truchement [ tryʃmɑ̃ ] n. m.
• XIVe; drugement XIIe; ar. tourdjouman → drogman
1 ♦ Vx Interprète (2o). « dès ce moment je lui servis de truchement » (Rousseau).
♢ (mil. XVe) Littér. Personne qui parle à la place d'une autre, exprime sa pensée. ⇒ porte-parole, représentant. « il a été le fils aimé de l'Église, son truchement, celui qu'Elle chargeait d'exprimer ses pensées » (Huysmans).
2 ♦ (XVIe ) Ce qui exprime, fait comprendre les pensées, les sentiments. ⇒ interprète(fig.). La musique « fut le truchement de leurs idées » (Balzac).
♢ Cour. Par le truchement de qqch., qqn, par l'intermédiaire de.
● truchement nom masculin (arabe turdjumān, interprète) Fait de servir d'intermédiaire entre deux ou plusieurs interlocuteurs : Recourir au truchement d'un agent secret. ● truchement (expressions) nom masculin (arabe turdjumān, interprète) Par le truchement de, par l'intermédiaire de.
truchement
n. m. Litt. Personne qui explique les intentions d'une autre, lui sert d'intermédiaire.
|| Cour. Par le truchement de: par l'intermédiaire de.
⇒TRUCHEMENT, subst. masc.
Littéraire
A. — 1. Interprète traducteur qui sert d'intermédiaire entre deux personnes ne sachant pas la langue l'une de l'autre. Synon. vx drogman. Comme ils [les reîtres] ne savaient pas un mot de français, et que le fils Macabre leur servait de truchement, il eût été bien inutile de vouloir parlementer (SAND, Beaux MM. Bois-Doré, t. 1, 1857, p. 139). On aimerait bien de savoir qui a conduit le peintre [Hals] au philosophe [Descartes] (...) J'ignore d'ailleurs si les deux hommes pouvaient s'entendre l'un l'autre sans truchement (VALÉRY, Variété II, 1929, p. 34).
2. Personne qui parle à la place d'une autre, qui exprime sa pensée, lui servant d'intermédiaire, de porte-parole. Le ministre chrétien, dit encore saint Jérôme, est le truchement entre Dieu et l'homme (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 67). [Mme Desbordes-Valmore] n'introduisit jamais un tiers, un homme, comme truchement entre Dieu et elle (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 12, 1869, p. 166).
B. — 1. Ce qui fait comprendre, permet de traduire la pensée, les sentiments. Ainsi a procédé Raphaël, dit le vieillard en ôtant son bonnet de velours noir pour exprimer le respect que lui inspirait le roi de l'art (...) La Forme est, dans ses figures, ce qu'elle est chez nous, un truchement pour se communiquer des idées, des sensations, une vaste poësie (BALZAC, Chef d'œuvre, 1831, p. 10).
2. Fait de servir d'intermédiaire, de communiquer quelque chose ne se traduisant pas nécessairement par la parole. Avoir recours au truchement de qqn. (Dict. XXe s.).
— Loc. Par le truchement de qqn/de qqc. Par l'intermédiaire, l'entremise de quelqu'un; au moyen de quelque chose. Le cierge est donc la figure du Christ; dès lors, on l'apporte à la Vierge médiatrice pour qu'elle (...) intercède pour nous; et cette intervention, elle peut également avoir lieu par le truchement moins valeureux des saints (HUYSMANS, Foules Lourdes, 1906, p. 37). La valeur initiatique reconnue à la danse n'est pas une valeur initiale, mais la valeur du mystère royal non plus ne s'est pas affirmée dès l'origine par le truchement symbolique et prestigieux de la danse (CUISINIER, Danse sacrée, 1951, p. 76).
Rem. D'apr. HANSE Nouv. 1987 si le sens premier de « interprète », de « personne qui sert d'intermédiaire » a vieilli et que le mot s'emploie surtout dans par le truchement de, « par l'intermédiaire de », il faut cependant éviter de dire: par le truchement d'un interprète, car une certaine conscience subsiste du sens premier.
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694: trucheman ,,Plusieurs escrivent Truchement``; 1718, 1740: -ment; 1762: -man; 1798-1878: -man, -ment (id. ds LITTRÉ); 1935: -ment (id. ds Lar. Lang. fr., ROB. 1985). -man conforme à l'étymol., -ment par confusion avec le suff. -ment. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIe s. drugement « interprète » (Prise Orange, éd. C. Régnier, 422); fin XIVe s. trucheman (Chron. de Flandre ds DELB. ds DG: puis revint ses truchemans); 2. mil. XVe s. truchement « personne qui parle à la place d'une autre, porte-parole, représentant » (CHARLES D'ORLÉANS, Rondel, 163, 11 ds Poésies, éd. P. Champion, t. 2, p. 384: ung truchement lui fault querir); 3. 1557 « ce qui exprime, fait comprendre, connaître » (G. DU PUIHERBAULT, De pénitence..., 17b ds Fonds BARBIER: il n'est point de meilleur truchement des loix que la coustume); 1580 (MONTAIGNE, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, II, 18, p. 667: la parolle [...] c'est le truchement de nostre ame); 4. 1893 loc. par le truchement de (BLONDEL, Action, p. 221). Empr. à l'ar. « interprète, traducteur », dér. de « traduire » (cf. drogman, targum). Fréq. abs. littér.:78. Bbg. GOUGENHEIM (G.). À propos de truchement. Fr. mod. 1939, t. 7, pp. 53-54.
truchement [tʀyʃmɑ̃] n. m.
ÉTYM. Fin XIVe, trucheman; XIIe, drugement; arabe tŭrdjŭmān. → Drogman.
➪ tableau Mots français d'origine arabe.
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♦ Littéraire ou didactique.
1 Interprète.
1 J'entendais presque tout ce qu'il disait, et j'étais le seul; il ne pouvait s'énoncer que par signes avec l'hôte et les gens du pays. Je lui dis quelques mots en italien qu'il entendit parfaitement : il se leva, et vint m'embrasser avec transport. La liaison fut bientôt faite, et dès ce moment je lui servis de truchement.
Rousseau, les Confessions, IV.
2 Personne qui parle à la place d'une autre, qui exprime sa pensée et lui sert d'interprète, d'intermédiaire. ⇒ Porte-parole, représentant (→ Sophistiqué, cit. 1). || Servir de truchement à qqn; être son truchement auprès de qqn.
2 (…) il a été le fils aimé de l'Église, son truchement, celui qu'Elle chargeait d'exprimer ses pensées, de les exposer dans des livres, sur des porches de cathédrales, dans des retables, aux masses.
Huysmans, l'Oblat, XII.
2.1 Le douanier italien ne parle que l'italien, mais le douanier français parle les deux langues, plus le jargon du pays, et c'est ce douanier (qui s'appelle, m'a dit Bernier, Michel) qui nous a servi de truchement général.
G. Leroux, le Parfum de la dame en noir, p. 142.
3 (XVIe, de Brach, in Littré). Choses. Ce qui exprime, fait connaître, comprendre les pensées, les sentiments. ⇒ Interprète (fig.). || Les « muets truchements » : les yeux (Corneille).
3 Adorables regards (…)
Doux truchements du cœur, qui déjà tant de fois
M'avez si bien appris ce que n'osait la voix,
Nous n'avons plus besoin de votre confidence (…)
Corneille, Mélite, V, 4.
4 (…) la parole (…) c'est le truchement du cœur, c'est l'image de l'âme.
Molière, le Mariage forcé, 4.
5 La musique, le plus sensuel des arts pour les âmes amoureuses, fut le truchement de leurs idées (…)
Balzac, l'Enfant maudit, Pl., t. IX, p. 735.
4 (XXe). Fait de servir d'intermédiaire, d'interprète. ⇒ Entremise, intermédiaire. || Avoir recours au truchement de qqn, de qqch. (→ Indigène, cit. 6). || Par le truchement de qqn, de qqch. ⇒ Moyen.
6 Dans le français d'aujourd'hui l'emploi figuré de truchement (…) s'est bien effacé. Truchement a pu se réfugier dans des langues spéciales (…) Surtout il est en pleine vitalité dans la locution par le truchement de… On ne saurait dire que cet emploi (…) soit d'une langue excellente, mais il s'est étonnamment développé dans la langue des journaux, où il apparaît sans doute comme un substitut élégant de par l'intermédiaire de.
Encyclopédie Universelle. 2012.