ANABAPTISME
Le vocable «anabaptisme» désigne, étymologiquement, les pratiques et les doctrines des groupes chrétiens qui préconisent un second baptême. L’anabaptisme lui-même prétend seulement que le baptême doit être accordé aux adultes qui le demandent, aucun enfant ne pouvant faire cette démarche. Dans sa perspective, il n’existe donc qu’un baptême; dans celle des Églises pédo-baptistes, il y a, par contre, re-baptême lorsqu’un adulte est baptisé après avoir reçu ce sacrement comme enfant. Historiquement, on désigne sous le terme d’anabaptisme des mouvements radicaux du XVIe siècle soit militants, soit pacifiques, caractérisés par une ecclésiologie volontariste.
Le spiritualisme de Thomas Müntzer
L’historiographie traditionnelle, suivant, consciemment ou non, les points de vue polémiques de Luther, considère Thomas Müntzer (1489 env.-1525), comme le premier des anabaptistes. En fait, il semble bien qu’il n’ait jamais pratiqué le baptême des adultes, mais seulement attaqué celui des enfants. Prêtre catholique, puis ministre luthérien, Müntzer avait acquis une connaissance approfondie de la mystique allemande médiévale. À cette influence s’ajoute celle d’un groupe millénariste et spiritualiste, «les Inspirés de Zwickau», puis celle des hussites tchèques. Pour lui, le vrai baptême consistait en une expérience intérieure de genre ascétique. Il était également persuadé de la proximité immédiate du Royaume de Dieu. Il fallait en activer la venue par les moyens violents et le recours au peuple en armes, puisque princes et prêtres se refusaient à la vraie Réforme.
Müntzer, spiritualiste militant plutôt qu’anabaptiste, anima une société secrète, la «ligue d’Allstedt» ou «ligue des élus». En 1524, il entra en conflit avec l’autorité princière de la Saxe et, en 1525, après avoir été mêlé à des désordres sociaux et politiques à Mühlhausen (Thuringe), il se joignit à la révolte des paysans allemands et rédigea peut-être leur Manifeste. Il fut fait prisonnier à Frankenhausen, où s’effondra la révolte paysanne, et décapité le 27 mai 1525.
Le millénarisme de Melchior Hofmann
Le Souabe Melchior Hofmann (1495-1543), millénariste convaincu, n’en était pas moins anabaptiste au sens strict du terme. Fourreur de son métier, autodidacte en religion, il s’était imprégné de la mystique allemande médiévale autant que de la Bible. Séduit par les idées de Luther, il les amalgama à ses propres spéculations eschatologiques. Il prêcha son message, de son propre chef, sur les bords de la Baltique, en Scandinavie, puis dans la vallée du Rhin et en Hollande. D’abord favorablement accueilli par les autorités civiles et religieuses, il finit par être repoussé partout, à cause de ses idées eschatologiques et de sa prétention à être un personnage messianique, annonciateur du millénium. En 1530, rencontrant à Strasbourg des anabaptistes pacifiques, il reçut d’eux le baptême sur profession de foi.
Désormais, il ne cessa de prêcher son interprétation de l’Évangile. Il insistait sur la nécessité de la conversion et l’attente passive de la parousie (ou retour du Christ). Le baptême était, pour lui, le sceau des élus en vue du millénium. Ce dernier fut fixé par Hofmann à plusieurs dates différentes. Strasbourg était le lieu où le Christ devait venir se fixer pour gouverner son royaume. Le prophète mourut en prison dans cette ville, sans avoir vu se réaliser les événements de la fin. Il avait rassemblé un très grand nombre de fidèles dans la vallée du Rhin, et surtout en Hollande.
Le «royaume de Dieu à Münster»
L’affaire dite du «Royaume de Dieu à Münster» (Westphalie) se rattache aux conséquences de la prédication d’Hofmann, d’une part, et aux circonstances socio-religieuses propres à l’introduction de la Réforme dans cette ville, d’autre part. Bernard Rothmann, le prêtre catholique responsable du passage de la cité au luthéranisme (1532), se convertit en effet bientôt (1533-1534) à l’anabaptisme hofmannien. Dès mars 1534, la ville se trouva sous l’influence à peu près complète des anabaptistes, dont beaucoup étaient venus d’autres régions d’Allemagne et de Hollande. Jean Matthijs, chef du mouvement hollandais, s’éloignant des préceptes de Hofmann, parlait désormais de détruire les impies par les armes, et voyait en Münster la future Jérusalem céleste. Il organisa la ville – d’ailleurs assiégée par les troupes du prince-évêque – sur les bases d’une totale communauté des biens. Mais il devait périr le 4 avril 1534, dans une escarmouche, sous les murs de la cité. Il fut remplacé par Jean de Leyde, autre Hollandais. Celui-ci s’empara de l’ensemble des leviers de commande et, se donnant le titre de «Roi de justice», établit une véritable théocratie fondée sur une lecture de l’Ancien Testament qui ramenait jusqu’à la polygamie dans ses filets. Toute l’affaire se termina dans le sang et les ruines, lorsque, en juin 1535, les troupes de l’évêque purent reprendre la ville. Jean de Leyde fut brûlé. Quelques rescapés de l’aventure munstérienne finirent par se joindre à des formes «pacifiques» ou parfois «spiritualistes» de l’anabaptisme.
L’anabaptisme pacifique
L’anabaptisme pacifique est le seul des mouvements anabaptistes du XVIe siècle à avoir une descendance aujourd’hui, dans les assemblées dites mennonites. Cette branche de la Réforme radicale naquit à Zurich en 1525, d’un schisme entre Zwingli, réformateur du canton, et certains de ses disciples. Avec les hommes et les mouvements précédents, on avait affaire, sur le terrain protestant, à des résurgences de mysticisme et de christianisme médiéval plus ou moins intégrés à des problématiques luthériennes; ici, par contre, on se trouve en face de la première dissidence protestante portant à leurs conséquences radicales les principes des réformateurs. Les influences médiévales n’en sont pas, pour autant, exclues complètement. L’originalité de l’anabaptisme pacifique tient à la façon dont il restitue le modèle de l’Église qu’il tire du Nouveau Testament. L’Église étant pour lui la communauté locale visible des convertis, n’y sont admises, sur profession de leur foi, que les personnes qui ont décidé de répondre avec fidélité à la prédication de l’Évangile. L’État n’a rien à faire avec ces assemblées, qui lui refusent le droit à toute intervention dans le domaine religieux. Vis-à-vis du monde, l’anabaptisme pacifique prend ses distances par la non-mondanité. Celle-ci consiste dans le refus du serment, de la guerre, de la participation à la vie politique, etc. et dans la simplicité de vie. Pacifique autant qu’il était possible, l’anabaptisme zurichois n’en fut pas moins sévèrement persécuté. Il passait pour révolutionnaire parce qu’il se soustrayait à la juridiction de l’État en matière religieuse. Son histoire postérieure se confond avec celle du mouvement mennonite.
Signification sociologique de l’anabaptisme
L’anabaptisme, sous toutes ses formes, est un mouvement des territoires impériaux de l’Europe. Par là, il se rattache aux espoirs mis par les germanophones et les Néerlandais dans l’empereur d’Allemagne pour effectuer la réforme de l’Église. Mais, cet espoir une fois déçu, les partisans d’un renouveau chrétien se tournent vers les masses populaires défavorisées (anabaptismes militants et anabaptisme hofmannien) ou vers les humanistes (anabaptisme pacifique zurichois). Cette dichotomie du recrutement et de l’inspiration ne permet pas de voir dans le phénomène anabaptiste total une révolte uniquement plébéienne ni même un simple reflet de la situation économique. Il doit être rattaché à l’ensemble des efforts des sociétés allemande et hollandaise du XVIe siècle pour se réintégrer dans le domaine religieux comme dans celui de la politique, de l’économie et de la culture.
anabaptiste [ anabatist ] n. et adj.
• 1525; du gr. ecclés. anabaptizein « baptiser à nouveau »
♦ Adhérent à l'un des mouvements religieux issus de la Réforme qui n'admettent pas le baptême des enfants et procèdent à un second baptême de leurs adeptes à l'âge de raison. ⇒ mennonite. — Adj. Doctrine anabaptiste (ANABAPTISME n. m. , 1564 ).
● anabaptisme nom masculin (grec ecclésiastique anabaptismos, nouveau baptême) Doctrine et pratique des anabaptistes.
anabaptisme
n. m. Mouvement protestant qui dénie toute valeur au baptême des enfants et réserve ce sacrement aux adultes. L'anabaptisme est apparu en Allemagne au XVIe siècle.
⇒ANABAPTISME, subst. masc.
RELIG. Doctrine des anabaptistes :
• La femme est la faiblesse même. — Suivre la femme élevée par le Platonisme et en mourant, dépérissant, allant à l'extrême, à l'idéalité exagérée, puis atteignant l'idée pure à l'aide du Christianisme (Julien) — puis la femme (du temps de Mélanchton) élevée par le Christianisme modifié perd la tête et va à l'extrême jusqu'à l'anabaptisme et à la folie du désespoir.
A. DE VIGNY, Le Journal d'un poète, 1837, p. 1073.
Prononc. :[anabatism]. FÉR. 1768 fait la rem. suiv. : ,,Le p doit s'écrire mais on ne le prononce pas`` (cf. aussi FÉR. Crit. t. 1 1787). Cf. aussi FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 353 : ,,p est muet dans anabaptisme, anabaptiste, baptême, baptiser (et re-), baptismal, (fonts) baptismaux, baptistaire, baptistère, baptistin (-ine), rebaptisants, septain, septième (-ement), Baptiste (-in, -ine), etc. Il en est de même pour les anciens mots septaine, septan, septier (auj. setier)``. FOUCHÉ précise également que : ,,La prononciation régulière de cheptel est []. Cependant [que] sous l'influence de l'orthographe, on prononce ordinairement []``.
Étymol. ET HIST. — 1564 (Jean CRESPIN, Recueil des troubles advenus en France, 526, Delb. ds QUEM. t. 1 1959 : L'anabaptisme est autre doctrine réprouvée).
Empr. du gr. chrét. « nouveau baptême » attesté chez S. BASILE LE GRAND, 4, 732, éd. Migne ds BAILLY.
STAT. — Fréq. abs. litt. :2.
BBG. — BÉL. 1957. — BOISS.8. — FÉR. 1768. — LAV. Diffic. 1846.
anabaptisme [anabatism] n. m.
ÉTYM. 1564; de anabaptiste.
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♦ Hist. des relig. Doctrine des anabaptistes.
Encyclopédie Universelle. 2012.