éventer [ evɑ̃te ] v. tr. <conjug. : 1>
• esventer « aérer » 1178; de é- et vent
1 ♦ Rafraîchir en agitant l'air. « l'aubergiste prend soin d'éventer ses hôtes avec un énorme plumeau chasse-mouches » (A. Gide). Pronom. « je m'éventais avec un mouchoir » (Camus).
2 ♦ (1165) Exposer au vent, à l'air. Éventer des vêtements. Éventer le grain, le remuer pour éviter la fermentation.
♢ V. pron. S'ÉVENTER. Perdre son parfum, son goût en restant au contact de l'air. La bouteille était mal bouchée : le vin s'est éventé.
3 ♦ (1120 « dépister ») Mettre à l'air libre (ce qui est enfermé ou caché). Éventer une mine, une mèche. Éventer la mèche.
♢ Fig. Découvrir. Éventer un complot, un piège. — Vx « Ne rien dire et ne rien faire qui puisse éventer le secret » (Sand).
4 ♦ Chasse ⇒ flairer. Le renard « était venu trop près [...] il était éventé » (Pergaud).
● éventer verbe transitif (latin populaire exventare, du latin classique ventus, vent) Exposer quelque chose à l'air : Éventer les vêtements enfermés dans l'armoire. Donner à quelqu'un une sensation de fraîcheur en agitant l'air autour de lui : Éventer un malade. Flairer les émanations qu'apporte le vent, pour suivre la piste d'un autre animal : Chien de chasse qui évente un lièvre. Découvrir quelque chose de caché, de mystérieux : Éventer un secret. Remuer le grain et l'aérer pour qu'il ne s'échauffe pas. ● éventer (homonymes) verbe transitif (latin populaire exventare, du latin classique ventus, vent) ● éventer (synonymes) verbe transitif (latin populaire exventare, du latin classique ventus, vent) Exposer quelque chose à l'air
Synonymes :
- aérer
Découvrir quelque chose de caché, de mystérieux
Synonymes :
- détecter
- percer
éventer
v. tr.
d1./d Agiter l'air pour rafraîchir (qqn).
|| v. Pron. S'éventer avec un journal.
d2./d Exposer à l'air. éventer des vêtements.
— éventer le grain, l'aérer en le remuant pour empêcher la fermentation.
— Pp. adj. Un balcon éventé.
|| v. Pron. S'altérer au contact de l'air. Ce parfum s'est éventé.
— Pp. adj. Un vin éventé.
d3./d Loc. fig. éventer un piège, le découvrir, en empêcher l'effet.
— Pp. adj. Un truc éventé.
⇒ÉVENTER, verbe trans.
A.— Vieilli. Exposer (quelque chose) au vent, mettre (quelque chose) à l'air. (Quasi-)synon. aérer. Il faut éventer un peu ce meuble (Ac.). Pour éviter d'éventer des graines qui ne devront être semées qu'à des époques très-différentes, nous croyons qu'il serait convenable de diviser en quatre parties la totalité de cet assortiment (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 208).
1. Spéc., MAR. Éventer une voile. La mettre en position de prendre le vent. La brigantine fut alors éventée, et le brick, serrant le vent, se trouva par le travers de la Mercy (VERNE, Île myst., 1874, p. 447).
2. En partic., rare. Altérer (une substance) en (la) laissant trop longtemps au contact de l'air. Éventer une liqueur (Ac.).
— Emploi pronom., fréq. S'altérer plus ou moins rapidement au contact de l'air. Je ne gâchais pas mon plâtre assez vite ou plutôt je le laissais s'éventer. C'est en vain que (...), le vieux domestique, m'apportait du plâtre en poudre (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 225). Norine. — Ce pot à tabac, comment le trouves-tu? (...). Lenglumé. — (...) Ne touche pas!... Norine. — Pourquoi ça? Lenglumé. — Parce que ça pourrait s'éventer (LABICHE, Affaire rue Lourcine, 1857, XI, pp. 464-465) :
• 1. Et quand le père Colombe (...) eut empli les quatre verres, ces messieurs les vidèrent d'une lampée, histoire de ne pas laisser le liquide s'éventer.
ZOLA, Assommoir, 1877, p. 622.
Rem. Certains dict. gén. attestent l'adj. éventable. Qui peut s'éventer. Et même en l'absence de réactifs solubles accélérateurs, ces produits très poussés sont plus éventables que les ciments normaux (J. CLÉRET DE LANGAVANT, Ciments et bétons, 1953, p. 110).
♦ Au fig. Perdre sa force, sa nouveauté. Les idées se sont éventées au cours des siècles, mais elles demeurent les petites obstinations personnelles d'un homme qui fut de chair et d'os (SARTRE, Sit. II, 1948, p. 80). Il se glissait dans toutes les amitiés des réserves et des rancunes, la haine s'était éventée (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 365).
B.— Mettre à l'air, au jour (ce qui est enfermé ou caché), en particulier dans le domaine militaire. La mine dirigée par Lefort fut éventée par les Turcs; celle de Gordon éclata (...) celle de Golovine (...) envoya dans les tranchées russes une masse énorme de débris qui tuèrent deux colonels et une centaine de soldats (MÉRIMÉE, Hist. règne Pierre le Gd, 1864-68, p. 680).
♦ Loc. fig. Éventer la mine, la mèche. Deviner un secret; divulguer ce qui aurait dû rester secret. Il nous soutenait, avec le plus grand sang-froid du monde, que la mine n'était pas éventée, que les indications portaient nécessairement à faux (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 146). Il fallait tenir l'œil ouvert sur ce croisé naïf qui, par ses maladresses, pourrait bien éventer la mèche (GIDE, Caves, 1914, p. 786).
— P. anal. et au fig.
♦ Deviner, pénétrer (un dessein secret) et (le) faire échouer. Quand elle commence à être grosse, on veut la marier; mais le futur évente une grossesse (GONCOURT, Journal, 1857, p. 316). Malheureusement les autorités damasquines éventèrent le complot et firent exécuter les chefs des assassins (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 132) :
• 2. C'était [Mascha] une femme cruelle, logique, froide, jamais à court d'idées, d'une invention et d'une perversion sataniques quand il s'agissait de monter une nouvelle affaire, d'exécuter un attentat ou d'éventer les traquenards de la police.
CENDRARS, Moravagine, 1926, p. 102.
♦ Faire connaître (ce qui aurait dû rester secret). Si l'on communique et si l'on accorde, on évente le livre (HUGO, Corresp., 1866, p. 525). Le gamin tenait à nous ménager également, nous qui pouvions éventer ses projets de futur défroqué (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 132).
C.— 1. Brasser, agiter de l'air afin de rafraîchir (quelqu'un). Nous brûlerons de la résine autour de lui et nous l'éventerons avec des feuilles de fougère (SAND, Lélia, 1833, p. 303).
♦ P. métaph. La présence de son père auprès de lui, toutes scènes d'un passé si proche et si passé, et une sorte de grande brise fraîche, éventant sa vie (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 258).
— Emploi pronom. réfl. Allez donc dire cela à madame la banquière trois étoiles, qui s'évente là-bas à son balcon (BOREL, Champavert, 1833, p. 222). Mais les regards sournois, les physionomies soudainement figées des jeunes filles qui se reposent et s'éventent m'en rendent certaine (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 308).
2. Brasser, agiter de l'air afin d'attiser un feu. Un plat en cuivre plein de braise que les enfants éventent à tour de rôle pour réchauffer un peu l'air (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 206). Le marteau sonnait sur l'enclume. Les étincelles jaillissaient du fer. La forge, éventée à la main, par un petit garçon qui était le neveu d'Avril, complétait un décor où rien n'était en désharmonie avec l'histoire de Marguerite de Provence (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 61).
D.— [Le suj. désigne un animal] Prendre le vent pour détecter et suivre à l'odorat ou à l'ouïe, la piste d'un animal. (Quasi-)synon. flairer. En général, les animaux carnivores ont l'ouverture des oreilles tournée en avant, pour éventer leur proie (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 304). Goupil entendit à l'orée du terrier le reniflement du chien qui l'éventait et l'énergique juron du braconnier supputant de la patience et de l'endurance bien connues des renards (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 14).
— Emploi abs. ,,Ce cheval évente. Il a toujours le nez au vent`` (Ac.).
Prononc. et Orth. :[], (il s') évente []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1re moitié XIIe s. fig. « rechercher avec soin [comme en vannant], découvrir » [eventilasti, investigasti, TLL s.v., 1017, 6] (Psautier de Cambridge, 138, 3 ds T.-L.); b) 1478-80 id. « divulguer, répandre » (COQUILLART, Droits nouveaux, éd. M. J. Freeman, 2066); 1580 esventer un secret (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, III, 3, p. 395); 2. 1178-84 « aérer » (G. D'ARRAS, Eracle, 3349 ds T.-L. : Quant li fourmenz est esventez); 3. fin XIIe s. « rafraîchir en agitant l'air » (Raoul de Cambrai, 5128, ibid.); 4. 1393 « altérer au contact de l'air » (Ménagier de Paris, II, 67, ibid. : se le vin sent l'esventé). Du lat. exventare dér. de ventus « vent » et reconstitué à partir des langues romanes : a. prov. esventar, cat. esventar, ital. sventare, roum. zvinta. Fréq. abs. littér. :221. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 88, b) 372; XXe s. : a) 409, b) 416. Bbg. GUIRAUD (P.). Mél. d'étymol. arg. et pop. Cah. Lexicol. 1970, t. 17, p. 3, 8, 9, 10. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 249, 410.
éventer [evɑ̃te] v. tr.
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1 (Fin XIIe). Rafraîchir en agitant l'air. || Éventer qqn avec un éventail. || Éventer son visage avec un mouchoir.
1 D'une main éventant ses seins,
Et son coude dans les coussins,
(Elle) Écoute pleurer les bassins (…)
Baudelaire, Nouvelles fleurs du mal, « Bien loin d'ici ».
2 (…) mais tout le long du repas, l'aubergiste prend soin d'éventer ses hôtes avec un énorme plumeau chasse-mouches en banderoles multicolores.
Gide, Nouveaux prétextes, Journal sans dates, IX.
2 Exposer au vent, à l'air. || Éventer des vêtements. || Éventer le grain, le remuer pour éviter la fermentation.
♦ Chasse. || Éventer un piège, l'exposer à l'air pour lui faire perdre l'odeur qui rendrait la proie méfiante. — Rare. Altérer. || Éventer un vin. → ci-dessous, Éventé (2.).
♦ (1694). Spécialt (mar.). || Éventer une voile, la brasser de manière qu'elle prenne le vent. || Éventer la quille, l'amener hors de l'eau en abattant le navire en carène.
2.1 Bientôt le Speedy atteignit la pointe de l'îlot; il la tourna avec aisance; la brigantine fut alors éventée, et le brick, serrant le vent, se trouva par le travers de la Mercy.
J. Verne, l'île mystérieuse, t. II, p. 638 (1874).
3 Mettre à l'air libre (ce qui est enfermé ou caché). Vx. || Éventer une mine, une mèche. — ☑ Loc. fig. (vx ou littér.). Éventer la mine, la mèche : pénétrer un dessein, un secret. ⇒ Vendre (la mèche).
3 Robert était à mille lieues de croire que j'avais éventé la mèche (…)
F. Mauriac, le Nœud de vipères, XVI.
4 Je vous dirai même qu'il en est plus d'un qui ont éventé votre secret.
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, t. I, p. 24.
♦ (V. 1478). Rendre public, faire connaître. || Éventer un secret. ⇒ Divulguer, répandre (→ Discret, cit. 8).
5 (…) mon humeur, qui n'est pas (…) d'éventer les secrets de plaire que je puis avoir trouvés dans mon art.
Corneille, Lettres.
6 (…) il m'est enjoint de ne vous livrer l'argent qu'en échange de votre parole de ne rien dire et de ne rien faire qui puisse éventer le secret.
G. Sand, François le Champi, XIV.
6.1 (…) les journaux ordinairement si indiscrets, n'éventèrent pas le fameux programme; les quelques rédacteurs en chef mis dans le secret gardèrent religieusement et fermement le silence, pour ne pas ôter à leurs abonnés la sensation de la surprise qui double tous les plaisirs.
Robida, le Vingtième Siècle, p. 265.
7 Lorsqu'il (le loup) veut sortir du bois, jamais il ne manque de prendre le vent, il s'arrête sur la lisière, évente de tous côtés, et reçoit ainsi les émanations des corps morts ou vivants que le vent lui apporte de loin.
Buffon, Hist. nat. des animaux, Le loup, t. II.
8 De temps à autre l'aboi furieux d'un chien de chasse l'avertissait qu'il (le renard) était venu trop près, qu'il était éventé et que le temps était venu pour lui de détaler au plus vite.
L. Pergaud, De Goupil à Margot, Tragique aventure de Goupil, VIII.
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s'éventer v. pron.
9 (…) assis sur un coussin (…) égrenant d'une main un chapelet entre ses doigts osseux, de l'autre s'éventant le visage avec un écran de palmier.
Jérôme et Jean Tharaud, Marrakech, p. 160.
10 La sueur coulait sur mes joues. Comme je n'avais pas de chapeau, je m'éventais avec mon mouchoir.
Camus, l'Étranger, p. 27.
3 (XVIe). Perdre son parfum, son goût en restant au contact de l'air. ⇒ Altérer (s'). || La bouteille était mal bouchée; le vin s'est éventé.
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éventé, ée p. p. adj. et n.
1 (1580). Exposé au vent. || Une rue, une terrasse très éventée. (Contr. : abrité).
11 En hiver, j'y suis moins continuellement (dans la tour) : car ma maison est juchée sur un tertre, comme dit son nom, et n'a point de pièce plus éventée que celle-ci (…)
Montaigne, Essais, III, IV.
2 (1596). Altéré, corrompu par l'air. || Ce vin a perdu son bouquet, c'est un vin éventé. || Parfum éventé.
3 (1676). Fig. Découvert, connu. || C'est un truc éventé, personne ne s'y laissera prendre.
4 (1571). Vx. ⇒ Écervelé, étourdi, évaporé. || Air éventé (→ Aversion, cit. 4). — N. || Un éventé, une éventée.
12 Je la ferai rougir, cette jeune éventée (…)
Corneille, Mélite, III, 5, variante.
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DÉR. 2. Évent, éventail, éventement, éventoir.
Encyclopédie Universelle. 2012.