SOCIOBIOLOGIE
SOCIOBIOLOGIE
La sociobiologie est une théorie exposée en 1975 par E. O. Wilson de l’université de Harvard (États-Unis), dans son ouvrage Sociobiology. A New Synthesis . Elle repose sur les deux principes suivants:
— La hiérarchie rencontrée dans la plupart des sociétés animales est d’origine génétique. Elle tient à des comportements d’agressivité et de dominance. Biologiquement, certains sujets sont faits pour commander, alors que d’autres sont faits pour obéir. Cela est vrai aussi bien chez les insectes que chez les hommes. La position que chacun occupe dans la hiérarchie sociale n’est que le fruit de la compétition qui sait reconnaître les «meilleurs» des «moins bons»; elle lui est assignée par la sélection naturelle.
— Tous les comportements d’un individu obéissent à une loi fondamentale, diffuser ses propres gènes d’une façon aussi large que possible. Ainsi, l’agressivité (qui conduit à éliminer tout rival sexuel), l’altruisme (qui s’applique aux membres d’une même famille portant certains gènes identiques) ne poursuivent pas d’autre but. Quant à l’altruisme que nous manifestons pour nos amis, il tient au fait que ceux-ci peuvent nous aider à élever notre progéniture et donc à diffuser plus efficacement nos propres gènes. Ainsi, les inégalités sociales, les conflits entre individus, familles ou peuples, les guerres ont des fondements biologiques. Il en est de même dans la différence de statut social entre l’homme et la femme.
L’œuf naît de la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde. Jusqu’à la fécondation, l’égalité entre les sexes est totale. Mais tout change par la suite: la femme enceinte devra mener à terme sa grossesse. Pendant neuf mois, elle demeure «hors jeu» (et plus longtemps encore si l’on considère la phase d’allaitement au cours de laquelle elle demeure souvent non fécondable), alors que l’homme demeure capable de diffuser ses gènes en permanence et un peu partout. Dans cette course à la diffusion des gènes, l’homme est l’éternel vainqueur. D’où la supériorité du mâle sur la femelle, que les sociobiologistes retrouvent à tous les niveaux. Mais les tenants de Wilson vont plus loin: l’homosexualité, qu’ils considèrent comme ayant un déterminisme génétique, serait douée d’une valeur sélective positive; n’ayant pas de descendance directe, les homosexuels sont plus libres pour aider la descendance des autres.
Fondée sur la compétition et la sélection, la sociobiologie se situe dans la lignée néo-darwinienne du début du XXe siècle, que l’on peut résumer ainsi. Beaucoup de gènes peuvent exister sous plusieurs formes: une forme normale dite «sauvage», rencontrée chez presque tous les individus, et des formes anormales, ou «mutations» qui apparaissent de loin en loin sous l’effet du hasard. C’est sur les variations liées aux mutations que la sélection opère un tri, retenant les caractères les plus favorables, éliminant les autres. Ainsi, la sélection est uniformisante. En définitive, toute population est composée d’individus identiques, n’ayant conservé que les meilleurs gènes, ayant éliminé les autres. Les individus (ou les populations) qui portent des gènes inférieurs sont condamnés à être supplantés par ceux qui portent des gènes supérieurs, à moins que l’asservissement et l’exploitation des premiers ne soit utile aux seconds. Cette aptitude à l’esclavage peut conférer une certaine valeur sélective qui permet de subsister, mais dans le statut d’esclave.
Malgré sa logique apparente, la sociobiologie ne cadre pas avec les données de la génétique moderne et se rattache à une série de conceptions abandonnées.
En effet, on sait aujourd’hui qu’aucune population naturelle, même celles qui vivent dans des conditions d’environnement très sévères et sont soumises à une pression sélective rigoureuse, ne présente de monomorphisme génétique. Au contraire, toutes offrent une grande variété de leur équipement héréditaire: non seulement la nature ne choisit pas entre des «bons» et des «mauvais» gènes, mais elle fait tout pour conserver au sein de chaque groupe un stock de gènes variés. Et cela n’a rien de mystérieux. Nous vivons dans des conditions écologiques qui ne sont pas constantes, mais changent sans cesse dans le temps (du matin au soir, de l’été à l’hiver, des phases de réchauffement aux périodes glaciaires), ou dans l’espace (du nord au sud, des plaines aux montagnes), etc. C’est dire qu’un gène peut être plus favorable que sa mutation à un moment et dans un lieu donné, alors qu’il le sera moins à un autre moment et dans un autre lieu. Le polymorphisme génétique d’un individu, ou de la population, assure au vivant une gamme de réponses très large. Il recule les limites de sa niche écologique et lui donne accès à des ressources plus abondantes.
De plus, le schéma néo-darwinien auquel se rattache la sociobiologie considère les gènes comme des unités indépendantes, travaillant chacune pour leur propre compte, et au sein desquelles la sélection peut faire un tri. Cette vision, qui fut celle de Mendel, n’est pas exacte. On sait maintenant que tous les gènes s’incluent dans des ensembles fonctionnels rigoureusement intégrés. Le patrimoine héréditaire n’est pas formé par le rassemblement côte à côte de facteurs indépendants, mais par une série de gènes reliés entre eux par de multiples régulations, qui font qu’un gène n’agit pas n’importe quand et n’importe comment, mais s’inclut dans un programme. Et l’apparition de types nouveaux correspond bien plus à la construction de nouveaux programmes (c’est-à-dire de nouvelles combinaisons de gènes) qu’à l’apparition de nouvelles mutations. Dès lors, considérer la valeur sélective de chaque individu comme son aptitude à diffuser ses propres gènes constitue un non-sens biologique.
Enfin, on sait que la tendance essentielle de l’évolution chez les Vertébrés est le remplacement des comportements innés rigides et fixés par des comportements acquis, souples, modifiables, pouvant s’ajuster sans cesse aux variations du milieu. L’acquisition de ces comportements, qui chez l’homme constituera la culture, va de pair avec le développement du psychisme. Cette substitution marque le passage de l’évolution biologique à l’évolution culturelle, elle culmine au palier humain. Ignorer cette phase essentielle du mouvement évolutif revient à lui enlever une grande partie de sa signification.
Dès lors, comment expliquer qu’une théorie qui repose sur des données anciennes et périmées ait pu avoir un certain succès, au moins dans nos pays? La raison est d’ordre psychologique. Le monde s’enfonce dans une crise grave qui est en train d’ébranler la hiérarchie imposée aux nations par l’histoire des derniers siècles. Dans nos pays occidentaux, certains y voient, à tort, une menace et croient trouver dans la sociobiologie le maintien des privilèges aujourd’hui périmés. Notre avenir se trouve ailleurs: dans la recherche de la complémentarité et de la coopération rendues possibles par l’extraordinaire polymorphisme génétique et culturel du groupe humain.
sociobiologie [ sɔsjobjɔlɔʒi ] n. f. ♦ Didact. Étude des fondements biologiques des comportements sociaux et animaux. — Adj. SOCIOBIOLOGIQUE ; n. SOCIOBIOLOGISTE .
● sociobiologie nom féminin Courant de pensée d'origine anglo-saxonne qui affirme que les comportements sociaux humains reposent sur des bases génétiques, donc transmissibles. (Cette théorie, fondée par E. Wilson, a servi de fondement à des théories inégalitaires et racistes et n'a pas reçu de confirmation scientifique.)
sociobiologie [sɔsjobjɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. V. 1980; angl. sociobiology, v. 1975; de socio-, et biologie.
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♦ Didact. Étude des fondements biologiques des comportements sociaux. || « Il devrait y avoir deux sociobiologies, car il y a deux problématiques : celle de l'homme et celle de l'animal, dit le généticien Albert Jacquart » (l'Express, 5 avr. 1980). || « La sociobiologie et ses enjeux politiques » (la Recherche, avr. 1980).
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DÉR. Sociobiologique (2.), sociobiologiste.
Encyclopédie Universelle. 2012.