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HYPOTHALAMUS
HYPOTHALAMUS

Malgré ses dimensions restreintes (quelques centimètres cubes chez l’homme), l’hypothalamus s’est peu à peu révélé comme le centre majeur des régulations homéostasiques. En tant que tel, il jouera donc un rôle fondamental dans tous les grands comportements des vertébrés, les plus rudimentaires comme les plus perfectionnés. Dire que l’hypothalamus régule la soif, la faim, l’activité sexuelle, la lactation, la température n’est énumérer qu’une partie de ses fonctions.

Avec la progression de nos connaissances, nous découvrons aussi la complexité de son fonctionnement, complexité qui paraît parfois défier l’analyse et qui implique une incessante remise en question des descriptions et des synthèses.

À l’aube de notre siècle, Babinski (1900) et Fröhlich (1901) décrivirent le syndrome qui porte leur nom et dans lequel se trouvent associés l’hypogénitalisme et l’obésité. Ils attirèrent l’attention sur une possible relation entre les troubles constatés et les lésions de l’hypophyse et de son point d’insertion. Un peu plus tard, Cushing, dans sa monographie The Pituitary Body , puis Bailey, Bremer, Camus, Roussy introduisirent la distinction entre le rôle de l’hypophyse et celui de la structure nerveuse à laquelle elle est attachée. Cependant, ce furent surtout les travaux de Ranson, à partir des années trente, qui séparèrent les fonctions de l’hypothalamus de celles de l’hypophyse, tandis que, depuis cette date, le développement de nos connaissances nous a plutôt ramenés à concevoir entre ces deux structures des liens de plus en plus étroits.

1. Localisation et structure générale

L’hypothalamus provient embryologiquement du plancher de la deuxième vésicule cérébrale, le diencéphale. Il est divisé en deux moitiés symétriques par l’étroite cavité du troisième ventricule et séparé de l’extrémité inférieure de la paroi latérale du diencéphale par le sillon hypothalamique ventral.

Sa limite caudale peut être définie par un plan transversal tangent au bord frontal du chiasma optique (fig. 1). Sa limite ventrale se confond avec celle du diencéphale, mais sa configuration varie notablement avec les espèces de mammifères en raison de l’orientation de la tige hypophysaire.

Cette face ventrale porte trois repères principaux: le chiasma optique, la tige hypophysaire et les corps mamillaires. Il s’y ajoute divers petits renflements permettant aux anatomistes de diviser celle-ci en diverses régions utiles surtout pour repérer l’emplacement des amas neuronaux individualisables dans l’épaisseur de la paroi. Ces amas peuvent être très denses, et constituent alors les noyaux hypothalamiques proprement dits, ou avoir une structure plus lâche et sont alors dénommés aires hypothalamiques. Le tableau ci-dessus fournit les principaux éléments.

On doit enfin ajouter, en raison de leurs liens étroits avec les structures hypothalamiques proprement dites, des structures non nerveuses: les organes vasculaires périventriculaires formés de pelotons capillaires très denses dont les parois sont beaucoup plus perméables aux substances dissoutes que l’ensemble des capillaires cérébraux et dont les deux principaux sont l’organe sous-fornical et l’organe vasculaire de la lame terminale.

2. Principales connexions

Elles sont variées et complexes, ce qui rend difficile leur systématisation. À la fois afférentes et efférentes, elles gagnent ou quittent les noyaux et aires hypothalamiques par de nombreux petits tractus ou faisceaux le plus souvent diffus et constitués essentiellement de fibres nerveuses amyéliniques ou myélinisées fines. Les progrès récents de la neurohistologie, en particulier les techniques historadiographiques et d’histofluorescence ou de marquage intracellulaire, ont notablement étendu leur distribution.

La majorité des connexions empruntant des faisceaux bien identifiables réunissent l’hypothalamus aux structures avoisinantes, essentiellement rhinencéphaliques, diencéphaliques et mésencéphaliques et à un moindre degré bulbo-pontiques et contiennent à la fois des fibres afférentes et efférentes.

On peut ainsi distinguer (fig. 2):

– le faisceau médian du télencéphale (F.M.T.) qui assure une bonne part des relations de l’hypothalamus avec certaines structures rhinencéphaliques (septum et structures olfactives en particulier);

– le fornix ou trigone provenant de l’hippocampe et qui, par ses deux composants précommissural et rétrocommissural, relie cette importante formation à de nombreux noyaux hypothalamiques;

– la strie terminale, qui, partant de l’amygdale rhinencéphalique située à la pointe du lobe temporal, rejoint l’hypothalamus par un trajet compliqué longeant la concavité du noyau caudé.

Après ces trois grands faisceaux, d’autres moins importants méritent d’être signalés: l’anse pédonculaire, provenant de l’amygdale et du cortex olfactif; la strie médullaire, petit faisceau allant de certains noyaux hypothalamiques antérieurs aux noyaux habénulaires, seule structure nerveuse de quelque importance du toit du diencéphale; et, enfin, le faisceau de Vicq d’Azyr, qui réunit les corps mamillaires aux noyaux antérieurs du thalamus.

Nous indiquerons enfin que les relations de l’hypothalamus avec les structures plus caudales du tronc cérébral se font à la fois de façon diffuse et par divers petits faisceaux tels le pédoncule mamillaire ou la bandelette longitudinale postérieure (faisceau de Schütz).

De cette description complexe, on retiendra pour l’essentiel que l’hypothalamus est relié de façon privilégiée aux autres structures centrales qui sont impliquées dans le contrôle et la réalisation des comportements fondamentaux, et qu’il reçoit aussi des informations sensorielles jouant un rôle important dans ces comportements, par exemple celles provenant des centres olfactifs, des noyaux de relais gustatifs, des organes de la sensibilité profonde et dans une moindre mesure des voies visuelles.

À cet ensemble de connexions dont la plupart ont été décrites depuis nombre d’années s’est superposée plus récemment, grâce à l’emploi des techniques d’histochimie, d’histofluorescence, d’immuno-histochimie, la description de ce que l’on pourrait appeler les voies chimiques de l’hypothalamus. Celle-ci repose sur la caractérisation, au sein des fibres nerveuses et de leurs terminaisons, de divers médiateurs synaptiques ou de produits de neurosécrétion.

On a pu ainsi montrer que parviennent à l’hypothalamus des voies renfermant des monoamines (adrénaline et noradrénaline, dopamine, sérotonine), de l’acide gamma-aminobutyrique, de l’acétylcholine.

À toutes ces connexions dites extrinsèques, on doit naturellement ajouter des connexions dites intrinsèques qui relient les structures hypothalamiques entre elles ainsi qu’au lobe neural de l’hypophyse et qui, outre les différents neuromédiateurs que nous venons de citer, renferment des neuropeptides variés produits par les neurones hypothalamiques neurosécréteurs et dont l’importance fonctionnelle apparaît aujourd’hui extrême.

3. Éléments neurosécréteurs et neurosécrétion

C’est Scharrer, en 1933, qui introduisit la notion de neurosécrétion en montrant que certains neurones de l’hypothalamus des poissons paraissaient sécréter des gouttelettes d’une substance inconnue dont Bergman un peu plus tard allait faciliter la caractérisation par l’emploi d’une coloration histologique spéciale dite de Gomori. À l’époque, cette observation souleva des discussions passionnées car les neurones apparaissaient alors voués à ne produire que des phénomènes électriques. Leur donner un rôle sécrétoire les rapprochant d’une cellule glandulaire bouleversait des données bien établies. Il fallut attendre la démonstration définitive de la production de neuromédiateurs variés par les terminaisons nerveuses et la découverte du transport intra-axonique pour banaliser l’idée de neurosécrétion.

Les éléments neurosécréteurs hypothalamiques

Les corps cellulaires de très nombreux neurones hypothalamiques produisent de très petites sphérules de substances chimiques variées appartenant toutes au groupe des neuropeptides. Celles-ci, transportées par le flux axonique, s’engagent dans la fibre nerveuse, se condensant en gouttelettes plus grosses et parviennent jusqu’aux ramifications terminales où elles s’accumulent pour être finalement excrétées, pénétrer à travers la paroi des capillaires environnants et se trouver ainsi déversées dans le sang qui y circule. Ces phénomènes complexes impliquent d’ailleurs toute une série de processus de synthèse, de destruction, de libération et de recapture.

Les éléments neurosécréteurs de l’hypothalamus sont organisés en deux systèmes principaux, dits magnocellulaire et parvocellulaire. Le premier est localisé dans les noyaux paraventriculaire et supra-optique et les fibres qui en sont originaires gagnent le lobe postérieur de l’hypophyse par le faisceau supra-optico-hypophysaire empruntant la tige pinéale.

Le second système a une répartition beaucoup plus diffuse; cependant, un grand nombre de ses neurones est concentré dans le noyau arqué. Les axones qui en sont issus se terminent après un court trajet dans la région (éminence médiane) entourant la naissance de la tige hypophysaire et leurs produits de sécrétion sont déversés dans un réseau capillaire spécial (système porte-hypophysaire, fig. 3) qui finalement en assure le transport et la répartition dans le lobe antérieur de l’hypophyse.

Les produits de neurosécrétion

Les produits du contingent magnocellulaire sont deux hormones: la vasopressine ou hormone antidiurétique et l’ocytocine dont le rôle important dans la contraction de l’utérus gravide et dans la sécrétion lactée.

Ceux du contingent parvocellulaire sont beaucoup plus nombreux et variés, contrôlant l’ensemble des sécrétions du lobe antérieur de l’hypophyse (les stimulines hypophysaires) dans le sens d’une libération (releasing factors ) ou d’une inhibition (inhibitory-releasing factors ).

Durant les années quatre-vingt, nos connaissances sur ces substances se sont développées de façon explosive grâce en particulier aux travaux de Schally et de Guillemin.

Ont été principalement identifiés six releasing factors (thyréolibérine, gonadolibérine, somatolibérine, corticolibérine, prolactolibérine et mélanolibérine) et trois inhibiteurs (somatostatine, prolactostatine et mélanostatine). Tous sont des peptides de complexité variable et certains sont assez simples dans leur structure pour que leur composition en soit exactement établie et leur synthèse effectuée. C’est le cas pour la thyréolibérine (ou T.R.H.), la gonadolibérine et la mélanostatine.

Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de jeu complexe d’interactions et de «biofeedbacks» entre les «releasing factors», leurs inhibiteurs, la sécrétion des stimulines hypophysaires et les sécrétions endocrines qu’elles provoquent. Nous insisterons seulement sur deux points: d’une part ces neuropeptides sont retrouvés dans d’autres régions du système nerveux central, ce qui a amené à les considérer comme des neuromédiateurs éventuels ou plus vraisemblablement comme des neuromodulateurs ; d’autre part, leur production apparaît contrôlée par diverses voies nerveuses afférentes en particulier catécholaminergiques.

Autres sécrétions peptidergiques de l’hypothalamus

Il est maintenant établi que l’hypothalamus renferme des éléments neurosécréteurs produisant des peptides autres que les releasing factors ou leurs inhibiteurs. Sans entrer dans le détail, car le rôle exact de ces nouveaux neuropeptides est encore largement discuté, nous indiquerons que diverses méthodes nouvelles (en particulier immunohistochimiques) ont démontré l’existence de métenképhaline et de leukenképhaline ainsi que d’endorphines, peptides dont la découverte a par ailleurs renouvelé nos conceptions sur les mécanismes de la douleur. On y ajoutera d’autres neuropeptides à fonction plus incertaine, telles que la neurotensine, la substance «p» et surtout l’angiotensine II dont nous verrons plus loin le rôle particulier.

4. L’intervention de l’hypothalamus dans les grands comportements

Comme nous l’avons dit dans l’introduction, les structures hypothalamiques interviennent au niveau de tous les grands comportements liés à l’homéostasie comme à la conservation de l’espèce (faim, soif, comportement sexuel); en outre, comme l’ont montré de nombreux travaux, elles jouent aussi un rôle essentiel dans la régulation thermique, la lactation, diverses réactions cardio-vasculaires associées au comportement d’agression, d’alarme, de défense, au contrôle du sommeil, etc. Il n’est pas possible, dans les limites qui nous sont imparties, de donner une vue exhaustive de toutes ces fonctions et nous nous limiterons à celles pour lesquelles les données sont les plus sûres et les plus nombreuses et qui ont suscité les travaux récents les plus significatifs, c’est-à-dire les contrôles hypothalamiques de la faim, de la soif, du comportement sexuel et de la température interne.

Contrôle hypothalamique de la faim

Le rôle fondamental de l’hypothalamus dans le contrôle du comportement de faim s’est imposé aux psychophysiologistes à la suite de travaux d’Hetherington et Ranson dès 1940. Ceux-ci démontraient en effet que la destruction du noyau ventro-médian chez le rat produisait une hyperphagie et une obésité, tandis que, vingt ans plus tard, Anand et Brobeck découvraient qu’une lésion importante de l’aire hypothalamique latérale entraînait à l’inverse une aphagie (mais aussi une adipsie). Inversement, une stimulation de ces deux structures amenait soit la satiété soit une surconsommation alimentaire (et hydrique). Ces résultats autorisaient Stellar en 1954 à proposer une «théorie hypothalamique» de l’appétit et de la faim, dont l’influence devait être considérable et qui n’a été remise en question que depuis peu d’années.

À ce jour, l’hypothalamus n’apparaît certes pas détrôné de son rôle de centre intégrateur dans le comportement alimentaire, recevant et traitant de nombreux signaux d’origine périphérique puis organisant la réponse comportementale appropriée. En revanche, les idées sont beaucoup moins précises et les anciennes certitudes controversées quant aux structures impliquées et aux systèmes récepteurs sensibles aux messages périphériques.

Une importante objection a tout d’abord été élevée quant au rôle exact du noyau ventro-médian et des aires hypothalamiques latérales. Il a été tout d’abord montré, en effet, qu’en raison des techniques employées, les destructions débordaient assez largement les amas cellulaires, empiétant en particulier sur les nombreux systèmes de fibres de voisinage ou transversant les structures intéressées.

Le second coup porté à la théorie hypothalamique de la faim a résidé dans la mise en question de la localisation et même de l’existence des «glucorécepteurs» dont les travaux de J. Mayer postulaient la présence dans le noyau ventro-médian pour expliquer la satiété. De l’hyperphagie résultant de l’usage d’un toxique, l’auro-thioglucose, qui aurait électivement détruit les glucorécepteurs, Mayer avait en effet déduit que les variations de la glycémie liées au jeûne ou à la prise alimentaire entraînaient une modification de l’activité des glucorécepteurs, elle-même génératrice essentielle, sinon exclusive, des activités comportementales déclenchées par la faim ou la satiété. Là encore, l’affinement des techniques allait retirer beaucoup de valeur à cette interprétation en montrant la grande toxicité de l’auro-thioglucose sur la circulation cérébrale et l’ensemble des neurones cérébraux, sans qu’il y ait discrimination ou préférence pour d’éventuels glucorécepteurs.

Compte tenu de ces nombreuses critiques, on peut admettre à ce jour que l’hypothalamus est certainement concerné par des entrées sensorielles nombreuses liées à la faim et parmi lesquelles le taux de la glycémie n’est ni forcément le plus important ni celui auquel des récepteurs spéciaux sont dévolus. Des signaux thermostatiques, gustatifs, odorants, chimiques (taux de la lipémie, présence de certains acide aminés ou hormones digestives), mécaniques (contact des aliments, distension stomacale), indiquant le niveau des réserves énergétiques, sont certainement ou très probablement reçus par l’hypothalamus et font de cette structure un lieu essentiel de convergence et d’intégration. En revanche, son intervention dans le déclenchement de la réponse comportementale appropriée (éveil, mise en mouvement de l’animal) est certainement moins directe, plus complexe, et de nombreuses données à son propos font encore défaut.

Contrôle de l’hypothalamus sur les régulations osmotiques et hydrominérales et sur le comportement de soif

Sans entrer dans le détail des mécanismes extrêmement complexes qui président au maintien d’une composition saline stable des compartiments liquidiens extracellulaires et intracellulaires, ainsi que de leurs échanges, nous rappellerons cependant qu’une des nécessités les plus critiques de l’homéostasie réside dans la conservation de l’iso-osmolarité entre ces deux compartiments. Tout déficit ou excès en eau ou en solutés auxquels les membranes cellulaires ne sont pas perméables entraînent très rapidement, s’ils ne sont immédiatement compensés, des altérations irréversibles du métabolisme cellulaire. En protéger l’intégrité est donc une obligation primordiale de l’organisme, et cela implique un contrôle rigoureux des pertes et gains d’eau et de chlorure de sodium.

Une autre nécessité homéostatique, pour une part liée à la précédente mais aussi découlant de certaines situations d’urgence (hémorragie en particulier) est celle du maintien du volume sanguin, autrement dit volémie. Une variation de quelque importance de celle-ci amène aussitôt des modifications de la pression artérielle et du travail cardiaque qui doivent être rapidement compensées sous peine de troubles graves.

Ces différentes et impérieuses contraintes rendent évidemment compte de la finalité du comportement de soif dit de «soif primaire» qui est de fournir aussi rapidement que possible à l’animal la quantité d’eau nécessaire pour rétablir l’équilibre perturbé, et cela par le biais de sensations spécifiques.

Cependant, dans la situation la plus habituelle de la vie, lorsqu’un animal – ou nous-mêmes – a de l’eau à discrétion, ce système d’urgence de la soif primaire n’intervient qu’exceptionnellement. La plupart des espèces de mammifères et l’homme en particulier boivent lorsqu’ils s’alimentent, même si leur homéostasie n’est pas menacée, et cette désaltération, répondant à ce que l’on nomme la «soif secondaire», sera largement dépendante de certaines sensations pharyngées, de rythmes circadiens autonomes, éventuellement d’habitudes sociales et certainement liée à une anticipation des besoins.

Un ensemble impressionnant de résultats s’étendant sur maintenant plus de trente années révèle, dans les divers aspects du contrôle de la soif primaire en particulier, le rôle fondamental de l’hypothalamus et cela à plusieurs niveaux, rôle que la description du «diabète insipide» (augmentation considérable de l’excrétion d’une urine très peu concentrée compensée par une absorption d’eau très supérieure à la normale), syndrome consécutif à la lésion du plancher de l’hypothalamus, avait fait suspecter dès les années trente.

Une preuve expérimentale spectaculaire de l’intervention de l’hypothalamus dans la soif produite par hyperosmolarité allait être fournie par les travaux de Verney puis d’Andersson. Le premier de ces auteurs montrait en effet que, chez le chien, l’injection intracarotidienne d’une petite quantité d’une solution hypertonique de saccharose, de fructose et surtout de chlorure de sodium, toutes substances ne traversant pas les membranes cellulaires, diminuait fortement la diurèse par augmentation de la sécrétion d’hormone antidiurétique et, parallèlement, déclenchait la désaltération de l’animal. Ces résultats amenaient Verney à affirmer la présence, dans l’hypothalamus antérieur et la région préoptique, d’«osmorécepteurs». Ces données trouvaient presque aussitôt une confirmation dans les travaux d’Andersson montrant que, chez la chèvre, l’injection dans l’aire préoptico-hypothalamique antérieure d’une solution hyperosmotique de NaCl produisait, après une latence inférieure à dix minutes, une hyperdipsie considérable et non discriminative.

Les résultats expérimentaux ultérieurs ont naturellement compliqué et affiné ces données, en particulier en ce qui concerne la localisation et la nature exacte de ces osmorécepteurs. Cependant, à ce jour, la déshydratation cellulaire continue à être considérée comme un stimulus tout spécialement efficace dans le déclenchement de la soif primaire, et cela suivant un schéma du type de celui de la figure 4.

Le second apport expérimental essentiel devait être fourni par les travaux d’Anand, Teitelbaum et Epstein. Ces auteurs allaient en effet montrer que des lésions de l’aire hypothalamique latérale produisaient chez le rat une adipsie majeure (compliquée d’aphagie, comme indiqué plus haut), pouvant entraîner la mort par déshydratation si elle n’était pas rapidement et artificiellement compensée. Inversement, la stimulation de cette même région augmentait la consommation hydrique même si l’équilibre hydrique de l’animal n’était pas menacé. Ces constatations spectaculaires amenaient à considérer l’aire hypothalamique latérale comme un véritable «centre de la soif» sur lequel convergeaient toutes les informations amenant l’animal à boire ou à suspendre sa consommation hydrique. D’autres données introduisaient en outre la notion que cette dernière était déclenchée par des voies cholinergiques et son arrêt par des voies adrénergiques.

En fait, l’intervention de l’aire hypothalamique latérale dans le comportement de soif est toujours considérée comme essentielle mais de nombreux travaux expérimentaux en ont cependant atténué l’importance en faisant ressortir le rôle de diverses structures extra-hypothalamiques environnantes, en particulier rhinencéphaliques ou striaires (septum, globus pallidus, complexe amygdalien, etc.).

Un dernier aspect du rôle de l’hypothalamus dans le contrôle de la soif déclenchée cette fois par l’hypovolémie a récemment amené une abondante moisson de données nouvelles dont les plus importantes sont dues à Fitzsimmons. Rappelons-en les principaux éléments: l’hypovolémie et la baisse de la pression artérielle qui en résulte stimulent des barorécepteurs vasculaires amenant les reins à sécréter une enzyme protéolytique, la rénine. Celle-ci, agissant sur un substrat précurseur, le transformera en un décapeptide, l’angiotensine I, rapidement convertie en un octapeptide actif, l’angiotensine II, au puissant pouvoir vasoconstricteur et hypertenseur, mais qui possède également de nombreux autres effets tels que la réduction du débit sanguin rénal et de la diurèse, la baisse de l’excrétion urinaire de sodium, le développement d’une appétence sélective pour le sel, la sécrétion d’aldostérone, d’hormone antidiurétique et le déclenchement du comportement de soif, tous ces mécanismes concourant au maintien du volume sanguin et à la stabilité de la natriémie (fig. 4).

L’action directe de l’angiotensine II sur le comportement de soif a d’ailleurs été mise en évidence par injection de ce produit dans le troisième ventricule et surtout dans la région préoptique, injection qui amène très rapidement l’animal à boire en abondance même en l’absence de tout besoin homéostatique réel. L’action de l’angiotensine II paraît s’exercer directement sur les organes circum-ventriculaires et plus spécialement l’organe sous-fornical et l’organe vasculaire de la lame terminale. Ce peptide, comme Nicolaïdis l’a proposé, produirait une vasoconstriction du système artériolaire de ces organes. Les changements de diamètre en résultant stimuleraient des mécanorécepteurs contenus dans leurs parois et les informations qui en seraient issues, conduites par des voies nerveuses courtes actuellement indéterminées, déclencheraient le comportement de soif, probablement par l’intermédiaire de l’aire hypothalamique latérale.

Contrôle hypothalamique du comportement sexuel

Dans toutes les espèces animales, l’espèce humaine exceptée, la motivation sexuelle est le reflet direct des influences hormonales. Cette influence est plus directement perceptible chez les femelles car leur réceptivité au mâle et leurs aptitudes à la fécondation sont en rapport direct et étroit avec des variations cycliques du taux d’hormones sexuelles présentes dans l’organisme. À l’inverse, chez le mâle, où ces modifications cycliques sont absentes, la motivation demeure pratiquement stable à partir de la puberté.

Dans la mesure où la production des hormones sexuelles mâles et femelles est sous la dépendance directe des stimulines hypophysaires, celles-ci étant, comme nous l’avons dit plus haut, contrôlées par les releasing factors, l’influence des structures hypothalamiques sur le comportement sexuel apparaît comme une nécessité logique et tout un ensemble de faits expérimentaux l’ont clairement fait apparaître. Ainsi, dans le courant des années quarante et cinquante, grâce en particulier aux travaux de Sawyer, il était clairement établi qu’au moins deux régions de l’hypothalamus influençaient le comportement sexuel. La destruction de la première, située juste en arrière du noyau ventro-médian, entraînait rapidement chez la femelle de nombreuses espèces de mammifères l’apparition d’un anoestrus total et, chez elle comme chez le mâle, la disparition de toute motivation sexuelle ainsi qu’une involution des glandes et organes liés à la reproduction. Cependant, l’injection des hormones sexuelles convenables pouvait pallier au moins temporairement les effets observés.

La destruction de la seconde région, à situation plus rostrale puisqu’elle est localisée au niveau des aires préoptiques et hypothalamiques antérieures, produisait également dans de nombreuses espèces (chat, cobaye, rat...) une disparition de l’oestrus comme de tout comportement et motivation sexuels mais, de plus, ces effets ne pouvaient être contrebalancés par des injections hormonales.

De nombreuses vérifications ultérieures ainsi que des effets de stimulations localisées, il devait finalement ressortir que l’hypothalamus médiobasal contrôlait la sécrétion tonique des gonatrophines hypophysaires, tandis que les aires hypothalamiques antérieures fournissaient le signal pour la production cyclique de la progestérone. À ces données sont venues s’ajouter de nombreuses constatations renforçant la conception du rôle intégrateur de l’hypothalamus et montrant clairement l’arrivée à celui-ci d’informations provenant de la sphère génitale mais surtout apportant la preuve que diverses régions de l’hypothalamus, et plus spécialement celles du noyau arqué et du noyau ventro-médian, étaient sensibles à l’injection de stéroïdes sexuels tels l’œstradiol, la progestérone ou la testostérone. En fonction du lieu et du moment de leur administration, ces substances pouvaient d’ailleurs produire des effets tantôt facilitateurs tantôt inhibiteurs sur les différentes composantes du comportement sexuel des animaux normaux comme de ceux ayant subi une castration ou une ovariectomie. À ces effets spectaculaires s’ajouteraient également, semble-t-il, des actions indirectes sur d’autres comportements et en particulier sur l’agressivité.

5. Régulation métabolique

Hypothalamus et lactation

On rapprochera de ce rôle fondamental de l’hypothalamus dans le comportement sexuel son intervention dans la lactation. De nombreux travaux, sur lesquels nous ne pouvons nous étendre ici, ont en effet montré l’intervention hypothalamique à la fois dans la sécrétion de la prolactine, hormone du lobe antérieur, et de l’ocytocine, hormone du lobe postérieur. Nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer l’existence du releasing factor de la prolactine et de son inhibiteur dont la production est sous le contrôle direct des éléments parvocellulaires de l’éminence médiane. De même, diverses recherches expérimentales ont montré que la stimulation du noyau supra-optique ou la lésion du faisceau supra-optico-hypophysaire amenaient des effets d’éjection lactée par les glandes mammaires même après dénervation de celles-ci, ou, inversement, d’interruption de la lactation et la reprise de celle-ci après administration compensatoire d’ocytocine.

On sait également que la stimulation mécanique des mamelles réalisée en particulier par la succion des mamelons entraîne par des voies mal connues l’arrivée d’informations au niveau hypothalamique qui, combinées et intégrées avec d’autres stimuli (olfactifs, voire visuels), sont susceptibles d’entraîner la sécrétion en quantité variable de ces deux hormones hypophysaires avec pour conséquence des variations parallèles de la sécrétion lactée.

Hypothalamus et thermorégulation

Le maintien d’une température interne très sensiblement constante dans les organismes homéothermes, en présence de variations importantes de la température extérieure, exige un système de régulation particulièrement complexe où interviennent entre autres des mécanismes vasomoteurs, des modifications de la thermogenèse d’origine métabolique, des réactions motrices (frissons), des sécrétions glandulaires (sudation) et, bien entendu, des réactions comportementales complexes visant à faire rechercher à l’animal ou à l’homme une aire de «confort thermique» (déplacement pour se mettre à l’ombre, par exemple), à modifier son comportement alimentaire ou sa consommation hydrique pour régler sa thermogenèse et son équilibre osmotique.

Ces réactions complexes dont le déclenchement et l’importance dépendent d’un flot d’informations issues des thermorécepteurs cutanés ou plus profondément situés (parois veineuses, mésentères, etc.), voire siégeant dans le système nerveux central (la moelle épinière, peut-être le mésencéphale) et aboutissant finalement pour une large part à l’hypothalamus. Celui-ci aurait donc à organiser les réponses métaboliques, vasculaires et comportementales appropriées. Ce rôle essentiel serait d’ailleurs renforcé par la présence au sein de cette structure de neurones spécialisés, sensibles aux variations de la température du courant sanguin local, comme l’ont montré en particulier les expériences d’Andersson qui, en réchauffant ou en refroidissant localement la région préoptico-hypothalamique antérieure, a obtenu le déclenchement des régulations appropriées, l’environnement thermique de l’animal n’ayant pas entraîné de modification de la température centrale. Ces données fondamentales ont été renforcées par la démonstration, à l’aide des techniques microélectrophysiologiques, de l’existence de neurones hypothalamiques situés dans la région préoptique, qui modifient fortement leur activité lors de variations de la température locale, pouvant même, et de façon paradoxale, accroître leur émission d’influx lors d’un refroidissement.

Parallèlement, l’injection dans la même région hypothalamique de bacilles ou de toxines pyrogènes provoque le déplacement vers le haut de la température habituelle de régulation et déclenche les réactions appropriées – en particulier musculaires (frissons) – apparaissant lorsque la température centrale tend à descendre au-dessous de son point normal de régulation, tous résultats qui font bien ressortir l’importance de l’hypothalamus en tant que centre d’intégration et de régulation des principales fonctions contribuant à l’homéostasie comme à la mise en œuvre des comportements fondamentaux.

hypothalamus [ ipɔtalamys ] n. m.
• 1933; on disait région sous-thalamique (1929); de hypo- et thalamus
Anat. Région du diencéphale située sous le thalamus, siège de centres supérieurs du système neurovégétatif et qui joue un rôle capital dans les équilibres vitaux (régulateur thermique, hydrique, comportement alimentaire, etc.).

hypothalamus nom masculin Région du cerveau constituant la partie antérieure et inférieure du diencéphale, et contrôlant le système nerveux végétatif et une partie du système hormonal.

hypothalamus
n. m. ANAT Région du diencéphale située sous le thalamus et au-dessus de l'hypophyse. L'hypothalamus joue un rôle fondamental dans les mécanismes du sommeil, l'activité sympathique (métabolisme de l'eau, des glucides et des lipides) et la thermorégulation.

⇒HYPOTHALAMUS, subst. masc.
ANAT. Région du diencéphale, centre principal du système neuro-végétatif jouant un rôle important dans de nombreuses régulations et dans le sommeil. C'est au niveau de l'hypothalamus que s'effectuent les connexions neuro-endocriniennes centrales (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 646).
Prononc. : [ipotalamus], [--]. Étymol. et Hist. 1933 (Annales de Méd., t. XXIII, n° 3, p. 301). Composé de l'élém. hypo- et de thalamus, déjà en anglais en 1896, v. NED Suppl.2
DÉR. Hypothalamique, adj. Qui se rapporte à l'hypothalamus. Le professeur Benoit a pu constater « la pénétration (...) des rayons visibles de grandes longueurs d'ondes (...) dans la profondeur de la tête (...) jusqu'à la région hypothalamique du cerveau » (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 270). Syndrome hypothalamique. Syndrome lié à un dysfonctionnement des centres hypothalamiques. (Ds ROB. Suppl. 1970; Méd. Flamm. 1975). [ipotalamik], [--]. 1re attest. 1953 connexions cortico-hypothalamiques (DELAY, Psychol. méd., 202); de hypothalamus, suff. -ique.

hypothalamus [ipɔtalamys] n. m.
ÉTYM. 1933, in T. L. F.; on disait « région sous-thalamique » (1929); de hypo-, et thalamus; cf. angl. hypothalamus, 1896.
Anat. Région du diencéphale située sous le thalamus, siège de centres supérieurs du système neuro-végétatif.
DÉR. Hypothalamique.

Encyclopédie Universelle. 2012.