CASTRUM
CASTRUM
La légion romaine en campagne est associée invariablement au castrum , c’est-à-dire le camp fortifié à l’intérieur duquel cantonne la troupe à chaque étape. Ce mode d’installation est fixé dès la seconde guerre punique (\CASTRUM 219-\CASTRUM 202) et Polybe, au livre VI de ses Histoires (27-32), le définit parfaitement. Au centre d’un plan quadrangulaire, souvent carré, on installe le quartier du général ou praetorium , à proximité duquel sont placées les tentes des tribuns, puis celles des légionnaires; en avant du prétoire s’ouvre une aire libre, le forum , bordée par les tentes de la cavalerie, derrière lesquelles on place celles des auxiliaires. La défense du camp consiste en une levée de terre palissadée entourée d’un fossé; ces obstacles sont franchissables aux extrémités des deux grands axes traversant le castrum, la via principalis et la via praetoria , le cardo et le decumanus que l’on retrouve dans toutes les villes.
Le temps d’occupation du castrum était très variable: s’il s’agissait d’une simple étape au cours d’une campagne d’été, on établissait les castra aestiva dont l’usage était souvent limité à une seule nuit; les castra hiberna étaient occupés durant plusieurs mois et pouvaient parfois se transformer en cité permanente.
Les dispositions défensives romaines ne se limitaient pas à la seule protection des troupes, puisque jusqu’à la paix impériale les villes possédaient des enceintes entretenues, et que, même durant cette pax romana , il fut nécessaire d’assurer la défense des cités et des régions les plus vulnérables. Dès Auguste en effet, les frontières exposées sont matérialisées par un ensemble de forteresses servant de points de surveillance et de résidence à des garnisons d’intervention. Plus tard, ce fut la réalisation d’un système continu, le limes, dont la construction est entreprise par Hadrien (117-138) et poursuivie par Antonin le Pieux (138-161). Après la mort de Septime Sévère en 211, l’Empire voit ses frontières gravement menacées aussi bien par les Germains à l’est que par les soulèvements en Afrique ou les vives pressions orientales du nouvel et puissant Empire perse sassanide. Les empereurs-soldats qui vont se succéder sur le trône impérial traduisent bien cet état d’insécurité pesant désormais sur l’Empire. En 270, Aurélien accède au pouvoir et, face aux menaces pressantes d’invasion, fait entourer Rome d’un rempart dont la construction se poursuivra jusqu’à sa mort en 275. Ce nouveau mur, ceinturait complètement la surface bâtie de la ville et ne la contraignit pas, comme ce fut le cas en Gaule, à se resserrer à l’intérieur d’un castrum exigu. Le vieux mur de Servius Tullius se trouvait en effet complètement débordé par l’extension de la Rome impériale et son tracé était totalement inexploitable. Le mur d’Aurélien, qui atteint 18,8 kilomètres de développement, est muni de tours quadrangulaires tous les cent pieds (29,6 m) et de tours hémicirculaires en flanquement des portes. Construit en maçonnerie de briques, il a une épaisseur moyenne de 3,50 mètres et une hauteur de 6 mètres. Maintes fois restauré, il est demeuré en usage jusqu’à la Renaissance.
Les invasions qui avaient incité Aurélien à abriter Rome derrière une muraille étaient a fortiori une menace pour les autres villes de l’Empire placées sur les itinéraires de passage des envahisseurs et particulièrement pour les villes de la Gaule. C’est pourquoi, entre 270 et 300, un programme systématique de fortification, peut-être dirigé directement par Aurélien et Dioclétien, va transformer profondément l’aspect de l’urbanisme gallo-romain, en enfermant chaque cité dans un castrum qui réduit considérablement son étendue et concentre sa population à l’intérieur de l’étroit périmètre fortifié.
L’unité de programme apparaît dans la remarquable conformité de tous les remparts élevés à cette époque et que l’on peut définir ainsi: un massif de fondations appuyé sur le bon sol (roche ou sol compact), ce massif étant constitué d’assises de grand appareil remployé, dont la hauteur varie suivant la situation du bon sol. Ces blocs, irréguliers en raison de leurs provenances diverses, ont été souvent retaillés et leur décor ravalé, avant d’être approximativement assemblés avec un mortier de chaux. Au niveau du sol, le rempart s’élève en maçonnerie de moellons, composée d’un épais massif porteur (3 m en moyenne), parementé en petit appareil régulièrement assisé. À intervalles réguliers, des assises horizontales de briques (deux ou trois rangs) traversent toute l’épaisseur du mur afin d’assurer le chaînage entre les deux parements et le massif de remplissage.
La réduction considérable de la surface urbaine rendait à la fois vulnérables et inutiles les monuments restés en dehors du rempart; c’est pourquoi leur destruction, souvent amorcée par les premières invasions, fut entreprise et leurs pierres réutilisées dans les fondations du castrum. Si l’on trouve en aussi grand nombre stèles ou fragments de monuments funéraires, c’est qu’en raison de leur implantation le long des voies, aux sorties des villes, ces monuments furent les premiers à être systématiquement sacrifiés à la sécurité des citoyens.
Le couronnement des murs, aujourd’hui partout disparu, nous est inconnu par témoignage direct; lorsque ces remparts furent maintenus en activité jusqu’au Moyen Âge, les chemins de ronde et leur parapet furent en effet plusieurs fois remaniés et adaptés aux techniques contemporaines. On ne peut donc que supposer l’existence d’un crénelage, sans savoir si ce niveau de défense était toujours à ciel ouvert ou circulait parfois sous une galerie couverte. Un document graphique nous montre cependant, fort schématiquement, l’aspect que devait avoir un castrum du Bas-Empire: la Notitia dignitatum est un répertoire des villes de l’Empire, rédigé vers 400, représentant les cités sous forme d’un croquis perspectif. La ville de Strasbourg (Argentoratum) y est particulièrement bien représentée et l’on peut y voir une enceinte flanquée de tours coiffées de toits coniques, une grande porte à deux battants cloutés doublée d’une herse et des courtines sommées par un crénelage classique.
Le plan du castrum est conditionné par la topographie et, tout naturellement, les villes de plaine ont été enfermées dans une enceinte de plan régulier, sensiblement rectangulaire, à tours courantes hémicirculaires et à tours d’angle carrées (enceinte de Beauvais — Caesaromagus), tandis que les sites accidentés recevaient une muraille proche de l’ovale ou du cercle, entourant le point le plus élevé (Senlis — Augustomagus — ou Bourges — Avaricum).
À proximité des frontières, de véritables forteresses de garnison furent élevées afin de compléter le système défensif passif des enceintes urbaines par un système actif offrant la possibilité de dissuasion et de riposte d’une troupe aguerrie. Le forum de Bavay (Nord), l’antique Bagacum, fut ainsi transformé à la fin du IIIe siècle en une puissante citadelle dont le rempart était entouré d’un large fossé, modèle du castellum qui allait devenir le château fort du Moyen Âge.
● castrum Mot latin signifiant lieu fortifié, souvent employé pour désigner les emplacements des villes fortifiées ou des camps romains.
Encyclopédie Universelle. 2012.