BARREAU
BARREAU
La fonction de défenseur remonte à la plus haute antiquité. À Rome, il était d’usage pour les patriciens de défendre leurs clients en justice: les advocati conseillaient le plaideur, tandis que les oratores plaidaient devant le tribunal. Rapidement, la fonction devint lucrative et de nombreuses lois vinrent la réglementer, souvent, d’ailleurs, pour tenter vainement d’en limiter les honoraires. L’empereur Justin fut le premier à admettre officiellement l’existence d’une «entente» entre les avocats.
On ne sait ce que devint l’ordre ainsi créé durant le haut Moyen Âge. Mais, en 1274, une ordonnance de Philippe le Hardi oblige les avocats à prêter serment. En 1345, Philippe VI le Long énumère les conditions d’inscription et d’exclusion du tableau des avocats au parlement. Les audientes , avocats-auditeurs, ne sont pas autorisés à plaider; les proponentes plaident; les consiliarii enfin, avocats les plus anciens, consultent seulement. Tous se réunissent dans la chapelle Saint-Nicolas, au Palais, et l’un d’eux est nommé chaque année bâtonnier, pour porter la bannière, ou «bâton», de saint Nicolas.
Auxiliaires de la justice d’Ancien Régime, les avocats devaient disparaître avec elle. La loi du 1er-2 septembre 1790 dispose que les «hommes de loi ci-devant appelés avocats ne devant former ni ordre ni corporation n’auront aucun costume particulier dans leurs fonctions». Le barreau supprimé, les tribunaux révolutionnaires s’emplirent d’une multitude de conseils de circonstance, parés du titre d’avocat, plaidant et postulant, et qui eurent tôt fait d’avilir la profession.
Napoléon se méfiait des avocats. Mais devant un tel désordre, il dut rétablir le barreau par le décret du 14 décembre 1810: le barreau ne devait plus être dissous.
Depuis lors, les textes se sont succédé, tels le décret du 20 juin 1920 réglementant le droit au titre, la loi du 26 juin 1941 instituant un certificat d’aptitude, et surtout deux réformes majeures: la loi du 31 décembre 1971 et les décrets de 1972, qui ont réalisé la fusion entre les professions d’avocat, d’agréé et d’avoué devant le tribunal de grande instance; les lois du 31 décembre 1990, qui ont fusionné en un même corps avocats et conseils juridiques et modifié les règles d’organisation et de représentation qui régissaient les barreaux.
Comme leurs prédécesseurs, les nouveaux avocats issus de la réforme de 1990 sont groupés en ordres ou barreaux autonomes et égaux en droit, constitués à raison d’un par tribunal d’instance. Chaque barreau est composé d’une assemblée générale qui élit le conseil de l’ordre et le bâtonnier. Dans les barreaux importants, les avocats se réunissent par petits groupes ou «colonnes». Le conseil de l’ordre a un rôle de représentation et d’administration. Il lui arrive de formuler des remontrances à l’autorité publique (en 1945 par exemple, il avait protesté lorsqu’il avait été question de supprimer l’inamovibilité des magistrats du siège).
Le conseil de l’ordre est maître de la discipline. La procédure disciplinaire suit les principes généraux du droit commun. Les décisions ont autorité de chose jugée, elles sont susceptibles de voies de recours, mais leur caractère corporatif entraîne certaines particularités. Les peines sont l’avertissement, le blâme, la suspension, enfin la radiation. L’avocat radié ne peut se réinscrire dans un autre barreau. Tout avocat d’un État de l’Union européenne peut exercer, à titre occasionnel, son activité en France.
La réforme de 1990 ayant introduit la possibilité du salariat dans l’exercice de la profession d’avocat, le bâtonnier a la charge d’arbitrer les conflits nés à l’occasion de l’exécution d’un contrat de travail entre un avocat salarié et son employeur; sa décision est susceptible d’être déférée devant la cour d’appel.
La même réforme, par ailleurs, a autorisé l’exercice de la profession d’avocat en société commerciale et reconnu la faculté de créer des sociétés interbarreaux. Désormais, ces dernières peuvent postuler à chaque barreau de leurs membres. Cette mesure a soulevé bien des réserves, certains voyant en elle le germe d’une élimination ultérieure des structures ordinales ayant pour fondement les barreaux.
Parallèlement était institué un organe nouveau, le Conseil national des barreaux, à l’image de l’organisation pyramidale que connaissaient les conseils juridiques avant 1990. La nouvelle structure a pour vocation de représenter l’ensemble de la profession auprès des pouvoirs publics, de veiller à l’harmonisation des règles et usages de la profession et de coordonner l’action des centres régionaux de formation. Le Conseil est composé de trente membres élus pour trois ans à travers une procédure de vote complexe qui voit l’intervention des conseils de l’ordre et la participation de tous les avocats.
barreau [ baro ] n. m.
• 1285; de barre
1 ♦ Petite barre de bois, de métal servant de clôture ou de support. Les barreaux d'une fenêtre, d'une prison, d'une cage. Loc. Être derrière les barreaux, en prison. — Les barreaux d'une échelle (⇒ échelon) , d'une ridelle. — Les barreaux d'une chaise, les bâtons qui servent à maintenir les montants. Loc. fam. Un barreau de chaise : un très gros cigare.
2 ♦ Petite barre. Barreau aimanté. ⇒ 1. aimant.
3 ♦ (XVIe) Espace, autrefois fermé par une barrière, qui est réservé au banc des avocats dans les salles d'audience. ⇒ barre.
♢ Par ext. Profession d'avocat. L'éloquence du barreau. — Ordre des avocats exerçant auprès d'un même tribunal de grande instance. Être inscrit au barreau.
⊗ HOM. Barrot.
● barreau nom masculin (de barre) Barre de petites dimensions, en bois, en métal, etc., qui sert de soutien, de fermeture, etc. : Barreaux de chaise. Barreaux d'une fenêtre. ● barreau (expressions) nom masculin (de barre) Familier. Barreau de chaise, gros cigare. Derrière les barreaux, en prison. Barreau aimanté, aimant artificiel constitué à partir d'une barre de matériau ferromagnétique. Barreau de combustible, élément cylindrique contenant du combustible nucléaire. ● barreau (homonymes) nom masculin (de barre) barrot nom masculin barrow nom masculin ● barreau nom masculin (de barreau) Espace réservé aux avocats, dans un prétoire, et qui était autrefois isolé de l'audience par une barre de bois ou de fer. Ensemble des avocats établis près de chaque tribunal de grande instance et qui constitue un ordre. La profession d'avocat. ● barreau (homonymes) nom masculin (de barreau) barrot nom masculin barrow nom masculin
barreau
n. m.
d1./d Barre de bois, de fer qui sert d'assemblage, de clôture, etc. Les barreaux d'une chaise, d'une grille.
d2./d Emplacement garni de bancs, réservé aux avocats dans les salles d'audience judiciaire, et clôturé autrefois par un barreau amovible.
— Fig. Profession d'avocat. Se destiner au barreau.
|| Ensemble des avocats établis auprès d'un même tribunal de grande instance. Le barreau d'Abidjan.
⇒BARREAU, subst. masc.
A.— Barre de bois, de métal, à profil cylindrique ou rectangulaire, pouvant servir de clôture ou de support.
1. Clôture :
• 1. Elle posait à terre ses marchandises et s'asseyait dans le fossé, tandis que les poules au bec court et pointu, et les canards au bec large et plat, passant la tête à travers les barreaux d'osier, regardaient de leur œil rond, stupide et surpris.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, L'Aveu, 1884, p. 161.
• 2. ... l'assassin s'est enfui, j'imagine qu'il a trouvé une fenêtre sans barreaux, et ce sera celle du vestibule qui donne sur le parc, c'est-à-dire à l'intérieur de la propriété.
G. LEROUX, Le Mystère de la chambre jaune, 1907, p. 16.
SYNT. Limer les barreaux, passer au travers des barreaux, rompre les barreaux; fermer une porte, une fenêtre avec des barreaux.
— P. métaph. :
• 3. ... l'une rêvait à mille instincts confus, pauvre colombe enfermée dans la cage et qui n'avait entrevu, entre les barreaux de l'honnêteté et le voile obscur des convenances, qu'un coin de ce grand ciel qu'on appelle amour; ...
FLAUBERT, Smarh, 1839, p. 72.
• 4. ... il faut laisser à Musset ce qui lui appartient : il contente le vague de la souffrance et du désir chez un enfant, pareil à celui que je revois derrière les barreaux des scrupules, des interdits de la famille, ...
MAURIAC, Mémoires intérieurs, 1959, p. 58.
2. Support. [En parlant d'une chaise, d'une échelle] Les petits bâtons qui servent à assembler et à maintenir les montants d'une chaise, d'une échelle :
• 5. Côté caractéristique de ces ménages à la Feydeau, ce sont ces froids qui tout à coup tombent dans l'intimité avec les tiers; ces absences de la femme, qui chantonne avec un battement de pied nerveux sur un barreau de chaise; ...
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1867, p. 371.
— P. métaph. :
• 6. Penser ces choses, tenir à un barreau quelconque de cette échelle dégradée, nul n'en est quitte à moins d'avoir franchi la dernière étape de l'ascétisme.
BRETON, Les Manifestes du Surréalisme, 1930, p. 93.
— Arg. À la guerre il ne faut pas s'embarrasser dans les barreaux de la chaise. ,, Chercher la petite bête, être difficile`` (ESN. Poilu 1919).
3. Techn. diverses
— IMPR. Barreau de presse. ,,Barre de fer courbée, au bout de laquelle est un manche de bois; c'est par ce moyen que l'on met la vis en mouvement, et que l'on presse le papier sur le caractère`` (BERTRAND-QUINQUET, Traité de l'impr., 1799, p. 141) :
• 7. On dit tirer le barreau, pour marquer l'action que l'on imprime au barreau, lorsque l'on tire les feuilles.
A.-F. MOMORO, Traité élémentaire de l'impr., 1794, p. 318.
— PHYS. Barreaux magnétiques ou aimantés ,,Barres d'acier trempé auxquelles on a communiqué la propriété magnétique au moyen de l'aimantation`` (CHESN. 1857).
— TECHNOL. [En parlant des grilles de toutes chaudières (locomotives, navires, etc.)] Barreaux de grille. ,,Barres en fer ou en fonte, placées les unes auprès des autres pour supporter le combustible tout en laissant passer entre elles l'air nécessaire à la combustion`` (GRUSS 1952) :
• 8. [La grille] se compose de barreaux en fer non jointifs, disposés longitudinalement...
HERDNER, Locomotives..., p. 5.
B.— P. méton. [de A 1 supra], DR.
1. Enceinte réservée (autrefois fermée par une barre), où se mettent les avocats pour plaider :
• 9. Hennequin, avant déjeuner, me parlait de sa manière [de Berryer] au barreau; d'après ce qu'il m'en a dit, il me semble qu'il me ferait plus d'impression que les autres.
E. DELACROIX, Journal 2, 1856, p. 191.
2. ,,Ordre des avocats exerçant leur ministère auprès d'un tribunal ou d'une cour`` (CAP. 1936). S'inscrire au barreau, maître du barreau, l'éloquence du barreau :
• 10. Dès 1637, la retraite de M. le Maître, qui s'était arraché du barreau et de la carrière des hautes charges pour se faire solitaire, avait tourné de ce côté tous les yeux; ...
SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 128.
• 11. Fontanet montrait moins d'hésitation dans le choix d'une carrière. Il se destinait au barreau et se proposait d'entrer à la chambre dès qu'il aurait l'âge légal.
A. FRANCE, La Vie en fleur, 1922, p. 396.
• 12. Il disposait, dans les milieux de la finance, de la politique, du barreau et du livre, de relations sur lesquelles il ne comptait jamais en vain : relations de famille, de race ou de parti.
ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 158.
Prononc. — 1. Forme phon. :[] ou []. PASSY 1914 et BARBEAU-RODHE 1930 écrivent plus exactement []. 2. Homon. : barot, barrot.
Étymol. ET HIST. — 1. 1285 « grillage d'une visière » (J. BRETEL, Tournois Chauvency, éd. H. Delmotte, 1611 dans T.-L., s.v. barrel : Barriaux fröés, hiaumes brisiez); av. 1307 « barre de fer » (G. GUIART, Royaux Lignages, éd. Buchon, I 2643, ibid. : N'i valut barre ne barrel); XVe s. barreaux de fer (FROISS., II, III, 38 dans LITTRÉ); 2. « partie de l'enceinte du tribunal séparée par une barre de celle où siègent et se tiennent les avocats pour plaider » d'où a) 1571 barreau des avocats « ensemble de la profession d'avocat » (YVER, p. 639, ibid. : S'estant mis au barreau des avocats, premier qu'arrester son estat); 1611 les gens de barreau (COTGR.); b) 1680 (RICH. : Barreau. Tout le Palais qui est le lieu où l'on rend la justice).
Dér. de barre; suff. -eau; le lat. médiév. au sens 2 utilisait barra (DU CANGE t. 1, p. 586b, s.v. barra).
STAT. — Fréq. abs. littér. :889. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 290, b) 1 413; XXe s. : a) 1 243, b) 1 174.
DÉR. 1. Barreaudage, subst. masc., néol. Assemblage de barreaux; technique partic. de cet assemblage. — 1re attest. 1942 (F. FILLON, Le Serrurier, p. 25); dér. de barreau étymol. 1, suff. -age avec consonne de soutien -d-, sans doute p. anal. avec des termes comme blindage, ravaudage, taraudage, etc. 2. Barrelette, subst. fém., néol. Élément décoratif formé de petites barres. On divise à l'infini le corps des pentures par des barrelettes (FILLON, Le Serrurier, 1942, p. 14). — 1re attest. 1942 id., p. 11; dér. de barreau d'apr. l'a. fr. barrel (cf. barreau étymol. 1), suff. -ette.
BBG. — DUCH. 1967, § 42. — LAPLATTE (C.). Barreau et parquet. Vie Lang. 1952, pp. 398-401. —RAUVILLE (C. de). Mots des îles. Vie Lang. 1968, p. 103. — ROG. 1965, p. 106.
barreau [baʀo] n. m.
ÉTYM. 1285; de barre.
❖
———
1 Petite barre de bois ou de métal faisant partie d'un ensemble qui peut servir de clôture ou de support. || Les barreaux d'une clôture à claire-voie, d'une grille, d'une fenêtre, d'une cage. || Fenêtre munie de barreaux. ⇒ Barreaudé, grillé. || Scier, limer les barreaux de sa prison. — ☑ Être derrière les barreaux, en prison.
1 Ce n'est point par douceur qu'on rend sages les filles;
Je veux, du haut en bas, faire attacher des grilles,
Et que de bons barreaux, larges comme la main,
Puissent servir d'obstacle à tout effort humain.
J.-F. Regnard, les Folies amoureuses, I, 2.
2 On leur a fait tenir (à des prisonniers) une lime sourde dans un pain, et ils ont limé un gros barreau d'une fenêtre.
A. R. Lesage, le Diable boiteux, 7.
3 Comme elle la regarde ! comme une pauvre recluse regarderait au travers des barreaux de sa cellule deux amants tendres et passionnés (…)
Diderot, Salon de 1765.
3.1 (…) je passai dans mon cabinet; là, dégageant le trou que j'avais soin de boucher tous les jours, je liai ma corde à l'un des barreaux qui n'était point endommagé, puis me laissant glisser par ce moyen, j'eus bientôt touché terre.
Sade, Justine…, t. I, p. 215.
4 Il lui semblait se heurter à des barreaux, comme une bête emprisonnée.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 284.
5 Est-ce que je suis encore libre ? Je peux aller où je veux, je ne rencontre pas de résistance mais c'est pis : je suis dans une cage sans barreaux, je suis séparé de l'Espagne par… par rien et cependant, c'est infranchissable.
Sartre, l'Âge de raison, VIII, p. 120.
♦ Les barreaux d'une chaise : les bâtons qui servent à maintenir les montants. || Les barreaux d'une échelle. ⇒ Échelon. || Barreaux d'un râtelier, d'une ridelle. ⇒ Roulon.
2 Petite barre. || Barreau aimanté : barre de métal aimanté artificiellement.
———
II (1571). Espace, autrefois fermé par une barrière (⇒ Barre, I., 4.), qui est réservé au banc des avocats dans les salles d'audience.
6 (…) Si quelque exploit nouveau
Chaque jour, comme moi, vous traînait au barreau (…)
Boileau, le Lutrin, 3.
♦ Par ext. Profession d'avocat. || L'éloquence du barreau. || Le barreau, supprimé par la Révolution française, fut rétabli par Napoléon. || Se destiner au barreau.
7 Ils ont contracté du barreau certaine habitude de déclamation (…)
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, II, 10.
8 Qu'on destine mon élève au barreau (…)
Rousseau, Émile, I.
♦ Ordre des avocats exerçant auprès d'un même tribunal de grande instance. || Être inscrit à un barreau. || Chaque barreau élit son conseil de l'ordre et son bâtonnier.
9 Un jeune avocat, pour compléter son instruction professionnelle, entre comme collaborateur dans l'étude d'un des plus grands maîtres du barreau.
A. Artaud, Scenarii, Vols, in Œ. compl., t. III, p. 26.
❖
DÉR. Barreaudé.
HOM. 1. Barrot, 2. barrot.
Encyclopédie Universelle. 2012.