émoi [ emwa ] n. m.
• XIIIe, répandu XVIe; esmai XIIe; de l'a. fr. esmayer « troubler », lat. pop. °exmagare « priver de sa force », germ. °magan
♦ Littér.
1 ♦ Agitation, effervescence. « Il avait fallu l'interner. Grand émoi dans le village » (Martin du Gard). Être en émoi.
2 ♦ Trouble qui naît de l'appréhension ou d'une émotion sensuelle. ⇒ émotion, excitation. « Je vins m'asseoir à côté d'elle non sans émoi, car j'étais fort jeune » (Maurois).
⊗ CONTR. 1. Calme.
● émoi nom masculin (ancien français esmaier, inquiéter, du bas latin exmagare, priver de force, du germanique magan) Littéraire Trouble causé par la crainte, l'inquiétude ; effervescence : La ville est en émoi. Émotion vive causée par l'inquiétude, la douleur ou la joie, la sensualité, etc. : L'émoi du printemps.
émoi
n. m.
d1./d Vieilli Trouble, agitation suscitée par l'émotion ou l'inquiétude. La population était en émoi.
d2./d Trouble intime, de nature affective ou sensuelle. émoi esthétique, amoureux.
⇒ÉMOI, subst. masc.
A.— Domaine phys.
1. Trouble, agitation vive. L'émoi des abeilles, des feuilles, de la fourmilière; fauvettes, passereaux en émoi. Quel contraste entre ce lieu mort [le Carmel] et ce chemin de fer, toujours en émoi, qui le longe (HUYSMANS, Cathédr., 1898, p. 356). Un émoi très spécial que les apiculteurs appellent le soleil d'artifice (MAETERL., Vie abeilles, 1901, p. 168).
2. P. ext. Alarme, effervescence due au saisissement de la surprise, de la peur. Émoi général; la ville est en émoi. Chatillon avait pris la fuite. L'émoi, la surprise étaient partout (FRANCE, Île ping., 1908, p. 240). C'est une grande nerveuse, toujours tendue, toujours en émoi, une de ces femmes qui passent leur vie à épier la catastrophe (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 90) :
• 1. Comme il [Salvat] l'avait pensé, dès l'aube, la battue venait d'être organisée, on le traquait. Son cœur battit à grands coups, il eut l'émoi du gibier que cernent les chasseurs.
ZOLA, Paris, t. 2, 1897, p. 4.
B.— Domaine affectif. Émotion, trouble émotif vécu affectivement.
1. Sur le mode de l'inquiétude, de la tristesse ou de la douleur. L'émoi du départ. Aujourd'hui, rien de l'émoi douloureux, de la tristesse de ces deux derniers jours (GONCOURT, Journal, 1870, p. 624). Un meurtre est commis sous ses fenêtres. Sa femme a pensé en mourir d'émoi et lui paraît très affecté de l'état où elle a été (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1900, p. 376) :
• 2. Il attendait ce moment, sans émoi et sans trouble, avec une confiance tranquille, comme on attend un bonheur dont on est sûr.
MOSELLY, Terres lorraines, 1907, p. 213.
2. Sur le mode agréable de la sensualité, du sentiment ou de l'esthétique. Émoi charnel, divin, ineffable; un émoi délicieux; l'émoi du cœur; l'émoi du printemps, des rendez-vous; ravir qqn d'émoi. La marquise entre. Émoi (LORRAIN, Modern., 1885, p. 82). La vue de ces mains lui donnait un émoi délicieux, la tête lui tournait presque (LACRETELLE, Hts ponts, t. 3, 1935, p. 21) :
• 3. Il se sentait dans une atmosphère de contes de fées; et dans son cœur montait un émoi mystérieux. Le rêve de l'humanité l'enveloppait, — les fleurs étranges de l'âme...
ROLLAND, Jean-Christophe, La Foire sur la place, 1908, p. 803.
• 4. ... chez Fouquet, chez Chardin, chez Corot, on retrouve cette joie à avouer un émoi charmant, un émoi d'enfant toujours émerveillé de sa découverte du monde...
FAURE, L'Esprit des formes, 1927, p. 133.
SYNT. Être pâle, rose, rouge d'émoi; mettre en émoi; semer l'émoi chez qqn; palpiter, trembler, tressaillir d'émoi; revenir de son émoi; surmonter son émoi; ne manifester, ne ressentir aucun émoi; en émoi, en grand émoi, avec émoi.
Rem. Émoi, cité comme vx par l'Ac. 1798, a été remis en usage par les romantiques et les symbolistes.
Prononc. et Orth. :[emwa]. Ds Ac. 1694-1932. Les éd. de 1694 et de 1718 écrivent encore esmoy. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 esmai « trouble, agitation causé par la crainte, l'inquiétude » (B. DE STE-MAURE, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 7013); fin du XIIIe s. [var. ms. C] esmoi (RUTEBEUF, De frère Denise, 228 ds Œuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 2, p. 289); 2. 1835 « trouble émotif agréable, d'ordre sentimental ou esthétique » (Ac.). Déverbal de l'a. fr. esmaier « inquiéter, effrayer » (ca 1100 ds T.-L.), du b. lat. exmagare, proprement « priver (quelqu'un) de ses forces », d'orig. germ., cf. gotique, a. h. all. magan « avoir la force de, pouvoir » (FEIST; GRAFF t. 2, col. 604); -ai devenu -oi par infl. de la labiale précédente. Sens 2 sous l'infl. de émouvoir. Fréq. abs. littér. :507. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 214, b) 476; XXe s. : a) 1 265, b) 957. Bbg. DUCHÁ (O.). L'Interdépendance et l'interaction du contenu et de l'expr. Orbis. 1972, t. 21, p. 476. — GOHIN 1903, p. 313. — THOMAS (A.). Nouv. Essais 1904, p. 235.
émoi [emwa] n. m.
ÉTYM. XIIIe, répandu XVIe; esmai, XIIe; déverbal de l'anc. franç. esmaier « troubler »; germanique magan « pouvoir », et ex- privatif; cf. lat. pop. exmagare, que Meyer-Lübke rattachent à magus « sorcier », hypothèse reprise par Guiraud.
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1 Littér. ou vieilli. Émotion, trouble, agitation qui s'empare d'êtres sensibles. ⇒ Commotion, choc (nerveux), ébranlement, effervescence, excitation, saisissement, surexcitation. || L'arrivée inattendue du Président avait causé un grand émoi. || Le médecin légiste considérait sans émoi le cadavre à autopsier. — Être, mettre… en émoi.
1 (…) durcissant et femmes et enfants, par long usage, à ne sentir et plaindre plus vos maux. Les soupirs de ma colique (néphrétique) n'apportent plus d'émoi à personne.
Montaigne, Essais, III, IX.
2 (…) elle eut peine à se retenir de pleurer et tourna vivement le nez d'un autre côté pour qu'il ne la vît dans cet émoi.
G. Sand, François le Champi, XX, p. 143.
3 Grand émoi dans le village intarissable sujet de conversations pour les baigneurs de la table d'hôte.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 216.
4 (…) sur vos joies, vos tristesses, vos colères, vos frayeurs, bref sur les émois de votre âme (…)
Julien Benda, Lettres à Mélisande, p. 116.
2 Spécialt. Émotion considérée sous son aspect affectif, sous l'angle du plaisir ou de la douleur. || En émoi, en grand émoi, avec émoi.
♦ Émotion mêlée de crainte, d'appréhension. || Semer l'émoi chez qqn.
5 (…) moi-même, qui suis Dieu,
Tremble et frémis de frayeur et d'émoi,
Voyant la terre et la mer dessous moi.
Clément Marot, les Métamorphoses d'Ovide, II.
♦ Émotion mêlée d'inquiétude, de tristesse. ⇒ Contrariété, ennui, souci, tracas. || L'émoi des candidats, un jour d'examen. || L'émoi d'un jour d'examen. || L'émoi du départ.
6 Vous n'entendez procès non plus que moi;
Ne plaidons point : ce n'est que tout émoi.
Clément Marot, Épître au Roi, 1527.
3 Plus cour. Trouble agréable, sensuel. || L'émoi d'un adolescent auprès d'une jolie femme. || Émoi amoureux. || L'émoi du printemps. || Ne ressentir aucun émoi.
7 (…) afin que sa candeur de plume
Se teignît à l'émoi de sa sœur qui s'allume (…)
Mallarmé, Poèmes, « L'après-midi d'un faune ».
4 Fig. et poét. (en parlant de choses dont le mouvement est assimilé à une émotion humaine). || Un éternel émoi (→ Apprivoiser, cit. 19). || Tressaillir d'émoi (→ Bondir, cit. 4).
REM. Très employé au XVIe s., le mot émoi tombe en désuétude à l'époque class., et Trévoux le définit « vieux mot »; il sera remis en honneur au XIXe s. par le romantisme et le symbolisme, mais restera littéraire.
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CONTR. Calme, froideur, insensibilité, placidité, sérénité.
Encyclopédie Universelle. 2012.