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enjamber

enjamber [ ɑ̃ʒɑ̃be ] v. <conjug. : 1>
• déb. XIIIe; de en- et jambe
1 V. intr. Rare ENJAMBER SUR : empiéter, se superposer en se prolongeant. « Cette poutre enjambe sur le mur du voisin » ( ACADÉMIE ).
(1587) Déborder par enjambement (sur le vers suivant). « De lourds alexandrins l'un sur l'autre enjambant » (Hugo).
2 V. tr. (1762) Plus cour. Franchir (un obstacle) en étendant la jambe. sauter. Enjamber un fossé, un ruisseau. « Les sept hommes enjambèrent le petit mur » (Mac Orlan). « J'ai vu la guerre de bien près : j'enjambais les corps sans apitoiement » (Maupassant). Par anal. Passer par-dessus en reliant les deux extrémités de (l'espace à franchir). Câbles qui enjambent une vallée. « La rivière qu'enjambe un pont de pierre en dos d'âne » ( Maupassant).

enjamber verbe transitif Passer par-dessus un obstacle, le franchir en étendant la jambe : Il enjamba la fenêtre. Relier les bords de quelque chose ; franchir : Le pont d'Alcantara enjambe le Tage.enjamber verbe transitif indirect Faire saillie, empiéter : Poutre qui enjambe sur l'immeuble voisin.

enjamber
v.
d1./d v. tr. Franchir en étendant la jambe par-dessus. Enjamber un ruisseau. Enjamber un parapet. Syn. (Suisse) camber.
|| Par ext. Viaduc qui enjambe la vallée.
d2./d v. intr. Se prolonger, avancer. Cette poutre enjambe sur le mur.

⇒ENJAMBER, verbe.
A.— Emploi trans. Enjamber qqc.
1. Passer par dessus un obstacle en étendant la jambe. Le misérable était assis, couché plutôt sur les marches. Il barrait complètement le passage (...). J'ai d'abord pensé l'enjamber, tout simplement, et passer outre (DUHAMEL, Journal Salav., 1927, p. 100) :
1. Arrivé en haut, j'ai trouvé l'escalier obstrué par une barrière à pointes de fer; j'ai appelé, personne n'a répondu; sur quoi j'ai pris le parti d'enjamber la barrière. L'obstacle franchi, j'étais sur la plate-forme du Pfarrthurm.
HUGO, Le Rhin, 1842, p. 260.
Emploi abs. Il ne faut qu'enjamber pour passer ce ruisseau (Ac. 1835-1932).
En partic. ,,Faire de grands pas en marchant. Voyez comme il enjambe!`` (Ac. 1798-1932).
P. anal. [En parlant d'une chose] Prendre appui de part et d'autre d'un obstacle, d'un espace. Sur un pont, qui enjambe d'une seule arche le Bahar-Youssef, s'élève une petite mosquée lézardée par le temps (DU CAMP, Nil, 1854, p. 97). Les fossés broussailleux que les ronciers enjambent de leur voûte (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 288).
2. Traverser un espace délimité; aller d'un côté à un autre. Le marché aux poissons, dont je ne vous dirais rien s'il n'était enjambé et parcouru à toute heure par de tranquilles cicognes (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 31). Il y a, en face de Hauteville-House, un petit family-hotel créé exprès pour moi (...) vous n'auriez que la rue à enjamber pour venir, matin et soir, prendre place à notre table de famille dont vous êtes (HUGO, Corresp., 1872, p. 321).
Au fig. Passer rapidement, sans transition d'un domaine à un autre; franchir d'un bond (les années). Quant aux auteurs latins, nous n'avions garde de les lire ailleurs que dans les textes expurgés par le jésuite Jouvency; encore enjambions-nous bien des passages que ce pudique jésuite avait crus sans danger (TOEPFFER. Nouv. Génev., 1839, p. 71). Cette affreuse échelle qui a tant d'échelons, qui va du vol domestique à l'assassinat... lui... l'avait enjambée en vingt-quatre heures (HUGO, Choses vues, 1885, p. 163) :
2. Ces créatures n'ont ni enfance ni adolescence. A quinze ans, elles en paraissaient douze, a seize ans, elles en paraissaient vingt. Aujourd'hui petites filles, demain femmes. On dirait qu'elles enjambent la vie, pour avoir fini plus vite.
HUGO, Les Misérables, t. 1, 1826, p. 889.
B.— Emploi intrans.
1. Enjamber sur. Faire une avancée sur. Synon. empiéter, se prolonger sur. Cette poutre enjambe sur le mur du voisin (Ac. 1798-1932).
Au fig., rare. Enjamber dans. Faire un pas, mettre un pied dans. Aussitôt qu'un du cénacle le pouvait, il enjambait dans une académie et devenait plus académique que les autres (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 717).
2. VERSIF. Enjamber sur
a) [Le suj. désigne un vers] Déborder, du point de vue du sens, sur le vers suivant. Un vers enjambe sur le vers suivant (Ac. 1798-1932).
b) [Le suj. désigne un écrivain] Ne pas faire coïncider l'unité de syntaxe et l'unité de vers, mais prolonger la phrase ou la proposition par un ou plusieurs vers. Une fois ou deux, M. Delavigne s'est permis de ne point clore la pensée avec les rimes correspondantes, et d'enjamber par le sens sur de nouvelles rimes, au grand désappointement de l'oreille (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 5, 1846-69, p. 479).
Prononc. et Orth. :[], (j')enjambe []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIIe s. « franchir un obstacle » (J. DE BOVES, De Barat et de Haimet, éd. Montaiglon et Raynaud, IV, 107, 414); 2. ca 1382 enjamber sur « empiéter sur » (J. CUVELIER, Du Guesclin, 20962 ds LITTRÉ); 3. 1660-68 terme de versif. (BOILEAU, Art Poétique, p. 1 d'apr. DG). Dér. de jambe; préf. en-; dés. -er; 1er quart XIIIe s. bien engambez « solide sur ses jambes » (RENCLUS DE MOLLIENS, Charité, 101 8 ds T.-L.), dér. de jambe, préf. en-, suff. . Fréq. abs. littér. :411. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 183, b) 816; XXe s. : a) 960, b) 573.

enjamber [ɑ̃ʒɑ̃be] v.
ÉTYM. Déb. XIIIe; de en-, jambe, et suff. verbal.
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I V. tr.
1 Franchir (un espace, un obstacle) en étendant la jambe. Passer (par-dessus), sauter. || Enjamber un fossé, un ruisseau, une haie, une barrière. || Enjamber deux marches à la fois. || Enjamber un corps couché par terre.
1 Et calme, il enjambait, plein d'un superbe ennui,
Des cadavres gisants, peut-être faits par lui.
Hugo, la Légende des siècles, LVII, Guerre civile.
2 Leurs grands chevaux se cabraient, enjambaient les rangs, sautaient par-dessus les baïonnettes et tombaient, gigantesques, au milieu de ces quatre murs vivants.
Hugo, les Misérables, II, I, X.
3 Les sept hommes enjambèrent le petit mur et le maigre réseau de barbelés.
P. Mac Orlan, la Bandera, XVII, p. 205.
Par ext. Parcourir en quelques enjambées. || Enjamber la rue.
Absolt et vx. || Il suffit d'enjamber pour passer ce ruisseau.
4 Quand on veut lire tout haut du Rabelais, même devant des hommes (car devant les femmes cela ne se peut), on est toujours comme quelqu'un qui veut traverser une vaste place pleine de boues et d'ordures : il s'agit d'enjamber à chaque moment et de traverser sans trop se crotter : c'est difficile.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 7 oct. 1850, t. III, p. 5.
2 (1870). Prendre appui aux deux extrémités d'un espace à franchir. || Le pont qui enjambe la rivière.
5 La maison est sur un coteau, au milieu d'un parc en pente, jusqu'à la rivière qu'enjambe un pont de pierre en dos d'âne.
Maupassant, Clair de lune, p. 260.
3 Fig. Franchir, passer rapidement. || Enjamber les années, la vie.Passer par dessus. || Enjamber les convenances (→ Culbuter, cit. 4).
4 Fam. et vulg. (même métaphore que chevaucher, sauter). Posséder sexuellement (une femme).
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II V. intr.
1 Rare. Empiéter, se superposer en se prolongeant. || Cette poutre enjambe sur le mur du voisin (Académie).
2 (1857). Didact. || Vers qui enjambe sur le vers suivant ( Enjambement).
6 Enfin Malherbe vint (…)
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.
Boileau, l'Art poétique, I.
7 De lourds alexandrins l'un sur l'autre enjambant
Comme des écoliers qui sortent de leur banc.
Hugo, les Voix intérieures, XXII.
tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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enjambé, ée p. p. adj.
1 (Fin XIIe). || Être haut enjambé, bien enjambé : avoir les jambes très longues.
2 Rime enjambée. Enjambement, 2.
DÉR. Enjambement, enjambeur.

Encyclopédie Universelle. 2012.