prostitution [ prɔstitysjɔ̃ ] n. f.
• XIIIe « impudicité, débauche »; lat. prostitutio
1 ♦ (1611) Le fait de « livrer son corps aux plaisirs sexuels d'autrui, pour de l'argent » (Dalloz) et d'en faire métier; l'exercice de ce métier; le phénomène social qu'il représente. Réglementation administrative, police de la prostitution. Le proxénétisme est un délit, mais pas la prostitution. Établissement, maison de prostitution. ⇒ bordel (cf. Maison close, de passe, de tolérance). Personnes qui vivent de la prostitution. ⇒ prostitué; entremetteur, fam. 2. maquereau, proxénète, souteneur. Se livrer à la prostitution. Trafic de femmes en vue de la prostitution (cf. Traite des Blanches). « Il y a une prostitution analogue au petit commerce des rues » (Valéry).
2 ♦ (1580) Fig. et littér. Action de prostituer (1o), d'avilir; son résultat. ⇒ 1. dégradation. « De là est venue cette immense prostitution du monde moderne » (Péguy).
● prostitution nom féminin (latin prostitutio) Acte par lequel une personne consent habituellement à pratiquer des rapports sexuels avec un nombre indéterminé d'autres personnes moyennant rémunération. Littéraire. Action de prostituer, d'avilir, de dégrader quelque chose de respectable : La prostitution de l'art entre les mains de marchands. ● prostitution (synonymes) nom féminin (latin prostitutio) Littéraire. Action de prostituer , d'avilir, de dégrader quelque chose de respectable
Synonymes :
- dégradation
- dépravation
- flétrissure
prostitution
n. f.
d1./d Action de prostituer (qqn), de se prostituer.
|| Fait social constitué par l'existence des prostitué(e)s.
d2./d Action de prostituer (sens 2); avilissement intéressé.
⇒PROSTITUTION, subst. fém.
A.— 1. Vieilli. [Le plus souvent à propos d'une femme] Pratique de la débauche pour des motifs plus ou moins intéressés; inconduite où le sentiment n'a point de part. Cette timide créature [la comtesse] avait trop de pureté, trop de grandeur pour essayer, comme certaines femmes adroites, de gouverner le comte en mettant du calcul dans sa conduite, espèce de prostitution par laquelle les belles âmes se trouvent salies (BALZAC, Enf. maudit, 1831, p. 374). Qu'est-ce que la prostitution, sinon les conséquences de l'amour sans l'amour, l'union des sens sans amour? (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 148).
— P. méton. [Avec un indéf. ou au plur.] Aigries, affaiblies et malades, obstinées en leur rigidité, en leur entêtement de Françaises et d'honnêtes femmes, elles assistaient avec écœurement à l'infamie, aux prostitutions, aux capitulations des autres (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 111) :
• 1. Elle la voyait toujours passer des bras de Jacques aux bras de Guillaume, et ce double abandon lui paraissait une prostitution diabolique, un besoin de sales débauchés.
ZOLA, M. Férat, 1868, p. 229.
2. Fait pour un individu de l'un ou l'autre sexe, de consentir à avoir des relations sexuelles avec des partenaires différents, dans un but lucratif et d'en faire son métier; exercice de ce métier; le fait de société qu'il représente. La prostitution, cette autre forme de l'esclavage, dévore comme une lèpre la société européenne (NERVAL, Voy. Orient, t. 3, 1851, p. 275). La bassesse immonde de toute sa personne, usée par dix années de prostitution (ZOLA, Argent, 1891, p. 396). Neuf sur dix des jeunes gens qui se livrent ici [à Berlin] à la prostitution, ne sont nullement homosexuels (GIDE, Journal, 1932, p. 1144). V. femme I C 3 a ex. de Flaubert :
• 2. ... la prostitution n'est pas claire dans la tête des gens qui, bourrés d'idées reçues, mélangent la fiction littéraire à la réalité et font voisiner dans un flou artistique les putes au grand cœur et les salopes, les bêtes de plaisirs et les anges dévoyés, les putains respectueuses et les putains respectables.
L'Événement du Jeudi, 10 avr. 1986, p. 45, col. 1.
SYNT. S'adonner, se livrer à la prostitution; sombrer, tomber dans la prostitution; encourager, inciter qqn à la prostitution; tirer ses ressources, vivre de la prostitution; réglementer, interdire la prostitution; établissement, lieu, maison de prostitution; registre de (la) prostitution; réseau de prostitution; milieu, monde de la prostitution.
— [Suivi d'un adj. ou d'un compl. prép. de indiquant la nature de ceux qui l'exercent ou qui s'y adonnent, la manière dont elle s'exerce, le lieu où elle s'exerce] Prostitution clandestine, occasionnelle, professionnelle; prostitution du boulevard, du trottoir, de luxe; prostitution enfantine, homosexuelle, masculine. Partout, les hôtels de passe sont fermés ou vont fermer, les tôliers assimilés aux proxénètes. Les studios sont confisqués, interdits. Reste la prostitution « sauvage », le coin d'un bois, la voiture, d'où rafle et prison (Le Nouvel Observateur, 24 nov. 1975, p. 67, col. 2). Il existe une corrélation certaine entre ces disparitions [de mineurs] et les phénomènes préoccupants de drogue et de prostitution juvénile (Le Figaro Magazine, 8 juin 1984, p. 112, col. 2). La prostitution industrielle dans les maisons d'abattage (Libération, 27 oct. 1984, p. 12, col. 2).
— P. méton.
♦ La relation sexuelle elle-même. L'excès même de ses premières austérités [du christianisme] étoit nécessaire : il falloit qu'il y eût des martyrs de la chasteté, quand il y avoit des prostitutions publiques; des pénitens couverts de cendre et de cilice, quand la loi autorisoit les plus grands crimes contre les mœurs (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 592).
♦ Ensemble de prostitué(e)s. Certes, la prostitution de l'hôtel particulier méprise celle de la rue, mais dans les cas urgents l'acte professionnel s'accomplit de lui-même et, sous un certain regard, c'est toujours le même geste de dénouer la ceinture (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 325). P. ext. Les prostituées et ceux qui vivent d'elles, notamment les proxénètes. Le cadavre calciné d'une jeune femme découvert samedi au Castellet (Var) sur un plateau proche du circuit « Paul-Ricard » constitue la cinquième affaire criminelle du même type depuis 1978 dans ce lieu de rendez-vous bien connu de la prostitution toulonnaise (L'Est Républicain, 24 avr. 1984, p. 20, col. 6).
— P. métaph. Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe (BAUDEL., Poèmes prose, 1867, p. 60).
3. ANTIQUITÉ
a) Prostitution sacrée. Fait pour des hommes ou des femmes d'avoir des relations sexuelles dans l'enceinte d'un temple, notamment dans le cadre du culte de la fécondité. Dans la prostitution sacrée le don n'a lieu qu'une seule fois, comme offrande de la chasteté, avant l'entrée en mariage. Dans le cas de la prostituée sacrée, le don se répète (Bible Suppl. t. 8 1972, col. 1358).
b) [Dans l'Écriture sainte] Fait de s'adonner au culte des idoles. La relation de cause à effet entre l'idolâtrie et la prostitution n'est pas la seule qui existe. Les auteurs sacrés y ajoutent une relation de similitude. Par vocation, en effet, la nation israélite appartient à Jehovah; quand elle se détourne de lui pour se livrer aux faux dieux, elle se rend coupable de fornication et de prostitution (Bible t. 5 1912, col. 770).
B.— 1. Fait de renoncer à sa dignité, de se déprécier; usage dégradant que l'on fait de ses qualités, de son savoir, de son art, pour des raisons d'intérêt ou par ambition, par nécessité ou par obligation. Le grand crime de Voltaire est l'abus du talent et la prostitution réfléchie d'un génie créé pour célébrer Dieu et la vertu (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 275). La plupart des hommes célèbres meurent dans un véritable état de prostitution. Finir comme Sieyès ou comme Rossini, en philosophe repu ou en artiste désabusé (SAINTE-BEUVE, Poisons, 1869, p. 18) :
• 3. La liberté que révérait M. Thiers était une liberté du privilège consolidée par la police; la famille exaltée par les journaux conservateurs se maintenait sur un état social où femmes et hommes étaient descendus dans la mine, à demi nus, à la même corde; la morale prospérait sur la prostitution ouvrière.
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 248.
— P. méton. Il y a environ vingt-cinq ans que j'ai préféré l'indigence et même le décri aux vacheries ou prostitutions littéraires qui ont porté plusieurs de mes anciens camarades à l'académie et au pouvoir (BLOY, Journal, 1902, p. 103). La fortune de Roussel lui permet de vivre seul, malade, sans la moindre prostitution. Sa richesse le protège. Son œuvre n'a pas une tache de graisse (COCTEAU, Poés. crit. I, 1959, p. 135).
2. Dégradation de quelque chose par usage abusif ou dévoyé. Je déteste la poésie parlée, la poésie en phrases. Pour les choses qui n'ont pas de mots, le regard suffit. Les exhalaisons d'âme, le lyrisme, les descriptions, je veux de tout cela en style. Ailleurs, c'est une prostitution de l'art et du sentiment même (FLAUB., Corresp., 1852, p. 462). Même cette prostitution du pathétique, que sont les imbécillités des films, ne parvenait pas à affaiblir le pathétique de ces deux visages : la vie tenait le coup (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1499) :
• 4. Seuls, les Shakespeare, plus faciles à compter, résistent à la prostitution du génie, parce que, redevenus pareils à la nature qu'ils représentent, ils offrent aux hommes moins une source d'imitation qu'une source d'art, un monde nouveau et second où l'on peut puiser sans honte et sans peur, éternellement.
GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 299.
REM. Prostitutionnel, -elle, adj. Relatif ou propre à la prostitution (supra A 2). On a chiffré au double de professionnelles le nombre des « occasionnelles ». Encore ne s'agit-il que d'une statistique assez vague, appuyée sur des estimations, peut-être au-dessous de la réalité. Du reste, où commence le fait prostitutionnel? (Le Monde, 16 mars 1973, p. 10, col. 5). Le périmètre prostitutionnel qui est visé par le maire est celui du bas de la rue Saint-Denis, près du forum des Halles où la valeur immobilière des appartements a décuplé en quelques années (Libération, 27 mars 1985, p. 19, col. 4).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. : 1. a) 2e moit. XIIIe s. « débauche » (Version anglo-normande de l'Apocalypse, éd. P. Meyer ds Romania t. 25, p. 237); b) 1611 « action de se prostituer pour de l'argent » (COTGR.); 1690 lieux de prostitution (FUR.); 2. 1588 « usage dégradant que l'on fait d'une chose » (MONTAIGNE, Essais, I, 40, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, 253); 3. 1718 « fait de s'abandonner à l'idolâtrie [dans l'Écriture] » (Ac.). Empr. au lat. chrét. prostitutio « profanation, prostitution », dér. de prostitutum, supin de prostituere (v. prostituer). Fréq. abs. littér. :460. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 563, b) 865; XXe s. : a) 629, b) 208.
prostitution [pʀɔstitysjɔ̃] n. f.
ÉTYM. XIIIe, « impudicité, débauche », repris 1530; lat. prostitutio, de prostitutum, prostituere. → Prostituer.
❖
1 Vx. Pratique de la débauche, en parlant d'une femme.
♦ Spécialt. || Prostitution sacrée : pratiques sexuelles à caractère rituel, par des femmes.
2 Mod. (1690; on disait aussi au XVIIIe prostitution publique [Montesquieu] ou encore « publicisme des femmes » [Restif]). Le fait de « livrer son corps aux plaisirs sexuels d'autrui, pour de l'argent » (Petit dict. de Droit, Dalloz) et d'en faire métier; l'exercice de ce « métier »; le phénomène social qu'il représente. ⇒ Business (argot). || Réglementation administrative, police de la prostitution (« fichier sanitaire et social » remplaçant la mise en carte [⇒ Encarter], répression du racolage, etc.). || Établissement, maison de prostitution. ⇒ Bordel, maison (supra cit. 29), passe, tolérance. || Prostitution des mineurs (→ aussi Excitation à la débauche). || Personnes qui vivent de la prostitution (→ Marlou, cit. 2). ⇒ Prostituée; bordelier, entremetteur, maquerelle, proxénète, sous-maîtresse, souteneur, taulier, tenancier. || Trafic de femmes en vue de la prostitution. → Traite des blanches. || Traité sur la prostitution. ⇒ Pornographie (vx).
1 Une vraie courtisane (…) porte dans la franchise de sa situation un avertissement aussi lumineux que la lanterne rouge de la Prostitution (…)
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 265.
2 Ici, les enfants innombrables jouent autour des pauvres p… nues ou demi-nues, à vendre devant leur chambre ouverte. Il y a une prostitution analogue au petit commerce des rues. Elles vendent leur nature comme fait la voisine ses châtaignes, ses figues, ses immenses tartes dorées, farinade de pois chiches.
Valéry, Rhumbs, p. 15.
♦ Par exagér. (et par retour au sens 1) :
3 Quoi de plus sot, au contraire, dans nos mœurs actuelles, que la présentation officielle et presque sentimentale du futur à la jeune fille ! Cette prostitution légale va jusqu'à choquer la pudeur.
Stendhal, De l'amour, XXI.
3 Fig. et littér. (1580, Montaigne). Action de prostituer (1.), d'avilir; son résultat. ⇒ Dégradation.
4 De là est venue cette immense prostitution du monde moderne. Elle ne vient pas de la luxure. Elle n'en est pas digne. Elle vient de l'argent.
Ch. Péguy, Note conjointe, Sur Descartes, p. 291.
Encyclopédie Universelle. 2012.