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DÉCOLONISATION
DÉCOLONISATION

Le terme «décolonisation», contrairement à une opinion répandue, n’est pas un néologisme créé au début des années 1950. En réalité, le mot est attesté dès 1836, notamment dans le manifeste de Henry Fonfrède: Décolonisation d’Alger , qui recommandait l’évacuation de l’Algérie. Il fut repris par ceux qui s’appelèrent peu après les «anticolonistes» ou adversaires de toute colonisation, puis retomba dans l’oubli avec la victoire de la politique d’expansion coloniale.

Les théoriciens communistes ressuscitèrent un moment le vocable de «décolonisation» qui leur semblait pouvoir caractériser la politique britannique de concessions à la bourgeoisie nationaliste indienne (cf. le livre du leader communiste indien Manabendra Nath Roy The Future of Indian Politics , 1927). Mais la condamnation de cette théorie par le VIe congrès de l’Internationale communiste (1928) entraîna jusqu’au rejet du mot décolonisation en tant qu’il exprimait la récupération par les puissances coloniales des mouvements d’indépendance menés par les peuples colonisés.

Employé au sens neutre de retrait des puissances impériales, le vocable Entkolonisierung fut utilisé en Allemagne, à partir de 1930, notamment sous la plume de Julius Bonn. Celui-ci, ayant émigré en Grande-Bretagne, le traduisit en anglais par Dekolonization . Cet universitaire prophétisait même dans son livre Crumbling of Empire (1939) qu’on ne tarderait pas à assister non seulement à l’écroulement de l’Empire britannique, mais aussi à celui de tous les empires coloniaux. Beaucoup d’intellectuels allemands croyaient, après 1918, au Déclin de l’Occident , pour reprendre le titre de l’ouvrage, qui se veut annonciateur, d’Oswald Spengler; d’autres pensaient au «flot montant des peuples de couleur contre la suprématie du monde blanc» (Lothrop Stoddard); d’autres encore à la fin des empires coloniaux traditionnels sous l’effet du «réveil de l’Islam», de l’asiatisme, voire du panafricanisme. Quelques indices apparaissaient en ce sens: l’indépendance limitée de l’Égypte déclarée en 1922 par la Grande-Bretagne et celle de l’Irak, reconnue par elle en 1932, ne concernaient pas cependant de véritables colonies. En revanche, les États-Unis décidèrent le 24 mars 1934 d’octroyer l’indépendance à une colonie, les Philippines, conformément aux engagements pris par le président Wilson et au programme du Parti démocrate opposé à «l’impérialisme et à l’exploitation coloniale». Le peuple philippin accepta, par plébiscite, d’attendre jusqu’au 4 juillet 1946 la date de son indépendance en se contentant jusque-là d’une autonomie interne.

Les espérances des libéraux et la foi des révolutionnaires communistes, qui célébraient la mort prochaine du colonialisme, parurent toutefois démenties par la création du nouvel Empire fasciste italien (3 500 000 km2 après la conquête de l’Abyssinie et de l’Albanie), par les revendications du IIIe Reich sur les anciennes colonies allemandes, enfin par la constitution au profit du Japon d’une «sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale» (8 000 000 km2). La défaite des puissances de l’Axe, la reconquête par les Alliés des colonies ou dominations italiennes et japonaises, le maintien de l’Empire britannique et l’extension territoriale de l’U.R.S.S. semblèrent confirmer le constat d’un nouvel «âge des Empires» (Raymond Aron). Pour autant, en distinguant cinq «grands» membres permanents du conseil de Sécurité de l’O.N.U, les juristes n’avaient pas pris garde que les «nouveaux empires» se réduisaient à deux, ceux qu’avait prophétisés naguère Alexis de Tocqueville: la Russie et les États-Unis. Certains hommes politiques croyaient encore à une redistribution des colonies entre les vainqueurs – comme ce fut le cas après la Première Guerre mondiale –, tel Staline lorsqu’il réclama une partie de l’empire africain de l’Italie. D’autres hommes d’État, surtout américains, imaginaient l’établissement d’une tutelle internationale sur les possessions coloniales européennes. Parce qu’ils ne pouvaient oublier la guerre d’indépendance que leurs ancêtres avaient menée pendant sept ans (1776-1783), ils restaient foncièrement opposés au principe de toute domination coloniale.

Un mouvement de l’histoire contemporaine

Or dans le même temps s’affirmaient en Asie, surtout dans les Indes britanniques et néerlandaises, mais aussi au Levant et en Afrique du Nord, le premier réveil des mondes colonisés et un mouvement général de revendications indépendantistes. Les prémices de la décolonisation s’étaient multipliées et renforcées avec l’affaiblissement des puissances européennes, cependant qu’en 1945 les deux superpuissances paraissaient décidées à appuyer le mouvement d’émancipation des peuples colonisés. Le président Franklin Delano Roosevelt n’avait-il pas fait inscrire dans la charte de l’Atlantique du 12 août 1941 le droit des peuples à se gouverner eux-mêmes? À son appel, les Nations unies affirmèrent que l’avenir des territoires colonisés revêtait un caractère international et qu’ils devaient être placés après la guerre sous un international trusteeship remis à des trustees (fidéicommis). La création de l’Organisation des Nations unies confirma cette volonté américaine. Cependant l’U.R.S.S. poursuivait de son côté sa stratégie d’appui aux mouvements anticolonialistes au nom de la lutte contre l’impérialisme capitaliste.

Les premiers mouvements indépendantistes de l’après-guerre furent dès lors attribués, par certains observateurs politiques, aux ambitions du communisme international. Et la guerre froide déclenchée en 1947 contribua aussitôt à obscurcir le sens profond des décolonisations postérieures. Si les indépendances de la Syrie, du Liban, de l’Inde (annoncée dès février 1947) et de Ceylan (depuis novembre 1947) apparurent comme la conséquence prévisible et inévitable de l’état des forces, il n’en fut plus de même pour les colonies néerlandaises, voire pour la Malaisie et la Birmanie. Était-ce pour se libérer du colonialisme que s’engagea en Malaisie une guérilla de douze ans (1948-1960) entre des forces britanniques et des maquis communistes essentiellement composés de Chinois? La défaite de ces derniers n’empêcha pas la Fédération malaise d’accéder totalement à une indépendance reconnue par Londres dès août 1957, mais niée par Moscou et Pékin. Était-ce pour obtenir leur liberté que les guérilleros birmans attaquèrent la république de l’Union de Birmanie (pleinement indépendante depuis janvier 1948)? Une autre tentative communiste armée, appuyée sur la prise de Madiun, à Java (septembre et octobre 1948) visait à s’assurer le contrôle de la jeune république d’Indonésie, menacée pourtant par les «opérations de police» menées par les Néerlandais. La première guerre d’Indochine (1946-1949) débuta elle aussi comme un conflit de décolonisation, mais apparut ensuite comme l’un des affrontements armés de la guerre froide, au même titre que la guerre de Corée (1950-1953).

Il est vrai que parmi les colonisés avides de libération certains tournaient plus volontiers leurs regards vers l’aide et les promesses soviétiques et chinoises que vers les discours anticoloniaux américains ou les prises de position de l’O.N.U. Quel qu’ait été l’impact relatif du «point quatre» du discours d’investiture du président Truman, le 20 janvier 1949, condamnant le vieil impérialisme et l’exploitation coloniale, les colonisés ne crurent point dans leur ensemble à la croisade américaine. L’alliance militante avec les mouvements de libération des colonies et des pays dépendants, doctrine fondamentale du léninisme, leur paraissait plus efficace.

L’exemple de l’U.R.S.S. séduisait même la majorité de l’intelligentsia française. Grâce à son système constitutionnel de républiques socialistes multiraciales, la Fédération soviétique passait pour le modèle à imiter. Feignant d’ignorer l’extension de la colonisation de peuplement russe, des experts et des hommes politiques vantaient à Paris «le développement stupéfiant des républiques asiatiques», «les progrès foudroyants de leur production industrielle et de leur agriculture modernisée». Des formules politiques banales, comme le soviet des nationalités, inspirèrent les premières ébauches de l’Union française (1946). Toutefois, si les fondateurs de la IVe République chantaient les mérites de cette Union française fraternelle, «vaste cortège de peuples épars sur cinq continents», les populations colonisées accueillirent sans ménagement cette «Union forcée» qu’ils dénoncèrent, à l’exemple des sujets de l’Empire russe, comme «une prison des peuples», «une cage où personne ne voudrait entrer». En France, il fallut attendre la dislocation de l’U.R.S.S. en 1990-1991 pour faire admettre au plus grand nombre que, dans les républiques fédérées, les nationalismes traditionnels ou récents s’étaient maintenus ou affirmés aux dépens d’une prétendue culture pansoviétique: l’homo sovieticus n’avait jamais existé que dans la propagande communiste.

Quoi qu’il en fût, depuis l’indépendance et la partition de l’Inde, depuis la victoire de la république d’Indonésie, le monde entier avait pris conscience que la révolte de l’Asie du Sud-Est annonçait la fin de l’ère coloniale.

La généralisation de ce qui n’était pas encore appelé la décolonisation, mais la proche disparition de toutes les dominations coloniales, était partout ressentie. Les deux «Super Grands» et la majorité des États représentés à l’O.N.U. travaillaient à développer la capacité des populations «des territoires non autonomes» à s’administrer eux-mêmes et celle des peuples dits «sous tutelle» à accéder à l’indépendance totale. Dès la fin de l’année 1949, leurs efforts avaient été couronnés de succès en Asie, mais aussi au Levant et déjà en Afrique du Nord, où la constitution d’un État libyen indépendant avait été décidée en novembre 1949.

Au-delà de ces succès, l’O.N.U. offrait simultanément à tous les peuples colonisés des possibilités de contestations juridiques internationales grâce à ses différents organes: le Conseil de tutelle, la Commission sur les territoires non autonomes (ou IVe Commission), le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale. Le Conseil de tutelle fut l’objet de manœuvres diplomatiques précoces de la part des colonisés, bien que les puissances coloniales dites administrantes y fussent équitablement représentées. La IVe Commission devint elle aussi, en se chargeant progressivement du contrôle international des mandats, une citadelle efficace; elle fit de l’organisation internationale des Nations unies la tribune mondiale de l’anticolonialisme au même titre que le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale. En 1952, cette dernière vota deux résolutions invitant les puissances coloniales à préparer les populations des territoires sous tutelle, puis celles de territoires non autonomes, à l’autonomie complète ou à l’indépendance. C’était réaffirmer, conformément aux chapitres XI à XIII de la Charte, la nécessité d’une décolonisation générale.

Les premiers États décolonisés eurent bientôt le sentiment que ni les Super Grands, qui s’affrontaient dans la guerre froide, ni l’O.N.U. ne pouvaient à eux seuls achever le processus de décolonisation. L’influence grandissante de l’Inde et de la Chine, déjà sensible, en 1954, à la conférence de Genève qui décida du retrait de la France d’Indochine, s’affirma plus encore lors de la conférence de Bandung. Les nouvelles puissances asiatiques du groupe de Colombo (Birmanie, Ceylan, Inde, Indonésie et Pakistan) réussirent à mobiliser, du 18 au 24 avril 1955, vingt-neuf États africains et asiatiques dans le dessein avant tout de «secouer le joug du colonialisme» et d’encourager la coopération politique, économique et culturelle des peuples afro-asiatiques. Jetant l’anathème sur toutes les formes de domination, y compris sur celle que les délégués irakiens et turcs osèrent appeler le néo-colonialisme soviétique en Europe orientale, la Conférence demanda unanimement la libération de tous les peuples dépendants, la reconnaissance de l’égalité de toutes les races. Bandung sonnait la diane pour tous les pays encore colonisés. Pour les États-Unis, l’U.R.S.S. et les États européens non invités, elle signifiait surtout la prise de conscience d’un Tiers Monde avide de progrès. Une nouvelle phase de la décolonisation, d’abord accélérée en Afrique, allait s’affirmer après «le coup de tonnerre de Bandung» (L. S. Senghor). Du fait cependant des décalages chronologiques, l’histoire des indépendances doit se lire dans le cadre des anciens empires coloniaux européens.

La décolonisation des Indes néerlandaises

Depuis le XVIIe siècle, les Néerlandais dominaient et exploitaient en Asie du Sud-Est un archipel de quelque treize mille îles. Dans cet empire de 2 millions de kilomètres carrés, peuplé de 61 millions d’habitants, leur pouvoir s’exerçait sous des formes diverses: protectorats de petits États princiers et de chefs traditionnels ou souveraineté directe (à Java). Pourtant, dès la fin du XIXe siècle, l’idée d’une nation indonésienne était née grâce à la diffusion d’une langue véhiculaire (le malais commercial) et à la puissance de l’islam, religion commune à 90 p. 100 des habitants. Or les docteurs de la loi musulmane dénonçaient les infidèles étrangers et les missions chrétiennes. Pour lutter contre eux, les Néerlandais avaient créé une aristocratie de fonctionnaires indonésiens et un système de représentation indirecte décentralisant l’autorité. Ils en usèrent bientôt contre le premier mouvement nationaliste, le Sarekat Islam, tombé entre les mains des communistes et devenu le Sarekat Rakjat (Association du peuple). Ce parti fut brisé, mais le mouvement nationaliste se développa sous la présidence d’un jeune ingénieur javanais, Sukarno, et de son parti. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, une fédération des huit principales associations nationalistes tenta, vainement, d’obtenir des Néerlandais le droit à l’autonomie et l’unité nationale reposant sur un régime démocratique libéral et social.

La défaite des Pays-Bas en Europe, les premières victoires japonaises et la capitulation des forces alliées à Java en mars 1942 ruinèrent définitivement le prestige des Néerlandais auprès de leurs sujets. Le rôle des nationalistes indonésiens s’en trouva d’autant plus valorisé que les Japonais leur permirent même de lever des armées et de constituer des organisations politiques collaborant avec eux. Toutefois, les Japonais retardèrent l’indépendance qu’il avaient promise, et les Indonésiens prirent les devants en proclamant celle-ci le 17 août 1945.

Les Néerlandais tentèrent presque aussitôt de reprendre par les armes le contrôle de leur empire. Mais, sous la pression des Britanniques, ils durent signer, en novembre 1946, l’accord de Linggadjati (Cheribon) par lequel ils reconnaissaient la république d’Indonésie et acceptaient la négociation d’une Union hollando-indonésienne qui aurait dû aboutir le 1er janvier 1949. Toutefois, le gouvernement néerlandais entendait façonner à son initiative la nouvelle République indonésienne, en suscitant des mouvements autonomistes et en la divisant en régions. Devant les résistances du gouvernement indonésien, il décida en juillet 1947 une «opération de police» qui remporta d’abord quelques succès. Cependant, devant les protestations internationales, le Conseil de sécurité de l’O.N.U. mit sur pied un Comité des bons offices qui, sous la pression américaine, imposa aux Indonésiens, le 17 janvier 1948, un nouvel accord, le Renville Agreement.

Ce ne fut en vérité qu’une trêve que les Néerlandais mirent à profit pour constituer six États séparés et neuf zones autonomes qui reconnaîtraient un gouvernement fédéral intérimaire. Ayant divisé pour régner, ils exigèrent par ultimatum le droit d’envoyer leurs troupes sur l’ensemble du territoire fédéral. Devant le refus du gouvernement indonésien, ils déclenchèrent, le 18 décembre 1948, la seconde «opération de police». Le Conseil de sécurité puis l’Assemblée générale de l’O.N.U. condamnèrent cette violation des accords. Les États-Unis, hésitants, craignirent que les communistes indonésiens ne profitassent de la situation. Ils menacèrent finalement les Pays-Bas de suspendre leur aide financière. Les Néerlandais, qui n’acceptaient pas de reconnaître un gouvernement de révolutionnaires musulmans, durent s’incliner. Les accords de La Haye, signés en août 1949, prévoyaient le transfert complet de souveraineté des Indes néerlandaises à la république des États-Unis d’Indonésie à compter du 1er décembre 1949. Or, dès août 1950, les seize États-Unis d’Indonésie firent place à une république unitaire. Les Pays-Bas qui n’avaient pas voulu consentir à une évolution progressive, se trouvaient totalement évincés de l’Asie.

La décolonisation de l’Empire britannique

Très tôt convaincus que l’Asie allait revenir aux Asiatiques, les Britanniques furent les premiers Européens à se résigner à la décolonisation. L’émancipation de l’Inde avait été vainement demandée depuis la fin du XIXe siècle par l’Indian Congress, le parti du Congrès. Mais celui-ci devint, dans l’entre-deux-guerres, un puissant mouvement nationaliste de masse que les Britanniques divisèrent de leur mieux en encourageant les modérés et la Ligue musulmane. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’attitude de «non-coopération» hostile prit un tour violent: le mot d’ordre du parti du Congrès était devenu: «Les Anglais hors de l’Inde» (Quit India ). Ceux-ci parvinrent, malgré l’échec de leurs projets de réforme, à éviter une insurrection.

Le plan du 16 mai 1946 prévoyait l’indépendance d’une Union indienne de style fédéral, mais le conflit religieux et politique entre hindous et musulmans, qui réclamaient un État presque autonome, en démontra l’impossibilité. On s’acheminait en réalité vers la partition du sous-continent indien.

Le 20 février 1947, le Premier ministre travailliste Clement Attlee annonça que «le pouvoir serait transféré à des mains indiennes, au plus tard en juin 1948». Sur place, lord Mountbatten, dernier vice-roi, organisa le partage des deux futurs États du Pakistan musulman et de l’Inde, sans éviter une terrible guerre de religion et l’exode massif des populations: 4 millions de sikhs avaient fui le Pakistan, et 6 millions de musulmans s’y étaient réfugiés. Les six cents États princiers et leurs 89 millions d’habitants durent intégrer l’Union indienne. Proclamée République indienne souveraine et indépendante, celle-ci n’en accepta pas moins d’entrer dans le Commonwealth rénové. Le Pakistan adopta la même attitude politique en 1955.

Les Britanniques avaient également jugé indispensable d’accorder l’indépendance aux anciens glacis de l’Inde: Ceylan reçut le statut de dominion, le 14 novembre 1947, et la Birmanie, devenue Union birmane, reçut son indépendance le 4 janvier 1948, bien qu’elle eût refusé d’entrer dans le Commonwealth. En Malaisie, pays multiracial très divisé, fut d’abord tentée la création, en 1946, d’une Union malaise, dont était exclu Singapour. Devant l’échec de cette formule, rejetée par les nationalistes malais, une nouvelle Fédération malaise fut mise sur pied en février 1948, qui favorisait les Malais aux dépens des Chinois. Mais ces derniers soutinrent une révolte d’inspiration communiste qui se prolongea de 1948 à 1960. Pourtant la Fédération malaise obtint progressivement, entre 1951 et 1957, une totale indépendance, tandis que Singapour devenait autonome en 1959.

En Afrique, la décolonisation britannique avait été programmée dès 1948 par les travaillistes, qui estimaient que trente ans seraient nécessaires pour la mener à bien. En fait, les impatiences des nationalistes africains allaient raccourcir les étapes. En 1960, le Premier ministre conservateur Harold Macmillan reconnut que la politique britannique allait s’adapter au «vent du changement»; en clair, cela signifiait qu’il fallait accélérer le rythme du désengagement. Mais déjà, dans les années précédentes, la Grande-Bretagne avait consenti d’importantes concessions. En Afrique noire, ce fut la Gold Coast qui ouvrit la voie des décolonisations. Un leader charismatique, Kwame Nkrumah, réussit, malgré les divisions ethniques du pays, à obtenir l’indépendance complète le 6 mars 1957. La Gold Coast, rebaptisée Gh na, entra cependant dans le Commonwealth. Le Nigeria, création coloniale récente, était une mosaïque de peuples divers, sans unité religieuse ni ethnique. Les Britanniques tentèrent, dès 1951, de lui donner une Constitution fédérale en reconnaissant l’autonomie des trois plus grandes régions. Les principaux partis arrivèrent à se mettre d’accord sur la troisième Constitution, celle de 1957, et le gouvernement anglais reconnut l’indépendance du pays le 1er octobre 1960. Sept mois plus tard, le 27 avril 1961, la petite Sierra Leone devenait à son tour un État souverain. La Gambie, quant à elle, accéda à l’autonomie interne en 1963 et à l’indépendance en 1965.

En Afrique orientale, au Tanganyika, mandat britannique à partir de 1919, territoire sous tutelle depuis 1946, les premières élections eurent lieu en 1955. Six ans plus tard, le 28 décembre 1961, Londres reconnaissait l’indépendance du pays. Un parti politique efficace, la Tanganyika African National Union (T.A.N.U.) avait réussi à créer un nationalisme unitaire et à obtenir le soutien de l’O.N.U. Son leader, Julius Nyerere, devint le Premier ministre du nouvel État, puis en décembre 1962, le président de la République. L’île de Zanzibar demeura un sultanat arabe sous protectorat britannique jusqu’en décembre 1963; en avril 1964, elle se fédéra au Tanganyika, qui deviendra en septembre la Tanzanie. Le protectorat de l’Ouganda accéda à l’indépendance le 9 octobre 1962, après un parcours rendu plus difficile par la politique britannique et par l’opposition entre les souverains du Toro et du Bouganda (Buganda). Mais le nouvel État ne tarda pas à se déchirer en guerres civiles successives. Au Kenya, où vivaient un petit colonat européen et de nombreux immigrés indiens, éclata en 1952 une révolte armée des paysans kikuyu contre la présence coloniale. Il fallut deux ans de guerre pour écraser cette révolte africaine conduite par la société secrète des Mau-Mau. Après plusieurs tables rondes tenues à Londres, les colons britanniques finirent par admettre une majorité africaine au Conseil législatif. L’autonomie fut accordée en 1960, et l’indépendance, dans le cadre du Commonwealth le 12 décembre 1963. Le principal leader kikuyu, Jomo Kenyatta, qui avait été emprisonné pour complicité avec les Mau-Mau et qui combattait pour l’unité du pays, avait finalement accepté le compromis britannique comportant six autorités régionales et une Chambre haute chargée de protéger les intérêts des communautés immigrées.

Dans l’Afrique centrale britannique, le problème fut plus difficile encore à résoudre, surtout dans les Rhodésies, où les Européens étaient environ 200 000. Les Britanniques créèrent, en 1953, une Fédération d’Afrique centrale comprenant les deux Rhodésies et le Nyassaland. Les Africains la contestèrent aussitôt et s’y opposèrent avec efficacité. Le Nyassaland obtint de se retirer de la Fédération et fut bientôt suivi par la Rhodésie du Nord. En décembre 1963, Londres reconnut la dissolution de la Fédération. Le Nyassaland prit le nom de Malawi, la Rhodésie du Nord celui de Zambie. En Rhodésie du Sud, le gouvernement blanc de Ian Smith lança une proclamation unilatérale d’indépendance le 11 novembre 1965 et rompit tout lien avec la couronne britannique. La «Rhodésie blanche» résista jusqu’en 1980 à toutes les pressions internationales et à la guérilla africaine, mais, condamnée par le Commonwealth, abandonnée par l’Union sud-africaine, la Rhodésie, devenue Zimbabwe, dut s’incliner. La communauté internationale reconnut alors son indépendance le 18 avril 1980.

La décolonisation française

La décolonisation française commença pendant la Seconde Guerre mondiale, avec la fin des mandats de la S.D.N. sur les États du Levant (Liban et Syrie). Les nationalistes arabes avaient cru obtenir satisfaction à la fin de 1936 par des accords conclus avec le gouvernement français, mais ceux-ci ne furent pas ratifiés par le Parlement. En mai 1941, lorsque Vichy admit le passage d’avions allemands au-dessus de la Syrie et l’aide militaire apportée au coup d’État irakien, les troupes britanniques accompagnées d’un contingent des Forces françaises libres pénétrèrent en Syrie. Le général de Gaulle fit annoncer le 8 juin 1941 l’indépendance accordée par la «France libre» aux deux États du Levant, conformément aux accords de 1936. Toutefois, les nationalistes revendiquaient le transfert immédiat et total des pouvoirs. Le refus brutal du nouveau commissaire français, qui fit arrêter le 10 novembre 1943 le président du Conseil libanais et dissoudre la Chambre, provoqua des troubles et justifia l’appui de la Grande-Bretagne aux exigences des Syriens et des Libanais. Le 22 décembre 1943, la France dut promettre le transfert de ses pouvoirs à dater du 1er janvier 1944. En 1945 cependant, le gouvernement syrien, craignant une reconquête, exigea l’évacuation des derniers soldats français et déclencha l’agitation dans tout le pays. À la suite de heurts entre les troupes françaises et la population syrienne, et d’un ultimatum britannique, la France dut céder le 8 juillet 1945. Finalement, un accord franco-britannique annonça le retrait total, en 1946, des troupes anglaises et françaises. La France s’était attiré l’hostilité de tous les nationalistes arabes, notamment ceux du Maghreb, orchestrée par la Ligue des nations arabes.

En Tunisie, le nationalisme s’était solidement implanté pendant l’entre-deux-guerres sous l’impulsion du parti du Destour (D st r signifie constitution), puis du Néo-Destour. Pendant la guerre, le nationalisme fut incarné, dès juin 1942, par le bey Moncef. Sous l’accusation, fausse, d’avoir collaboré avec les Allemands, le «bey destourien» fut déposé par ordre du général Giraud en 1943. En novembre 1944, un Manifeste du Front tunisien se borna «vu les circonstances à réclamer l’autonomie intérieure de la nation». Mais bientôt, le Néo-Destour de Habib Bourguiba et l’Union générale tunisienne du travail de Ferhat Hached réclamèrent de concert un statut d’État tunisien souverain à base démocratique.

Au Maroc s’était constitué, exalté par la présence américaine, un parti de l’indépendance, le Hizb al-Istiql l. Il publia, le 11 janvier 1944, un manifeste qui exigeait la fin du protectorat. L’arrestation des leaders de l’Istiql l provoqua de graves émeutes, qui furent réprimées par l’armée. Dès lors, malgré quelques timides réformes, le mouvement nationaliste s’étendit dans tous les milieux. Le sultan lui-même n’hésita pas, en avril 1947, lors d’un voyage triomphal au Maroc espagnol, à revendiquer l’appartenance du Maroc à la «nation arabe» que la Ligue arabe travaillait à reconstituer.

En Algérie, un groupe d’hommes politiques animé par Ferhat Abbas rédigea, dès février 1943, un Manifeste du peuple algérien qui demandait «la condamnation et l’abolition de la colonisation». Un Addendum publié le 26 mai réclamait «la formation d’un État algérien doté d’une Constitution propre élaborée par une Assemblée élue au suffrage universel». Malgré les réformes libérales accordées par le Comité français de libération nationale en 1944 (extension du collège électoral musulman à 1 600 000 Algériens, octroi de la citoyenneté avec maintien du statut personnel à quelque 65 000 personnes), les Algériens ne rêvaient plus que d’une prochaine indépendance. Le 8 mai 1945, des insurrections spontanées éclatèrent autour de Sétif et de Guelma; elle furent brutalement réprimées. Le Parti du peuple algérien (P.P.A.), qui avait prévu de déclencher une insurrection générale, y renonça et affecta de voir dans la révolte locale du Constantinois «une répétition générale» de la guerre de libération.

En Indochine, l’annonce de la défaite française de 1940, suivie de l’arrivée de troupes japonaises, convainquit la plus grande partie des patriotes vietnamiens et cambodgiens qu’ils pourraient bientôt recouvrer leur indépendance. Les communistes vietnamiens avaient fondé une Ligue pour l’indépendance, le Viêt-minh, destinée à chasser «les fascistes français et japonais». Le 9 mars 1945, les troupes japonaises liquidèrent les garnisons françaises et internèrent tous les Français. Les souverains des trois États d’Indochine acceptèrent de dénoncer les traités de protectorat et mirent en place des gouvernements nationaux. Mais les milices armées du Viêt-minh réussirent à s’emparer du pouvoir au Vietnam. Le 2 septembre 1945, le leader communiste Hô Chi Minh proclamait l’indépendance du Vietnam. Pour éviter d’entrer en guerre avec cet État révolutionnaire (la République démocratique du Vietnam) et avec les forces chinoises d’occupation au Tonkin, la France signa un accord avec la Chine le 28 février 1946, et le 6 mars avec le Vietnam. Elle reconnaissait ce dernier comme un État libre faisant partie de l’Union française. Conclu de part et d’autre sur des arrière-pensées, cet accord fut violé par les Français et par le Viêt-minh, malgré une tentative de modus vivendi. Le 19 décembre 1946, le Viêt-minh déclencha brusquement une offensive contre les Français de Hanoi suivie d’un ordre d’insurrection générale. Une guerre franco-vietnamienne avait commencé: elle devait durer sept ans et sept mois.

À Madagascar, royaume chrétien indépendant annexé par la France en août 1896, la domination française n’avait jamais été acceptée. En 1945, les militants nationalistes, les yeux tournés vers le Vietnam et l’Indonésie, revendiquèrent la restauration de la souveraineté malgache. Le 29 mars 1947, des insurgés déclenchèrent une série d’opérations simultanées et parvinrent peu à peu à dominer le sixième de la Grande Île. La répression militaire fut tardive, mais réussit à encercler les révoltés, presque dépourvus d’armes, dans la grande forêt orientale puis à les contraindre à la soumission en 1948. Cette révolte, qui avait sans doute été préparée par des sociétés secrètes, fut attribuée par celles-ci à une «provocation colonialiste»; elle est aujourd’hui célébrée comme «une glorieuse insurrection patriotique».

Confrontée à ces divers mouvements d’indépendance, la IVe République ne trouva pas de réponses institutionnelles adéquates. L’Union française, qui devait transformer l’Empire en une libre association de peuples, était une construction juridique conservatrice. Malgré son fédéralisme, l’autorité y demeurait entièrement entre les mains du gouvernement français. L’Assemblée de l’Union française, dépourvue de tout pouvoir, fut une structure vide. Le nouveau statut de l’Algérie de 1947, d’inspiration assimilationniste, était inadapté et ne fut d’ailleurs pas appliqué. L’échec prévisible de l’Union française fut consommé par l’issue désastreuse de la guerre d’Indochine.

Dans la Fédération indochinoise, la IVe République tarda à reconnaître la force du nationalisme vietnamien et la détermination totale de la république démocratique. Ce fut seulement en mars 1949 que la France transféra la Cochinchine à l’État associé du Vietnam présidé par l’ex-empereur Bao Dai. Mais celui-ci ne parvint pas à imposer son autorité, tandis que la république du Vietnam, forte des appuis soviétique et chinois, renforçait sans cesse son potentiel militaire. Bien qu’impopulaire en France, la guerre se prolongea en s’internationalisant. La France, soutenue par l’aide financière américaine, ne trouvait pas de sortie honorable. Il fallut la défaite de Diên Biên Phu, en mai 1954, pour mettre fin à la guerre. L’état-major français évaluait, à la fin de 1954, à 50 600 morts les pertes militaires du côté français, dont 25 000 «autochtones indochinois» et 13 818 Français.

Diên Biên Phu fut ressenti dans toute l’Afrique française comme le signal d’une nouvelle vague de décolonisation. Pourtant, le Maroc avait déjà montré, à l’issue d’une crise grave commencée en 1951, qu’il rejetait le protectorat français. Le résident, le général Juin, avait voulu intégrer le Maroc dans l’Union française contre la volonté du sultan et des nationalistes. Son successeur fit procéder à l’arrestation du souverain, en août 1953 et à son exil à Madagascar. Pour obtenir son retour, les Marocains recoururent au terrorisme, puis déclenchèrent un soulèvement local en août 1955, tandis que se constituait une armée dite de libération. Le gouvernement français se décida alors à rappeler le sultan et à négocier avec lui. L’accord du 2 mars 1956 confirma solennellement les engagements pris à La Celle-Saint-Cloud le 6 novembre 1955: le Maroc redevenait un État indépendant.

En Tunisie, une semblable épreuve de force aboutit à des résultats identiques. La mise en résidence surveillée de Habib Bourguiba, le «ratissage militaire» du cap Bon, des tentatives vaines pour imposer une co-souveraineté provoquèrent l’intervention de groupes armés de fellagha . Mendès France promit alors l’autonomie interne à la Tunisie, ce qui fut réalisé par les accords du 21 avril 1955. L’accession à l’indépendance fut reconnu le 20 mars 1956.

En Algérie, la décolonisation n’intervint qu’après une longue guerre qui dura sept ans et cinq mois. Un Front de libération nationale (F.L.N.) était passé à l’action dès novembre 1954. Il mit peu à peu sur pied une petite armée qui atteignit 50 000 hommes en 1958 et parvint à survivre face à des forces françaises dix fois supérieures en nombre. La présence en Algérie d’une population de près de 1 million d’Européens empêchait la constitution d’un État algérien autonome au sein de l’Union française. Le général de Gaulle tenta vainement, pour y parvenir, de créer une Communauté contractuelle où l’Algérie aurait eu «une place de choix». Mais les Français d’Algérie se refusèrent obstinément à toute évolution de l’«Algérie française» vers une «Algérie algérienne». Le conflit algérien faillit même provoquer une guerre civile entre Français. Une organisation clandestine, dite de l’armée secrète (O.A.S.), s’efforça, en vain, d’obliger l’armée à se dresser contre de Gaulle pour empêcher toute négociation de paix. Les accords d’Évian (18 mars 1962) préparèrent le référendum d’autodétermination par lequel 99,5 p. 100 des Algériens choisirent l’indépendance.

L’Afrique noire française et Madagascar connurent au contraire une décolonisation paisible. En 1958, de Gaulle offrit aux populations de choisir par référendum d’adhérer ou non à la nouvelle Communauté. À l’exception de la Guinée, tous les Africains et les Malgaches se prononcèrent le 28 septembre 1958 en faveur de ce Commonwealth français. Un an plus tard, le nouvel État fédéral du Mali (constitué par le Sénégal et le Soudan français) demanda l’indépendance totale. De Gaulle lui donna satisfaction: le Mali devint indépendant le 20 juin 1960, Madagascar le 26 juin. Au cours de cette même année, tous les autres États africains proclamèrent leur indépendance en accord avec la France. La Communauté éphémère avait fait place à un réseau de conventions bilatérales. La France, qui avait mené deux guerres de décolonisation, libéra simultanément, après autodétermination de leurs populations, quinze pays d’outre-mer en leur consentant durablement aide et coopération.

La décolonisation belge

Le Congo belge connut pendant et après la Seconde Guerre mondiale des transformations rapides. La détribalisation, l’urbanisation accélérée, l’augmentation du nombre des «évolués» et l’agitation sociale ne furent cependant pas prises en compte par une administration qui se borna à des réformes de détail de style paternaliste. Tout comme les missionnaires catholiques, fort influents, les gouvernements belges ne pensaient pas devoir aller au-delà d’améliorations sociales. En juin 1955 encore, le roi des Belges pouvait affirmer au cours d’un voyage en Afrique que «la Belgique est une et indivisible. La Belgique et le Congo ne forment qu’une nation». Pourtant, la même année, le professeur A. Joseph Van Bilsen osa publier un Plan de trente ans pour l’émancipation de l’Afrique belge . Pour la première fois, des Congolais élevèrent alors la voix pour réclamer soit la création d’une nation composée d’Africains et d’Européens, soit l’indépendance immédiate. En 1957, les premières élections eurent lieu dans trois villes. En mars 1958, le gouvernement belge annonça une politique de «décolonisation», et la vie politique se développa rapidement, avec la création de partis nationaux, comme le Mouvement national congolais de Patrice Lumumba. Après les émeutes du 4 janvier 1959 à Léopoldville (Kinshasa), le gouvernement céda immédiatement: le 13 janvier, il promettait l’indépendance. Un an plus tard, le Front commun des partis nationalistes triomphait à la table ronde de Bruxelles. L’indépendance fut fixée au 30 juin 1960. Le contenu n’en fut pas précisé, seule était prévue la constitution d’un État unitaire. Par sa soudaineté, la décolonisation fut une véritable révolution. Décidée dans la précipitation, elle devait ouvrir une crise durable et une effroyable anarchie.

Au Rwanda et au Burundi, pays sous tutelle belge, s’élevèrent aussi, à partir de 1952, des revendications indépendantistes. Mais déjà des conflits éclataient entre populations hutu et tutsi que les Belges eurent des difficultés à éteindre. Ces deux pays obtinrent leur indépendance le 1er juillet 1962, sous le contrôle de l’O.N.U., mais leurs conflits intérieurs n’étaient pas résolus.

La décolonisation portugaise en Afrique

Les Portugais avaient développé très tôt en Afrique le mythe selon lequel leurs colonies étaient soit des provinces d’outre-mer (ainsi les dix îles du Cap-Vert ou la Guinée-Bissau), soit des nations portugaises constituées par les colons et une minorité d’Africains «assimilés». Mais la réalité, en Angola et au Mozambique, était celle d’un colonialisme économique sous-développé et d’une domination coloniale archaïque. Subsistaient par exemple le régime du travail forcé et l’envoi de travailleurs du Mozambique dans les mines sud-africaines.

En Guinée fut fondé, dès 1956, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert, le P.A.I.G.C.V. Son chef, Amilcar Cabral, lança, en 1963, la lutte armée qui réussit à contrôler, en 1969, les deux tiers du pays.

En Angola, ce fut après l’indépendance du Congo belge que certaines organisations politiques, comme le Mouvement populaire de libération de l’Angola (M.P.L.A.), puis l’Union des peuples angolais (U.P.A.), déclenchèrent, en 1961, des soulèvements indépendantistes. Au Mozambique, le Front de libération (Frelimo), constitué en 1962, entama dès 1964 une lutte armée qui se généralise après 1972. Le poids de ces conflits coloniaux, où combattirent quelque 200 000 soldats portugais, convainquit finalement le Portugal qu’il devrait lui aussi céder face à des Africains soutenus par la Chine et l’U.R.S.S. Mais la décolonisation ne put être admise qu’après la chute du régime dictatorial de Salazar, la «révolution des œillets» du 25 avril 1974. L’indépendance de la Guinée-Bissau fut négociée de mai à septembre 1974. Le mouvement se poursuivit, non sans difficultés, avec l’indépendance du Mozambique, reconnue le 25 juin 1975, celle des îles du Cap-Vert le 5 juillet et de São Tomé le 12 juillet, enfin celle de l’Angola le 11 novembre 1975. Ces décolonisations en chaîne étaient en réalité le résultat de longues années de guérilla: quatorze ans en Angola, dix ans en Guinée et au Mozambique. De coûteuses guerres civiles entre Africains, l’intervention de troupes étrangères, l’adhésion à des idéologies opposées, le départ des colons portugais achevèrent de ruiner ces territoires.

La décolonisation n’a pas été pourtant la loi générale de la seconde moitié du XXe siècle. Elle n’est pas achevée, puisque certains territoires contestent toujours leur statut et que certains peuples combattent encore la domination russe (Tchétchènes) ou rejettent les colonisations chinoise (Tibet) ou indonésienne (Timor). La naissance d’un État juif à partir d’une colonisation du peuplement de la Palestine arabe a déjà provoqué plusieurs guerres entre Israël et le monde arabe.

décolonisation [ dekɔlɔnizasjɔ̃ ] n. f.
• 1952; de dé- et colonisation
Cessation pour un pays de l'état de colonie; processus par lequel une colonie devient indépendante ( indépendance). La décolonisation de l'Inde, de l'Afrique. Par ext. (1963) Libération de groupes humains ou de secteurs socioéconomiques tenus dans un état de dépendance, de subordination. ⊗ CONTR. Colonisation.

décolonisation nom féminin Action de décoloniser.

décolonisation
n. f. Processus par lequel un peuple accède à l'indépendance, cesse de dépendre politiquement de l'état qui l'avait colonisé.
Encycl. Hist. - La première décolonisation des temps modernes correspond à la guerre d'Indépendance des États-Unis; déclarée en 1776, celle-ci est ratifiée en 1783. Peu après, à la suite d'une lutte extrêmement dure, Haïti proclame son indépendance (1804) et fonde la première république "noire" de tous les temps. à partir de 1820, les colonies espagnoles et portugaises d'Amérique du Sud se libèrent de leur métropole. Entre 1867 (Canada) et 1908, les colonies brit. largement dominées par une pop. blanche obtiennent le statut de dominion qui leur confère une grande autonomie. La Seconde Guerre mondiale modifie profondément les relations internationales et provoque d'abord l'émancipation des colonies asiatiques par la négociation (Inde: 1947; Cambodge: 1953; Laos: 1954) ou par la guerre (Viêt-nam: 1954). La conférence afro-asiatique de Bandung (1955) marque l'éveil des derniers peuples colonisés. L'indépendance de la plupart des colonies francophones d'Afrique (y compris Madagascar) est acquise en 1960 par la négociation (Guinée: 1958); celle de l'Algérie n'intervient qu'après une longue guerre (1954-1962). La plupart des colonies anglophones d'Afrique subsaharienne obtiennent leur indépendance entre 1957 (Ghana) et 1963 (Kenya), la région australe posant des problèmes particuliers; ainsi le Zimbabwe n'est indép. qu'en 1980 et les prem. élections multiraciales dans la rép. d'Afrique du Sud n'ont lieu qu'en 1994. Le Portugal accorde l'indépendance à ses colonies africaines en 1974 et 1975.

décolonisation [dekɔlɔnizɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1836, Fonfrède, in D. D. L., repris 1952; de 1. dé-, et colonisation.
Cessation pour un pays de l'état de colonie, processus par lequel une colonie devient indépendante.
1 Je vous épargne l'analyse mille fois recommencée du phénomène de décolonisation qui a affecté tous les empires (…)
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 391.
2 Pour moi, l'histoire du siècle était depuis quarante ans celle de la montée communiste, et de la substitution de l'Amérique à l'Europe. Pour lui (Nehru), c'était celle de la décolonisation et d'abord, de la libération de l'Asie.
Malraux, Antimémoires, Folio, 1972, p. 202-203.
(1963). Par ext. Libération de groupes humains ou de secteurs socio-économiques dont l'exploitation est comparée à celle de la colonisation.
CONTR. Colonisation.

Encyclopédie Universelle. 2012.