INFRAROUGE
L’infrarouge est un rayonnement électromagnétique; il possède toutes les propriétés fondamentales de la lumière: propagation, réflexion, réfraction, interférences, diffraction, diffusion, polarisation, etc. Il est situé dans une région spectrale invisible à l’œil humain, entre la lumière et les micro-ondes; ses longueurs d’onde sont supérieures à celles des radiations rouges ( 閭 0,72 猪m) et on peut leur fixer une limite supérieure qui est voisine de 0,1 cm. Le domaine de l’infrarouge est divisé en infrarouge proche (0,7 猪m 麗 麗 3 猪m), en infrarouge moyen (3 猪m 麗 麗 25 猪m) et en infrarouge lointain (au-delà de 25 猪m). Cette division très arbitraire est liée au développement des types de détecteurs utilisables et à la nature des matériaux utilisés.
Les applications de l’infrarouge couvrent un très large domaine: chauffage domestique ou industriel, soudure, pyrométrie, thermographie, visualisation infrarouge, poursuite et autoguidage, analyse spectrochimique, télécommunications et guidage actif. Elles se développent au fur et à mesure que l’instrumentation progresse et leur liste, tant dans le domaine civil que dans le domaine militaire, est loin encore d’être close.
1. Sources de rayonnement
En 1666, Newton connaissait l’existence d’un rayonnement au-delà du spectre visible du côté du rouge. Sir William Herschel, en 1800, le mettait en évidence, au moyen d’un thermomètre, dans le rayonnement solaire dispersé par un prisme. L’étude de ce domaine spectral ne fit pratiquement aucun progrès, jusqu’à l’invention en 1831 par Leopoldo Nobili du thermoscope; les travaux qu’il entreprit en collaboration avec Macedonio Melloni intitulé: La Thermochrose ou la Coloration calorifique . En 1835, Ampère formula le principe de l’origine vibratoire commune de la lumière visible et invisible; la démonstration en fut donnée en 1847 par Hippolyte Fizeau et Léon Foucault grâce à des expériences d’interférences qui déterminaient les longueurs d’onde du rayonnement infrarouge.
À l’opposé des autres modes d’échanges d’énergie, tels que sont la conduction ou la convection, le rayonnement ne nécessite pas l’existence d’un support matériel. Il se propage dans le vide.
Une source importante de rayonnement infrarouge est le corps noir qui est, par définition, un corps susceptible d’absorber complètement le rayonnement qu’il reçoit. Le corps noir obéit à la loi fondamentale de Planck : la brillance énergétique spectrale W (énergie rayonnée par un corps noir) par unité de surface dans un intervalle de longueur d’onde unité, dans un angle solide de 2 神 est, à la température absolue T:
Si la longueur d’onde est exprimée en centimètres, on a:
Cette loi contient comme cas particulier la loi du déplacement de Wien : la courbe qui représente des variations de W en fonction de pour chaque température absolue T a un maximum de brillance pour =M, tel queM T = 2 897 猪m.K; et la loi de Stefan-Boltzmann : l’énergie totale W rayonnée par 1 cm2 de corps noir dans un angle solide égal à 2 神 stéradians dans tout le domaine spectral s’exprime:
formule où 靖 est la constante de Boltzmann: 5,673.10-12W.cm-2.K-4.
D’une façon générale, tous les corps chauffés émettent de l’énergie suivant des lois qui se rapprochent plus ou moins des lois précédentes. La brillance énergétique W est toujours plus petite que la brillance énergétique W du corps noir, et le rapport W /W définit le facteur d’émission spectrale; il dépend de la nature du corps émissif, de son état de surface, de la température, de la longueur d’onde, etc.
Les types de sources couramment utilisées dans le domaine spectral infrarouge jusqu’à 25 猪m environ sont le filament de Nernst à oxydes de zirconium et d’yttrium chauffé vers 2 000 0C et le globar au carbure de silicium porté à 1 500 0C. Dans l’infrarouge plus lointain, on employait autrefois le manchon Auer; on préfère maintenant l’arc à vapeur de mercure à enveloppe de quartz sous une pression de 101,3 憐 105 à 202,6 憐 105 Pa.
Des rayonnements plus ou moins sélectifs sont obtenus au moyen de flammes; l’émission n’est pas continue mais constituée généralement d’un très grand nombre de raies, que l’on met en évidence à l’aide de spectromètres à résolvance suffisamment grande (cf. SPECTROSCOPIE - Spectroscopie moléculaire). Des rayonnements très monochromatiques peuvent être engendrés par la technique des masers ou des lasers (cf. LASERS et MASERS), qui sont des émetteurs de rayonnement stimulé.
2. Transmission du rayonnement
Transmission par l’atmosphère
La transmission par l’atmosphère est liée à la concentration des gaz et des particules qui constituent cette atmosphère; elle dépend donc de très nombreux facteurs, en particulier de l’absorption propre à chaque gaz, des conditions météorologiques, de la température et de l’altitude.
L’azote et l’oxygène, composants fondamentaux de l’air, ne présentent aucune absorption dans tout le domaine infrarouge, mais les autres gaz: CO2, 3, 2O, CO, etc., et la vapeur d’eau possèdent des zones d’absorption spécifiques, qui correspondent à certains modes de vibration moléculaire [cf. SPECTROSCOPIE]. Si l’on désigne par l l’épaisseur d’atmosphère traversée et par k0( 益) le coefficient d’absorption sous la pression p 0, l’intensité incidente du rayonnement I0 est atténuée et l’intensité I transmise est donnée par la loi de Beer-Lambert :
où p désigne la pression partielle du gaz considéré.
La concentration en volume du gaz carbonique par exemple reste constante et voisine de 0,03 p. 100; sa pression partielle p varie donc comme la pression atmosphérique p a qui décroît suivant une loi exponentielle en fonction de l’altitude z :
où z 0 est une constante qui doit être prise égale à 7,72 km si z est exprimé en km; P est la pression atmosphérique à l’altitude z = 0. On en déduit:
Chaque gaz absorbant possède des bandes d’absorption dont la position est bien définie et dont la largeur dépend de l’épaisseur traversée. La vapeur d’eau présente de très fortes absorptions vers 1,3, 1,75, 2,75 et 6 猪m; le dioxyde de carbone vers 2,0, 2,7, 4,25 et 14,5 猪m; l’ozone vers 9,5 猪m en haute altitude. Par suite de la présence de l’ozone à haute altitude, l’absorption n’est pas identique selon la verticale (fig. 1). On peut observer quelques zones spectrales de transparence (zones où il n’y a pas d’absorption), définissant des fenêtres atmosphériques, qui sont utilisées pour la détection ou le guidage des engins et dans le domaine des télécommunications en infrarouge, en particulier dans l’application du phénomène laser [cf. TÉLÉCOMMUNICATIONS]. Ces fenêtres de transparence se situent au voisinage de 1,05, 1,20, 1,65, 2,2, 3,8 et 10 猪m.
En plus du phénomène d’absorption, on doit tenir compte de l’atténuation du rayonnement infrarouge par la brume, le brouillard ou les fumées (cf. DIFFUSION DE LA LUMIÈRE - Météorologie).
Transmission par les matériaux d’optique
Beaucoup de matériaux d’optique transparents dans le visible le sont aussi dans l’infrarouge plus ou moins proche. En général, tous les verres, flints ou crowns possèdent une zone de transparence limitée à 2,8 猪m, cette limite étant due essentiellement à la présence d’eau dans le verre. Certains verres comme le VIR3 (Sovirel), à base de germanate de plomb, sont transparents jusqu’à 5 猪m (fig. 2); les verres de trisulfure d’arsenic As2S3 (Barr et Stroud) ou de pentasélénium d’arsenic As2Se5 (Sovirel) sont transparents dans l’infrarouge plus lointain. Ces derniers verres ont des indices de réfraction assez élevés: 1,8 pour le VIR3, 2,4 pour As2S3 et 2,7 pour As2Se5.
Il existe également des verres frittés appelés Irtran (Eastman Kodak Co.): MgF2, ZnS, etc. qui sont transparents dans un domaine spectral de grande longueur d’onde.
Les verres à haut indice doivent subir un traitement pour éviter les pertes d’énergie par réflexion [cf. INTERFÉRENCES LUMINEUSES]. On dépose une succession de couches diélectriques constituant un antireflet pour une zone spectrale plus ou moins large, suivant l’utilisation du matériau.
Les cristaux constituent une classe très importante de matériaux qui sont maintenant fabriqués synthétiquement (tabl. 1).
En opposition avec les matériaux précédents qui sont transparents dans le visible, les semi-conducteurs constituent des «passe-haut»: le silicium est transparent au-delà de 1,18 猪m (n = 3,4), le germanium au-delà de 1,8 猪m (n = 4,0), le tellure au-delà de 4,25 猪m (n = 6,2), l’arséniure de gallium (GaAs) transparent de 1 à 15 猪m (n = 3,0).
3. Optique pour infrarouge
Les systèmes optiques
Comme dans le domaine du visible, les systèmes optiques utilisés dans l’infrarouge peuvent être réflectifs, réfractifs, ou être constitués d’une combinaison de miroirs et de lentilles. Les systèmes réflectifs possèdent un très grand rendement lumineux à cause de la réflectivité élevée des films métalliques déposés sur le support des miroirs; les aberrations (cf. OPTIQUE - Images optiques) peuvent être réduites en utilisant des miroirs paraboliques ou elliptiques; les aberrations chromatiques n’existent pas. Cependant, ces systèmes fonctionnent suivant leur axe et, par conséquent, le détecteur du rayonnement obture la partie centrale du faisceau; le renvoi du faisceau au moyen d’un miroir auxiliaire ne modifie pas cet inconvénient.
Les systèmes réfractifs conduisent à des montages plus simples; ils présentent malheureusement des aberrations de sphéricité, qui doivent être corrigées par des assemblages de dioptres plus ou moins complexes comme dans les systèmes utilisés dans le visible. Les matériaux choisis limitent la zone spectrale d’utilisation par suite de leur absorption propre; pour augmenter la transparence du système, on devra traiter chaque surface du dioptre pour supprimer la réflexion du rayonnement.
Les filtres
On est très souvent conduit à filtrer le rayonnement infrarouge, c’est-à-dire à ne laisser tomber sur le détecteur qu’un rayonnement occupant un domaine spectral limité. Par exemple, si en spectroscopie on utilise un réseau comme diffracteur, les longueurs d’onde,/2, ...,/n , ... se superposent et doivent être sélectionnées finalement; de même, dans la détection d’un objet de petites dimensions sur un fond de grandes dimensions émettant une énergie considérable qui a pour effet de noyer dans un bruit le signal donné par l’objet à détecter, le filtrage augmentera le rapport signal sur bruit.
Il existe trois types de filtres: le filtre «passe-bas» qui est transparent aux longueurs d’onde inférieures à une longueur d’onde de coupure0, le filtre «passe-haut» qui fonctionnne en sens inverse, le filtre «passe-bande» qui transmet un domaine spectral plus ou moins large s’étendant de1 à2.
Les filtres passe-bas sont constitués en fait de matériaux convenant à la lumière visible.
Les filtres passe-haut classiques utilisent les semi-conducteurs, silicium ou germanium, le sulfure de plomb SPb (0 = 2,8 猪m), le séléniure de plomb SePb (0 = 4 猪m), ou l’antimoniure d’indium InSb (0 = 8 猪m), etc. et, dans l’infrarouge lointain, le quartz (0 = 40 猪猪), et le polyéthylène noirci (0 = 50 猪m), etc.
Des filtres passe-bande utilisent le phénomène de réflexion sélective (cf. LUMIÈRE Réflexion et réfraction); si l’on augmente le nombre de réflexions, la zone spectrale devient de plus en plus étroite autour des valeurs suivantes: quartz (6,7 et 29,4 猪m), fluorine (24,4 et 31,6 猪m), NaCl (52 猪m), KCl (63 猪m), KI (94 猪m) et ITl (152 猪m).
La réalisation de filtres interférentiels passe-bande [cf. INTERFÉRENCES LUMINEUSES] a fait l’objet de nombreuses recherches. Constitués par une succession de couches diélectriques transparentes à haut et bas indice d’épaisseur optique bien déterminée, ils peuvent être utilisés par réflexion ou par transmission. Leur «finesse»/, étant la largeur spectrale à demi-hauteur transmise autour de la longueur d’onde, peut atteindre facilement 10 ou 20 . Un exemple simple est celui d’une couche d’épaisseur optique n 1e égale à/4 disposée sur un support d’indice n 2, les indices n 1 et n 2 étant reliés par la relation n 1 =n 2.
Une telle couche antireflet accordée sur la longueur d’onde transmet pratiquement intégralement cette longueur d’onde (fig. 3).
4. Les détecteurs à infrarouge
Grandeurs caractéristiques
Les premiers détecteurs ont été les récepteurs thermiques: thermopile ou bolomètre. Vers 1935, des détecteurs de type quantique ont été étudiés.
Quel que soit le type de détecteur, l’énergie infrarouge incidente W se transforme en un signal électrique S; on admet que S est proportionnel à W.
Le rapport S/W définit la sensibilité du détecteur; on lui associe en outre l’énergie minimale détectable W. Le détecteur possède un bruit propre Bd , de sorte que le rapport S/Bd doit être aussi grand que possible pour une énergie W donnée. Comme ce détecteur est lié à un amplificateur, qui comporte un filtre électrique passe-bande de largeur f , le bruit propre Ba de cet amplificateur ramené à son entrée doit être inférieur à Bd . Une autre grandeur qui joue souvent un rôle très important est la constante de temps 精 de réponse du détecteur.
Si le détecteur est sélectif, il est caractérisé par une courbe de sensibilité dépendant de la longueur d’onde incidente; l’énergie peut être répartie sur une surface A variable du détecteur et, comme le signal mesuré à la sortie de l’amplificateur dépend de sa bande passante f , on définit une puissance minimale détectable N.E.P. (noise energy power ), fonction de, A, f , et également de la température T du détecteur. On définit également la détectivité D par D = 1/ W.
Pour comparer différents détecteurs (tabl. 2), on est conduit à introduire une notion un peu distincte de détectivité, notée D et correspondant à un détecteur de surface A = 1 cm2 et à un amplificateur de bande passante f = 1 Hz. On a alors:
On peut d’ailleurs préciser la longueur d’onde du rayonnement détecté et considérer D qui prend une valeur maximale au sommet de la courbe de sensibilité.
Détecteurs thermiques
Les détecteurs thermiques utilisent la transformation de l’énergie lumineuse en énergie calorifique et ne sont pas sélectifs. L’absorption d’énergie lumineuse se traduit par une élévation de température T proportionnelle à l’énergie du rayonnement incident.
Les bolomètres sont des rubans métalliques laminés ou obtenus par évaporation: les bolomètres supraconducteurs à nitrure de niobium ont un point de transition situé à 14,3 K et leur capacité calorifique est faible, ce qui permet de diminuer le temps de réponse 精.
Les thermopiles sont fondés sur le phénomène thermo-électrique utilisant des jonctions Bi-Sb et Bi-Sn. On distingue les thermopiles à une soudure et les thermopiles à soudures multiples.
Le détecteur pneumatique de Golay consiste en une petite cavité dont une face est un miroir flexible en collodion recouvert d’antimoine évaporé. Un système optique permet de déceler la déformation de la membrane. Un autre procédé utilise la variation de capacité d’un condensateur dont une armature est fixe et dont l’autre est constituée par la membrane déformable.
Détecteurs quantiques
Les détecteurs quantiques reposent sur les effets photoémissif, photoconducteur ou photovoltaïque.
Dans l’effet photoémissif , un photon frappant une plaque métallique provoque l’émission d’un électron qui est accéléré par un champ électrique. Le nombre d’électrons émis est proportionnel à l’éclairement. La cellule photoélectrique, dont la cathode est constituée par de l’argent oxydé recouvert d’une couche mince de césium, est sensible jusqu’à 1 猪m avec un maximum de sensibilité vers 0,8 猪m.
L’effet photoconducteur est fondé sur la structure énergétique d’un semi-conducteur. Un tel solide est constitué d’une bande de valence et d’une bande de conduction. Sous l’action des photons incidents, un électron situé dans la bande de valence peut passer dans la bande de conduction, et la lacune créée par la disparition de l’électron peut être remplie par un électron de valence d’un atome voisin. Il en résulte une variation de la conductibilité du solide [cf. SEMICONDUCTEURS].
Cette photoconductibilité peut se produire avec des couches polycristallines de sulfure de thallium (M = 0,9 猪m), de sulfure de plomb obtenu par évaporation ou par dépôt chimique (la détectivité D augmente généralement quand la couche est refroidie: M = 2,7 猪m à 300 K et 3 猪m à 195 K); le séléniure de plomb, fabriqué par évaporation sous vide, fonctionne à la température de l’azote liquide 77 K (M = 5 猪m); le tellure de plomb s’obtient par évaporation sous vide (M = 4,5 猪m).
On doit, dans certains cas, utiliser des monocristaux intrinsèques ou extrinsèques: germanium et silicium dopés d’atomes qui sont donneurs (type n ) ou accepteurs (type p ), semi-conducteurs formés par la combinaison des éléments des troisième et cinquième colonnes de la classification de Mendeleïev: antimoniure d’indium InSb, arséniure d’indium InAs.
Enfin, l’effet photovoltaïque consiste en l’apparition, sous l’action des photons tombant sur une jonction n-p , d’une f.é.m. aux bornes du semi-conducteur.
5. Applications
Dans la plupart des applications de l’infrarouge, on cherche soit à produire de l’énergie thermique, soit à mesurer ou à détecter un rayonnement. En effet, tous les corps rayonnent de l’énergie selon une loi qui dépend de leur température.
L’application la plus connue est le chauffage domestique à infrarouge utilisant le gaz ou l’électricité pour porter à température élévée un matériau qui rayonne fortement.
Dans le domaine industriel, on effectue le séchage de la peinture des carrosseries automobiles dans des tunnels à rayonnement infrarouge, préféré à l’air chaud, toujours susceptible de véhiculer des poussières. La soudure et le découpage de matériaux même très réfractaires, par utilisation du rayonnement produit par les lasers à infrarouge, constituent des applications qui se développent; leurs avantages essentiels sont dus à la possibilité de concentrer très fortement l’énergie et de pouvoir opérer sous vide avec des substances très pures.
Par comparaison avec un corps noir à température connue, on mesure la température de fours, de tôles en cours de laminage ou d’essieux de wagons à partir de l’énergie rayonnée dans le visible et l’infrarouge (pyrométrie).
Les appareils de thermographie emploient des détecteurs ponctuels ou des détecteurs en mosaïque qui, associés à un balayage le plus souvent mécanique, fournissent une carte des températures sous forme d’une image. La thermographie médicale, en particulier, permet le diagnostic des tumeurs non profondes, apparaissant comme des régions chaudes; les thermographes médicaux actuels ont une sensibilité de 0,1 0C.
Le rayonnement infrarouge est utilisé dans d’autres domaines, en particulier à des fins militaires; on peut associer un détecteur à un système d’asservissement permettant de localiser la position d’une cible fixe ou mobile à condition qu’elle rayonne une énergie infrarouge discernable de l’environnement; on réalise ainsi une détection «passive». La localisation de cette cible se fait par la détermination de ses coordonnées au moyen d’appareillage de poursuite automatique du type du télescope à infrarouge. Les autodétecteurs à infrarouge du type air-air, air-sol ou sol-air se dirigent automatiquement vers une cible possédant une émission propre (gaz s’échappant d’une tuyère, échauffement des missiles, zones chaudes terrestres, etc.). On utilise généralement un détecteur monté sur une tête chercheuse qui est orientée constamment dans la direction de la cible. Dans la navigation de poursuite, le missile décrit la «courbe du chien», qui est une courbe tangente à la trajectoire présumée rectiligne de la cible. Le missile étant amené à faible distance de la cible, on peut alors, au moyen d’une fusée de proximité à infrarouge, provoquer l’allumage d’une charge explosive.
Dans le domaine scientifique, le rayonnement infrarouge dispersé a reçu de très importantes applications. Les fréquences d’absorption ou d’émission par les molécules à l’état gazeux, liquide ou solide sont spécifiques de ces molécules, de sorte que l’on peut déterminer la structure d’une molécule simple ou complexe à partir de son spectre [cf. SPECTROSCOPIE].
Les détecteurs à infrarouge peuvent être associés à des spectrographes classiques à grande résolvance ou à des spectrographes interférentiels. Leur grande stabilité permet d’utiliser les spectrographes à infrarouge pour des dosages dont la précision en concentration peut atteindre 1 pour 100.
La spectrochimie qualitative et quantitative est une méthode d’analyse de choix dans de très nombreuses industries chimiques et pharmaceutiques. En synthèse organique, les spectroscopies de résonance magnétique nucléaire (R.M.N.) infrarouge permettent d’analyser de façon très précise la molécule étudiée.
Il existe aussi une autre possibilité d’application: les télécommunications par laser à infrarouge. Elles sont à l’étude pour des liaisons entre satellites géostationnaires. Et peut-être, dans un avenir plus lointain, les lasers à infrarouge serviront-ils au transport de l’énergie sur de grandes distances.
6. Les caméras pour l’infrarouge
Les caméras pour l’infrarouge ont un but qui paraissait encore sensationnel il y a vingt ans: voir dans l’obscurité, grâce aux radiations infrarouges, que les corps à température ordinaire ne manquent pas d’émettre d’après la loi de Planck, mais que l’œil ne peut voir. On dit que la détection est passive; en effet, il n’est pas besoin d’éclairer l’objet pour le voir, comme le Soleil éclaire la Terre, nous permettant ainsi de distinguer les radiations diffusées ou réfléchies sélectivement par les objets. L’intérêt militaire des caméras pour l’infrarouge est ainsi évident: elles permettent d’observer l’ennemi en pleine nuit sans lui envoyer de radiations, faciles à détecter et qui trahissent l’observateur.
Il s’agissait alors de science-fiction et c’est à la suite de longs efforts que ce but semble désormais atteint. Ces caméras sont déjà suffisamment répandues pour que ceux qui n’ont pas vécu ce lent cheminement ne montrent souvent plus aucun étonnement à voir des images de télévision thermique avec une résolution temporelle et spatiale à peine inférieure à celle de la télévision dans le visible.
Procédés antérieurs
Cependant, en 1960, des caméras pour l’infrarouge existaient déjà. Il y avait l’évaporographie qui datait de plus de cinquante ans. C’est Czerny, en particulier, qui a montré qu’un film d’huile supporté par une membrane noire s’évapore plus ou moins lorsqu’on y projette une image infrarouge (évaporographie). Il en résulte des figures d’interférence qui traduisent l’image thermique. Les résolutions spatiale et temporelle sont médiocres. Plus tard, les performances ont été améliorées en utilisant l’effet Marangoni ; il s’agit du Panicon Gretag qui utilise aussi un film d’huile, cependant la variation d’épaisseur due encore à l’échauffement local ne provient pas de l’évaporation, mais de la diminution de la tension superficielle. La sensibilité a été encore augmentée par Loulergue et Lévy qui emploient une double couche liquide. La résolution devient un peu meilleure, et l’avantage principal reste celui de la simplicité. Il existe aussi des dispositifs plus récents mais dont la sensibilité n’est pas meilleure. Certains utilisent des semi-conducteurs , par exemple un film mince de sélénium dont la bande interdite est très sensible à la température. La projection d’une image thermique module la transmission à la lumière du sodium dont la fréquence correspond à la valeur de la bande interdite. D’autres utilisent des cathodes photo-émissives sensibles à la température et sur lesquelles on projette une image thermique qui change ici le pouvoir photo-émissif. On a aussi employé des films fluorescents sensibles à la température. En effet, l’image infrarouge modifie le rendement de la fluorescence que l’on observe dans le visible et qui est excitée par irradiation aux rayons ultraviolets. Vers 1978, Westinghouse a mis en œuvre certains cristaux liquides avec succès. Toutefois, tous ces dispositifs, et bien d’autres, n’ont ni la résolution spatiale, ni la résolution temporelle des deux types de caméras que nous allons décrire: caméras à balayage mécanique sur un récepteur unique, et tubes vidicons pyroélectriques.
Caméras à balayage mécanique
Un miroir plan mobile, associé à un miroir parabolique fixe, permet, par un balayage approprié à deux dimensions, de conjuguer tous les points d’un paysage donné avec un récepteur unique.
Ce récepteur peut être constitué par de l’antimoniure d’indium InSb à 80 K dont on connaît la bonne sensibilité dans le proche infrarouge jusqu’à 4,5 猪m environ. En outre, il a permis de construire la caméra infrarouge la plus répandue à ce jour. Elle peut balayer 200 lignes de 200 points en 30 secondes environ, avec une résolution thermique de 0,1 0C sur des objets à 300 K.
Les applications de cette caméra sont nombreuses: thermographie médicale (cf. chap. 5); cartographie aérienne en vue d’inventorier les ressources terrestres, les courants marins, les pollutions marines, le plancton, donc les bancs de poissons, ou pour des buts de surveillance militaire; détection des points chauds dans un bâtiment, dans un châssis d’électronique, etc. Ces applications ne sont d’ailleurs limitées que par la lenteur du procédé.
Cette lenteur est encore plus grande lorsqu’on utilise des détecteurs thermiques: thermistances, récepteurs pyroélectriques, etc. Sauf dans des cas très particuliers pour lesquels la commodité d’un récepteur travaillant à température ordinaire l’emporte sur les considérations de performances, ces applications ne sont plus guère employées. Au contraire, l’usage récent de barrettes de récepteurs en tellurure de cadmium et de mercure (HgCdTe), refroidies à 80 K, dont les performances sont devenues absolument remarquables, a redonné un grand essor aux caméras à balayage mécanique en 1982, en particulier pour les applications militaires (un char est visible à 5 km).
Tubes vidicons pyroélectriques (pyricons)
Les pyricons constituent les caméras pour l’infrarouge les plus intéressantes dans l’état actuel de l’art. Ils proviennent d’un travail présenté en 1963 et qui a d’abord abouti en France, puis en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Sur une cible pyroélectrique, on projette une image thermique. On obtient un relief de charges électriques liées qui peut être lu avec un faisceau d’électrons comme dans un vidicon ordinaire. Nous passerons sur les difficultés qui ont été résolues. Les meilleurs résultats sont maintenant obtenus avec une rétine de sulfate de glycocolle deutériée (DTGS) qui présente une constante diélectrique plus faible que le sulfate de glycocolle (TGS) et se prête bien à la réticulation en pavés de 50 猪m 憐 50 猪m. Cette réticulation s’oppose à la diffusion latérale de la chaleur et augmente la résolution spatiale. Après traitement digital du signal vidéo, on arrive ainsi à une résolution en température de 0,5 K sur un objet à 300 K avec un objectif ouvert à f /1, et à une résolution temporelle correspondant à quinze images par seconde. On obtient des images (photo) dont la qualité (250 lignes) se rapproche de la télévision visible commerciale.
Les applications restent les mêmes que celles des caméras à balayage mécanique considérées plus haut. Leur rapidité de réponse se prête particulièrement bien à la surveillance passive. L’emploi des vidicons pyroélectriques est aussi simple que celui des caméras de télévision pour le visible; il conduit à une nouvelle vision des objets, beaucoup plus contrastée qu’on n’aurait pu le penser a priori. Des objets à même température émettent différemment si leur pouvoir émissif est différent, et surtout, l’équilibre thermique est le plus souvent une vue de l’esprit tellement il est long à se réaliser.
Il est probable que les performances vont s’améliorer lorsque des crédits plus importants seront enfin accordés à l’étude des vidicons pyroélectriques. De nouveaux matériaux sont en vue avec des coefficients pyroélectriques aussi importants que DTGS, mais avec des constantes diélectriques plus faibles: pyroélectriques impropres tels les boracites, LINH4 S4, etc. Des optiques achromatiques à miroirs remplaceront sans doute les objectifs coûteux, réalisés en germanium, et qui ne sont achromatiques que dans une étroite bande de longueurs d’onde. Les caméras à balayage mécanique seront concurrencées par des vidicons pyroélectriques qui auront sans doute la même résolution thermique (0,1 K), mais qui possèdent l’avantage de travailler en temps réel, et de fournir un signal vidéo.
L’avenir des caméras infrarouges
Dans un proche avenir, on peut s’attendre à des rangées linéaires de 200 récepteurs pyroélectriques de hautes performances, distants de 50 猪m, et interrogés périodiquement. Un balayage mécanique à une seule dimension est alors suffisant pour enregistrer des images thermiques qu’il sera intéressant de comparer avec celles du pyricon.
Plus tard, on peut espérer des mosaïques pyroélectriques à deux dimensions, lues avec des structures à Charge Coupled Devices (CCD), et permettant un dispositif plat entièrement solide.
En conclusion, la télévision dans la nuit existe maintenant, et avec des performances qui rejoignent presque celles de la télévision dans le jour! Les caméras d’aujourd’hui sont encore des tubes vidicons, mais bientôt ce seront des caméras plates, entièrement solides, sans tube à vide. Il s’agit de télévision passive, cependant on peut évidemment imaginer l’emploi des vidicons pyroélectriques en conjonction avec des lasers à émission infrarouge lointains puissants et utilisés comme projecteurs d’éclairage.
Enfin rappelons que des lasers infrarouges qui couvrent tout le spectre de 1 à 2 000 猪m permettent une détection hétérodyne qui apporte sensibilité et précision spectrale. Les applications de la détection hétérodyne à l’imagerie devraient aussi se développer; et il peut ainsi paraître plus commode d’éclairer le récepteur pour augmenter sa sensibilité, que d’éclairer le paysage à observer.
infrarouge [ ɛ̃fraruʒ ] adj. ♦ Se dit de radiations non visibles, dont la longueur d'onde est supérieure à celle de la lumière visible rouge et inférieure à celle des radiofréquences. Rayons infrarouges. Abrév. graphique I. R. — N. m. Four à infrarouge. Chauffage par infrarouge. Les détecteurs d'infrarouge sont utilisés en médecine (⇒ thermographie) , en télédétection.
● infrarouge adjectif et nom masculin Se dit du rayonnement compris, dans le spectre électromagnétique, entre la lumière visible et les micro-ondes. (Abréviation : I.R.) ● infrarouge (expressions) adjectif et nom masculin Émetteur infrarouge, source à incandescence dont le rayonnement est riche en radiations infrarouges.
infrarouge
adj. et n. m. Rayonnement infrarouge ou, n. m., infrarouge: rayonnement dont la longueur d'onde est comprise entre 0,8 et 1 000 micromètres et que sa fréquence place en deçà du rouge dans la partie du spectre non visible à l'oeil.
⇒INFRAROUGE, INFRA-ROUGE, adj. et subst. masc.
(Rayonnement) à effet calorifique et dont la longueur d'onde se situe en deçà de celle de la lumière rouge visible. Flux, radiation infrarouge; analyseur, four, lampe, radiateur à infrarouge. Les émulsions sensibilisées pour l'infrarouge présentent un grand intérêt pour la photographie des sujets lointains, dont la visibilité est diminuée par le brouillard atmosphérique (Arts et litt., 1935, p. 30-13). Si (...) la rétine enregistrait les rayons infra-rouges de grande longueur d'onde, la nature se présenterait à nous avec un autre visage (CARREL, L'Homme, 1935, p. 77). V. Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 284, s.v. brillance :
• L'exploration précise du spectre infrarouge se fait au moyen de détecteurs très sensibles (...). Les récepteurs thermiques sont les seuls utilisables dans l'infrarouge lointain (au-delà de 5 à 6 ). L'infrarouge proche peut être étudié au moyen de surfaces photographiques.
Encyclop. Sc. Techn., t. 7, 1972, p. 50.
— [P. méton.] Qui concerne, qui utilise le rayonnement infrarouge. Optique, photographie, plaque, spectrographe infrarouge. La spectroscopie infrarouge (...) paraît (...) extrêmement prometteuse tant au point de vue de la caractérisation des matériaux que de l'étude de leurs propriétés fondamentales (CAILLÈRE, HÉNIN, Minér. argiles, 1963, p. 99).
Prononc. et Orth. : []. La soudure graphique des deux éléments est la plus fréquente. V. infra-. Étymol. et Hist. A. Adj. 1873 (EDM. BECQUEREL ds Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, t. 77, p. 302). B. Subst. 1873 (ID., ibid., p. 304). Composé de l'élém. formant infra- et de rouge.
infrarouge [ɛ̃fʀaʀuʒ] adj.
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1 Se dit des radiations qui sont en deçà du rouge, dans le spectre solaire (→ Hertzien, cit.). || Les rayons infrarouges ont des fréquences moins élevées que la lumière visible rouge.
♦ N. m. (1873, Becquerel). Ensemble des radiations infrarouges; leurs fréquences. || L'infrarouge et l'ultraviolet. || Chauffage par infrarouge. — À l'infrarouge. || Lampe à l'infrarouge (ou lampe infrarouge, 2.). — Les infrarouges : les rayons infrarouges. || Émulsions photographiques sensibles aux infrarouges.
2 Qui utilise les rayons infrarouges. || Lampes infrarouges. || Photo infrarouge.
Encyclopédie Universelle. 2012.