cabrer [ kabre ] v. tr. <conjug. : 1>
• v. 1180 v. intr.; du lat. capra « chèvre », par le provençal
I ♦ SE CABRERv. pron.
1 ♦ (déb. XIVe) Se dresser sur les pattes de derrière (animaux). « il prit peur, se cabra, lança quelques ruades » (Duhamel). Un cheval qui se cabre devant l'obstacle. Faire cabrer son cheval (ellipse de se).
2 ♦ (1608) Fig. Se dresser contre (qqch. ou qqn). ⇒ se rebiffer, se révolter. Se cabrer à l'idée de céder. « L'orgueil musulman se cabra » (Michelet). « L'artiste se cabre constamment contre la morale » (Caillois).
II ♦ V. tr.
1 ♦ (1636) Faire se dresser (un animal). Cabrer son cheval.
2 ♦ (1627) Dresser, révolter (qqn), l'inciter à résister, à s'opposer. On l'a cabré contre son père. ⇒ braquer.
3 ♦ (1908) Cabrer un avion : redresser l'avant. Absolt « On cabre pour sauver son altitude » (Saint-Exupéry).
● cabrer verbe transitif (ancien provençal cabra, chèvre, du latin capra) Faire dresser un cheval sur ses pieds de derrière. Relever la partie antérieure d'un avion pour le faire monter. Provoquer chez quelqu'un une opposition vigoureuse et tenace ; buter, braquer : Ma réponse brutale l'a cabré. ● cabrer (synonymes) verbe transitif (ancien provençal cabra, chèvre, du latin capra) Provoquer chez quelqu'un une opposition vigoureuse et tenace ; buter, braquer
Synonymes :
- braquer
- buter
- dresser
- raidir
- révolter
Contraires :
- amadouer
- conquérir
- désarmer
- gagner
cabrer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Faire se dresser (un animal, partic. un cheval) sur ses pattes, ses jambes postérieures.
d2./d Fig. Provoquer l'opposition, la révolte de (qqn). Il est très susceptible, vous risquez de le cabrer. (V. braquer, buter.)
d3./d Par ext. Cabrer un avion, faire pointer son avant vers le haut.
rII./r v. Pron.
d1./d Se dresser sur les pattes, les jambes postérieures, en parlant d'un animal, partic. d'un cheval.
d2./d Fig. S'emporter avec indignation, se révolter.
rIII/r v. intr. Avion, hélicoptère qui cabre, qui relève anormalement l'avant.
⇒CABRER, verbe trans.
I.— Emplois trans.
A.— [Le suj. désigne une pers., l'obj. désigne un animal, en partic. un cheval] Dresser, faire dresser sur les membres postérieurs :
• 1. Les gardes mobiles cabrent leurs chevaux devant les barricades des longues haies.
NIZAN, Les Chiens de garde, 1932, p. 203.
— P. ext. [Le suj. désigne une pers. ou un animal, le compl. d'obj. désigne une partie du corps] Lever, redresser :
• 2. Pour cimier, pour supports, l'héraldique bétail,
Licorne, léopard, alérion ou guivre,
Monstres, géants captifs qu'un coup de vent délivre,
Exhaussent leur stature et cabrent leur poitrail.
HEREDIA, Les Trophées, 1893, p. 145.
B.— P. anal.
— AVIAT. Cabrer un avion. En relever la partie antérieure, soit pour lui faire prendre une ligne de vol ascendante, soit pour faire diminuer sa vitesse :
• 3. Notre radio et nos deux pilotes (...), s'amusent de leur appareil, comme d'un jouet magnifique; ils le cabrent jusqu'à l'impossible.
MORAND, Air indien, 1932, p. 233.
♦ P. méton. Ils [deux aigles] glissaient en cabrant lentement la descente comme sur de longs escaliers d'air (GIONO, Batailles dans la montagne, 1937, p. 143).
♦ Emploi abs. Agir sur les commandes pour faire monter un avion. On cabre pour sauver son altitude (SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, p. 161).
C.— Au fig. [L'obj. désigne une pers. ou un ensemble de pers.] Choquer, provoquer une réaction d'opposition, d'hostilité :
• 4. Ce M. Du Bois ayant excité les plaintes de tous les Ordres de la province et n'ayant réussi qu'à cabrer les esprits, on le mit à Montauban...
SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, t. 3, 1863-69, p. 440.
• 5. La pensée que ces jeunes hommes, insignifiants et doux, eussent pu l'obtenir en mariage, était quelque chose qui la cabrait [Sabine], lui jetait l'âme en arrière.
A. DE NOAILLES, La Nouvelle espérance, 1903, p. 18.
II.— Emploi pronom.
A.— [Le suj. désigne un animal, le plus souvent un cheval] Se dresser sur les membres postérieurs :
• 6. Le cheval, effrayé par le bruit de la cascade, se cabrait, voltait, reculait.
PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 4, Les Exploits de Rocambole, 1859, p. 123.
♦ P. métaph. :
• 7. La houle se cabra sous le navire et le renversa, rejetant l'épave dans sa crinière d'écume.
HUGO, L'Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 118.
♦ Emploi factitif (avec ell. de se). Faire cabrer. Ne tirez pas la bride de ce cheval, vous le ferez cabrer (Ac. 1798-1878) :
• 8. Si je cherche à découvrir quels ressorts faisaient ainsi cabrer comme malgré moi ma machine, je trouve surtout, il me faut bien l'avouer, du rechignement et du mauvais vouloir.
GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, p. 599.
• 9. Spectacle abominable et magnifique à faire cabrer la pitié! La tentation peut bien prendre tous les masques, et c'est l'illusion de beaucoup de naïfs qu'un Satan seulement logicien.
BERNANOS, L'Imposture, 1927, p. 374.
— P. ext. [Le suj. désigne une partie du corps] Se redresser :
• 10. L'un d'eux [les Centaures], (...), a su (...), s'acheminer vers la béatitude éternelle, et vous voyez parfois sur les nuées d'or se cabrer sa poitrine héroïque.
A. FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, p. 52.
B.— P. anal. et au fig.
1. P. anal.
a) [Le suj. désigne une pers.] Se raidir, se redresser :
• 11. Il [Renaud] se penche sur la bouche chaude de la petite fille qui se cabre et se cambre, pour s'offrir ou pour résister elle n'en sait rien au juste.
COLETTE, Claudine à Paris, 1901, p. 248.
b) [Le suj. désigne une chose] Se dresser verticalement :
• 12. À trois reprises la chaloupe se cabre, à demi dressée hors du flot; et lorsqu'elle retombe un énorme paquet d'eau vous inonde, que vont sécher bientôt le soleil et le vent.
GIDE, Voyage au Congo, 1927, p. 688.
2. P. métaph. et au fig. [Le suj. désigne une pers., un ensemble de pers. ou p. ext. l'esprit humain dans ses manifestations, ses attitudes, ses inclinations, etc.] Se raidir, se redresser dans une attitude d'opposition, de refus ou de révolte (cf. se braquer, se buter) :
• 13. Des gens qui possèdent des vertus à un degré héroïque, se cabrent et se désarçonnent, ne fût-ce que pendant l'espace d'une minute, devant l'offense; ...
HUYSMANS, L'Oblat, t. 1, 1903, p. 155.
♦ Se cabrer devant, contre qqc. :
• 14. Le libéralisme de votre esprit se cabre contre les vieilleries du dogme, et votre mysticisme naturel s'effarouche des conséquences extrêmes où la raison vous conduit.
FLAUBERT, Correspondance, 1860, p. 399.
Rem. On rencontre dans la docum. le subst. fém. cabrure. Mouvement cabré (cf. A. CORTOT, La Mus. fr. de piano, 1re série, 1930, p. 2007).
PRONONC. :[] ou [], (je me) cabre [] ou []. [] post. dans BARBEAU-RODHE 1930, Pt ROB., Pt Lar. 1968 et WARN. 1968 (cf. aussi KAMM. 1964, p. 97, et MART. Comment prononce 1913, p. 34). [a] ant. dans DUB. et Lar. Lang. fr. (cf. aussi LITTRÉ et DG). FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787 et FÉL. 1851 indiquent que la syll. est longue même à l'infinitif.
ÉTYMOL. ET HIST. — Av. 1188 cabrer [d'un cheval] « se dresser sur ses pattes de derrière » (Partonopeus de Blois, BN 19 152, f° 135d dans GDF. Compl.); ca 1307-15 se cabrer « id. » (G. GUIART, Royaux Lignages, II, 1827 dans T.-L.); 1608 fig. se cabrer « s'obstiner contre qqc. par esprit d'opposition » (SCHELANDRE, Tyr et Sidon, 1re journ., IV, 6 dans GDF. Compl.).
Prob. dér., le verbe cabrar n'étant pas attesté anciennement en prov., du rad. de l'a. prov. cabra « chèvre », attesté au XIIIe s. (v. cabre) et dont d'autres dér. sont également anc. (v. cabri et cabrette). L'esp. cabrearse, donné comme étymon par RUPP., p. 46, n'est attesté que dep. 1891 (d'apr. COR., s.v. cabra).
STAT. — Fréq. abs. littér. :265. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 213, b) 483; XXe s. : a) 402, b) 442.
BBG. — RUPP. 1915, p. 46 [Cr. SPITZER (L.). Literaturblatt für germanische und romanische Philologie. 1921, t. 42, p. 308].
cabrer [kabʀe] v. tr.
ÉTYM. V. 1180, v. intr.; du rad. lat. capra « chèvre », probablt par le provençal cabrar (non attesté), du rad. de l'anc. provençal cabra « chèvre ».
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1 (1636). Faire se dresser (un animal). || Cabrer son cheval.
♦ Relever la partie antérieure de (qqch.). || Cabrer un canon, un avion. — (1908). Dresser (un avion) verticalement, au cours du vol. || Cabrer son avion pour échapper au tir des ennemis. — (1928). Absolt. || « On cabre pour sauver son altitude » (Saint-Exupéry, Terre des hommes, p. 46).
0.1 Vent d'Est. On est aveugle. Le soleil est roulé dans ses volutes jaunes (…) La terre n'apparaît qu'à la verticale, et encore ! Je cabre ? je pique ? je penche ? Va-t'en voir ! On plafonne à cent mètres.
Saint-Exupéry, Courrier Sud, 1928 (in D. D. L., II, 16).
2 (1627). Dresser, révolter (qqn), l'inciter à résister, à s'opposer. || On l'a cabré contre son père. || Il faut éviter de cabrer cet enfant.
1 Je payai (pour lui) en tremblant de le cabrer.
2 (…) rien de ce qui pousse à la révolte n'est définitivement dangereux — encore que la révolte puisse fausser le caractère (elle le replie, le retourne ou le cabre et conseille une ruse impie).
Gide, les Faux-monnayeurs, I, XII, p. 146.
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se cabrer v. pron.
1 (Av. 1315; cabrer, av. 1188). Se dresser sur les pattes de derrière (en parlant d'animaux, chevaux, etc.).
3 Des chevaux sautaient, caracolaient, se cabraient dans la foule, comme des chiens qui caressent leurs maîtres.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, II, II, p. 247.
4 (…) Le peuple ? Un âne qui se cabre !
Hugo, les Châtiments, III, 8, 3.
5 (…) il prit peur, se cabra, lança quelques ruades, enfin, crinière au vent, partit au galop dans la plaine (…)
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, III, p. 85.
♦ Par anal. Se dresser d'un élan, verticalement.
6 La houle se cabra sous le navire et se renversa, rejetant l'épave dans sa crinière d'écume.
Hugo, l'Homme qui rit, I, II, 15.
6.1 Lyrisme des pagayeurs, au dangereux franchissement de la barre (…) À trois reprises la chaloupe se cabre, à demi dressée hors du flot; et lorsqu'elle retombe un énorme paquet d'eau vous inonde, que font sécher bientôt le soleil et le vent.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 688.
♦ (Avec ellipse de se). || Faire cabrer son cheval.
7 L'animal se sentant blessé, la douleur le fit cabrer.
2 (1606). Par métaphore ou fig. Se dresser contre (qqch. ou qqn). ⇒ Braquer (se), rebiffer (se), révolter (se). || Se cabrer à l'idée de céder. || Cela le fait se cabrer, le fait cabrer.
8 Il y a de certains esprits qu'il ne faut prendre qu'en biaisant, des tempéraments ennemis de toute résistance, des naturels rétifs, que la vérité fait cabrer, qui toujours se roidissent contre le droit chemin de la nation, et qu'on ne mène qu'en tournant où l'on veut les conduire.
Molière, l'Avare, I, 5.
9 Le libéralisme de votre esprit se cabre contre les vieilleries du dogme (…)
Flaubert, Correspondance, 1860, p. 399, in T. L. F.
10 L'orgueil musulman se cabra, s'autorisant de prétextes religieux (…)
Michelet, Extraits historiques, Hist. du XIXe siècle, p. 373.
11 Sa dignité hautaine (de Franchita) se cabrait vraiment à l'idée qu'il faudrait reparaître en solliciteuse devant son amant d'autrefois.
Loti, Ramuntcho, I, I, p. 18.
12 (…) parfois, un nom, une idée, moins même, une intonation, enfin je ne sais quel souffle traversait nos chamailles et les esprits, aussitôt, se cabraient comme des insectes en position de combat.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, III, p. 17.
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cabré, ée p. p. adj. et n. m.
1 Cheval cabré, à demi cabré (→ Pendule, cit.). || Avion cabré. — N. m. (1923). État, mouvement de ce qui est cabré. ⇒ Cabrage, cabrement. || Les cabrés de l'avion.
12.1 Je me suis soulevé, j'ai enjambé la carlingue, et me suis maintenu d'abord sur l'aile (…) J'avais, avant de quitter la carlingue, réglé l'avion au cabré.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, p. 63.
2 Fig. (Personnes; abstractions humaines). Qui se cabre, qui se révolte. ⇒ Agressif, combatif; et aussi farouche, ombrageux. || Une attitude cabrée. — Être cabré devant, contre qqch.
13 Son attitude cabrée, le feu de son regard, exprimant un orgueil démesuré, aveugle, insolemment agressif.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 46.
14 Cabrée devant l'injustice, elle souhaitait jouer à la fois le rôle de la vertu persécutée et celui de la rebelle vengeresse.
A. Maurois, le Cercle de famille, p. 65.
15 (…) sa volonté si impétueuse, si cabrée, si hardie à sauter les obstacles.
Proust, les Plaisirs et les Jours, p. 127.
16 On m'a peint ce Monsieur Orlov, comme de nature un peu fière, un peu… cabrée.
Gide, Robert, I, 2.
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DÉR. 1. Cabrade, cabrage, cabrement.
Encyclopédie Universelle. 2012.