Akademik

charnier

charnier [ ʃarnje ] n. m.
• 1080; lat. carnarium « lieu où l'on conserve la viande », de caro, carnis chair
1Lieu où l'on déposait les ossements des morts. ossuaire.
2(XIXe) Lieu où sont entassés des cadavres. Les charniers des camps de concentration. Charnier d'hommes abattus. « Voilà le jour qui luit Sur ces grands charniers de l'histoire » (Hugo).

charnier nom masculin (latin carnarium, endroit, récipient où l'on conserve la viande) Lieu couvert où l'on déposait autrefois les morts ; dépôts d'ossements humains. Endroit où sont entassés et enterrés les cadavres de personnes massacrées. Tout lieu couvert de nombreux cadavres, après une catastrophe, une bataille, etc. : Ce qui restait de la ville n'était qu'un charnier.

charnier
n. m. Amoncellement de cadavres.

I.
⇒CHARNIER1, subst. masc.
I.— [Concerne la chair animale — sans idée de décomposition] Vx. Local ou récipient servant à conserver de la viande. Des viandes à des crocs comme dans un charnier (HUGO, La Légende des siècles, Le Castillo, t. 4, 1877, p. 661). Voir si (...) au charnier le lard ne rancissait pas (POURRAT, Gaspard des Montagnes, Le Château des sept portes, 1922, p. 123) :
P. anal. :
1. Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons, comme moi,
Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple roi.
CHÉNIER, Iambes, Hymne, 1794, p. 273.
P. méton., MAR. Barrique contenant une réserve d'eau douce. Au pied du « charnier », récipient tronçonnique en bois, contenant une cinquantaine de litres d'eau potable, (...) peinturluré de jaune et de vert et cerclé de rouge (...) tonne d'eau douce (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 176, 222).
Rem. ,,Jadis, le Charnier, comme le dit son nom, était une sorte de garde-manger où les matelots serraient ce que, de leurs rations de viande, ils gardaient d'un repas pour l'autre. Une fontaine se combinait avec ce garde-manger. Le Charnier véritable a disparu; la fontaine est restée, gardant un nom qui semble lui être tout à fait étranger`` (JAL1).
II.— [Concerne la chair humaine surtout — avec une idée de décomposition] Endroit où se trouvent de nombreux cadavres.
A.— Vx. Endroit où ont été inhumés des cadavres humains. (Quasi-)synon. cimetière. Devant le tombeau (...) ce sombre charnier où son frère dormirait son éternel sommeil (BOURGES, Le Crépuscule des dieux, 1884, p. 287).
P. ext.
1. Galerie couverte entourant certains cimetières et servant autrefois d'ossuaire. La grand' danse macabre (...) fréquemment peinte (...) aux murs des charniers (A. FRANCE, Poésies, Idylles et légendes, 1896, p. 108) :
2. ... il est désert désormais, cet aître Saint-Maclou, ce champ des morts si paisible et si nu, (...), on découvre toujours notre campo santo normand, les fenêtres de verre verdâtre entre les croisillons bruns, les longues galeries, l'escalier de bois, et, tout au long des murs du charnier, les têtes de morts et les os croisés, on y respire le même calme surnaturel.
BRASILLACH, Pierre Corneille, 1938, p. 16.
Spéc. Les charniers des (Saints) Innocents. (Charniers à arcades gothiques qui entouraient le) cimetière des Saints Innocents à Paris. Le dernier fossoyeur du cimetière dit charnier des innocents en 1785, époque où ce cimetière mourut (HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 551). Étudi[er] les hiéroglyphes du charnier des Innocents (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 127).
Rem. 1. ,,Sous ces greniers était une longue voûte où se tenaient, dans les embrasures des fenêtres, de malheureux écrivains publics. De là l'usage, si fréquent aux écrivains des deux derniers siècles, d'appeler les mauvais auteurs Écrivains des charniers`` (BESCH. 1845; cf. aussi Ac. 1835-78). 2. Cet usage apparaît encore dans la litt. de la 1re moitié du XIXe s. : Appart[enir] à l'école des charniers (MUSSET, Revue des deux Mondes, 1833, p. 208); écrivain des charniers (...) législateur de l'opinion (...) Mentor du peuple français (C. DESMOULINS, Le Vieux Cordelier, 1793-94, p. 160); dormir sous les charniers (NERVAL, Nouvelles et fantaisies, 1855, p. 210).
2. Galerie couverte entourant certaines églises et servant autrefois à déposer des ossements, puis à distribuer la communion aux grandes fêtes. S'offusqu[er] (...) d'un cabaret qui s'était établi dans les charniers de l'église et où les chantres buvaient (RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 208).
B.— Endroit où sont enterrés ou simplement entassés à découvert, pêle-mêle, sans sépulture, de nombreux cadavres humains, parfois animaux :
3. Cette plaine, qui m'avait alors donné l'impression d'être toute de niveau et qui, en réalité, se penche, est un extraordinaire charnier. Les cadavres y foisonnent. C'est comme un cimetière dont on aurait enlevé le dessus. Des bandes le parcourent, identifiant les morts de la veille et de la nuit, retournant les restes, les reconnaissant à quelque détail, malgré leurs figures.
BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 289.
4. Les premiers morts avaient bénéficié de la même pompe que leurs camarades des autres pays, mais au quinzième les autorités du camp jugèrent prudent d'arrêter les frais. Les trente ou quarante qui suivirent n'eurent plus droit au cercueil, mais à une simple enveloppe de paillasse en papier; et quand le chiffre des décès dépassa la cinquantaine, le colonel conclut définitivement que les Russes ne méritaient pas tant d'égards, et les fit jeter dans les fosses nus comme des chiens. Est-il même expédient de parler de fosses? Le mot de charnier serait plus exact. Empilés sur trois épaisseurs dans des trous larges de deux mètres et longs de quinze, à la profondeur dérisoire d'un mètre cinquante, les Russes étaient bien enterrés avec une plaque d'identité au cou, comme le règlement l'exige, mais cette plaque était en carton, ...
AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, p. 175.
P. métaph. Foyer de corruption morale. Idées révolutionnaires (...) qui redeviennent à la mode et (...) qui nous feraient rétrograder jusqu'au charnier fangeux des Hébert, des Chaumette, des Marat, et que tout homme de cœur et d'intelligence doit combattre (BALZAC, Correspondance, 1831, p. 518).
P. ext., péj.
1. Toute l'étendue terrestre où s'accumulent les morts des générations successives. Cette nécessité de la mort engraissant le monde, cette lutte pour la vie qui faisait pousser les êtres sur le charnier de l'éternelle destruction (ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, p. 747). Fai[re] retour au charnier commun où les vies confuses s'élaborent (É. FAURE, Hist. de l'art, 1912, p. 249).
P. anal. Endroit où s'entassent de nombreuses personnes plus ou moins assimilées à des moribonds :
5. Beaucoup n'avaient pas de porte, laissaient entrevoir des trous noirs de cave, d'où sortait une haleine nauséabonde de misère. Des familles de huit à dix personnes s'entassaient dans ces charniers, sans même avoir un lit souvent, les hommes, les femmes, les enfants en tas, se pourrissant les uns les autres, ...
ZOLA, L'Argent, 1891, p. 159.
P. méton., rare. Corps étalé en état de décomposition. La morte (...) un charnier, un tas d'humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin (ZOLA, Nana, 1880, p. 1485). L'âme (...) hors du monde, loin de son charnier, loin de son corps (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 54).
2. P. anal. Lieu où s'amoncellent de nombreuses choses en voie de dégradation.
♦ [En parlant de choses concr.] Un charnier de céréales, l'endroit où la chair du grain a subi les préparations humaines qui transportent ses fins vers la reproduction de l'homme (GIONO, L'Eau vive, 1943, p. 140).
♦ [En parlant de choses abstr.] Mémoires, correspondances, autobiographies, tous documents d'humanité, — le charnier de la vérité (E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1867, p. 322). L'Asie, immense charnier de gloires, de religions et de méthodes, une poussière d'os pilés (MORAND, La Route des Indes, 1936, p. 133).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Nouv. Lar. ill. et QUILLET 1965 soulignent pour le terme de chasse : ,,On dit plus ordinairement carnier.`` Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 « endroit où l'on met les morts, ossuaire » (Roland, éd. Bédier, 2954); b) av. 1848 « endroit où il y a de nombreux cadavres » (Chateaubriand ds Lar. 19e); 2. 1174-91 « endroit ou récipient où l'on conserve la viande » (Proverbe au vilain, 235 ds T.-L.). Du lat. carnarium « endroit ou récipient où l'on conserve la viande » attesté en lat. médiév. au sens 1 a (dep. le VIIIe s. selon FEW t. 2, p. 383a, cf. aussi XIe s., Raoul de Glabre ds Mittellat. W. s.v.).
II.
⇒CHARNIER2, subst. masc.
Région. (Quasi-)synon. échalas; p. ext., pieu. Pour toute clôture (...) un palis dont les charniers ne se voient plus sous une haie luxuriante (BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p. 10).
Rem. Attesté ds Ac Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e, Lar. Lang. fr., LITTRÉ, DG, GUÉRIN 1892.
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. Ca 1260 chernier « échalas » (Livre de jostice et de plet, p. 141, Rapetti ds GDF.); 1390 charnier (Bail, MM 31, f° 121 v°, ibid.). Terme du centre de la France prob. dér. de charne forme de charme, nom d'arbre (lat. carpinus), attestée en a. fr. (Comptes de Nevers, 1289-91, CC 1, f° 5 v° ds GDF. Compl.) et dans les dial. du Centre (JAUB.); on suppose que les troncs de jeunes charmes étaient utilisés pour faire des échalas (FEW t. 2, p. 407b; Spitzer ds Z. rom. Philol., t. 48, 1928, pp. 90-91); suff. -ier. L'hyp. d'un étymon cardinarium, dér. de cardo « gond » (DG; J. Soyer ds Fr. mod., t. 12, 1944, p. 182) fait difficulté du point de vue sémantique.
STAT. — Charnier1 et 2. Fréq. abs. littér. :161.
BBG. — SOYER (J.). Qq. mots du fr. mod. rares ou inéd. trouvés ds les doc. orléanais. Fr. mod. 1944, t. 12, p. 182.

1. charnier [ʃaʀnje] n. m.
ÉTYM. V. 1100; du lat. carnarium « lieu où l'on conserve la viande », de caro, carnis. → Chair.
1 a (V. 1180). Vx. Endroit, récipient où l'on conservait les viandes.
Par métaphore :
1 Mille autres moutons, comme moi,
Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple roi.
André Chénier, Iambes, VIII.
b Par métonymie. Mar. Barrique d'eau douce.
2 (V. 1100). Lieu où l'on déposait les ossements des morts. Ossuaire. || Charnier des Innocents (→ Bois, cit. 44).
Par métaphore :
2 (…) Voilà le jour qui luit
Sur ces grands charniers de l'histoire (…)
Hugo, la Légende des siècles, LVIII, XXe s., II.
3 Rare. Endroit où un animal prédateur (fauve, rapace…) place les restes de ses proies.
3 Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal (…)
J. M. de Heredia, Trophées, « Les conquérants ».
4 (Av. 1848). Lieu où sont entassés des cadavres. || Les charniers des camps (cit. 3) de concentration, d'extermination. || Découvrir un charnier.
4 On s'habitue très bien aux morts, à la vue, à l'odeur des morts, mais les charniers sont les charniers. Une brute y devient lâche, un lâche y pourrit sur place, se liquéfie.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 194.
4.1 Avec le calme, la nuit réapparaît sur notre patrie, notre destinée. Cette tranchée qui n'a pas quinze jours d'existence et qui est vieille comme le monde. Sur ces collines, ce ne sont que des débris infects, des corps qui pourrissent. Charnier et marché aux puces.
Drieu La Rochelle, la Comédie de Charleroi, p. 218.
4.2 Nous étions tombés au milieu d'un charnier, d'un tas de cadavres allongés les uns près des autres dans tous les sens, en plein bois (…)
Pierre Gascar, les Bêtes, Le temps des morts, p. 259.
5 (Abstrait). Lieu où qqch. meurt, se décompose. Cloaque.
5 La Tragédie espagnole (la guerre civile) est un charnier. Toutes les erreurs dont l'Europe achève de mourir et qu'elle essaie de dégorger dans d'effroyables convulsions viennent y pourrir ensemble (…) Sincèrement, je ne crois pas utile de tirer de là aucun de ces cadavres. Pour désinfecter un tel cloaque, image de ce que sera demain le monde, il faudrait d'abord agir sur les causes de fermentation.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 153.
————————
2. charnier [ʃaʀnje] n. m.
ÉTYM. 1390; chernier, v. 1260; orig. incert. probablt dér. de charne (→ Charnière) ou forme de 1. charme.
Régional (Centre).
1 Échalas.
2 Pieu.

Encyclopédie Universelle. 2012.