins dix charges nucléaires en très peu de temps vers des objectifs préprogrammés; c’est ce qu’on appelle la technologie M.I.R.V. (Multiple-Targeted Independent Reentry Vehicle). Le missile américain Trident II D-5 est capable d’emporter dix charges; le M4 français en emporte six.
Les missiles balistiques sont tirés: soit de silos enterrés (plateau d’Albion), soit de wagons spécialement aménagés, soit de sous-marins en plongée peu profonde. Les missiles tirés depuis des sous-marins doivent évidemment répondre à des limitations de volume et de poids, mais en contrepartie leur portée peut être moindre, puisque le sous-marin porteur les rapprochera de l’objectif.
Le problème qui se pose aujourd’hui aux stratèges militaires est celui de la sécurité des lanceurs, essentiellement silos et sous-marins, lesquels s’enterrent ou plongent de plus en plus profondément. Les sous-marins peuvent compter sur leur mobilité pour prendre la fuite en cas de danger, ce qui n’est pas le cas des silos de missiles terrestres, d’où l’idée de faire circuler les engins sur des wagons banalisés ou des camions (France, États-Unis, Union soviétique).
Une trentaine de type de missiles balistiques (tabl. 2) sont en service dans le monde, dont trois en France (S.S.B.S. S3, M.S.B.S. M4). Le M45 est en préparation.
Essais en vol
Partie la plus importante du développement d’un nouveau missile, les essais en vol sont irremplaçables, car c’est leur succès, et lui seul, qui vient prouver la validité de toutes les opérations ayant conduit à la réalisation du missile. Ce sont des essais globaux: ils viennent parachever tout un ensemble de travaux qui se rapportent à des aspects très divers et très imbriqués du développement général du programme et permettent d’expérimenter le missile et son système de lancement dans les conditions réelles de mise en œuvre.
Les essais en vol prennent place après de nombreux autres essais, partiels ou spécifiques, tels que: les essais en soufflerie, sur maquette à échelle réduite, sur les structures, la résistance des corps de rentrée, les aides à la pénétration, les essais et simulations sur l’électronique, les centrales de guidage, les calculateurs embarqués ou non, les alimentations électriques, les tirs au banc de propulseurs, les essais d’environnement et de vieillissement.
Ils sont par nature coûteux et destructifs, et, si le missile doit être suffisamment instrumenté pour permettre une exploitation complète de l’essai, le nombre total d’essais en vol doit être restreint au strict nécessaire. Les essais en vol sont effectués dans un champ de tir adapté, c’est-à-dire disposant de parts étendues où l’on peut inscrire les gabarits de sécurité nécessaires et de moyens d’essais capables d’acquérir, de traiter et d’enregistrer les diverses mesures nécessaires à l’analyse et à l’exploitation de l’essai: radar de trajectoire, stations de télémesure, moyens optiques, moyens aérologiques, etc. Le dispositif d’essai mis en place doit permettre de provoquer la destruction en vol du missile afin d’éviter, en cas de comportement dangereux, qu’il ne retombe dans les zones à protéger.
En France, le principal champ de tir utilisé pour les essais de missiles est le Centre d’essais des Landes (Biscarrosse) qui, au milieu des années soixante, a pris le relais du Centre de Colomb-Béchar-Hammaguir (Algérie). Ce centre dispose de plusieurs annexes en métropole et aux Açores. Pour le suivi de la phase terminale des trajectoires, il utilise (fig. 6) les moyens d’un navire spécialisé, le bâtiment d’essais et de mesures Henri-Poincaré , qui sera remplacé par le bâtiment réceptacle Monge .
Perspectives
Devant la production surabondante des arsenaux américains et russes, comme devant les menaces de prolifération chez les pays belliqueux du Tiers Monde, les diplomates se sont mobilisés pour tenter sinon d’éliminer l’armement nucléaire, du moins d’en circonscrire les risques et d’imposer des limitations à la production et au déploiement des missiles (tabl. 1).
Dès 1972, Américains et Soviétiques se mettent d’accord pour limiter pendant cinq ans le déploiement des armes offensives dans le cas du traité S.A.L.T. I (Strategic Arms Limitation Talks). En 1974, les accords de Vladivostok fixent le S.A.L.T. II, signé le 18 juin 1979 par Jimmy Carter et Leonid Brejnev. Ces textes, bien que non ratifiés par le Congrès américain, ont été cependant appliqués jusqu’en novembre 1986. Un accord S.A.L.T. III était prévu, mais les événements d’Afghanistan ont interrompu le processus. En 1985, la négociation Start (Strategic Armament Reduction Talk) débute à Genève. Elle sera ponctuée par les rencontres au sommet de Reykjavik (oct. 1986), de Washington (1987) et de Moscou (juin 1988), et conduira aux négociations eurostratégiques. Start I est signé à Moscou, en 1991, et Start II en 1993. La négociation devient techniquement très complexe. Les définitions s’affinent sans cesse avec l’apparition de nouvelles formules car il convient de se prémunir contre tout contournement des accords.
Les négociations se sont ensuite poursuivies entre les États-Unis et l’Union soviétique dans le domaine des missiles dits «de théâtre» à courte et moyenne portée, c’est-à-dire essentiellement ceux qui sont déployés en Europe.
Le traité I.N.F. (Intermediate Nuclear Forces), signé le 8 décembre 1987 et ratifié en 1988, fait obligation aux États-Unis et à l’Union soviétique d’éliminer tous leurs missiles de type sol-sol dont la portée est comprise entre 500 et 5 000 kilomètres (tabl. 2). Ce traité vise d’abord les missiles (qu’il soient balistiques ou de croisière, nucléaires ou classiques), mais aussi les matériels nécessaires à leur mise en œuvre opérationnelle et à leur soutien logistique. Il ordonne l’élimination des missiles incriminés et en réglemente en détail les modalités; de plus, il interdit la fabrication et les essais de missiles du même type. En outre, il stipule pour chaque partie le droit d’exercer certaines mesures de vérification afin de veiller à la bonne application de l’accord.
Pour les missiles de portée intermédiaire (de 1 000 à 5 000 km), le démantèlement se fera en deux phases s’étendant sur trois ans. Les missiles à plus courte portée seront supprimés en une seule période de dix-huit mois. Les systèmes de missiles de portée intermédiaire actuels visés par le traité comprennent pour les Américains les Pershing II et les G.L.C.M. (Ground Launched Cruise Missile, missiles de croisière lancés du sol) et, du côté soviétique, les S.S.-4, S.S.-5 et S.S.-20 (Strategic System). Le mémorandum d’accord sur les données répartit ces missiles en deux catégories: ceux qui sont déployés et ceux qui sont en réserve.
Au total, les États-Unis détruiront 429 missiles de portée intermédiaire déjà déployés et 260 qui ne le sont pas encore. Ils détruiront aussi 170 missiles de plus courte portée qui ne sont pas déployés. L’Union soviétique éliminera 470 missiles de portée intermédiaire déployés et 356 non déployés. Elle éliminera aussi 926 armes de plus courte portée.
Ce traité n’est pas limité dans le temps. L’une des deux parties peut toutefois s’en retirer, avec un préavis de six mois, si elle estime que des circonstances graves liées au contenu du traité compromettent ses intérêts suprêmes. L’opinion publique s’accorde pour voir dans le sommet Reagan-Gorbatchev une grande victoire pour les peuples américain et soviétique. Il est permis de craindre que, pour les Européens, le sommet ne soit une menace potentielle, à moins qu’ils ne décident de s’unir pour prendre en main leur défense sur la base d’une dissuasion crédible, c’est-à-dire nucléaire.
Parallèlement aux traités, les ingénieurs cherchent les moyens d’intercepter les missiles balistiques dans les différentes phases de leur trajectoire (I.D.S.: Initiative Defense Strategy aux États-Unis) aux moyens d’armes classiques (destruction par impact cinétique, têtes explosives) ou d’armes à énergie dirigée (lasers, faisceaux de particules chargées).
La riposte des missiliers consiste à concevoir des ogives ricochantes ou manœuvrantes lors de la rentrée atmosphérique pour les missiles balistiques, et des missiles de croisière lancés depuis des avions en vol (B52 spécialement équipés) des navires ou des sous-marins.
Ces derniers missiles échappent encore pour le moment aux traités I.N.F., ce qui laisse présager pour les années à venir une intense activité de développement dans cette famille.
4. Missiles tactiques
Les missiles tactiques, dont l’apparition remonte au début des années cinquante, ont connu un développement qui ne s’est pas ralenti depuis lors, et les générations se succèdent sans que les frontières soient définies de manière abrupte. La première génération était constituée de missiles télécommandés sur toute leur trajectoire (technique reprise aujourd’hui pour certains missiles sol-sol du champ de bataille). La seconde génération était composée de missiles autoguidés, c’est-à-dire se dirigeant seuls sur leur cible après un accrochage préalable assuré par le lanceur (avion, navire, véhicule terrestre). Il se prépare actuellement une troisième génération de missiles intelligents capables d’attaquer seuls des objectifs préalablement désignés permettant l’adoption de la technique dite «tire et oublie» qui libère l’opérateur humain pour de nouvelles actions.
Le développement des missiles tactiques fait appel à trois disciplines de base qui sont l’aérodynamique, la propulsion et le guidage-pilotage. Sur le plan de l’aérodynamique, le dessin d’un missile tactique diffère de celui d’un balistique en raison de ce qu’il évolue toujours dans l’atmosphère, ce qui permet d’utiliser des gouvernes et des empennages classiques, souvent cruciformes (c’est-à-dire situés dans deux plans perpendiculaires). Certains missiles utilisent en outre des moyens complémentaires pour leur pilotage: gouvernes placées dans le jet des tuyères (engins antichars de l’Aérospatiale), impulseurs pyrotechniques engendrant des poussées latérales: pilotage dit P.I.F.-P.A.F. (pilotage impulsionnel en force - pilotage aérodynamique fort) du missile sol-surfaceair moyenne portée Aster de l’Aérospatiale. La propulsion est assurée le plus souvent par des moteurs-fusées à poudre, plus simples à concevoir et plus faciles à mettre en œuvre. Elle se décompose généralement en deux phases, l’une dite d’accélération, de courte durée, dont le but est de communiquer une vitesse initiale élevée au missile, et l’autre, dite de croisière, qui permet de maintenir cette vitesse le long de la trajectoire. Le missile reste encore manœuvrable pendant quelques secondes après la fin de la combustion. Cependant, le turboréacteur est utilisé pour certains missiles (missiles de croisière à longue portée, missile mer-mer américain Harpoon) ainsi que le statoréacteur (missile soviétique sol-air S.A.-6, missile préstratégique A.S.M.P., air-sol moyenne portée, de l’Aérospatiale).
Les missiles tactiques se répartissent en différentes classes suivant leur emploi: surface-air, air-air, air-surface, surface-surface, parmi lesquels on peut encore mettre à part les missiles antichars et les missiles mer-mer. À l’intérieur de chaque classe, on peut encore faire des distinctions suivant les fonctions (guidage, propulsion, charge militaire, etc.).
Missiles sol-air
La revue Flight International a recensé trente-cinq types en service (dont 5 pour la France en février 1987). Ils forment la plus grande famille des engins tactiques en raison des conditions d’emploi multiples et de la diversité des cibles, essentiellement constituées d’avions hostiles (mais aussi, et de plus en plus, de missiles tactiques). Les missiles ont sur les obus l’avantage d’être guidés vers l’objectif, mais l’importance de la charge militaire est limitée par les dimensions du missile, ce qui impose en pratique le coup au but pour les missiles les plus petits, donc un guidage très précis. Les gros missiles ont des charges suffisantes pour être efficaces même si elles explosent à une certaine distance de passage de l’objectif; l’explosion est alors déclenchée par une fusée de proximité électromagnétique à effet Doppler, ou infrarouge.
Les missiles sol-air peuvent être classés en fonction de leur zone d’action.
– Les missiles à très courte portée , avec une zone d’action limitée à 3 ou 4 kilomètres, conçus pour protéger les troupes au contact de l’adversaire. Citons le Stinger américain, le Strela soviétique (dénomination O.T.A.N. S.A.-7, S.A.-16), le Blowpipe britannique, le Mistral français. Ils ont l’avantage de la mobilité, pouvant être transportés par véhicules légers, voire à dos d’homme ou de mulet. Longtemps considérés comme un gadget destiné à remonter le moral des troupes, ils ont gagné leurs lettres de noblesse au cours des combats livrés en Afghanistan par les insurgés contre les troupes soviétiques d’occupation, au point d’imposer un changement de tactique à l’aviation soviétique et de forcer l’issue du conflit. Ces missiles sont considérés maintenant comme un complément indispensable des missiles courte portée pour la défense rapprochée des points sensibles, des unités mobiles du champ de bataille, et des navires de guerre.
– Les missiles à courte portée ont une zone d’action qui atteint de 6 à 10 kilomètres. De grands efforts ont été consentis pour leur développement en raison de l’intérêt qu’ils présentent pour la défense ponctuelle. Deux missiles ont ainsi été développés en France.
Tout d’abord le Roland, étudié et fabriqué en collaboration avec l’Allemagne fédérale. C’est un missile à télécommande radio, d’une portée de 6 000 mètres, avec une capacité de manœuvre de 18 g sur toute sa trajectoire. Il existe en deux versions, le Roland I (temps clair) et le Roland II (tous temps). Le premier dispose d’une visée optique et d’un guidage infrarouge. L’armée française le monte sur un châssis blindé dérivé de l’AMX30, équipé d’un radar d’acquisition. Le Roland II utilise pour le guidage un radar de tir, le missile étant alors équipé d’une balise répondeuse. L’armée allemande le monte sur un châssis blindé dérivé du Marder. Les deux versions sont compatibles.
Le second missile est le Crotale. Il s’agit d’un missile de 82 kilogrammes, emportant une charge militaire de 15 kilogrammes, ayant une portée utile de 8,5 km. Il a été plus spécialement conçu pour la défense de points sensibles, notamment les aérodromes, et pour la défense de zone. Le système Crotale constitue un véritable centre de défense antiaérienne, avec une unité de surveillance et une unité de tir, assurant la poursuite radar et le téléguidage du missile par infrarouge, les deux unités étant montées sur des véhicules tout terrain. Cet ensemble peut commander plusieurs unités de tir équipées chacune de quatre missiles. Une version «navalisée» du Crotale a été adoptée par la marine française. Le missile est identique, mais l’unité de tir et les rampes de lancement prennent en compte les mouvements de la plate-forme. La Grande-Bretagne dispose d’un missile analogue, le Rapier.
– Les missiles à moyenne portée peuvent aller jusqu’à 40 kilomètres. Le plus connu et le plus répandu est le Hawk, fabriqué simultanément aux États-Unis et en Europe et en service dans l’armée française. C’est un missile à autodirecteur semi-actif. Une batterie de Hawk comprend un centre de contrôle auquel sont reliés deux radars d’acquisition (couverture basse, couverture moyenne et haute). Le centre commande deux radars illuminateurs reliés chacun à trois affûts triples, soit dix-huit missiles.
La marine américaine a fait étudier et réaliser le Tartar, suivi par le Standard SM1 et le Standard SM 2. La marine française a fait réaliser le Masurca qu’elle utilise conjointement au Tartar. La marine britannique utilise le Sea Dart.
Le missile Aster de l’Aérospatiale pour la marine française (version Aster 15 portant à 15 km, Aster 30 à 30 km), dont une version est utilisée pour l’emploi terrestre (S.A.M.P., sol-air moyenne portée), est guidé dans une première phase sur l’objectif désigné par une centrale inertielle, puis en phase finale par un autodirecteur infrarouge, l’acquisition étant faite par le radar Arabel à balayage électronique. Il comporte un mode de pilotage P.I.F.-P.A.F. (pilotage inertiel en force; pilotage aérodynamique fort) qui lui confère une manœuvrabilité exceptionnelle. Contrairement aux missiles de la génération précédente, lancés sur rampe oblique, Aster partira verticalement d’un conteneur de six missiles.
– Les missiles à longue portée ont connu une certaine activité au stade du prototype avec le missile américain Bomarc à statoréacteur, qui n’a jamais été mis en service. Leur emploi suppose une importante structure de guet.
Missiles air-air
Cette classe comprend dix-sept types dont quatre pour la France. Comme les missiles sol-air, ils ont pour mission de détruire ou d’endommager les avions hostiles, sous la contrainte d’être le premier au but en cas de combat aérien.
La conception des missiles air-air doit tenir compte du fait qu’ils modifient les caractéristiques aérodynamiques de l’avion porteur. Ils doivent être étudiés pour résister à des vibrations de niveau élevé et à de grandes vitesses de lancement, en plus d’accélérations latérales. Les missiles air-air sont pratiquement tous équipés d’autodirecteurs actifs ou semi-actifs électromagnétiques, ou passifs infrarouges. Ils sont guidés en navigation proportionnelle. Les missiles les plus petits emportent une charge militaire de 2 à 6 kilogrammes, nécessitant pour être efficace le coup au but. Il faut dépasser un poids de 250 kilogrammes pour que la charge atteigne de 15 à 30 kilogrammes. Elle est alors équipée d’une fusée de proximité.
Pour le combat rapproché, le missile doit pouvoir être tiré sans imposer de manœuvre contraignante au pilote. C’est le cas du missile français Magic (construit par Matra). Son poids est de 90 kilogrammes, sa longueur 2,70 m. Sa voilure en double canard lui assure une grande manœuvrabilité. Il est muni d’un autodirecteur infrarouge passif permettant au pilote de se dégager dès qu’il a tiré le missile (tire et oublie). Cet autodirecteur, très sensible, s’oriente sur les sources chaudes constituées par les moteurs et les tuyères, même en secteur avant.
Pour l’interception, l’armée de l’air française utilise le Matra Super 530. C’est un missile à ailes longues (nageoires) lui permettant des manœuvres à grande incidence et facteur de charge élevé pour déjouer les évolutions de l’avion ennemi. D’un poids de 250 kilogrammes, d’une longueur de 3,70 m et d’une envergure de 0,90 m, il est muni d’un autodirecteur semi-actif électromagnétique, assurant la grande portée et la capacité de tir tous temps nécessaire à l’interception. Il utilise la bande X [cf. RADAR] pour assurer la finesse nécessaire du faisceau et fonctionne en mode impulsionnel. Le Super 530 D, plus récent, utilise un mode Doppler qui lui permet des performances accrues en présence d’échos de sol pour des interceptions à très basse altitude.
La France développe également le missile Mica, destiné à remplacer simultanément le Magic dans le rôle du combat aérien rapproché et le Super 530 dans le rôle de l’interception. On peut envisager des missiles air-air à longue portée (plusieurs dizaines de kilomètres), propulsés éventuellement par statoréacteur, pour attaquer des cibles de grande valeur (financière et militaire) telles que les avions A.W.A.C.S. (Airborne Warning and Communication System) fortement défendus en temps de guerre ou de crise.
Missiles air-sol
Quinze types de ces missiles sont en service (dont deux en France). Pour un certain nombre de missions, on tend de plus en plus à remplacer les bombes classiques par des missiles qui permettent notamment à l’avion porteur de moins s’approcher de son objectif et d’assurer une meilleure probabilité de coup au but. Un missile guidé par laser peut détruire une pile de pont et rendre l’ouvrage inutilisable, là où il fallait pendant la Seconde Guerre mondiale plusieurs raids de bombardiers. Comme pour les classes précédentes, on trouve des portées très variables, de quelques kilomètres à plusieurs dizaines de kilomètres.
Pour les faibles portées, le guidage s’effectue à partir de l’avion lanceur, généralement à vue. C’est le cas des missiles AS-30 et l’AS-15 TT de l’Aérospatiale, dont la portée varie entre 10 et 15 kilomètres, et qui diffèrent par le poids et par le mode de guidage.
L’AS-30 laser, d’un poids total de 520 kilogrammes, équipe essentiellement les avions d’appui tactique. Le guidage sur tache laser lui assure une grande précision et permet à l’avion lanceur de dégager immédiatement (il faut cependant que le laser illuminateur maintienne son action).
L’AS-15 TT est un système d’arme léger destiné à équiper les hélicoptères pour l’attaque des navires en mer. Le guidage se fait par radar, qui assure en outre les fonctions de veille à longue portée au profit des navires de surface.
Dans la gamme des portées supérieures, il faut mentionner le Kormoran, construit par Messerschmidt-Bölkow-Blohm (M.B.B., Allemagne fédérale) avec la collaboration de l’Aérospatiale, pour l’attaque des navires en mer. Sa portée est de 40 kilomètres. Il présente certaines analogies avec l’Exocet, notamment pour le guidage inertiel dans la première phase du vol, et l’autoguidage dans la seconde. Une des possibilités d’autoguidage final consiste à se guider passivement sur les signaux radars des navires.
Comme autres missiles antiradars, on peut signaler le Martel, réalisé en coopération par Matra (France) et Hawker Siddeley (Grande-Bretagne), et les missiles Shrike et Harm américains.
Une des plus importantes techniques utilisées dans le domaine des missiles air-surface est le guidage par télévision. Les missiles possèdent dans leur nez une caméra dont l’image est transmise au tireur sur un écran. Il lui suffit alors de maintenir la cible au centre de l’image en agissant sur les gouvernes de pilotage, les ordres étant transmis au missile par radio. Une seconde version du Martel fait appel à ce mode de guidage. La télévision permet également de réaliser un autoguidage total en asservissant la trajectoire du missile à l’image prédésignée de l’objectif: ce procédé met le missile à l’abri du brouillage électromagnétique. Le premier missile ainsi équipé a été le Maverick de Hughes aux États-Unis. Deux autres versions du Maverick ont été développées, l’une avec un guidage infrarouge à imagerie destinée plus spécialement aux cibles terrestres, l’autre aux objectifs navals avec un guidage laser.
Pour les engins à longue portée, on peut citer les missiles de croisière américains, à charge nucléaire: le Tomahawk, d’une portée de 560 kilomètres, et l’A.L.C.M. (Air Launched Cruise Missile), de 2 400 kilomètres de portée. Ce dernier, construit par Boeing, d’un poids de 1 300 kilogrammes, est équipé d’un turboréacteur de 300 kilogrammes de poussée. Il est guidé par un dispositif inertiel et porte une charge militaire de 200 kilotonnes de T.N.T. équivalent.
Le Wasp américain est un missile air-sol antichars, conçu pour l’attaque de concentrations de blindés. Il est équipé d’un autodirecteur électromagnétique à impulsion et à ondes millimétriques, capable de détecter et de suivre son objectif même en présence de forts échos de sol. Les missiles sont groupés par douze dans un container sous le fuselage. De ce fait, ils sont munis de voilures et d’empennages repliables qui se déploient après le tir. Celui-ci peut s’effectuer soit par rafales de douze, soit au coup par coup.
D’autres missiles air-surface existent: AM-39, antinavires, construit par l’Aérospatiale, d’une portée de 50 à 70 kilomètres, selon la vitesse et l’altitude de l’appareil lanceur (avion ou hélicoptère), et Apache, étudié par Matra. Ce dernier est un missile d’intervention du type «cargo», susceptible d’emporter des charges multiples du genre bombes antipersonnel, antipiste, etc. Il est tiré à distance de sécurité et poursuit seul sa route vers son objectif au moyen d’un système de guidage et de navigation très sophistiqué.
Missiles sol-sol
La distinction entre les différentes sortes de missiles sol-sol se fait suivant la portée et suivant la nature de la cible.
Les missiles terrestres comprennent les balistiques tactiques (à charge nucléaire ou classique) et les munitions intelligentes «à guidage terminal»: onze types en service (dont un en France). Missiles antinavires: trente-cinq types (dont cinq en France). Missiles anti-sous-marins: trois types (dont un en France).
Dans le cas des missiles terrestres, la charge est le plus souvent nucléaire. Le Lance américain, de portée supérieure à 100 kilomètres, est l’un des rares missiles tactiques propulsés par un moteur-fusée à propergols liquides. Il est guidé par un système inertiel. La miniaturisation des senseurs gyroscopiques et des accéléromètres a permis de construire des centrales à inertie de taille réduite, capables de supporter des accélérations de plus en plus élevées. Tel est le cas du missile Pluton de l’Aérospatiale, de 120 kilomètres de portée. D’autres missiles ont des portées supérieures, tels le Scud-C soviétique (Mach 5, 700 km) et le Pershing IA américain (1 500 km). Le Hadès (Aérospatiale) est un système semi-balistique dans l’atmosphère, avec pilotage automatique qui a une portée de l’ordre de 500 kilomètres.
Les missiles mer-mer ont une portée plus faible puisque leur emploi est lié aux combats navals, où les navires ne sont pas trop éloignés les uns des autres. Les différents missiles de cette famille présentent des caractéristiques communes, capacité tous temps, guidage autonome inertiel dans une première phase puis électromagnétique en phase d’approche finale, trajectoire en vol rasant au-dessus des vagues, sea skimming , difficilement détectable et procurant un effet maximal à l’impact.
Le MM-38, Exocet qui peut armer les plus grands navires aussi bien que les plus petits, a une portée de 42 kilomètres. Le MM-40, d’une portée de 70 kilomètres, peut être tiré d’au-delà de l’horizon en utilisant un hélicoptère (ou un avion) comme relais de désignation de l’objectif. Enfin, le SM-39, version sous-marin-surface de l’AM-39: le missile est logé dans une capsule sous-marine propulsée et guidée, tirée d’un tube lance-torpilles classique. Une fois sortie de l’eau, la capsule s’ouvre et éjecte le missile qui entame alors son parcours aérien.
L’Exocet est en service dans la marine française et dans de nombreuses marines étrangères. Il a eu son heure de célébrité pendant la guerre des Malouines en coulant la frégate britannique Sheffield et quelques cargos convoyant des hélicoptères, ainsi que lors du conflit Iran-Irak dans le golfe Persique.
Dans une gamme de portées plus longues, on trouve l’Otomat, développé conjointement par Oto Melara (Italie) et Matra (France). Sa portée est de 100 à 160 kilomètres. Il est lancé par deux boosters à poudre, et propulsé en croisière par un turboréacteur. Aux États-Unis, le Harpoon, guidé par un système actif à radar, a une portée de 90 kilomètres et est propulsé par turboréacteur. L’Aérospatiale développe en commun avec M.B.B. (Allemagne fédérale) un antinavire supersonique (A.N.S.) propulsé par statoréacteur. Sa grande vitesse (supérieure à Mach 2), son vol au ras des vagues et sa capacité d’évolution sur facteur de charge élevé devraient lui permettre d’échapper aux systèmes de défense antimissiles. Il est appelé à remplacer le missile Exocet.
Missiles antichars
Dans cette catégorie existent dix-neuf types, dont trois en France. On peut, suivant leur poids, les classer en deux catégories. Parmi les armes légères, on peut citer le missile franco-allemand Milan, construit en collaboration par l’Aérospatiale et Messerschmidt-Bölkow-Blohm. Il s’agit d’un missile pesant 11 kilogrammes, d’une portée maximale de 2 500 mètres. Il peut être tiré à l’aide d’un trépied ou épaulé avec ou sans appui, et éventuellement équiper des véhicules légers. Le pilotage se fait par écartométrie infrarouge, les ordres étant transmis par fil au missile. Il faut citer également Eryx, aerospatial.
Dans la gamme des armes lourdes, le choix est plus étendu. Deux représentants typiques de la famille sont le Hot franco-allemand (Aérospatiale et M.B.B.) et le Tow américain. Le Hot, essentiellement destiné à équiper les véhicules de combat, couvre un domaine compris entre 75 et 4 000 mètres. Sa vitesse de croisière est sensiblement Mach 0,8, et son système de guidage est le même que celui du Milan. Le Tow est guidé en lumière optique, et non plus infrarouge. Sa vitesse de croisière est proche de Mach 1. Un autre missile est le Copperhead (États-Unis), tirable par canon de 155 millimètres et guidé par infrarouge. Le pilotage s’effectue par gouvernes de jet. Le Hellfire, successeur du Tow, est guidé par laser. Il peut être tiré d’un hélicoptère aussi bien que d’un véhicule terrestre.
Dans cette catégorie comme dans les autres, l’évolution se fera vers la recherche de meilleures conditions d’emploi («tire et oublie») plutôt que vers l’augmentation des performances (vitesse, portée, tête perforante).
Au-delà du combat à vue, les tacticiens envisagent des engins capables de frapper «par-dessus les collines». Aux États-Unis, en France et en Allemagne fédérale, on étudie des missiles d’intervention à caméra vidéo (antichars, antihélicoptères) filoguidés depuis le sol au moyen de fibres optiques, permettant à l’opérateur de faire en même temps la recherche et l’approche finale. L’avantage de cette formule est de pouvoir conserver au sol les calculateurs de traitement du signal et d’élaboration des ordres, ce qui allège le poids et le coût du missile dans des proportions appréciables (Hughes F.O.G.-M [Fiber Optic Guided-Missile], Polyphème de l’Aérospatiale et M.B.B.).
Perspectives
Le développement des missiles tactiques se poursuit depuis les années cinquante à un rythme toujours soutenu. Les forces armées de terre, de mer et de l’air disposent désormais de missiles d’une sophistication technologique très poussée et d’un coût très élevé, mais très inférieurs malgré tout à la valeur des cibles qu’ils sont censés détruire ou endommager. Cette situation risque de remettre en cause la tactique d’emploi de certains types de matériel, difficiles à protéger, comme l’ont prouvé les conflits récents: gros navires de surface, gros véhicules blindés, avions lents, hélicoptères sur la ligne des combats. La configuration du champ de bataille aéroterrestre et celle du champ de bataille aéronaval en seront sans aucun doute profondément modifiées, les guerres locales jouant comme de coutume le rôle de banc d’essai pour les armements nouveaux (guerre de Six Jours, guerre du Kippour, guerres de Corée et du Vietnam, guerre des Malouines, guerre du Golfe). De plus en plus, le militaire tend à prolonger ses capacités de perception, d’acquisition, de discrimination et de destruction par des moyens technologiques sophistiqués, par la microélectronique, par l’informatique, par l’intelligence artificielle (ou informatique symbolique répartie). Mais les mêmes situations conflictuelles révèlent aussi que le parti gagnant est celui qui sait, au milieu des perfectionnements techniques les plus poussés, mettre en valeur les qualités ancestrales de ruse guerrière, d’imagination créatrice et de courage, comme l’illustrent si bien les récits de Tom Clancy (Tempête rouge , Le Cardinal du Kremlin ).
Encyclopédie Universelle. 2012.