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MINERAIS
MINERAIS

Dès la préhistoire, l’homme a tiré parti de certains éléments du règne minéral, soit qu’il les employât directement (silex taillé), soit qu’il sût assez rapidement les traiter pour en extraire une substance utile, et en particulier un métal (âge du bronze, âge du fer).

Au cours des siècles, l’éventail des utilisations s’est largement développé, mais, pour des motifs où le juridique rejoint l’économique, on distingue, aujourd’hui, deux grandes catégories de substances utiles. À la première appartiennent celles que l’on peut appeler les «produits de carrières» (même si elles sont exploitées en souterrain) et qui sont des substances très largement répandues, ayant généralement une faible valeur unitaire, donc voyageant peu et ne faisant l’objet que d’un commerce international très limité; leur usage est donc plus ou moins local, et le propriétaire du sol a le droit de les exploiter. La seconde catégorie est celle des «minerais», dont les exploitations portent généralement le nom de «mines» (même si elles sont à ciel ouvert), et qui sont des substances plus rares, d’un prix unitaire plus élevé; plus ou moins irrégulièrement répartis dans le monde, les minerais font l’objet d’un commerce international; ces caractéristiques conduisent généralement les pouvoirs publics à réglementer les conditions de leur exploitation (attribution des permis de recherche et d’exploitation, contrôle du commerce international, etc.).

Il est classique de grouper les minerais en trois grandes classes: les produits énergétiques (charbon, pétrole, gaz naturel, uranium), dont l’usage essentiel est de constituer des sources d’énergie et qui représentent un peu plus de 90 p. 100 de la valeur de la production minière mondiale; les minerais métalliques , à partir desquels on élabore les métaux, leurs alliages et leurs composés; les substances non métalliques , minerais qui ne peuvent entrer dans les deux catégories précédentes, tels que l’amiante, le diamant, les phosphates, la potasse, le sel gemme, le soufre, et dont l’importance est faible.

Les minerais et les métaux étant à la base de l’activité industrielle, ce sont évidemment les États-Unis, les pays de l’Europe occidentale et le Japon qui en sont les principaux consommateurs, et qui complètent des productions nationales insuffisantes par des importations du reste du monde: pays en voie de développement et également Afrique du Sud, Australie, Canada.

L’avenir de l’approvisionnement de l’humanité en minerais de toute sorte est assuré grâce à de considérables efforts de prospection, grâce également au progrès technique, et moyennant, éventuellement, une augmentation des prix des minerais, dont la répercussion sur l’évolution du niveau de vie de l’humanité serait négligeable.

Les gisements de minerais

Les minerais ne présentent d’intérêt économique que s’ils constituent des gisements, c’est-à-dire s’ils se présentent en des accumulations telles que leur exploitation puisse être envisageable immédiatement ou dans un avenir pas trop éloigné. Par exemple, un bloc de quelques kilogrammes, ou même de quelques tonnes, de minerai de cuivre à très haute teneur ne constituera qu’une curiosité minéralogique, et non un gisement, s’il se trouve isolé dans un ensemble de roches ne contenant pratiquement pas de cuivre: la masse de minerai est insuffisante. Une montagne entière de quelques kilomètres cubes de roches contenant soixante-dix grammes de cuivre par tonne ne constitue certainement pas non plus un gisement, bien qu’elle puisse contenir des millions de tonnes de cuivre: la teneur de 70 g/t est, en effet, la teneur moyenne en cuivre de l’écorce terrestre, et il est évident qu’il est plus avantageux d’extraire le minerai de cuivre là où il se trouve avec des teneurs nettement plus élevées que la moyenne (en fait, on exploite des teneurs de soixante à six cents fois plus fortes, soit de 0,4 à 4 p. 100).

Importance du contexte économique et technologique

La notion de gisement est donc liée à un contexte économique et technologique. Pour apprécier si l’accumulation d’une substance minérale utile est susceptible d’être exploitée, un assez grand nombre d’éléments sont à prendre en considération:

– la teneur du minerai en élément utile;

– l’importance de la masse minéralisée: plus grande sera cette masse, plus faible sera la teneur dont on peut se satisfaire, car une exploitation à une plus large échelle conduit à un prix de revient inférieur;

– la profondeur et les conditions de gisement de la masse minéralisée: un gisement exploitable à ciel ouvert peut avoir une teneur plus faible qu’un gisement profond, nécessitant une exploitation souterraine;

– la nature de la minéralisation: les minerais sont plus ou moins difficiles à traiter et les substances utiles y sont récupérables avec un rendement plus ou moins bon;

– la situation géographique: éloignement plus ou moins grand des consommateurs possibles et existence ou non d’une infrastructure de transport (route, voie ferrée, port, etc.).

Il s’y ajoute évidemment des considérations financières et politiques:

– les cours prévisibles du minerai considéré ou des métaux qu’il contient pendant la durée de l’exploitation du gisement;

– les niveaux des prix et des salaires dans le pays ou la région où se trouve le gisement;

– la fiscalité;

– le taux de rémunération que l’on recherche pour les capitaux à investir, compte tenu des risques politiques, techniques ou autres;

– l’idée que l’on se fait de la stabilité politique du pays concerné et des risques de nationalisation.

Teneurs d’un gisement

Un gisement n’a pas une teneur et un tonnage de réserve. Il n’est pas en effet, sauf exception, constitué d’une masse homogène de minerai de cuivre, par exemple, à 0,9 p. 100, entouré de roches totalement stériles. C’est, au contraire, une masse hétérogène dont les teneurs varient très sensiblement à l’échelle du mètre ou de la dizaine de mètres.

L’exploitant pourra, par exemple, se limiter aux portions où les teneurs sont supérieures à 0,8 p. 100 et avoir des réserves de cent millions de tonnes à 0,9 p. 100, ou bien prendre, en plus, des zones où les teneurs sont comprises entre 0,6 et 0,8 p. 100 et disposer de réserves plus importantes, mais moins riches, par exemple trois cents millions de tonnes à 0,75 p. 100. Ce sont évidemment des calculs de rentabilité (et l’estimation des débouchés possibles) qui déterminent le choix entre ces deux possibilités d’exploitation.

Anomalies exceptionnelles et minuscules

Les gisements de minerai constituent des anomalies dans l’écorce terrestre, puisque ce sont des zones où la teneur en tel ou tel élément utile est plusieurs fois, voire plusieurs centaines ou milliers de fois, supérieure à la teneur moyenne de l’écorce terrestre.

À une époque donnée, on exploitera ceux des gisements connus qui ont les meilleurs prix de revient: compte tenu des besoins du monde en cuivre, par exemple, et compte tenu des caractéristiques des gisements connus, les prix du cuivre s’établissent en moyenne à un niveau tel que les entreprises minières peuvent satisfaire ces besoins en exploitant des gisements à la teneur de 2,5 à 3,5 p. 100 pour les mines souterraines d’Afrique centrale, et à la teneur de 0,4 ou 0,5 p. 100 seulement dans d’énormes exploitations à ciel ouvert des États-Unis. Mais il est important de se souvenir qu’il y a – déjà connues ou encore à découvrir – d’autres anomalies, un peu moins exceptionnelles peut-être, dont les teneurs sont de 10, 20, 50 p. 100 inférieures aux teneurs actuellement exploitées et dont les réserves possibles sont d’autant plus importantes qu’on accepte des teneurs plus basses.

La coupure entre les gisements connus et le reste de l’écorce terrestre ne correspond pas à une coupure par «tout ou rien» (là il y a du cuivre et ailleurs il n’y en a pas), mais traduit simplement le fait que les besoins mondiaux actuels en cuivre sont satisfaits par la seule exploitation des premiers, qui seront ultérieurement et progressivement relayés par d’autres gisements un peu moins favorables.

Les anomalies constituées par les gisements sont, à l’échelle de la Terre, généralement minuscules: de l’ordre de la dizaine de kilomètres carrés pour les plus gros gisements du monde (mis à part des gisements de charbon et quelques gisements tout à fait exceptionnels) et de l’ordre du kilomètre carré au plus pour la plupart des autres. Il est donc facile de ne pas les voir, et cela d’autant plus que les affleurements à la surface du sol ont des superficies beaucoup plus faibles et peuvent être dissimulés par une végétation dense (forêt vierge), ou par des alluvions; les gisements de pétrole ou de gaz, quant à eux, n’affleurent évidemment pas.

Non-renouvellement

Une caractéristique fort importante des minerais est que, contrairement aux autres ressources naturelles (productions végétales, eau, etc.), ils ne se renouvellent pas, tout au moins à l’échelle de l’humanité.

Cette caractéristique essentielle de l’activité minière commande l’attitude des sociétés exploitantes, qui doivent se préoccuper en permanence de trouver de nouveaux gisements pour remplacer ceux qu’elles épuisent, et la politique des États, qui ont le souci légitime de faire assurer sans gaspillage l’exploitation de ces ressources – exploitation qui les détruit définitivement.

Risques de la recherche et de la mise en exploitation

Les risques de la recherche minière s’expliquent par la taille relativement très petite des gisements à découvrir et par le fait que 1 ou 2 p. 100 seulement des indices minéraux repérés en surface (et de ceux que la prospection géophysique laisse espérer en profondeur) et qui font l’objet de sondages, aboutissent à des gisements exploitables. Ce risque est particulièrement grand pour le pétrole, puisque l’on ne dispose d’aucun indice en surface et que les méthodes géophysiques, si elles mettent en évidence des réservoirs possibles, ne permettent pas de savoir si ceux-ci sont vides ou pleins.

La recherche minière est donc très aléatoire et ne peut être raisonnablement entreprise que par des groupes financiers suffisamment importants. Ceux-ci ont alors la possibilité d’engager un nombre d’opérations assez grand pour que quelques réussites, plus ou moins spectaculaires, viennent compenser les innombrables prospections infructueuses.

À petite échelle, la recherche minière est une loterie; à grande échelle, elle ne déçoit généralement pas ses promoteurs, à condition, bien entendu, d’être conduite en utilisant toutes les ressources de la science et de la technique, et en évitant de s’engager dans des pays politiquement instables.

La mise en exploitation d’un gisement est également une opération risquée, car une prospection par sondages ou par travaux souterrains, même longue et coûteuse, ne donne jamais une connaissance exacte des gisements: ceux-ci se révèlent parfois contenir un minerai moins riche ou plus difficile à traiter que ce qui était prévu; l’exploitation peut alors se traduire par un échec financier.

La production minière

La valeur de la production minière mondiale pouvait être estimée à environ 930 milliards de dollars en 1983 (année à laquelle nous nous référerons dans ce qui suit) contre 728 milliards de dollars 1983 en 1978 et 103 milliards de dollars 1983 en 1950.

Cette très forte progression résulte de deux phénomènes caractérisant deux périodes successives: tout d’abord forte progression économique avec des prix stables, puis stagnation économique avec de fortes augmentations des prix du pétrole et du gaz.

De 1950 à 1973, on a assisté à une augmentation du volume de la production au rythme très élevé de 5,2 p. 100 par an, tandis que l’indice du prix des minerais en dollar constant augmentait très peu (+ 0,35 p. 100 par an). Sur cette période la valeur de la production a été multipliée par 3,4, soit + 5,5 p. 100 par an.

De 1973 à 1983, les «chocs pétroliers» successifs et la crise économique mondiale se sont traduits par une augmentation du volume de la production de seulement 0,5 p. 100 par an, tandis que l’indice du prix des minerais en dollar constant augmentait de 9,5 p. 100 par an (soit une multiplication par 2,5 en dix années). Sur cette période la valeur de la production minière mondiale a été multipliée par 2,6, soit une progression moyenne de 10 p. 100 par an. Les prix des minerais énergétiques ont le plus progressé, puisque les minerais non énergétiques n’augmentaient en moyenne que de 0,15 p. 100 par an environ en dollar constant.

Principaux produits

En 1983 (tabl. 1), le pétrole représente à lui seul 58 p. 100 de la valeur totale de la production minière et le gaz naturel un peu plus de 16 p. 100. L’importance relative de ces deux hydrocarbures est en progression constante, tandis que le charbon n’atteint plus que 11,3 p. 100, contre 16,3 p. 100 en 1978 et près de 38 p. 100 en 1950. Ces trois principaux produits énergétiques atteignent donc à eux seuls plus de 85 p. 100 de la valeur de la production minière mondiale de 1983. Toutes les autres productions sont beaucoup moins considérables: aux environs de 1 à 2 p. 100 de la production mondiale figurent les minerais de cuivre et de fer, le lignite et l’or; viennent ensuite, pour 0,3 à 0,5 p. 100, les minerais d’uranium et de zinc, les phosphates, la potasse, le sel et le soufre.

On ne manque pas d’être frappé par l’importance des produits énergétiques qui, au total, constituent plus de 90 p. 100 de la valeur de la production minière mondiale. Les minerais métalliques ont une valeur beaucoup plus faible, puisque, à eux tous, ils sont, avec 6,9 p. 100 de la production minière, équivalents au huitième de la valeur du pétrole et à 60 p. 100 de celle du charbon.

Les substances non métalliques ont une très faible importance, 2,3 p. 100 environ du total. Cette importance prépondérante des produits énergétiques fait qu’un pays ne peut se situer en tête dans la hiérarchie des pays miniers que s’il est dans les premiers rangs pour les combustibles minéraux fossiles et en particulier pour le pétrole.

Principaux producteurs

Ce qui précède est illustré par le fait que l’U.R.S.S. et les États-Unis, qui sont parmi les trois premiers pays producteurs de pétrole, de charbon et de gaz naturel, sont, de loin, les deux premiers pays miniers, avec respectivement 23,8 et 18,0 p. 100 de la production du monde en 1983 (tabl. 2).

On trouve ensuite le troisième producteur de pétrole (Arabie Saoudite, 6,1 p. 100), le premier producteur de charbon (Chine, 5,7 p. 100) et le Royaume-Uni (4,0 p. 100), qui était le cinquième producteur mondial de pétrole et de gaz naturel. Viennent ensuite, aux environs de 2 à 3 p. 100, Mexique, Canada, Iran, Indonésie et Venezuela. La France n’arrive qu’en trente-quatrième position, avec 0,39 p. 100 de la production mondiale.

La part des pays développés à économie de marché (États-Unis, Canada, Europe occidentale, Japon, Afrique du Sud, Australie) dans la valeur de la production minière mondiale n’avait cessé de diminuer jusqu’en 1978, tandis que croissaient parallèlement celles des pays à économie planifiée (d’Europe et d’Asie) et celle des pays en développement. Cette évolution s’est inversée en 1983 (tabl. 3) car, cette année-là, la production pétrolière des pays en développement – en particulier des pays du Moyen-Orient – avait sensiblement diminué, à la suite de l’augmentation des prix. Mais la tendance à moyen terme reste une dépendance croissante des pays industrialisés pour leur approvisionnement en énergie. Il est intéressant de noter que, pour les minerais non énergétiques, l’évolution n’est pas la même (tabl. 3), puisque la part des pays en développement dans la valeur de la production mondiale reste stagnante et que la part des pays développés à économie de marché est en décroissance beaucoup moins rapide.

Commerce international

C’est une caractéristique des minerais, par opposition aux produits de carrière, que d’être très irrégulièrement répartis dans le monde et donc de faire l’objet d’un commerce international.

En 1982, 1 270 millions de tonnes (contre 1 750, au maximum atteint en 1979) d’hydrocarbures bruts et raffinés ont fait l’objet d’un transport international, soit près de 50 p. 100 de la production de pétrole brut, en provenance principalement du Moyen-Orient, d’Amérique latine et d’Afrique, à destination essentiellement de l’Europe occidentale (466 millions de tonnes), de la zone États-Unis-Canada (249 millions de tonnes) et du Japon (206 millions de tonnes).

Pour le minerai de fer et les phosphates, c’est environ un tiers de la production qui est exporté (soit respectivement 273 et 40 millions de tonnes), tandis que, pour la bauxite et l’alumine, le commerce international porte sur environ 50 p. 100 (soit environ 38 millions de tonnes). Pour le charbon, au contraire, ce ne sont que 208 millions de tonnes, soit 7 p. 100 de la production mondiale, qui ont fait l’objet de transactions internationales. La faiblesse de ce dernier pourcentage s’explique par la commodité de transport et d’emploi des produits liquides qui conduit les pays déficitaires en énergie à continuer à importer, malgré leurs prix très élevés, plutôt des hydrocarbures que des combustibles solides, sauf pour leurs éventuels besoins en coke sidérurgique ou en charbon à coke.

Consommation

Le commerce international est très généralement dirigé des pays en voie de développement (Amérique latine, Afrique, Asie non communiste) vers les trois grandes zones industrielles du monde occidental (États-Unis, Europe occidentale, Japon), tandis que l’ensemble des pays communistes y participe relativement très peu.

La comparaison des productions minières, des consommations et des populations de ces grandes zones montre que le monde occidental importe des pays en voie de développement environ 16 p. 100 de la production minière mondiale (tabl. 4); avec 17 p. 100 de la population du monde, il consomme 52 p. 100 des minerais (y compris pétrole et charbon), tandis que les pays en voie de développement, avec la moitié de la population du monde, n’en consomment que 14 p. 100; la consommation moyenne par habitant est environ 11 fois plus forte dans le premier que dans les seconds; le monde communiste est, quant à lui, globalement équilibré puisqu’il représente de 32 à 37 p. 100 pour la production, la consommation et la population. Ce monde communiste est cependant très hétérogène puisque l’habitant moyen du groupe U.R.S.S.-Europe orientale consomme en moyenne 9,5 fois plus que celui de l’Asie communiste (c’est-à-dire essentiellement de la Chine).

Les marchés des minerais

Dans l’industrie minière, comme dans toutes les autres industries, la production n’a jamais été un but en soi, et c’est la vente de la production avec bénéfice qui est le véritable objectif. L’opérateur minier attachera donc beaucoup d’importance aux fluctuations de l’offre et de la demande, à la formation des prix, à l’évolution des cours et aux efforts faits pour les stabiliser.

Fluctuation de l’offre et de la demande

Si les produits agricoles connaissent, dans leur ensemble, une demande qui évolue de façon relativement régulière et des marchés qui peuvent être perturbés par l’incidence des conditions météorologiques sur le niveau des récoltes, il en va de façon différente pour les minerais, car leur production n’est pas influencée par les caprices du climat, tandis que leur demande est sensible aux fluctuations de l’activité industrielle du monde et plus particulièrement à celles des États-Unis, qui consomment, suivant les substances, de 20 à 35 p. 100 de la production mondiale.

En pratique, cependant, on constate que les irrégularités dans l’offre de minerais pour des raisons sociales (grèves dans les mines de cuivre aux États-Unis, par exemple) ou politique (conflits, embargos, pour le pétrole du Moyen-Orient en particulier) ont finalement des répercussions au moins aussi importantes que celles de la demande; elles provoquent des hausses sur les prix, hausses amplifiées par les stocks que les consommateurs s’efforcent de constituer dans de telles circonstances. En période de surproduction, au contraire, les producteurs essaient de régulariser le marché en restreignant leur production ou tout au moins en limitant les quantités offertes sur le marché. Ils y réussissent beaucoup moins bien qu’il y a dix ou vingt ans, car les opérateurs miniers, qui sont maintenant souvent des sociétés d’État, arrivent plus difficilement à harmoniser leurs comportements.

Valeur d’un lot de minerai

Les éléments qui sont mesurés ou appréciés pour déterminer la valeur d’un lot de minerai peuvent être:

– soit les seules caractéristiques chimiques; ce sera le cas général pour les minerais que l’on exploite pour tel élément utile qu’ils contiennent: minerais métalliques, phosphate, potasse, qui sont vendus sur la base de leur composition chimique;

– soit les seules propriétés physiques telles que: éclat, limpidité, dimension des pierres pour les diamants et pierres précieuses; longueur et solidité des fibres pour l’amiante; dimension des lamelles et propriétés d’isolation électrique pour le mica; blancheur pour le kaolin employé en industrie papetière, etc.;

– soit enfin un ensemble de caractéristiques physiques et chimiques: pour le pétrole brut, densité et viscosité, mais également teneur en soufre; pour le charbon, pouvoir cokéfiant, granulométrie (pour certaines variétés), mais également teneurs en cendres, en humidité, en matière volatile.

Formation des prix

Les caractéristiques physiques et chimiques d’un lot de minerai ayant été mesurées ou appréciées, sa valeur dépendra de l’état du marché et résultera, en principe, d’une discussion entre un vendeur et un acheteur, comme pour toute transaction.

En fait, des processus très variés peuvent intervenir suivant les substances.

Pour certaines substances, une seule société contrôle une part très importante de la production du monde occidental et fixe les prix. C’est le cas des diamants (de Beers), du platine (Rustenburg), du molybdène (Amax). Les minerais ou métaux correspondants bénéficient d’une grande stabilité de prix, ce qui satisfait le consommateur et élargit les débouchés, et ce prix est fixé suffisamment bas pour en encourager l’utilisation et décourager la prospection de nouveaux gisements par des entreprises concurrentes. Lorsque le marché n’est plus dominé par une seule société, mais par quatre ou cinq entreprises comme pour l’aluminium, le nickel, ou le zinc en Europe, celles-ci peuvent développer une politique plus ou moins concertée de stabilité des prix.

Pour le cuivre, le plomb, le zinc, l’étain, l’aluminium et le nickel en particulier, il existe des bourses de cotations dont la plus importante est le London Metal Exchange. C’est principalement un marché de couverture, permettant aux mineurs et aux industriels de se garantir contre les mouvements de prix. Il est souvent très sensible, car il ne s’y traite qu’une très faible partie de la production mondiale (de l’ordre de 10 p. 100 pour le cuivre), bien que ses cotations servent de référence pour la plupart des transactions.

Pour d’autres substances, les négociations se font directement entre producteurs et consommateurs, avec intervention éventuelle de négociants. C’est le cas, par exemple, pour les minerais de fer, de manganèse, les phosphates, le charbon. Les contrats, qui, dans le passé, étaient presque toujours négociés pour une seule année, sont maintenant, de plus en plus souvent, signés pour des périodes plus longues, pouvant aller jusqu’à quinze ans, avec bien entendu des clauses de révision de prix et des clauses de sauvegarde.

Les acteurs en jeu

Comme toute activité humaine, l’industrie minière met en jeu un certain nombre d’acteurs dont il est intéressant de connaître les préoccupations essentielles: producteurs, qui sont en principe désireux de vendre le plus possible au plus haut prix; consommateurs, qui recherchent un approvisionnement régulier et le moins cher possible; États exportateurs qui sont généralement soucieux de tirer le meilleur profit de leur activité minière; États importateurs, qui se préoccupent d’aider leurs nationaux à s’approvisionner aux meilleures conditions de régularité et de prix; entreprises minières, qui désirent exercer une activité bénéficiaire, compte tenu des risques encourus; enfin puissance publique, qui cherche à recueillir une part raisonnable des richesses produites par l’industrie minière.

Les préoccupations des uns et des autres sont légitimes; en fait, leurs intérêts bien compris sont convergents: les vendeurs ont besoin d’acheteurs, et les consommateurs de producteurs; les États ont besoin d’entreprises prospères, et les sociétés minières ne peuvent subsister et se développer si elles ne font pas profiter le pays où elles travaillent d’une partie des fruits de leur activité.

États producteurs

Qu’ils soient importateurs ou exportateurs, tous les États cherchent à développer leurs activités minières: ils doivent pour cela établir une documentation de base en cartographie générale et en cartographie géologique, et surtout encourager par diverses mesures les investissements dans la prospection et l’exploitation minières. Ils doivent également veiller à ce que l’exploitation des gisements soit conduite sans gaspillage et avec le plus grand souci de la sécurité du personnel, et qu’elle ne soit pas ralentie ou interrompue sans raison valable.

Dans certains pays, l’État se fait entrepreneur minier, seul ou en association avec des entreprises privées. Les principales raisons qui peuvent conduire un État à agir ainsi sont soit l’idéologie politique, soit le souci de parer à la carence des initiatives privées, soit enfin le désir de s’assurer les bénéfices qu’ils attendent d’une activité minière.

Les problèmes sociaux que pose souvent l’interruption d’une activité devenue non rentable, dans une région où la main-d’œuvre peut difficilement se reconvertir, conduisent enfin, parfois, les États à subventionner certaines exploitations minières, comme c’est le cas actuellement pour plusieurs charbonnages européens.

Pays neufs exportateurs

Les pays neufs souhaitent bénéficier au maximum de l’activité minière pour accélérer leur développement. Ils en attendent d’abord des ressources pour leur budget et des devises pour leur balance des comptes, ensuite une amorce d’industrialisation par la transformation sur place des minerais, si c’est économiquement possible, enfin la formation de cadres et de spécialistes locaux. Tout cela est légitime, et les entreprises minières doivent s’y plier. Mais, en certains cas, les gouvernements, mal informés et peu conscients des réalités économiques, veulent imposer des exigences inacceptables pour les entreprises minières, qui vont alors travailler dans d’autres pays plus accueillants.

Pays importateurs

Les pays importateurs sont essentiellement ceux de l’Europe occidentale, les États-Unis et le Japon qui, on l’a vu plus haut, importent environ le sixième de la production minière mondiale. Leurs deux préoccupations majeures, qui sont également celles des entreprises consommatrices de minerais ou de métaux, sont de disposer d’un approvisionnement régulier et de ne pas payer plus cher que les pays concurrents. Ces deux soucis peuvent être contradictoires, car la sécurité d’approvisionnement incite à exploiter les gisements nationaux, dont le prix de revient peut être élevé, tandis que la recherche du meilleur prix conduit parfois à se tourner, comme les concurrents, vers des sources d’énergie ou des minerais étrangers, au détriment peut-être de la sécurité d’approvisionnement.

Les politiques des pays importateurs constituent des compromis entre ces deux préoccupations: ils chercheront d’abord à développer les ressources nationales; ils inciteront en même temps leurs entreprises minières à prospecter et à exploiter des gisements à l’étranger dans toutes les régions du monde; ils signeront des accords commerciaux et s’efforceront d’être en excellents termes avec les pays exportateurs, tout en cherchant à diversifier leurs sources d’approvisionnement, pour limiter les conséquences fâcheuses d’une grève, d’un embargo, d’un conflit pouvant survenir dans tel ou tel pays fournisseur; enfin, ils constitueront éventuellement, comme l’ont fait les États-Unis, et plus récemment la France, des stocks des produits pour lesquels ils sont le plus tributaires de l’étranger.

Entreprises productrices

Comme toutes les entreprises, les entreprises minières doivent se développer pour survivre. Comme, par ailleurs, elles exploitent des gisements qui ne se renouvellent pas, elles ont comme préoccupation dominante de maintenir et même de développer leurs réserves de minerais. Cela les conduit à prendre des risques «raisonnables» qui vont être rapidement passés en revue.

Risques techniques . On a déjà indiqué qu’ils provenaient du fait qu’un gisement est toujours imparfaitement connu et peut se révéler à l’exploitation moins riche qu’on ne l’espérait.

Risques politiques . Pour qu’une entreprise entretienne de bons rapports avec les pouvoirs publics du pays où elle travaille, il faut qu’elle ait le souci de faire participer ce pays aux richesses créées par son activité. Mais ce n’est pas toujours suffisant, car, par conviction politique, par démagogie ou, plus simplement, par ignorance, certains gouvernements prennent parfois des mesures qui pénalisent l’industrie minière et découragent ses efforts pour participer au développement économique et humain du pays où elle travaille. Contre ce risque, pouvant aller jusqu’à une nationalisation plus ou moins bien indemnisée, les entreprises minières se doivent de ne pas concentrer tous leurs investissements dans un seul pays, mais au contraire de les répartir dans différentes régions du monde.

Risques commerciaux . Certains minerais et certains métaux subissent des fluctuations de cours importantes qui ont une influence considérable sur la rentabilité des mines moyennement riches (les plus riches étant toujours bénéficiaires). Pour limiter ce risque, les entreprises minières ont tendance à diversifier leurs activités et à produire un éventail plus ou moins large de minerais. Elles chercheront, simultanément, à s’assurer des débouchés réguliers par la signature de contrats à long terme ou par une politique de prise de participation dans des entreprises utilisatrices.

Entreprises consommatrices

Les entreprises consommatrices ont comme souci majeur d’être approvisionnées en matières premières à des conditions au moins aussi favorables que leurs concurrents, tant pour la régularité et la qualité de l’approvisionnement que pour les prix.

Les entreprises consommatrices chercheront donc à avoir plusieurs fournisseurs, situés de préférence dans des pays différents, ce qui leur garantira une certaine sécurité d’approvisionnement et une position favorable pour discuter des prix. Souvent, les contrats d’achats porteront sur plusieurs années. Souvent également, le consommateur financera la mise en exploitation du gisement par des prêts ou par une prise de participation dans la société exploitante. Il n’est pas rare non plus que la mine ne soit qu’une des activités d’une entreprise intégrée verticalement, depuis le gisement de pétrole jusqu’à la pompe à essence ou de celui de bauxite à la fabrication des casseroles.

L’avenir de l’approvisionnement mondial

L’exploitation des mines détruisant définitivement les réserves correspondantes de minerai et la consommation mondiale ayant augmenté en moyenne de plus de 5 p. 100 par an en tonnage de 1950 à 1973, on pouvait valablement se demander si l’humanité ne se trouverait pas rapidement asphyxiée après avoir épuisé – certains disent «gaspillé» – ses réserves de minerai. En fait, il n’en est rien et les inquiétudes que certains pourraient avoir sont d’autant moins justifiées que l’accroissement de la consommation n’est plus que de 0,5 p. 100 par an depuis 1973 et qu’un retour à un taux de 5 p. 100 n’apparaît pas vraisemblable dans un avenir prévisible.

Il n’y a pas d’inquiétude à se faire sur l’avenir de l’approvisionnement mondial en substances minérales, car les tonnages des réserves connues à une époque donnée ne constituent nullement un stock ultime sur lequel il faudrait vivre. Ces réserves varient de façon permanente: elles diminuent de tous les tonnages que l’on extrait, mais elles augmentent simultanément de tous les tonnages que la prospection met en évidence, et il est bien évident que, si l’on accepte de payer les minerais un peu plus cher, les réserves exploitables augmentent très rapidement, parce que l’on peut exploiter des gisements à plus faible teneur et parce que l’on peut envisager des exploitations dans des régions plus éloignées des zones de consommation.

Par ailleurs, l’épuisement des mines existantes et l’accroissement de la consommation mondiale (quel que soit son rythme) sont plus ou moins compensés par la découverte de nouveaux gisements et par les progrès techniques qui permettent d’exploiter des gisements plus pauvres ou plus difficilement accessibles, sans accroître les prix de revient. Si cependant cette compensation n’était pas totale, on assisterait à une lente et régulière progression des prix moyens des minerais, afin de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande.

Si tous les consommateurs du monde subissent de la même façon une telle augmentation des prix, celle-ci n’a pratiquement aucun inconvénient. En effet, la valeur de la production minière mondiale en 1983 (930 milliards de dollars) ne représentait que 6,5 p. 100 du produit national brut de l’ensemble du monde et ce produit national brut rapporté à un habitant a lui-même augmenté d’un peu plus de 3 p. 100 par an entre 1970 et 1979. Si les prix des minerais venaient progressivement à augmenter de 50 p. 100 en vingt ans, on calcule qu’il n’en résulterait qu’un ralentissement de 0,07 point (2,93 p. 100 par an au lieu de 3 p. 100) de la progression du niveau de vie de l’humanité, ce qui est tout à fait insignifiant.

On peut donc affirmer que l’avenir de l’approvisionnement en minerai de l’humanité est assuré. Mais ces perspectives rassurantes ne doivent pas être considérées comme une incitation à ralentir les programmes de prospection, ni ceux de recherche technique. Chaque industriel, chaque gouvernement doit en permanence chercher à s’assurer des sources d’approvisionnement au moins aussi favorables que celles de ses concurrents, car c’est à cette condition qu’une entreprise, ou une industrie nationale, peut être prospère; c’est à cette condition également que l’on découvrira les gisements qui permettront de satisfaire au moindre prix les besoins de l’humanité.

Encyclopédie Universelle. 2012.