APOTHÉOSE
APOTHÉOSE
C’est la «transformation en dieu». L’apothéose désigne la divinisation des empereurs romains après leur mort. Cette notion, étrangère en elle-même aux conceptions religieuses des Romains, était cependant connue par des précédents «historiques» (disparition de Romulus lors d’une séance du Sénat et sa transformation en être divin) et philosophiques (les stoïciens, les platoniciens et les pythagoriciens affirmaient la divinisation de certaines catégories d’individus; Cicéron, malgré sa répugnance à mettre un mortel au nombre des dieux immortels, avait placé, dans le De republica , l’âme des hommes d’État, bienfaiteurs de leur patrie, dans la Voie lactée); la notion pénétra officiellement à Rome dès le début de l’Empire. César fut le premier à bénéficier de cette divinisation: la comète qui brilla pendant sept jours aux jeux commémoratifs de sa mort, en juillet \APOTHÉOSE 44, fit croire au peuple que c’était l’âme du dictateur envolée au ciel et le divus Julius eut son temple sur le Forum à partir de \APOTHÉOSE 29. La conduite prudente et ambiguë d’Auguste à l’égard des honneurs divins que voulurent lui décerner ses contemporains de son vivant laissait pourtant la possibilité d’une divinisation après sa mort, et les Romains ne manquèrent pas de la lui accorder: sur la foi d’un témoin, qui affirmait avoir vu l’âme du prince s’envoler de son bûcher funéraire (imitant en cela ce qu’avait fait Proculus Julius pour Romulus), le Sénat décréta Auguste divus ; il institua de plus des fêtes annuelles, un temple (inauguré par Caligula), un flamine et un collège, les sodales augustales , pour assurer le culte du nouveau dieu. L’exemple fut rapidement suivi par de nombreuses villes dans les provinces (cela malgré l’apparente contradiction qui existait dans le fait que le prince était à la fois cendre dans son tombeau du Champ de Mars et dieu dans son temple). Pendant le premier siècle, l’apothéose reste un acte juridique: il suffisait d’un vote du Sénat pour décider de la divinisation de l’empereur ou de la condamnation des mauvais princes (damnatio memoriae ): seuls trois empereurs, pendant le siècle, furent reconnus dignes des honneurs divins, Claude, Vespasien et Titus. L’institution en elle-même suscitait encore le scepticisme de beaucoup de Romains (Vespasien, par exemple, ironisant sur sa propre divinisation), voire même les railleries (Sénèque, dans Apocolocynthosis [l’Apocoloquintose ou métamorphose en citrouille], se moqua de l’apothéose impériale du divin Claude; un mime, lors des funérailles de Vespasien, tourna ouvertement en ridicule l’avarice du nouveau dieu). Le culte de l’empereur mort eut en revanche un succès beaucoup plus rapide dans les municipes (institution de flamines et d’augustales dans les villes) et, au niveau provincial, le culte célébré tous les ans par le flamine de la province devint le lieu de rassemblement de tous les notables. Les signes symboliques de la divinisation (l’aigle, la couronne radiée) se multiplient sur les monnaies et les monuments. Au second siècle, l’apothéose devient de règle pour tous les empereurs: il ne suffit plus que le Sénat se prononce sur leurs mérites; une cérémonie publique d’incinération sur un bûcher d’apothéose doit apporter à tous la preuve spectaculaire que l’empereur a été divinisé. Celui-ci n’est plus le seul à recevoir cette consécration: sa femme reçoit le même honneur (formation du couple impérial du divus et de la diva ), parfois même d’autres membres de la famille impériale (cette dernière, à la fin du IIe siècle, est ordinairement qualifiée, dans sa totalité, de divina ). La multiplication de ces «dieux» obligeait les Romains à les invoquer, non plus individuellement, mais en groupe et à leur consacrer des sanctuaires collectifs. Une dernière étape fut franchie par Aurélien, qui fut le premier empereur à prendre officiellement le nom de dieu, et par Dioclétien, qui se fit adorer selon la coutume perse (génuflexion, baiser au bas du manteau impérial), point culminant et ultime de la religion impériale.
apothéose [ apɔteoz ] n. f.
1 ♦ Didact. Déification des empereurs romains, des héros après leur mort.
2 ♦ Honneurs extraordinaires rendus publiquement à qqn. ⇒ consécration, glorification, triomphe.
3 ♦ Fig. Épanouissement sublime. « La vieillesse qui est une déchéance pour les êtres ordinaires est, pour les hommes de génie, une apothéose » (France). — Le plus haut degré. ⇒ apogée. « La morale de Descartes est l'apothéose de la volonté résistante » (Faguet). — La partie ultime et la plus brillante d'une manifestation artistique ou sportive. Ce ballet a été l'apothéose du festival.
● apothéose nom féminin (latin apotheosis, du grec apotheôsis, action d'élever au rang des dieux) En Grèce ancienne et à Rome, admission d'un mortel parmi les dieux ; à Rome, divinisation d'un empereur. Dernière partie, la plus brillante, d'une action, d'une manifestation sportive, artistique, etc. : Ce film a été l'apothéose du festival. Fin, très brillante, d'une pièce à grand spectacle (féerie, revue, ballet, etc.), à laquelle participe toute la troupe. ● apothéose (citations) nom féminin (latin apotheosis, du grec apotheôsis, action d'élever au rang des dieux) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Ce serait une erreur de croire que ces choses Finiront par des chants et des apothéoses […]. Les Châtiments, l'Expiation, VII, 10 ● apothéose (difficultés) nom féminin (latin apotheosis, du grec apotheôsis, action d'élever au rang des dieux) Genre Féminin : une apothéose. ● apothéose (synonymes) nom féminin (latin apotheosis, du grec apotheôsis, action d'élever au rang des dieux) En Grèce ancienne et à Rome, admission d'un mortel parmi...
Synonymes :
- consécration
- déification
- triomphe
Fin, très brillante, d'une pièce à grand spectacle (féerie, revue...
Synonymes :
- bouquet
apothéose
n. f. Honneurs extraordinaires rendus à qqn, triomphe.
|| Fig. Finir en apothéose, triomphalement.
⇒APOTHÉOSE, subst. fém.
ANTIQ. CLASS. Acte de déification par lequel un personnage devient objet d'un culte officiel.
A.— MYTH. Admission posthume des héros parmi les dieux de l'Olympe. Apothéose d'Hercule, d'Énée.
B.— HIST. ROMAINE. Cérémonie de déification (anthume ou posthume) des empereurs ou exceptionnellement d'une personne de la famille ou de l'entourage des empereurs. Apothéose de César, d'Auguste, d'Antinoüs (favori de l'empereur Adrien).
Rem. L'apothéose était représentée sur les médailles, pierres gravées, bas-reliefs, etc, sous la forme de l'ascension d'un aigle (pour les hommes) ou d'un paon (pour les femmes) emportant au ciel la personne divinisée.
— P. anal.
1. RELIG. CATH. Ascension et glorification posthume des saints :
• 1. Au moment du départ, en attendant la poste d'Aarau, entrés à l'église des Jésuites, très parée, très coquette, pleine de marbres, de fresques déplorables, représentant la vie de saint François-Xavier, jusqu'à son apothéose, où le pape et toute l'Église le voit de terre monter au ciel, ou plutôt triompher dans le ciel sur un char attelé d'un éléphant et d'une girafe : rien de plus burlesque.
MICHELET, Journal, 1843, p. 525.
2. Parfois iron. Glorification d'une personne défunte :
• 2. ... il [Mouhled-din-Ibn-el-Arabi] eut plus tard son apothéose; on recherche pieusement ses restes, le sultan Selim lui fit faire un somptueux sarcophage et un grand kiosque de faïence bleue pour son sommeil.
LOTI, La Galilée, 1896, p. 167.
• 3. La disparition d'un homme à la guerre, c'est une apothéose, une ascension, c'est une mort sans cadavre qui dispense des enterrements, des plaintes, et même des regrets, car le disparu semble s'être fondu plus vite qu'un squelette dans son sol, dans son air natal, et s'être aussitôt amalgamé à eux ...
GIRAUDOUX, Siegfried et le Limousin, 1922, III, 5, p. 146.
3. Honneurs exceptionnels décernés à une personne de son vivant :
• 4. ... jamais je n'encouragerai personne à entrer dans la carrière des lettres (...) les réputations éphémères meurent du soir au matin; grand homme la veille, on est un sot le lendemain, et tandis qu'une gazette fait votre apothéose, une autre gazette, à la même heure, vous traîne aux gémonies.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 486.
• 5. Une chose bien curieuse en ce moment, c'est l'apothéose de Paul Valéry, sacré grand poète.
LÉAUTAUD, Journal littér., 1910-1921, p. 312.
— Au fig. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Exaltation, beauté, grandeur surhumaine :
• 6. ... par suite de l'infaillible logique de la nature, le mot apothéose est un de ceux qui se présentent irrésistiblement sous la plume du poëte quand il a à décrire (...) un mélange de gloire et de lumière.
BAUDELAIRE, L'Art romantique, 1867, p. 548.
• 7. Notre grand cœur, c'était cette petite chose!
Étions-nous assez fous, pourtant, les premiers jours!
Tu te souviens, l'enchantement, l'apothéose?
S'aimait-on! ... et voilà : c'était ça, notre amour!
GÉRALDY, Toi et Moi, 1913, p. 142.
• 8. La langue latine, la langue française sont deux réussites, ou deux apothéoses du soi — Le verbe y a la toute puissance. Le verbe y tient l'emploi d'un soleil.
L. DAUDET, L'Hérédo, 1916, p. 283.
C.— Spécialement
1. PEINT. Représentation de la gloire suprême décernée à des personnages illustres. Apothéose d'Homère (par Ingres), de Charles-Quint (par Titien), de Henri IV (par Rubens) ... :
• 9. Au plafond, deux magnifiques apothéoses, la première de ce même Tintoret. Sur les marches d'un escalier qui monte jusqu'au ciel, s'échelonnent les doges, les drapeaux des provinces sujettes de la dominante République. Au-dessous, des balcons chargés de belles patriciennes. Au-dessus, des renommées symbolisant le triomphe.
MICHELET, Sur les chemins de l'Europe, 1874, p. 456.
2. SPECT. Mise en scène triomphale d'une partie d'une pièce à spectacle, à laquelle participe toute la troupe. Apothéose d'Opéra, de féerie, de revue, de ballet; effet, triomphe d'apothéose; apparaître dans une apothéose.
— P. compar. :
• 10. « ... Odette, Sagan qui vous dit bonjour », faisait remarquer Swann à sa femme. Et, en effet, le prince, faisant comme dans une apothéose de théâtre, de cirque, ou dans un tableau ancien, faire front à son cheval, adressait à Odette un grand salut théâtral et comme allégorique, où s'amplifiait toute la chevaleresque courtoisie du grand seigneur inclinant son respect devant la femme, fût-elle incarnée en une femme que sa mère ou sa sœur ne pourraient pas fréquenter.
PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 640.
Rem. ,,On désigne aussi sous le nom d'apothéoses certaines décorations théâtrales, fort compliquées et destinées à servir de tableau final dans les féeries ou les pièces à grand spectacle.`` (J. ADELINE, Lexique des termes d'art, 1884).
3. PHYS. ,,Phénomène d'optique qui se montre sur les nuages ou les brouillards à l'opposé du soleil et qui consiste en cercles irisés, dont l'observateur voit son ombre couronnée. Synon. gloires, ombres frangées, couronnes antisolaires.`` (Lar. 19e).
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1581 hist. romaine « déification des empereurs romains » (C. Guichard ds DELB. Rec. d'apr. DG : La sotte superstition de l'apotheose); 2. 1674 « honneurs extraordinaires rendus à un homme (en mauvaise part) » (MALEBRANCHE, Recherche de la vérité, IIe part., liv. II, c. 6 ds Dict. hist. Ac. fr. t. 3, p. 335 : tel n'auroit pas fait l'apothéose de son auteur, s'il ne s'étoit imaginé comme enveloppé dans la même gloire); 1677 « id. (en bonne part) » (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres à Mme de Grignan, 23 juill., ibid.).
Empr. au lat. apotheosis « déification » (TERTULLIEN, Apol., 34 ds TLL s.v., 255, 70); lui-même empr. au gr. « id. » (CICÉRON, Att., 1, 16, 13 ds LIDDELL-SCOTT).
STAT. — Fréq. abs. littér. :345. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 269, b) 865; XXe s. : a) 756, b) 319.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BOUILLET 1859. — Foi t. 1 1968. — GITEAU 1970. — Gramm. t. 1 1789. — LAF. 1878. — LAVEDAN 1964. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 146. — NOTER-LÉC. 1912.
apothéose [apɔteoz; apoteoz] n. f.
ÉTYM. 1581; du lat. apotheosis « déification », grec apothéôsis, de apo-, et theos « dieu ».
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1 Didact. Admission posthume des héros parmi les dieux de l'Olympe. || L'apothéose d'Hercule, d'Énée. — Cérémonie de déification de leur vivant ou à titre posthume des empereurs romains, ou, rarement, d'une personne de leur entourage. || Apothéose de l'empereur Hadrien, d'Antinoüs (son favori).
1 Nos aïeux à leur gré faisaient un dieu d'un homme (…)
Nous remplissons le ciel de tous nos empereurs,
Mais à parler sans fard de tant d'apothéoses,
L'effet est bien douteux de ces métamorphoses.
Corneille, Polyeucte, IV, 6.
2 On sait la plaisanterie qu'il (l'empereur Vespasien) eut le courage de faire, étant à l'agonie, sur sa prochaine apothéose : « Je sens, dit-il en riant, que je suis en train de devenir dieu ».
J. Carcopino, la Vie quotidienne à Rome…, p. 152.
2 (1674). Honneurs extraordinaires rendus à une personne (décédée ou vivante). ⇒ Consécration, glorification, triomphe.
3 Monsieur le Prince est dans son apothéose de Chantilly; il vaut mieux là que tous vos héros d'Homère.
Mme de Sévigné, Lettres, 628, 23 juil. 1677.
♦ Arts. Représentation de ces honneurs. || L'Apothéose de Charles-Quint, par Titien. || L'Apothéose d'Homère, par Ingres.
3 Fig. et mod. Exaltation, épanouissement sublime.
4 La vieillesse qui est une déchéance pour les êtres ordinaires est, pour les hommes de génie, une apothéose.
France, la Vie en fleurs, XVI.
♦ Le plus haut degré. ⇒ Apogée, comble, sommet, summum.
5 La morale de Descartes est l'apothéose de la volonté résistante, de la volonté active et de la volonté charitable et en un mot de toute la volonté.
Émile Faguet, XVIIe s., Études littéraires, p. 49.
♦ La partie ultime, et la plus brillante, d'une manifestation (artistique, sportive…). || Ce ballet a été l'apothéose du festival. ⇒ Clou.
6 (…) la surface libre des eaux reflète, non vers le couchant, mais vers l'est, une apothéose dorée, où de tendres nuances pourpres se mêlent.
Gide, Voyage au Congo, 1927, in Souvenirs, Pl., p. 711.
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DÉR. Apothéoser, apothéotique.
Encyclopédie Universelle. 2012.