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déserter

déserter [ dezɛrte ] v. tr. <conjug. : 1>
XII e; « rendre un lieu désert » v. 1050; de 1. désert
1Abandonner (un lieu où l'on devrait rester). abandonner, quitter. « Il désertait de plus en plus, pour ce métier, l'atelier en plein vent du charpentier » (Loti). Déserter son poste. Village déserté par ses habitants.
2Absolt (XVIIe; repris it.) Abandonner l'armée sans permission. désertion. Une bonne partie de l'armée a déserté. Des « jeunes soldats qui, à peine enrôlés, désertent et rejoignent ces réfractaires » (Madelin).
3Fig. Renier, trahir. « Je comprends qu'on déserte une cause pour savoir ce qu'on éprouvera à en servir une autre » (Baudelaire).
4(Choses) Abandonner (qqn). « Cette âme aimante que tout, sauf Dieu, désertait » (A. Gide). délaisser.
⊗ CONTR. Rester, revenir. Rallier, rejoindre.

déserter verbe transitif (bas latin desertare) Quitter un lieu, ne plus s'y rendre, le délaisser ; abandonner : La clientèle déserte cette boucherie. Abandonner une fonction sans y être autorisé ; ne plus l'assurer : Déserter son poste. Abandonner quelque chose, le trahir, le renier : Déserter une cause, un parti.déserter (homonymes) verbe transitif (bas latin desertare)déserter (synonymes) verbe transitif (bas latin desertare) Quitter un lieu, ne plus s'y rendre, le délaisser ; abandonner
Synonymes :
- délaisser
- quitter
- s'éloigner de
déserter verbe intransitif Se rendre coupable de désertion en quittant l'armée : Soldat qui a déserté.déserter (homonymes) verbe intransitif

déserter
v. tr.
d1./d Abandonner (un lieu). Les habitants ont déserté le village.
Pp. adj. Une ville désertée.
d2./d Fig. Abandonner, trahir. Déserter une cause.
d3./d (S. comp.) En parlant d'un militaire, refuser de rejoindre son corps ou le quitter illégalement avec l'intention de n'y pas revenir; abandonner son poste.
Passer à l'ennemi.

⇒DÉSERTER, verbe trans.
A.— 1. Laisser ou rendre un lieu désert (cf. désert I A); le quitter, ne pas s'y rendre. La clientèle matinale désertait peu à peu l'épicerie (BERNANOS, Crime, 1935, p. 802). Les impulsions de toutes sortes qui conduisent le public à fréquenter ou à déserter les salles de spectacle (Arts et litt., 1935, p. 7601).
Emploi pronom. passif. Devenir désert. J'arrivais, le matin et le soir, aux heures où (...) la pension se désertait. Un grand silence régnait alors dans les salles vides (GIDE, Si le grain, 1924, p. 492).
P. méton. Pendant les premiers jours de la chaleur (...) les soirs étaient désertés. Mais à présent, la première fraîcheur amène une détente (...) Tous descendent alors dans les rues (CAMUS, Peste, 1947, p. 1316).
Spéc. Faire d'un lieu un désert (cf. désert II A 1).
Au fig. :
1. Mais le nihilisme, s'il n'est pas, essaie d'être; et cela suffit à déserter le monde. Cette fureur a donné à notre temps son visage repoussant. La terre de l'humanisme est devenue cette Europe, terre inhumaine.
CAMUS, L'Homme révolté, 1951, p. 304.
2. Péj. Abandonner (ou cesser de se rendre en) un lieu auquel se rattachent une fonction ou une tâche particulière et, p. ext., ne pas s'acquitter de celles-ci. Vous désertez votre maison, sans motif (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 90). Comme la religion semblait tolérante! (...) : le chrétien pouvait déserter la messe et marier religieusement ses enfants (SARTRE, Mots, 1964, p. 80).
Loc. Les rats aussi désertent le navire qui va couler (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 266).
Déserter son poste. Ce serait très mal (...) si tu désertais ton poste, au moment du danger (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 195) :
2. ... en se voyant seul au chevet du vieillard (...) comment se défendre d'un mouvement de rancune envers ce frère fugitif, qui, en un pareil moment, désertait son poste?
MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, p. 1162.
Abs., ARM. Déserter. Abandonner son poste, quitter illégalement l'armée et, p. ext., trahir. Il parlait de déserter, de passer un jour ou l'autre les lignes et de se rendre (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 388). La mauvaise femme, la fille damnée pour qui les soldats désertent et deviennent assassins (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 126).
P. anal. :
3. Tant qu'il existe au monde quelqu'un qui souffre et à qui nous pouvons faire un peu de bien, nous en aller, c'est déserter...
BOURGET, Le Sens de la mort, 1915, p. 122.
B.— Au fig. Abandonner et, p. ext., renier, trahir.
1. [L'agent est une pers.]
a) [L'obj. est du domaine de l'activité ou du comportement humain] Flétrissons celui qui, désertant l'ouvrage, Alerte et bien portant, ose tendre la main (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Pain maudit, 1883, p. 1237). Je dis toujours tout ce que je crois devoir dire. Mais ne désertons pas la question véritable (DUHAMEL, Cécile, 1938, p. 51).
Emploi abs. :
4. Je (...) ne suis pas sûr de retrouver les vrais motifs qui, vers mes seize ans, m'engagèrent dans une voie toute nouvelle.
Étais-je seulement alors conscient de ces motifs? J'étouffais. Je m'évadais, je fuyais, je désertais.
GUÉHENNO, Journal d'un homme de 40 ans, 1934, p. 106.
b) [L'obj. est du domaine des idées, de la fidélité à une idée] Déserter une cause. C'est parce que le colonel Picquart n'a pas voulu déserter ses convictions qu'il a subi sa disgrâce (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 305). Des déserteurs à la deuxième puissance, je veux dire des hommes qui ont déserté d'abord le drapeau de l'Allemagne et ensuite le drapeau de la France (JAURÈS, Guêpier marocain, 1914, p. 405).
c) [L'obj. est une pers.] Bonichon a l'horreur du vide. Elle aime mieux encor d'être battue que désertée (TOULET, Almanach, 1920, p. 61) :
5. ... Jacques en revenant à la foi aurait eu le sentiment d'abandonner, de déserter une fois pour toutes ceux qui ne faisaient pas retour.
DU BOS, Journal, 1927, p. 170.
Emploi pronom.
♦ Se renier :
6. C'est un garçon intelligent [Sturel] mais d'une qualité mal appropriée à la pratique parlementaire, et quand il se déserterait pour suivre ses collègues sur le terrain de leurs intrigues, il n'acquerrait pas leur valeur spéciale.
BARRÈS, L'Appel au soldat, 1897, p. 479.
♦ Se laisser aller. Voyons, se dit Durtal, il ne s'agit pas de se déserter, secouons-nous. Il lut les psaumes de la Pénitence et les litanies des Saints (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 72).
2. [L'agent est une chose] Les capitaux désertent le commerce pour se précipiter à la bourse (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 274). Lorsque la religion déserta les âmes (TOCQUEVILLE, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 251) :
7. Décidément avec Tolstoï Gide joue de malheur : chaque fois que sous sa plume ce nom intervient, du même coup toute sa perspicacité le déserte...
DU BOS, Journal, 1927, p. 363.
Prononc. et Orth. :[], (je) déserte []. Ds Ac. 1694-1932. Comparer désertions (1re pers. du plur. du verbe à l'imp.) et désertion(s) (subst.), le 1er se prononce par [t], [-], le second par ]. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « dévaster, rendre un lieu inhabité » (Roland, éd. J. Bédier, 1862); 2. fin XIIIe s. « abandonner, délaisser (quelque chose, un lieu) » (RUTEBEUF [attribution douteuse], Vie du monde II, éd. Farral et Bastin, I, p. 403, 82); 1680 spéc. « abandonner son armée » (RICH.). Empr. au b. lat. desertare (formé sur desertus, part. passé de deserere « abandonner, négliger (quelqu'un) »; « abandonner (un pays); rendre inculte, dévaster » en lat. médiév. (début IXe s. ds NIERM.). Fréq. abs. littér. :682. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 855, b) 872; XXe s. : a) 1 003, b) 1 101.

déserter [dezɛʀte] v.
ÉTYM. XIe; « rendre un lieu inhabité », v. 1050; de 1. désert.
1 V. tr. Abandonner (un lieu où l'on devrait rester). Abandonner, délaisser, quitter. || Les paysans désertent les campagnes pour s'installer à la ville.Par ext. Ne pas s'acquitter d'une tâche, d'une fonction (rattachée au lieu abandonné). || Déserter son foyer, son poste.Absolt et vieilli. || Il lui faudra déserter. Enfuir (s'), partir.
1 (Les Romains) Désertent leur pays pour inonder le nôtre.
Racine, Mithridate, III, 1.
2 Tout, jusqu'à la servante, est prêt à déserter.
Boileau, Satires, VIII.
3 (…) il désertait de plus en plus, pour ce métier, l'atelier en plein vent du charpentier, où elle l'avait mis en apprentissage (…)
Loti, Ramuntcho, I, 1.
4 Devant une tâche si lourde, comment se défendre d'un mouvement de rancune envers ce frère fugitif, qui, en un pareil moment, désertait son poste ?
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 273.
Pron. (passif). Devenir désert. || À la tombée de la nuit, toutes les rues se désertaient.
2 V. intr. (XVIIe; repris ital.). Milit. et cour. Abandonner l'armée sans permission. Désertion. || Déserter avec ses effets militaires. || Une bonne partie de l'armée a déserté. || Déserter à l'intérieur. || Il a déserté. Passer (à l'ennemi), trahir.
5 Théodose, averti le matin qu'un bataillon de barbares avait déserté, fut bien aise d'être défait de ces soldats infidèles.
Fléchier, Hist. de Théodose, III, 92.
6 (Le prince d'Auvergne) déserta aux ennemis comme un cavalier.
Saint-Simon, Mémoires, t. II, VI.
7 (…) réfractaires qui, aussitôt un « mauvais numéro » tiré, gagnent les bois, jeunes soldats qui, à peine enrôlés, désertent et rejoignent ces réfractaires (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Avènement de l'Empire, XXI, p. 267.
3 V. tr. Renier, trahir. || Déserter une cause, une religion, un parti… Renier, trahir.
8 Les esprits ont déserté cet aride sol voltairien, sur lequel le soc de l'art s'ébréchait depuis si longtemps pour de maigres moissons.
Hugo, Littérature et philosophie mêlées, But de cette publication.
9 Je comprends qu'on déserte une cause pour savoir ce qu'on éprouvera à en servir une autre.
Baudelaire, Journaux intimes, Mon cœur mis à nu, III, Œ., p. 1198.
10 Il était un esprit libre qui entendait, à la fois, ne pas aliéner ses franchises et ne pas déserter la cause du grand peuple laborieux et souffrant (…)
G. Duhamel, le Voyage de P. Périot, VII, p. 120.
4 V. tr. (Sujet n. de chose). Abandonner. || Les capitaux désertent l'épargne.(Sujet n. de personne). Littér. || Déserter qqn. Négliger, oublier (→ fam. Lâcher).Absolt. || Ses amis ont déserté.
11 Il leur est dur de voir déserter les galants.
Molière, Tartuffe, I, 1.
12 Durant des semaines et des mois m'habita l'angoisse de la solitude. J'imaginais, j'entendais l'appel désespéré, puis le retombement, de cette âme aimante que tout, sauf Dieu, désertait (…)
Gide, Si le grain ne meurt, I, IX, p. 225.
13 Certains savants aussi se sont jetés dans la bataille politique, mais seulement lorsqu'ils ont senti que le génie de l'invention commençait de les déserter.
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, XII, p. 170.
——————
déserté, ée p. p. et adj.
Abandonné, vidé de ses habitants. || Village déserté par ses habitants. || Des lieux désertés, sinistres.
14 (…) je vis en moins de rien
Tout mon camp déserté pour repeupler le sien (…)
Corneille, Sertorius, I, 1.
15 Ses honneurs abolis, son palais déserté (…)
Racine, Britannicus, II, 3.
16 J'errais le long d'une maison en vétusté,
M'efforçant de saisir au couloir déserté
L'écho des pas de mon père, qui se prolonge.
Francis Jammes, « Sonnet ».
CONTR. Rester, revenir. — Rallier, rejoindre. — Défendre, fidèle (être fidèle); habiter.
DÉR. Déserteur.

Encyclopédie Universelle. 2012.