JOB
JOB JACQUES MARIE GASTON ONFROY DE BRÉVILLE dit (1858-1931)
Né à Bar-le-Duc, Jacques de Bréville commence à signer Job dès son enfance crayonneuse au collège Stanislas. D’un milieu familial peu ouvert à la République naissante, il hérite d’une pensée conservatrice qui le fait adhérer à la Ligue de la patrie française anti-dreyfusienne et rechercher les amitiés de Caran d’Ache, Forain ou Albert Guillaume sans cependant engager comme ceux-ci son crayon dans les affaires politiques. Très tôt il collabore à des journaux satiriques qui fleurissent dès 1880 après l’abolition de la censure, se consacrant à la caricature politique dans des feuilles bonapartistes et à la caricature de mœurs où son crayon alerte est apprécié dans La Vie parisienne ou La Caricature , dirigée alors par Robida. Les chevaux et les scènes de petite galanterie sont sa spécialité, mais c’est dans l’imagerie enfantine que bientôt il se démarquera avec éclat des artistes de sa génération.
En 1894, l’album Les Gourmandises de Charlotte , fable féroce sur les méfaits de la gourmandise dans la veine du Struwwelpeter , est traité dans un style d’histoires en images qui joue déjà sur l’inclusion de l’image dans le texte. À la même époque, ses contributions aux Images d’Épinal et à Mon Journal offrent des scènes de bataille et de parades enfantines pleines de grands héros ou de petites vivandières; il met ensuite son don de dessinateur et de coloriste au service de prestigieuses collections d’albums historiques chez les éditeurs Plon, Charavay ou Delagrave, désireux de séduire par la qualité de l’image une jeunesse chauffée au fer rouge par le patriotisme barrésien après le désastre de Sedan. L’éducation historique par l’image prend tout son sens chez Job qui, en imagier inspiré, défend avec son collaborateur et ami Montorgueil sa vision de l’histoire dans une série de beaux livres tels que le triptyque de France, son histoire (1896-1899) ou les monographies vouées à la stature des gloires nationales (Louis XI , La Tour d’Auvergne , Murat , Bonaparte et Napoléon ).
Si l’érudition est partout présente dans le théâtre iconographique de l’illustrateur, c’est toujours pour emporter la conviction de son lecteur, sensible à la ressemblance et à la véracité, que ce soit dans la reconstitution minutieuse des uniformes ou dans la physionomie même des héros qui revivent pour lui. C’est dans ses albums pour les plus petits que Job s’est fait la main et a développé son talent de grand dramaturge, par exemple dans Le Grand Napoléon des petits enfants (1893), où la dernière page montre l’apothéose humoristique du grand homme en ascension vers le ciel, l’aigle foudroyé au sol. C’est encore Le Bon Roy Henry (1894), où l’instinct de Job lui fait préférer, pour les scènes du siège de Paris, le clin d’œil malicieux au pathos: on citera en particulier le spectacle tragi-comique d’une mère résignée à manger son enfant, le couvert à la main, se détournant dans un ultime sursaut de révolte devant la soupière servie sur une nappe blanche. L’image se suffit à elle-même dans sa lisibilité extrême où même le symbole est adapté à la compréhension enfantine; le texte est réduit à de courtes légendes placées sous l’illustration. Il n’en est pas de même pour les livres de très grand format à l’usage des plus grands quand parfois l’illustration recouvre le texte dans une liberté d’invention étonnante, jamais gratuite. La Cantinière (1898) développe à chaque page des trouvailles graphiques et une variété de cadrages remarquables: jonglant avec les emblèmes patriotiques (le coq, l’aigle), Job atteint à une extrême diversité de mise en pages qui tient en haleine. La perspective joue un rôle majeur et permet d’atteindre la plus grande expressivité dans le traitement des différents plans; souvent l’horizon se perd dans un ciel aux nuages dramatiques, annonciateurs de bouleversements. La métaphore graphique ne nuit pas à la clarté de la composition, mais ultérieurement l’emphase se fera plus insistante, le tableau plus chargé, surtout dans les deux albums consacrés à l’épopée napoléonienne. Sans cesse à la recherche d’une perfection formelle, Job n’est jamais aussi convaincant et séduisant que quand, sur une même page, il réussit à mêler plusieurs registres, comme dans Les Épées de France (1894), superposant avec humour le familier et le sublime, le réalisme anecdotique et la poésie des paysages en arrière-plan. En coloriste raffiné, il lui suffit parfois d’une seule note un peu vive (la robe rouge de Richelieu se détachant sur une marine monochrome dans Les Mots historiques du pays de France ou encore les uniformes vifs des compagnons de Marlborough contrastant avec les tons pastel des frondaisons du cimetière, dans Les Héros comiques ) pour créer une atmosphère, donner vie au décor. Tous ses livres sont des produits superbement imprimés, et les techniques fines de reproduction de la couleur en chromotypographie utilisées par ses imprimeurs-éditeurs servent l’aquarelliste jusqu’à faire passer les détails des fonds très pâles aux dégradés subtils recouvrant la typographie. C’est cette minutie extrême apportée dans la fabrication qui rend aujourd’hui si décevantes les tentatives de réédition de certains titres — sans parler de l’incompréhension qui a présidé à celle de Bonaparte où le texte de Montorgueil a été remplacé par un texte différent, dans un souci de modernisation qui n’a pas tenu compte de l’accord harmonieux entre les mots et leur traduction graphique. Les livres de Job sont toujours recherchés de nos jours car, avec un bonheur rare, il a joué avec l’histoire en engageant pleinement sa plume, sa culture et son imagination.
1. job [ ʒɔb ] n. m.
• 1867; p.-ê. de jobe → jobard
♦ Loc. fam. Vieilli Monter le job à qqn, lui monter la tête, l'abuser. Se monter le job.
job 2. job [ dʒɔb ] n. m.
• répandu fin XIXe et surtout v. 1950; h. 1819 ; mot angl.
♦ Anglic. Fam. Travail rémunéré, qu'on ne considère généralement pas comme un véritable métier (cf. Un petit boulot). Étudiant qui cherche un job. — Tout travail, emploi rémunéré. ⇒ 2. boulot. Il a un bon job. Changer de job.
● job nom masculin (anglais job) Familier Emploi rémunéré de caractère souvent provisoire, ponctuel : Chercher un job pour les vacances. Tout travail rémunéré : Avoir un bon job.
Job
personnage de la Bible. Dieu l'ayant accablé de malheurs, il maudit le jour de sa naissance, puis accepta sa misère; sa soumission lui valut de retrouver la prospérité. Le Livre de Job (Ve s. av. J.-C.), livre de "sagesse", est un des plus beaux poèmes de la Bible.
— Prov. Pauvre comme Job: dénué de tout.
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Job
n. (Anglicisme) Fam.
rI./r n. m.
d1./d (Fém. au Québec) Emploi rémunéré. Chercher un job. (Québec) Avoir une bonne job.
d2./d Emploi occasionnel. Un job pour étudiants.
rII./r n. f. (Québec) Ouvrage, tâche.
— Travailler à la job, à forfait.
I.
⇒JOB1, subst. masc.
Arg., vieilli
— Monter le job à qqn. Monter la tête à quelqu'un, le tromper. Ils ont cru que je leur montais le job (LORRAIN ds Lar. Lang. fr.).
— Se monter, se chauffer le job. S'illusionner, se tromper. Tous les gens qui ont des maîtresses leur découvrent immédiatement un tas de qualités qu'elles n'ont pas, je suis peut-être devenu aussi nigaud qu'eux, et je me chauffe sans doute le job (HUYSMANS, En mén., 1881, p. 303). [Le directeur du théâtre :] (...) il ne faut pas nous monter le job (...). Trente représentations dans le ventre! C'est tout le bout du monde! (RICHEPIN, Braves gens, 1886, p. 219).
Prononc. : []. Étymol. et Hist. 1770 battre le job « simuler la niaiserie » (arg. poissard, s. réf. ds ESN.); 1836 battre job « id. » (VIDOCQ, Voleurs, t. 1, p. 23); 1867 monter le job (DELVAU, p. 264 : Job, s. m. Tromperie, mensonge. Monter un job. Monter un coup. Monter le job. Tromper, jouer une farce); 1878 se monter le job (LARCH., p. 212 : Se monter le job : S'en faire accroire (Rabasse)). De job(e) « niais, sot, nigaud » (dep. 1547 jobe, NOËL DU FAIL, Propos rustiques, éd. J. Assézat, t. 1, p. 55), tiré de Job, nom d'un personnage biblique célèbre par ses malheurs et les railleries qu'il dut subir de la part de ses amis. Pour monter le job, cf. les expr. se monter la tête, le bourrichon. Bbg. CHAUTARD (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 652. - GUIRAUD (P.). Mél. d'étymol. arg. Cah. Lexicol. 1970, t. 16, p. 64. - QUEM. DDL t. 18 (s.v. jobe).
II.
⇒JOB2, subst. masc.
Fam. Travail rémunéré, emploi. Chercher, trouver un job; changer de job; procurer un job à qqn; un petit job; un bon job; un job intéressant. Son job, c'était « secrétaire de direction » (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 102). Ce solide personnel des cadres qui lutte en serrant les dents pour garder son job (AYMÉ, Mouche, 1957, p. 259) :
• MARIE : Mais non, je ne parle pas des artistes! Je parle d'un vrai travail, d'un « job » bien rétribué dans une banque, une maison de publicité ou une compagnie d'assurances.
ANOUILH, Sauv., 1938, III, p. 223.
Rem. Le mot est fém. au Canada. Je vais me placer à Québec, comme la Lucienne (...). Elle a une job pour moi (GENEVOIX, Eva Charlebois, 1944, p. 15). — Pourquoi ce que tu t'es engagé, toi, Manuel? (...). T'avais une bonne job. T'étais dans un ouvrage propre. T'avais pas besoin de l'armée pour vivre (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 64).
Prononc. et Orth. : []. Au plur. des jobs. Étymol. et Hist. 1819 (J. T. PARISOT, Trad. Lady Morgan, Florence Macarthy, nouvelle irlandaise, I, 360 note ds QUEM. DDL t. 13 : Un bon job, dans la langue anglaise, veut dire une affaire lucrative, une bonne aubaine; en Irlande, le mot job s'applique principalement aux travaux entrepris, en apparence, dans un but d'utilité publique, mais en réalité pour faciliter quelque intérêt privé); 1831 (La Bourse de Londres, apud Metropolitain in R. britannique, ibid., t. 1 : On appelle job, une tâche désagréable ou de peu d'importance réelle); 1893 « emploi » (CLAUDEL, Échange, p. 672). Empr. à l'angl. d'orig. inc. job, attesté dep. le XVIe s. au sens de « tâche, partie spécifique d'un travail à accomplir » puis « affaire (en bonne ou mauvaise part) » et au XIXe s. « emploi rémunéré, situation » (cf. NED, NED Suppl.2 et Americanisms). Fréq. abs. littér. : 54.
1. job [ʒɔb] n. m.
ÉTYM. 1867; p.-ê. du moy. franç. jobe « niais » (→ Jobard); cf. battre le job « simuler la niaiserie », 1770 dans la langue poissarde.
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♦ ☑ Loc. fam. (vieilli). Monter le job à qqn, lui monter la tête, l'abuser. Pron. ☑ (1920). Se monter le job, (1881) se chauffer le job : se monter la tête, se faire des illusions.
0 C'est bien lui ! Parfaitement, c'est ce sale veau de simili pendu qui nous a monté le job avec son fameux trésor qu'il avait eu soin préalablement d'enlever et de remplacer par des cailloux.
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2. job [(d)ʒɔb] n. m.
ÉTYM. Attestation isolée, 1819, dans un contexte angl.; répandu fin XIXe (1893, Claudel) et surtout v. 1949; angl. job, proprt « besogne, travail de peu d'importance ».
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♦ Anglic., fam. Travail rémunéré, qu'on ne considère généralement pas comme un véritable métier. || Étudiant qui cherche un job. || Trouver un job, un bon job. — Travail, emploi rémunéré.
1 Il était arrivé à Londres vingt ans avant moi pour occuper un « job » chimiste (…)
Céline, Guignol's band, p. 31.
2 Plus le job est important, plus il faut justifier ses appointements.
Pierre Daninos, Un certain Monsieur Blot, p. 150.
3 Pas dingue, elle avait mis au point un turbin impeccable. Son job, c'était secrétaire de direction (…)
Albert Simonin, Touchez pas au grisbi, p. 102.
♦ C'est son job, c'est pas son job. ⇒ Boulot, métier.
4 Suivant le processus traditionnel, nous devions agir d'après des renseignements obtenus par un informateur. Personnellement, la voie publique, ce n'était pas mon job !
Martin Rolland, la Rouquine, p. 211.
REM. Le mot est féminin en français du Canada.
Encyclopédie Universelle. 2012.