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CONVERS
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CONVERS

Le terme actuel de convers vient du latin conversus , qui désignait, dans le langage chrétien, quelqu’un qui change pour revenir à Dieu après avoir vécu dans l’hérésie, dans le paganisme ou dans l’indifférence, mais aussi le chrétien fidèle qui entre dans la vie religieuse. Les moines employèrent le mot conversus pour se désigner eux-mêmes, du moins certains d’entre eux, de manière à marquer le caractère personnel de leur vocation monastique: on distinguait ainsi ceux qui étaient entrés au monastère à l’âge adulte de ceux qui y avaient été amenés par leurs parents, dès leur plus tendre enfance.

Un moine conversus pouvait accéder aux ordres et même au sacerdoce, mais, à l’époque, les moines entrés à l’âge adulte étaient, pour la plupart, illettrés et le restaient. Ils pouvaient accomplir de nombreuses tâches et participer au chœur, aux prières communes, mais non entrer dans la cléricature. Ils jouissaient, dans le monastère, des mêmes droits que les autres moines, mais sans accéder aux fonctions exigeant le pouvoir d’ordre ou l’usage de la lecture et de l’écriture.

Au XIe siècle, en Italie, puis en France, avec la réforme grégorienne, les législateurs monastiques exigèrent des moines clercs l’assiduité à l’office choral et à l’étude des Saintes Écritures, ce qui entraînait l’obligation de résider à l’abbaye sans interruption. Les moines du XIe siècle, qui s’acquittaient de l’office divin selon la règle de saint Benoît, admettaient des simplifications dans leurs prieurés ou même des exemptions pour des moines dirigeant des exploitations agricoles, exceptions que refusèrent les moines du XIIe siècle; mais, tout monastère devant vivre alors de ses propres productions et avoir des exploitations et des ateliers, on les confia donc à des religieux laïcs.

Chez les Chartreux, ainsi que chez les Cisterciens, on réserva le titre de moine aux religieux clercs, les autres étant appelés d’abord laïcs, puis conversi (convers), mot qui, employé depuis longtemps, n’avait pas de valeur juridique et s’appliquait fort bien à cette nouvelle classe de religieux venus au monastère à l’âge adulte. Les convers eurent donc à s’acquitter des tâches matérielles. Chez les Cisterciens, les plus capables d’entre eux étaient maîtres de granges, chefs de vastes exploitations agricoles. D’autres étaient artisans (menuisiers, forgerons, boulangers). Chez les Chartreux, la majorité des frères, groupés à la maison basse ou correrie, exerçaient des métiers, mais l’un d’eux était chargé de l’agriculture, un autre était maître des bergers. À l’origine, les convers, peu nombreux, travaillaient de leurs mains, mais avaient aussi des salariés. Soumis au cellérier chez les Cisterciens, au procureur chez les Chartreux, ils avaient de véritables responsabilités d’administrateurs et intervenaient au nom du monastère dans les relations avec les voisins.

Un des objectifs majeurs de la réforme grégorienne ayant été d’éliminer les laïcs des élections cléricales, il ne pouvait être question d’admettre les convers à participer à l’élection d’un abbé ou d’un prieur, qui étaient des prêtres.

Au XIIe siècle, les convers des ordres nouveaux étaient donc des religieux, qui menaient une véritable vie monastique avec les obligations d’obéissance, de chasteté, de pauvreté individuelle, mais qui, n’étant pas soumis aux devoirs des clercs, avaient des prières plus brèves et moins solennelles, n’étudiaient pas dans les livres, s’adonnaient plus longuement aux travaux manuels et pouvaient plus facilement se déplacer.

Cette formule nouvelle attira, dans les monastères, des paysans ou des hommes du peuple, venus y mener une vie pieuse avec des occupations qui leur étaient familières, ainsi que des nobles qui voulaient se sanctifier dans une vie humble et cachée, mais se sentaient incapables d’apprendre le latin et de s’astreindre à de longs offices. Elle fut recherchée par des clercs ou des prêtres désireux d’échapper à l’office liturgique, d’avoir une vie simple et de s’adonner au travail manuel. Les monastères comptaient d’autres laïcs qui leur étaient attachés par des liens beaucoup plus lâches et auxquels on donnait des noms très divers: oblats, donnés, rendus, commis, etc. Mais ces familiers, qui menaient une existence apparentée à la vie religieuse, doivent être distingués des convers, qui étaient de vrais religieux. L’âge d’or des convers, dans les monastères, fut le milieu du XIIe siècle. Mais, dans le dernier quart de celui-ci et au début du XIIIe, de nombreuses révoltes de convers éclatèrent dans les abbayes cisterciennes, ainsi que dans l’ordre de Grandmont, sans doute parce que ceux-ci, devenus trop nombreux, étaient réduits à la condition de manœuvres.

L’institution des convers se répandit lentement dans les anciens monastères. Pendant longtemps, la plupart des abbayes bénédictines refusèrent de partager leur communauté en deux classes, et les congrégations du XIVe siècle déclarèrent qu’elles ne voulaient pas de convers. Chez les chanoines réguliers, on acceptait de pieux familiers, auxquels on ne donna pas de statut équivalent à celui des convers.

Après le concile de Trente, la plupart des ordres religieux eurent deux classes de religieux, les clercs et les convers, la distinction des classes propre à la mentalité de l’Ancien Régime refusant que les enfants des classes supérieures fussent confondus dans la vie religieuse avec les autres. Cela explique que la division en deux classes fut introduite chez les religieuses elles-mêmes, pour lesquelles la question de l’admission aux ordres sacrés ne se posait pas et qui, pour la plupart, ignoraient le latin. Le partage entre les postulantes se faisait le plus souvent en fonction de la dot, et celles qui n’avaient pas de dot devenaient converses, leur travail assurant leur subsistance. Convers et converses eurent à remplir des fonctions domestiques.

La séparation des religieux en deux classes, qui n’était qu’un reflet de certaines sociétés et non une composante essentielle de la vie religieuse, heurte les conceptions actuelles. Progressivement, les ordres et congrégations religieuses d’hommes et de femmes ont supprimé la «classe des convers»; les convers sont désormais religieux à part entière dans le cadre du droit propre à l’institut. Ils se préoccupent aussi de garder leur place dans l’institution monastique à ceux qui préfèrent une forme de vie laïque à l’état du religieux clerc.

convers, erse [ kɔ̃vɛr, ɛrs ] adj.
• v. 1160 n. m.; lat. ecclés. conversus « retourné, converti »
1Relig. Frère convers, sœur converse : personne qui, dans un monastère ou un couvent, se consacre aux travaux manuels. ⇒ 1. lai, servant.
2Log. Se dit d'une proposition obtenue par conversion. Une implication converse.

convers, converse adjectif (latin ecclésiastique conversus, converti) Se dit des religieux et religieuses qui ne chantent pas au chœur et sont chargés du service domestique de la communauté.

convers, erse
adj. Se dit d'un religieux non prêtre, d'une religieuse employée aux besognes domestiques dans sa communauté. Frère convers.

⇒CONVERS, ERSE, subst.
RELIG. CHRÉT.
A.— HIST. RELIG.
1. Dans la première Église, moine entré en religion à l'âge adulte (par opposition à ceux que leurs parents amenaient au monastère dans leur jeune âge, les oblats).
Rem. Associés à la vie relig. de la communauté, les convers, en gén. illettrés, ne pouvaient entrer dans la cléricature.
2. Au XIIe siècle, moine qui n'était pas soumis à la Règle majeure de l'Ordre, mais à un règlement mineur (les us et coutumes) et qui assurait les tâches matérielles permettant à la communauté de subvenir à ses besoins.
3. [Depuis le Concile de Trente, 1545-1563] Religieux, religieuse employé(e) aux travaux domestiques et aux œuvres serviles, ne chantant pas dans le chœur et exclu des ordres sacrés. Son frère est convers chez les Dominicains (BERNANOS, Dialog. ombr., 1928, p. 204). Esclave porteur de bagages, humble convers toléré (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 319) :
1. ... les purs contemplatifs se trouvent parfois chez les convers appliqués aux besognes subalternes, parce qu'elles ne détournent pas leur attention...
MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 158.
Emploi adj. Frère convers, sœur converse. Même sens. Synon. frère lai, sœur laie. Une dizaine de pères de chœur et (...) une trentaine de frères-lais ou convers (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 249) :
2. Elle a fait une sainte mort, me dit la Supérieure, elle se levait de son lit tous les jours de sa longue maladie, et deux sœurs converses la portaient à la chapelle.
A. FRANCE, Le Jardin d'Épicure, 1895, p. 169.
B.— Personne retirée dans un monastère et menant la vie des convers (cf. A 3).
Rem. L'emploi subst. au fém. est rare.
Prononc. et Orth. :[], fém. [-]. Ds Ac. 1694-1932. On rencontre la var. graph. convert : Les oblats, les converts et les reclus (HUYSMANS, Oblat, 1903, p. 188). Étymol. et Hist. 1160-74 subst. masc. (WACE, Rou, éd. H. Andresen, II, 16); ca 1200 subst. fém. (Première continuation de Perceval, éd. W. Roach, 17405 [leçon du ms. P, XIIIe s.]); ca 1210 (Bible Guiot, éd. J. Orr, 2091). Empr. au lat. chrét. conversus subst. masc. « converti » spéc. « qui s'est retiré du monde pour mener une vie plus religieuse, convers, religieux, moine » (506 ds BLAISE), part. passé de convertere (convertir). Fréq. abs. littér. :84.

convers, erse [kɔ̃vɛʀ, ɛʀs] adj. et n.
ÉTYM. V. 1160, n. m.; n. f., v. 1200; lat. ecclés. conversus « retourné, inversé, converti », p. p. de convertere. → Convertir.
1 Relig. || Frère convers, sœur converse : personne qui, dans un monastère ou un couvent, se consacre aux travaux manuels. Lai, servant. || Les frères convers ne reçoivent pas les ordres sacrés.N. m. || Un convers.
1 Les moines de Cîteaux amenèrent leurs frères convers avec plusieurs écuyers (…)
Voltaire, Essai sur les mœurs, 64.
Hist. Moine entré en religion à l'âge adulte (par oppos. à oblat).Moine non soumis à la règle de l'ordre, mais aux « us et coutumes », règlement mineur (au XIIe siècle).
1.1 (…) les « convers ». Pour eux, la participation aux prières fut très réduite : un rôle décisif leur revenait dans la création des biens.
Georges Duby, Guerriers et Paysans, VII-XIIe s., p. 246.
2 (1704). Log. Se dit d'une relation non symétrique dont les propositions sont inversées. || Implication converse (p est impliqué par q).N. f. || Une converse.
2 Les grands hommes sont mes rois; mais la converse n'a pas lieu ici; les rois ne sont pas mes grands hommes (…)
Voltaire, Lettre à Maupertuis, 1740.

Encyclopédie Universelle. 2012.