ANOREXIE
Étymologiquement, le terme «anorexie» signifie «absence d’appétit », mais on entend en réalité par là le comportement qui consiste à se restreindre en fait de nourriture. C’est un symptôme banal résultant de causes somatiques ou psychologiques extrêmement diverses. On entend par «anorexie mentale» des restrictions alimentaires d’origine psychologique, qui ne sont pas imputables à des troubles psychiatriques évidents et peuvent prendre des aspects relativement divers, mais dont deux formes sont typiques: celle du deuxième semestre de la vie, pour les deux sexes, et celle de l’adolescence féminine, qui sera seule envisagée ici, car elle est la forme exemplaire de l’anorexie et c’est elle qui pose les problèmes les plus difficiles.
Des facteurs neuro-endocriniens aux causes psychologiques
Généralement défini par l’association, d’une part, d’une perte de poids de plus de 10 p. 100 du fait d’une conduite de restriction alimentaire, d’autre part, d’une aménorrhée de plus de six mois, le syndrome de l’anorexie mentale des adolescentes est maintenant très connu dans sa spécificité et sa gravité. Mais il a eu, et a toujours, tendance à disparaître par dissolution dans un ensemble symptomatique ou par assimilation à d’autres conduites: crise d’opposition, ascétisme religieux, grève de la faim. Il semble être de plus en plus fréquent, sauf dans la population noire (même américaine) et dans le Tiers Monde, où il est exceptionnel. Avant ses premières descriptions cliniques (Lasègue et Gull, 1873), le cas des jeunes filles anorectiques n’était pas distingué des cas d’amaigrissement dus à des maladies physiques connues (tuberculose) ou encore inconnues. Par la suite, comme certaines formes d’amaigrissement étaient rattachées à la pathologie de l’hypophyse (Simmonds, 1914), il en est allé de même pour les anorexies mentales. L’hypophyse ne présentant pas d’anomalie primaire, on a incriminé l’hypothalamus, c’est-à-dire la structure immédiatement supérieure dans la hiérarchie des fonctions cérébrales.
Il est incontestable que, dans l’anorexie mentale, un dysfonctionnement de l’hypothalamus a des effets sur l’hypophyse et donc sur les régulations endocriniennes. Cela explique l’arrêt des règles et, surtout dans les formes prépubertaires, l’arrêt de la croissance ainsi qu’un certain nombre de troubles légers, par exemple dans la régulation thermique. Les aspects neuro-endocriniens du syndrome sont maintenant aisément repérés par des examens biologiques. Ils sont dus à l’amaigrissement, mais en partie seulement, car ils peuvent précéder celui-ci, et ils ne sont pas entièrement identiques à ceux que l’on observe dans les amaigrissements ayant une autre origine; de plus leur évolution n’est pas toujours directement liée à celle du poids.
Les caractéristiques du syndrome
Depuis quelques dizaines d’années, le caractère secondaire des aspects neuro-endocriniens de l’anorexie étant très généralement reconnu, l’on s’est efforcé de prendre en considération les facteurs psychologiques. Le syndrome, dès lors, s’est trouvé réduit à un simple symptôme, tel que la perte d’appétit qui se rencontre dans la dépression au sens strict et dans les maladies les plus diverses, ou la restriction alimentaire consécutive à des troubles psychopathologiques classiques (comme dans les conversions hystériques, la phobie d’avaler ou la peur liée aux délires d’empoisonnement). L’anorexie mentale peut, d’ailleurs, être associée à d’autres troubles dans des formes hybrides, notamment dans les cas prépubertaires, lorsqu’il s’agit de l’adulte ou dans les rares cas masculins. On en vient encore à dissoudre le syndrome en l’assimilant aux comportements devenus très banals de limitation quantitative et qualitative des aliments ingérés du fait de la valorisation sociale de la minceur – envisagée comme critère de beauté, d’élégance et de distinction – , de la hantise de l’obésité, qui est très fréquente dans les sociétés d’abondance, ou encore de l’adhésion à des croyances diététiques d’inspiration hygiéniste ou mystique (végétarisme et restrictions alimentaires que la logique extrémiste de certaines sectes peut pousser très loin).
La grande fréquence des soucis de régime chez les adolescentes contemporaines (une sur deux environ) pourrait favoriser l’apparition du syndrome d’anorexie mentale (évalué actuellement à un cas pour 250 filles de 13 à 20 ans, dans les milieux blancs et aisés, aux États-Unis), mais surtout en faciliter la méconnaissance, du fait de l’apparente banalité des signes, et en retarder le diagnostic et le traitement. Or, l’anorexie répond à un tableau clinique tout à fait caractéristique , même si tel ou tel aspect tend à prévaloir. La forme typique est celle d’une adolescente qui inquiète ses parents par un amaigrissement souvent considérable, accompagné d’une aménorrhée qui a pu survenir avant même celui-ci, les examens médicaux ne trouvant aucune cause objectivable de ces anomalies.
Les parents décrivent le régime alimentaire aberrant auquel se soumet leur fille, qui est persuadée, de manière déréelle, qu’elle est trop grosse ou qui affirme qu’elle n’a pas faim. Ayant parfois entendu parler d’anorexie mentale, voire du risque mortel que cela représente, ils se sentent, dans tous les cas, gravement mis en question par le comportement incompréhensible de leur fille, comportement qui contraste avec sa soumission antérieure et qui constitue, pour eux, une sorte de défi qu’elle refuse d’expliquer. Elle affiche un mépris indulgent vis-à-vis des parents, qui ne comprennent pas qu’elle se soit donné un projet qui la détourne des satisfactions corporelles, au profit d’un idéal intellectuel et moral allant de pair avec le désir d’obtenir une minceur qu’elle ne trouve jamais suffisante.
Bien souvent, les parents, comme la jeune fille, tentent d’incriminer tel ou tel événement désigné comme facteur favorisant, sinon causal (mauvaise influence, déception, séparation, etc.), ou encore ils s’efforcent de banaliser cette attitude, la rapprochant de celle de beaucoup de jeunes filles actuelles soucieuses de régime; ils peuvent aussi imputer ce comportement à la crise d’adolescence, ce qui justifie, de leur part, une tolérance qui ne va pas sans une inquiétude cachée.
Quels que soient les discours de l’adolescente et de sa famille, le comportement alimentaire est toujours finalisé par le désir qu’a la jeune fille de maigrir, lié à sa hantise d’être trop grosse , même quand sa maigreur est impressionnante; elle a le sentiment d’un corps bourré, encombré (d’où le recours aux laxatifs et aux vomissements) et la perception de son corps et de ses besoins se trouve altérée. L’absence d’inquiétude au sujet de l’amaigrissement est alors typique. De plus, cette conduite alimentaire anormale tend à prendre une importance considérable dans la vie de la jeune fille, comme dans celle de ses parents. Diverses mesures sont tentées et, de ce fait, les positions psychologiques des uns et des autres s’ordonnent autour de ce problème, ce qui fait disparaître, en les polarisant, les conflits antérieurs entre les personnes et à l’intérieur de chacune d’elles. Étant donné l’absence de carence protidique prédominante, l’amaigrissement est relativement bien supporté et permet, pendant très longtemps, la poursuite d’une activité souvent excessive: par exemple, le désir de réussir à un examen ou à un concours absorbe toute l’énergie de l’adolescente et pousse à différer les mesures thérapeutiques.
Une investigation plus approfondie permet de conclure à l’absence d’anorexie dans le premier âge et à un développement normal et sans histoire sur le plan psychologique: l’absence de conflit est justement tout à fait caractéristique. En revanche, au cours de la puberté, parallèlement à l’apparition, souvent très progressive, de la restriction alimentaire, se sont manifestées des perturbations psychologiques, relativement banales pour l’adolescence: changement dans le caractère, irritabilité, humeur dépressive, tendance au retrait, à l’isolement, refuge dans le travail incessant. Sauf dans les cas où l’anorexie mentale de l’adolescente est en rapport étroit avec des modes de relation, des systèmes de communication ou une structuration familiale pathologiques, les positions de défi, de provocation, d’arrogance sont rarement soutenues.
L’intensité du désir qu’a la jeune fille de se montrer forte, indépendante, logique, rationnelle recouvre une impossibilité constante à se laisser aller , à se reposer, à se détendre, à admettre l’existence en elle d’éléments irrationnels et surtout instinctuels, à accepter son corps et les besoins de son corps.
Tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la sexualité génitale ou à la grossesse est ignoré ou suscite la répulsion. Les rêves sont oubliés; les rêveries sont pauvres ou stéréotypées, centrées sur l’idéal ascétique que le sujet se donne ou sur l’alimentation. Les relations sociales tendent à se réduire, même si elles se multiplient apparemment: avec une avidité qui évoque la boulimie, l’adolescente souhaite toujours davantage de relations et d’activités, mais elle s’arrange aussi pour n’y être pas trop impliquée, pour être à la fois dedans et dehors, pour n’être ni exclue ni «absorbée». Ainsi se révèle la fragilité de ses sentiments d’identité, d’autonomie et de valeur propre.
Un autre aspect de son désarroi est son incapacité d’être seule et sa peur de se trouver poussée de manière incoercible à manger. La restriction alimentaire, en effet, peut induire, et en tout cas renforcer, les images mentales de nature alimentaire. La persistance des intérêts culinaires, le désir de faire manger les autres, l’intérêt pour les professions touchant à l’alimentation, à la nutrition, au fonctionnement du corps sont typiques. Dans la période où commence l’anorexie et surtout au cours de son évolution, les épisodes boulimiques sont fréquents (de plus en plus, semble-t-il), honteusement cachés, annulés par les vomissements. Cette avidité se manifestant aussi dans beaucoup d’autres dimensions et particulièrement sur le plan affectif. La revendication d’autonomie et de toute-puissance qui s’exprime dans l’expérience exaltante de pouvoir maigrir et donc de déterminer soi-même son aspect physique est en fait une tentative pour nier les désirs boulimiques. Ces derniers sont souvent profondément régressifs et ils sont imputés au corps, dont il faut triompher, qui est vécu comme un objet extérieur et comme menaçant. Les sensations corporelles sont persécutrices et la lutte contre celles-ci tend à absorber toute l’énergie du sujet , ainsi engagé dans un cercle vicieux qui peut ne plus lui laisser de répit.
La thérapeutique
Compte tenu de ces différents aspects de la psychologie de l’anorectique, il faut que soient abandonnées les défenses rigides qu’avait antérieurement établies ou entretenues le système des interactions familiales, avec une intensité variable selon les cas.
Beaucoup d’attitudes de l’adolescente, qui sont considérées comme manipulatrices vis-à-vis de l’entourage, constituent en fait autant d’appels qui se trouvent déniés en tant que tels. L’exhibition de l’apparence corporelle est un appel à l’aide, voire une mise en accusation, que le discours vient annuler. C’est pourquoi la séparation d’avec les parents – à la faveur d’une hospitalisation, par exemple – facilite la remise en cause du système des interactions, ce à quoi ne pourra pas toujours permettre d’aboutir un abord psychothérapique individuel ou même le recours aux thérapies familiales. Il est très important de reconnaître l’existence du désarroi sous-jacent à la sémiologie manifeste du comportement, car le recours aux conduites agies constitue, en lui-même, une défense contre ce désarroi. Cela explique que de nombreuses adolescentes acceptent l’hospitalisation beaucoup plus facilement qu’on ne pourrait le craindre. Cette expérience nouvelle – caractérisée par la prise en charge, par la régression et, surtout, par la séparation d’avec le milieu familial habituel – peut faciliter l’accès ultérieur à la psychothérapie.
La gravité de l’anorexie est très variable d’un cas à un autre et elle n’est pas directement liée au degré d’amaigrissement. L’important est d’évaluer les risques de son évolution: plus le rapport est étroit avec la crise de l’adolescence, meilleur est le pronostic. Ainsi en est-il des formes survenant dès la puberté et particulièrement chez les filles uniques. Beaucoup de ces formes mineures, n’étant pas vues par les psychiatres, échappent à l’hospitalisation et ne sont donc pas prises en compte par les statistiques. L’un des risques majeurs de la maladie est que, alors qu’elle dure habituellement de deux à quatre ans, elle ne se prolonge en s’installant en quelque sorte dans une alternance d’anorexie et de boulimie et dans des préoccupations alimentaires et corporelles qui envahissent la vie du sujet à la manière d’une toxicomanie. Mais cela peut évoluer aussi en des troubles du caractère où persiste une exigence de restriction, en particulier sur le plan affectif et sexuel, même si l’existence est très réussie sur le plan professionnel, ou dans le sens, mais pour une minorité de cas, d’une pathologie dépressive, névrotique ou psychotique. La mort peut survenir dans certaines formes, très rares, lorsque le traitement a été beaucoup trop tardif.
Puisque le syndrome de l’anorexie mentale revêt des aspects variés, divers spécialistes s’en tiennent à l’envisager du point de vue des méthodes dont ils disposent et formulent en conséquence leur pronostic. Ainsi, alors qu’on s’accorde généralement pour reconnaître dans l’anorexie une affection mentale, le pronostic ne prend souvent en considération que la reprise pondérale et la disparition de l’aménorrhée. Ce but, qui ne saurait être négligé, ne peut suffire, car la reprise pondérale risque de n’être que provisoire et de se faire de façon dommageable pour l’évolution psychologique de l’adolescente, qui doit être le but essentiel du traitement. Des hospitalisations successives avec réalimentation forcée n’entraînent pas nécessairement une évolution psychologique favorable. La psychothérapie d’inspiration psychanalytique est le meilleur traitement, mais elle est difficile et doit souvent être subordonnée à des traitements préalables. Par ailleurs, elle ne saurait être dans tous les cas absolument suffisante: il convient de recourir parfois à des thérapeutiques d’appoint (chimiothérapie, relaxation, etc.) et de ne pas prendre prétexte du traitement analytique pour différer l’hospitalisation dès que la cachexie atteint un certain degré. Comme l’anorexie mentale a la propriété remarquable de déclencher chez les parents comme chez les soignants une angoisse et des contre-attitudes agressives , la tentation est grande, de la part de ceux-ci, de relever le défi et de prendre une position d’autorité, en prescrivant une hospitalisation et en forçant le sujet à reprendre du poids, jusqu’à un poids idéal imposé. L’approche psychologique tient pour préférable qu’un contrat puisse être établi librement avec la patiente et que ce contrat soit respecté. De plus, les parents, en proie au désarroi et à la culpabilité, doivent être aidés d’une façon ou d’une autre par leur médecin, par un psychiatre, par leur participation à un groupe de parents et, dans certains cas, par une thérapie familiale.
anorexie [ anɔrɛksi ] n. f.
• 1584; gr. anorexia
♦ Méd. Perte ou diminution de l'appétit. ⇒ inappétence. Anorexie mentale : refus de s'alimenter lié à un état mental particulier.
⊗ CONTR. Boulimie.
● anorexie nom féminin (grec anoreksia, de oreksis, désir) Diminution ou arrêt de l'alimentation, par perte d'appétit ou refus de se nourrir. ● anorexie (expressions) nom féminin (grec anoreksia, de oreksis, désir) Anorexie mentale, affection psychiatrique touchant surtout le nourrisson et l'adolescente, caractérisée par un refus plus ou moins systématique de s'alimenter.
anorexie
n. f. MED Absence d'appétit, perte de l'appétit.
|| Anorexie mentale: syndrome d'origine psychologique qui se voit en particulier chez le nourrisson et la jeune fille, caractérisé par le refus de s'alimenter.
⇒ANOREXIE, subst. fém.
MÉD. Diminution sensible pouvant aller jusqu'à la perte totale de l'appétit avec absence de la sensation de faim, généralement d'origine psychosomatique et symptôme de maladies graves (tuberculose, gastrite alcoolique, cancer, etc.). Anton. boulimie :
• 1. Le tableau des instincts déréglés est généralement très large. Pour la nutrition : voracité, tachyphagie et boulimie, ou au contraire, anorexie et refus de nourriture ...
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 726.
— P. ext. Manifestation du refus de vivre (cf. aussi infra anorexie mentale) :
• 2. L'aphonie ne représente pas seulement un refus de parler, l'anorexie un refus de vivre, elles sont ce refus d'autrui ou ce refus de l'avenir arrachés à la nature transitive des « phénomènes intérieurs », généralisés, consommés, devenus situation de fait.
MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, 1945, p. 191.
• 3. J'ai fait connaissance d'un mot qui désigne un état dont je souffre depuis quelques mois; un très beau mot : anorexie. Il signifie absence d'appétit (« qu'il ne faut point confondre avec dégoût », dit LITTRÉ). Ce terme n'est guère employé que par les docteurs; n'importe : j'en ai besoin. Que je souffre d'anorexie, c'est trop dire : le pire c'est que je n'en souffre presque pas; mais mon inappétence physique et intellectuelle est devenue telle que parfois je ne sais plus bien ce qui me maintient encore en vie sinon l'habitude de vivre.
GIDE, Ainsi soit-il, 1951, p. 1164.
— Spéc., psychopathol. Anorexie mentale. Maladie qui s'observe surtout chez les jeunes filles adolescentes de 15 à 25 ans, qui a généralement pour cause profonde un conflit avec le milieu familial, en particulier avec la mère et dont les principaux symptômes sont ,,l'anorexie, l'amaigrissement, l'aménorrhée et un état mental particulier.`` (POROT 1960) :
• 4. Les auteurs contemporains décrivent, sous le nom d'anorexie mentale, une maladie caractérisée par ce fait que l'accélération du rouleau vital (...) fait, en trois mois, d'une jeune fille ou d'un jeune homme, un vieillard ridé et flétri.
L. DAUDET, Le Monde des images, 1919, p. 83.
SYNT. Anorexie hystérique (décrite par Lasègne en 1873) ainsi nommée par référence aux études sur l'hystérie à la fin du XIXe siècle (cf. anorexie mentale; d'apr. MOOR 1966 et Méd. Biol. t. 1 1970); anorexie intentionnelle (cf. anorexie mentale; d'apr. MOOR 1966 et ibid.); anorexie élective, fausse, névrotique, sympathique (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970).
Rem. Médicament anorexigène ou Anorexigène [Le plus souvent dans le cadre d'un régime amaigrissant] Médicament provoquant une réduction de l'appétit (d'apr. ibid.).
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1584 (DU BARTAS, 2e semaine, 1er jour, les Furies ds HUG. : Le Boulime tantost, tantost l'Anorexie, Or' la canine faim, or' la Bradypepsie ... Se parque dans le creux du ventre plus petit).
Empr. au lat. médiév. anorexia « défaut d'appétit » (VIIe s., AESCULAPIUS, 21, p. 28, 27 ds Mittellat. W. s.v., 684, 5), lui-même empr. au gr. « id. » (ARETÉE, 101, 33 ds BAILLY), de - privatif, et « désir (de nourriture) ».
STAT. — Fréq. abs. littér. :14.
BBG. — BASTIN 1970. — BERTR.-LAPIE 1970. — BOUILLET 1859. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GARNIER-DEL. 1961 [1958]. — GOBLOT 1920. — LAFON 1969. — Lar. Méd. 1970. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARCH. 1970. — Méd. 1966. — Méd. Biol. t. 1 1970. — MUCCH. Psychol. 1969. — NYSTEN 1824. — PIÉRON 1963. — POMM. 1969. — POROT 1960. — PRIVAT-FOC. 1870. — Psychol. 1969. — QUILLET Méd. 1965. — SILL. 1965. — TIMM. 1892.
anorexie [anɔʀɛksi] n. f.
ÉTYM. 1584 (→ cit. 1); lat. médiéval anorexia, grec anorexia, de an- (→ 2. A-), et orexis « désir ».
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♦ Méd. Perte ou diminution de l'appétit. ⇒ Inappétence.
1 La Boulime (boulimie) tantôt, tantôt l'Anorexie (…)
Se parque dans le creux du ventre plus petit (…)
2 J'ai fait connaissance d'un mot qui désigne un état dont je souffre depuis quelques mois; un très beau mot : anorexie. De αν, privatif, et ορέγομαι, désirer. Il signifie absence d'appétit (…) Ce terme n'est guère employé que par les docteurs; n'importe : j'en ai besoin. Que je souffre d'anorexie, c'est trop dire : le pire c'est que je n'en souffre presque pas; mais mon inappétence physique et intellectuelle est devenue telle que parfois je ne sais plus bien ce qui me maintient encore en vie sinon l'habitude de vivre.
Gide, Ainsi soit-il, in Souvenirs, Pl., p. 1164.
3 (…) une sorte d'anorexie qui le mettrait dans l'impossibilité d'assimiler, non la nourriture (il mangea, me dit-il, quoiqu'il eût été incapable de dire au moment même où il déglutissait quelle sorte d'aliments c'était ni quel goût ils avaient), mais le monde extérieur devenu quelque chose d'informe (…)
Claude Simon, le Vent, p. 177.
♦ Psychiatrie. || Anorexie mentale (Huchard, 1883; d'abord anorexie hystérique, 1873, Lasègue) : syndrome associant l'anorexie, l'amaigrissement, et un état mental particulier (distinct du refus d'aliments). → Morphogramme, cit. || L'anorexie mentale est plutôt une « lutte contre la faim » (M. Selvini) qu'une inappétence. || Anorexie mentale pure (ou essentielle). — Anorexie de la jeune fille, un peu après la puberté. || Anorexie du nourrisson.
4 (…) dans d'autres cas, la dépression, le dégoût de la vie, au lieu de prendre la forme aiguë et anxieuse de la mélancolie, s'établit sous la forme d'une sorte de dégoût, de tristesse lente (…) ou encore se polarise sur l'alimentation. C'est le cas de ces jeunes filles, atteintes de cette affection étudiée notamment par Lasègue et désignée sous le nom d'« anorexie mentale », qui diminuent progressivement leur nourriture dans une sorte de spiritualisation excessive de toutes leurs aspirations (…)
Henri Baruk, Psychoses et Névroses, p. 31.
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CONTR. Cynorexie.
DÉR. Anorectique, anorexigène, anorexique.
Encyclopédie Universelle. 2012.