ESPERANTO
ESPERA
Parallèlement aux milliers de langues naturelles déjà existantes, il y a eu, au cours de l’histoire, de nombreuses tentatives de création de langues artificielles, et cela depuis fort longtemps, notamment au XVIIe siècle. Les plus célèbres sont le volapük, créé en 1879, et l’esperanto, qui reste actuellement le seul exemple réussi de langue construite. Son créateur est le Polonais L. L. Zamenhof (1859-1917) qui publie à vingt-huit ans son premier essai, Langue internationale , sous le pseudonyme de Dr Esperanto (celui qui espère).
Il est certain qu’à l’origine de son projet se place l’expérience particulièrement douloureuse d’une enfance passée dans un ghetto situé à un carrefour d’ethnies où l’on parle une dizaine de langues: «Ma judaïcité a été la cause principale pour laquelle, dès la plus tendre enfance, je me suis voué à une idée et à un rêve essentiel, au rêve d’unir l’humanité.» C’est donc l’expérience vécue de la division déchirante entre les hommes plus qu’un projet abstrait et purement intellectuel qui conduit Zamenhof à construire une langue permettant de surmonter les obstacles que constituent les langues naturelles dans leur diversité. L’esprit du travail de Zamenhof est profondément humaniste. Animé d’une foi inébranlable dans le «bon génie de l’humanité», Zamenhof veut, à travers la création d’une langue internationale que chacun apprendrait comme seconde langue après sa langue maternelle, permettre la réunion de tous les hommes, effacer le châtiment de Babel. Idéal mystique qui donnera à Zamenhof la force de persévérer, malgré la censure tsariste, et de réunir, en 1904, quelque cent quatre-vingts espérantistes au premier congrès tenu à Calais (il en réunira six cent soixante-huit l’année suivante). Idéal démocratique aussi, contre le privilège des classes riches qui s’approprient l’usage complexe des idiomes naturels. Le projet de Zamenhof est total: il jette en 1906 les fondements d’une religion universelle, le hillélisme, respectueuse des particularités religieuses, linguistiques, nationales de chacun mais les réunissant dans un amour de l’humanité tout entière, enfin réconciliée dans la tolérance et la fraternité.
Le Fundamento de esperanto de 1905 présente peu de différences avec le manuel de 1887. L’esperanto repose sur seize règles fondamentales: il n’y a qu’un seul article défini, invariable, la ; le substantif a pour finale o ; l’adjectif a pour finale a et ne varie pas en genre; le substantif et l’adjectif ont leur pluriel en j (tago , «jour», plur. tagoj ). L’accusatif, qui s’indique par un n final, est la marque du complément d’objet direct ou du lieu où l’on se rend. Le comparatif de supériorité se construit pli...ol (plus...que), le superlatif se construit plej...el (le/la/les plus... des). Les pronoms personnels sont mi , vi , li (il), si (elle), gi (il ou elle, pour les noms d’animaux ou de choses). Les verbes ne changent ni pour les personnes ni pour les nombres; différentes marques indiquent les temps et les modes. Les adverbes dérivés se terminent en -e: bone , «bien». Toutes les prépositions sont suivies du nominatif. Chaque mot se prononce comme il est écrit; l’accent tonique tombe sur la pénultième syllabe. Les mots composés s’obtiennent par réunion des mots les composant, le principal étant mis à la fin: terpomo , «pomme de terre». Il n’y a qu’une seule négation par phrase négative. Chaque préposition présente un sens précis. Les mots étrangers passent en esperanto en prenant l’orthographe et la flexion de la langue internationale. Il ne peut être question de donner, ici, autre chose qu’un aperçu très sommaire de l’esperanto, et il n’est pas possible de décrire sa syntaxe, sa morphologie. Une académie est chargée de surveiller le respect des règles et la correction des néologismes dont l’esperanto doit sans cesse s’enrichir pour prétendre à la capacité de description des langues naturelles.
Une tâche à laquelle Zamenhof s’était lui-même attelé et que ses disciples ont poursuivie après sa mort est la traduction en esperanto des grands chefs-d’œuvre de la littérature mondiale. Plus de 33 000 ouvrages ont été traduits, de la Bible au Petit Livre rouge de Mao Zedong, en passant par Shakespeare. Une littérature espérantiste originale se développe également. Une centaine de périodiques sont édités en esperanto. De nombreuses stations de radio et de télévision diffusent des émissions en esperanto. Des facultés et des établissements scolaires enseignent cette langue. Depuis 1905, chaque année, les espérantistes venus du monde entier se réunissent en congrès.
En 1954 et en 1985, la Conférence générale de l’U.N.E.S.C.O. a voté des recommandations en faveur de l’esperanto. Cependant, de nombreux obstacles restent à franchir: souvent pourchassé par les régimes autoritaires fascistes pour l’idéal pacifiste qu’il véhicule, l’esperanto trouve, en fait, son principal ennemi dans le scepticisme qui l’entoure. Le temps ne paraît pas proche où l’on enseignera l’esperanto comme seconde langue dans le monde entier. Enfin, il n’y a pas d’exemple de langue qui ne soit portée au départ par une communauté politique, avant d’être, pour des raisons culturelles ou religieuses (le latin et le catholicisme) ou pour des raisons de domination économique ou politique (l’anglais depuis plus d’un siècle et demi), étendue à d’autres communautés. On est forcé de constater que l’esperanto se propose sur la base d’une communauté spirituelle, sans assises politico-économiques. Le succès de son entreprise en est rendu d’autant plus improbable.
espéranto [ ɛsperɑ̃to ] n. m.
• v. 1887; du mot qui, dans cette langue, signifie « celui qui espère », surnom du fondateur, Zamenhof
♦ Langue internationale conventionnelle, dont le lexique est construit à partir de racines courantes des langues occidentales (indo-européennes) les plus répandues. Écrire, parler (en) espéranto.
● espéranto nom masculin (de Esperanto, pseudonyme de Zamenhof, signifiant « celui qui espère ») Langue auxiliaire internationale créée vers 1887 par L. L. Zamenhof.
espéranto
n. m. Langue internationale conventionnelle, créée vers 1887 par le Polonais Zamenhof, au vocabulaire simplifié (formé à partir des racines communes aux langues romanes) et à la grammaire réduite.
⇒ESPÉRANTO, subst. masc.
Langue conventionnelle à grammaire et vocabulaire simplifiés, créée pour permettre la compréhension et l'expression entre individus de langues différentes (cf. SAUSSURE, Ling. gén., 1916, p. 111) :
• ... une langue auxiliaire inventée de toutes pièces, comme l'espéranto ou l'ido, se trouve dans les mêmes conditions de fonctionnement que le latin langue morte; on a prétendu que des créations de ce genre sont sans lendemain, parce qu'une langue artificielle, une fois introduite dans l'usage, serait entraînée dans la même évolution irrésistible que les langues naturelles, et se fractionnerait en dialectes : l'exemple du latin semble prouver le contraire.
BALLY, Lang. et vie, 1952, p. 108.
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. 1901 (Nouv. Lar. ill.). Part. prés. de l'esp. esperar « espérer » de même orig. que le fr. espérer, au début pseudonyme (« celui qui espère ») du Pr L. Zamenhof qui lança cette langue artificielle (v. Brockhaus Enzykl.) en 1887. Fréq. abs. littér. :6.
DÉR. Espérantiste, adj. et subst. a) Adj. Qui concerne l'espéranto. Congrès espérantiste (cf. Lar. 20e, Lar. Lang. fr., ROB.). b) Subst. Celui qui pratique l'espéranto et en est partisan. Dans une langue artificielle, ils [les mots] sont presque tous analysables. Un espérantiste a pleine liberté de construire sur une racine donnée des mots nouveaux (SAUSSURE, Ling. gén., 1916, p. 228). — []. — 1res attest. 1907, 14 déc. adj. (L'Illustration, 405 c ds QUEM. DDL t. 3); 1911 subst. (Lar. mens., p. 66); de espéranto, suff. -iste. — Fréq. abs. littér. : 1.
espéranto [ɛspeʀɑ̃to] n. m.
ÉTYM. V. 1887; « celui qui espère », pseudonyme du créateur, le Dr Zamenhof (1859-1917).
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♦ Langue internationale conventionnelle, fondée vers 1887, en partant de racines courantes des langues les plus répandues (⇒ aussi Volapük). || L'espéranto possède une écriture phonétique et une grammaire simple, fixant la dérivation et les flexions des mots. || Parler, écrire l'espéranto, en espéranto.
0 Il ne manquait pas une occasion d'affirmer qu'un des premiers besoins du monde international était un dialecte universel; que l'adoption de l'espéranto, commun auxiliaire de toutes les langues nationales, faciliterait entre les hommes les échanges spirituels et matériels (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 50.
♦ Adj. || Des textes espérantos.
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DÉR. Espérantiste.
Encyclopédie Universelle. 2012.