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SIMULATION
SIMULATION

La simulation est l’expérimentation sur un modèle . C’est une procédure de recherche scientifique qui consiste à réaliser une reproduction artificielle (modèle ) du phénomène que l’on désire étudier, à observer le comportement de cette reproduction lorsque l’on fait varier expérimentalement les actions que l’on peut exercer sur celle-ci, et à en induire ce qui se passerait dans la réalité sous l’influence d’actions analogues. On a recours aux techniques de simulation essentiellement dans deux types de situations. Le premier type se définit par l’impossibilité de recourir à l’expérimentation directe, en raison de considérations morales, d’impératifs temporels, de contraintes budgétaires, ou d’obstacles naturels. La simulation permet par exemple de déterminer empiriquement la configuration optimale d’un réseau routier, de prévoir les répercussions de diverses mesures économiques sur la consommation ou l’épargne, ou d’analyser les phases successives d’une panique provoquée par un incendie dans une salle close. Pour que l’expérimentation sur le modèle ait une valeur scientifique, il faut évidemment que le modèle constitue une reproduction satisfaisante de la réalité, c’est-à-dire qu’il repose sur des bases théoriques assurées. Le second type de situations où la simulation s’avère efficace est celui où l’on ne dispose pas de bases théoriques solides, et où l’on cherche précisément à élaborer une théorie qui permette de rendre compte des données d’observation grâce aux techniques de simulation; on peut alors définir avec précision les conséquences concrètes des différents modèles théoriques possibles et déterminer lequel fournit l’approximation la plus correcte de la réalité.

Un modèle simulable (ou simulatoire ) se fonde toujours sur une théorie , c’est-à-dire une description abstraite de certains aspects de la réalité en termes de concepts ou de variables , et de relations ou de lois . Les relations prennent le plus souvent la forme de fonctions mathématiques ou logiques; elles décrivent la manière dont certaines variables (appelées causes, variables indépendantes, facteurs exogènes, «inputs») agissent sur d’autres (appelés effets, variables dépendantes, facteurs endogènes, «outputs»). À partir d’une théorie d’un phénomène quelconque, il est généralement possible soit de construire un mécanisme physique ou une maquette dont le fonctionnement présente des analogies avec le déroulement du phénomène tel que la théorie le décrit, soit d’élaborer un modèle abstrait programmable sur ordinateur. La première solution, la plus ancienne, est encore utilisée par les cybernéticiens pour étudier les processus qui concourent à maintenir un état d’équilibre dans un système aux interrelations complexes: stabilité monétaire, adaptation d’un organisme au milieu, etc. La seconde solution n’a pu apparaître qu’avec l’invention de l’ordinateur, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle est la plus aisée à mettre en œuvre, et la plus répandue dans tous les domaines.

1. La simulation analogique

La forme la plus rudimentaire de simulation analogique est l’expérimentation sur maquette: essais d’une maquette d’avion en soufflerie ou d’une coque de navire en bassin, expériences sur un modèle réduit de digue ou de barrage. Dans une expérimentation de ce type, l’analogie entre le phénomène original et la maquette est évidente, à l’échelle et parfois aux matériaux près. Cependant, la nature de cette analogie dépend, dans tous les cas, de la connaissance préalable que le chercheur a du phénomène original et de l’objectif de ses recherches; en d’autres termes, la relation entre le phénomène réel étudié et la maquette qui le représente dépend à la fois des théories relatives au phénomène réel et du plan d’expérience du chercheur. Comme le note W. Ross Ashby, une masse de gélatine moulée en forme d’hémisphères cérébraux peut constituer une maquette acceptable du cerveau pour un physicien étudiant la propagation des ondes de choc à travers celui-ci; en revanche, un neurologue s’intéressant au cheminement de l’influx nerveux utilisera, pour simuler le fonctionnement du cerveau, un réseau de fils électriques reproduisant la configuration de circuits neuronaux.

Ce type d’expérience de simulation est utilisé dès le XVIIe siècle. On le trouve par exemple dans l’expérience du volcan de Nicolas Lémery, qui permettait au célèbre chimiste d’illustrer (et, pensait-il, de prouver) sa théorie sur l’origine chimique des éruptions volcaniques. Au siècle suivant (le siècle des automates), le public cultivé se passionne pour les «anatomies mouvantes» qui ont pour but la vérification expérimentale des théories des philosophes mécanistes du XVIIe siècle (Descartes, Malebranche, Mersenne) sur le fonctionnement du corps de l’homme ou des animaux. Un exemple bien connu en est le canard digéreur de Jacques de Vaucanson (1738), destiné à prouver le bien-fondé de la théorie chimique de la digestion. Ce même Vaucanson fait le projet d’une maquette du corps humain permettant de réaliser des expériences médicales, et pouvant également servir pour l’enseignement de l’anatomie; ce projet ne pourra aboutir en raison de l’insuffisance des moyens techniques disponibles à l’époque. Ce n’est qu’à partir de la fin du XIXe siècle que l’on parvient à réaliser des simulations analogiques présentant un véritable intérêt scientifique, en raison du degré de complexité du modèle sous-jacent, et de l’adéquation des procédés techniques mis en œuvre. Les domaines d’élection de ces expériences sont la science économique et la biologie.

Étudiant les variations de la demande des divers biens de consommation en fonction des revenus des consommateurs et des prix, Irving Fisher fait remarquer que la plupart des termes utilisés par les économistes sont empruntés au vocabulaire de la mécanique; d’où l’idée de construire un analogue matériel du modèle mathématique qu’il développe. Ce mécanisme reproduit un marché à n biens et m consommateurs. Il est constitué d’un bassin dans lequel flottent des récipients; chaque récipient représente la quantité de monnaie affectée à un bien par un consommateur. Les récipients, de dimensions ajustables, sont reliés entre eux par des tuyaux qui permettent des échanges à l’intérieur du budget d’un consommateur, et des leviers qui réalisent l’ajustement de l’offre et de la demande d’un bien. Il est possible de faire varier expérimentalement les prix, les revenus, les quantités de biens disponibles sur le marché, les parts relatives consacrées par chaque consommateur à l’acquisition des divers biens, etc., et d’en observer les effets sur le marché. Ultérieurement, Arnold Tustin a étudié l’apparition des crises économiques à partir d’un dispositif électrique matérialisant les théories de Keynes.

Dans le domaine de la biologie, les réalisations les plus connues sont les animaux cybernétiques . Ce sont des mécanismes capables de réagir à des stimulations de leur environnement par un comportement d’adaptation, soit en agissant sur l’environnement pour le modifier, soit en se déplaçant pour trouver un environnement plus favorable. Par exemple, la tortue électronique de Norbert Wiener était capable de retrouver seule, par essais et erreurs et en contournant les obstacles, le chemin de la source d’électricité dont elle avait besoin pour recharger ses accumulateurs. Ces machines cybernétiques ont l’intérêt, malgré la simplicité de leur mécanisme, de présenter un comportement complexe analogue à celui d’un être intelligent. Un autre mécanisme simple, d’une grande portée scientifique, est l’homéostat , conçu par Ashby pour simuler certains aspects du fonctionnement du cerveau. Il est constitué de quatre éléments identiques reliés entre eux par des fils électriques. Chaque élément envoie vers les trois autres un courant électrique dont l’intensité dépend de la position d’un levier placé à son sommet; la position de ce levier est déterminée par l’intensité des courants envoyés par les trois autres éléments. De plus, il est possible d’agir manuellement sur la position des leviers, et de modifier les connections entre éléments. Au repos, le système se trouve dans un état d’équilibre; si l’on déplace un levier, un nouvel état d’équilibre est atteint par l’action conjuguée des quatre éléments; si l’on déconnecte un élément, il y a encore recherche d’un autre état d’équilibre. Outre ces comportements d’adaptation aux actions de l’environnement et de compensation des lésions internes, l’homéostat montre également des possibilités d’apprentissage.

La simulation analogique n’est possible que lorsque le chercheur connaît parfaitement la nature et la forme des relations entre les variables mises en jeu dans le phénomène qu’il étudie, et peut construire des dispositifs physiques dont les lois sont analogues à ces relations. Ce type de simulation est particulièrement bien adapté à l’étude de systèmes complexes dont les éléments agissent simultanément. Mais il oblige pratiquement le chercheur à construire une machine particulière pour chaque modèle, ce qui limite l’emploi de la méthode. En levant cet obstacle, l’apparition, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de l’ordinateur numérique a donné aux techniques de simulation leur essor actuel.

2. Sur ordinateur numérique: la «méthode de Monte-Carlo»

L’ordinateur numérique se présente comme une machine programmable, capable de traiter automatiquement toute information codée sous forme numérique. Il permet par conséquent de simuler tout modèle abstrait dans lequel les relations entre variables peuvent être exprimées sous forme d’opérations. Un exemple particulièrement simple en est le projet Simulmatics, simulation réalisée en 1960 pendant la campagne électorale de J. F. Kennedy contre R. Nixon. Le problème posé par Kennedy portait sur l’adoption d’une stratégie électorale. Les chercheurs de la Simulmatics Corporation ont constitué, à partir de résultats de sondages, une description détaillée de l’électorat américain, condensée en 480 types d’électeurs. Ils ont déterminé les affinités politiques et religieuses de chaque type d’électeurs, leurs votes antérieurs et leur sensibilité à différents thèmes de campagne. Le modèle est un système d’équations évaluant les variations des taux d’abstentions et de voix pour chacun des candidats selon la stratégie choisie. Le facteur exogène contrôlé expérimentalement est le thème de la campagne, et le facteur endogène les gains et les pertes de voix pour Kennedy. Grâce à ce modèle, ses auteurs ont pu conseiller à Kennedy de s’opposer fermement au sectarisme religieux qui refusait à un catholique l’entrée à la Maison-Blanche; ce même modèle leur a permis, ultérieurement, d’analyser les mécanismes de la campagne électorale.

Le modèle du projet Simulmatics est un modèle entièrement déterministe, c’est-à-dire que ses mécanismes sont complètement explicités et ne laissent aucune place à l’intervention du hasard. En fait, de tels modèles de simulation ne se rencontrent pas très fréquemment, soit que les théories relatives aux phénomènes étudiés comprennent elles-mêmes une certaine marge d’incertitude, soit que l’on ait jugé nécessaire d’omettre certains facteurs secondaires, dont les effets sont alors assimilés pour l’expérience à des fluctuations aléatoires. Dans la plupart des modèles simulables, le hasard joue un rôle important: il règle en particulier l’apparition d’événements pour lesquels on ne fait pas intervenir dans le modèle l’ensemble des causes, mais seulement la probabilité de se produire dans des conditions données.

Pour mieux comprendre l’intervention du hasard dans un modèle simulable, on peut imaginer une expérience réalisée manuellement (décrite par D. G. Malcom in H. Guetzkow, Simulation in Social Science: Readings ). Le problème à résoudre est le suivant: dans un atelier, vingt machines fonctionnent en permanence cinq jours par semaine. Il y a en permanence quatre régleurs pour remédier aux pannes des machines. Or, il arrive qu’il y ait plus de quatre machines en panne simultanément; mais il arrive également qu’aucun régleur n’ait à intervenir. D’un point de vue strictement économique, y a-t-il trop ou trop peu de régleurs dans l’atelier? L’observation permet d’établir qu’une machine tombe en panne en moyenne une fois toutes les dix heures et que la durée d’une réparation varie d’une demi-heure à deux heures avec une moyenne d’une heure. Pour répondre à la question posée, le plus simple est de reproduire expérimentalement le fonctionnement de l’atelier avec respectivement trois, quatre et cinq régleurs. Si l’on prend l’heure comme unité de temps, au cours d’une heure chaque machine a une chance sur dix de tomber en panne. Si les machines sont numérotées de 1 à 20, pour déterminer si la machine no 1 tombe en panne au cours de la première heure, on peut utiliser une roulette à dix numéros de 0 à 9 et décider par exemple que le 9 signifie la panne. On tire un numéro au hasard: si c’est un 9, la machine tombe en panne; sinon, elle fonctionne pendant toute l’heure. S’il y a panne, il faut également déterminer la durée de la réparation par la même méthode, en décidant par exemple que les chiffres 1 à 4 déterminent une panne d’une demi-heure, de 5 à 7 une heure, etc., conformément aux proportions observées dans l’atelier. On répète l’opération pour chacune des vingt machines. Il faut alors organiser le partage des tâches des régleurs, et, s’il y a plus de quatre machines en panne, mettre les autres en attente de réparation. À l’heure suivante, on répétera l’opération pour les machines qui ne sont pas en panne, ou qui ont été réparées, et ainsi de suite, sur une durée de cent heures par exemple. On relèvera le temps total de fonctionnement des machines, qui constitue le facteur endogène. On comparera ensuite les temps de fonctionnement selon le nombre de régleurs, pour déterminer le coût de chacune des trois solutions envisagées.

Pour effectuer la même série de simulations sur ordinateur, il faut résoudre un problème apparemment insoluble: imiter le hasard à l’aide d’une machine parfaitement déterminée. Il est rigoureusement impossible de simuler sur un ordinateur numérique le fonctionnement d’une roulette de casino, c’est-à-dire d’engendrer une série de chiffres purement aléatoires, ayant chacun la même probabilité d’apparition. En revanche, il est possible, en s’appuyant sur la théorie des nombres, d’engendrer des séries de chiffres déterminées, mais présentant pour l’expérimentateur toutes les caractéristiques de nombres au hasard. Ce que nous appellons le hasard n’est en effet que l’expression de notre ignorance des causes ou de l’insuffisance de nos théories: le tirage à la roulette d’un nombre «au hasard» est un processus parfaitement déterminé par l’impulsion donnée au départ, les frottements entre la boule, la roulette et le socle, etc. Ce qui fait appeler hasard l’effet de ces divers facteurs est l’incapacité d’en prévoir les conséquences. Une série de chiffres au hasard se caractérise pour l’observateur par le fait que tous sont équiprobables, et que l’apparition de l’un d’eux n’est pas déterminée par ceux qui l’ont précédé. Il existe des procédés de calcul (en particulier: opération de congruence sur des produits successifs) qui permettent d’engendrer des séries de nombres pseudo-aléatoires répondant à cette description. L’analogie des séries obtenues avec celles que fournit le jeu de la roulette a fait baptiser cette technique méthode de Monte-Carlo .

La simulation de modèles stochastiques (du grec stokhastikos : conjectural) par la méthode de Monte-Carlo est devenue d’une grande utilité. Elle facilite en particulier l’utilisation de théories incomplètement formalisées, et dont on ne saurait déduire par calcul les conséquences pratiques. Elle rend possible l’élaboration de modèles hybrides, agrégeant des théories empruntées à diverses branches de la science qui n’ont pas atteint le même niveau d’abstraction et pouvant même recourir à un volume important de données empiriques (statistiques par exemple). Aussi est-elle un outil privilégié en recherche opérationnelle. On l’utilise également en science économique pour élaborer par exemple une stratégie commerciale en économie de marché; en organisation, pour optimiser un processus de fabrication, ou définir un réseau de communications, de distribution ou de transport; en science politique, pour choisir entre plusieurs stratégies électorales, ou expliquer les transferts de voix entre deux tours de scrutin; en démographie, pour établir des prévisions, ou déterminer les effets de mesures contraceptives sur la natalité; en psychologie, pour expliciter les mécanismes de l’apprentissage; etc. Enfin, la méthode de Monte-Carlo fournit une solution approchée de problèmes mathématiques difficiles à résoudre analytiquement (par exemple, l’évaluation d’une intégrale à plusieurs dimensions).

3. Problèmes et perspectives

Le problème central d’une expérience de simulation est celui de la correspondance entre le modèle simulable et la réalité qu’il représente. Lorsque le phénomène que l’on veut reproduire artificiellement est bien connu, c’est-à-dire lorsqu’il fait l’objet d’une théorie complète, cohérente et valide, il est possible d’élaborer un modèle qui soit une représentation très fidèle de ce phénomène. Certains auteurs réservent à ce seul cas le mot de simulation, préférant appeler synthèse les expériences dans lesquelles l’analogie entre le modèle et le phénomène original est plus superficielle, soit qu’il s’agisse d’un modèle purement descriptif, soit que la théorie sous-jacente ne soit que l’agrégation de données d’observation et d’éléments de théories non entièrement formalisées. Dans le premier cas, un modèle analytique soluble par calcul est souvent élaborable, et l’on pourra le préférer à un modèle simulable; mais lorsque le phénomène ne fait pas l’objet d’une théorie cohérente, l’expérimentation sur modèle simulable est la seule procédure permettant d’aboutir aux résultats escomptés. Aussi ce second type d’expérience est-il le plus fréquent; c’est également celui dont les résultats doivent être interprétés avec le plus de prudence. D’autre part, toute formalisation d’un phénomène réel se traduit par une sélection des variables jugées les plus importantes. Au cours de l’élaboration du modèle simulable, le chercheur est conduit à omettre certaines variables secondaires. Si leurs effets sur le processus à simuler sont négligeables, on pourra construire un modèle déterministe; si leurs effets ne sont pas négligeables et s’ils obéissent à des lois de probabilités connues, on recourra à un modèle stochastique, utilisant la méthode de Monte-Carlo. Enfin, les mécanismes du modèle simulable lui-même doivent être parfaitement connus de l’expérimentateur. S’il s’agit d’un modèle programmé sur ordinateur, ou d’une maquette fonctionnant selon des lois physiques bien déterminées, on peut valablement parler de simulation. Mais lorsqu’on fait intervenir des acteurs humains comme éléments du modèle, celui-ci n’obéit pas encore, en l’état actuel des sciences de l’homme, à des lois parfaitement déterminées; on éliminera donc provisoirement du champ de la simulation les techniques psychosociales du type jeu de rôle (role playing ) et certaines formes de jeux d’entreprise (business games ).

Les rapports entre le modèle et la réalité simulée permettent de définir les trois grands domaines d’application de la simulation: la construction de théories, la décision, et la formation de l’homme. Lorsque le modèle correspond à une théorie à éprouver, et que l’expérience consiste à reconstituer artificiellement des phénomènes déjà observés, les techniques de simulation constituent une aide à la recherche fondamentale dans le choix et l’ajustement de théories nouvelles. Lorsque la théorie est bien établie et que l’on réalise artificiellement des situations qui ne sont pas encore présentées, la simulation est un outil de prévision et peut aider au choix d’une stratégie. Lorsque, enfin, le modèle est éprouvé et les situations simulées bien connues, l’intérêt de la simulation est de permettre à ceux qui la réalisent, c’est-à-dire à ceux qui agissent sur les facteurs exogènes contrôlables du modèle, de se familiariser avec la réalité qu’elle représente. Cet objectif de formation par la simulation est réalisé en particulier par les machines analogiques ou hybrides appelées simulateurs (de conduite d’engins, de tir antiaérien, etc.).

La simulation est une démarche scientifique qui a déjà porté ses fruits surtout dans des disciplines comme l’industrie automobile, l’industrie aéronautique, le génie chimique, mais aussi tout ce qui touche aux systèmes de production et à la prévision. Au cours des progrès de la pensée scientifique, le chercheur a appris à systématiser ses observations, puis à en étendre le champ et en augmenter la précision par l’usage d’instruments d’observation et de mesure; à élaborer, pour rendre compte de ses observations, des théories cohérentes, et à en dégager, à l’aide de la logique déductive, les conséquences nécessaires; à provoquer artificiellement, par la méthode expérimentale, des situations prévues par la théorie, afin de vérifier si l’observation confirmait les conséquences de celle-ci. Actuellement, en face de théories trop complexes pour qu’il soit possible d’en déduire les conséquences à l’aide du calcul logique, nous apprenons à faire surgir expérimentalement un échantillon de toutes leurs conséquences possibles. Les résultats ainsi obtenus sont d’ailleurs presque aussi riches et détaillés que ceux d’une expérimentation sur la réalité; ils sont par conséquent plus complets et plus précis que ceux qui sont fournis par la seule logique déductive.

La simulation répond particulièrement bien aux besoins des branches peu formalisées de la science. Permettant une théorisation par essais et erreurs, elle présente pour le chercheur une grande valeur heuristique; cette méthode devrait par conséquent favoriser l’apparition et le perfectionnement de théories opératoires dans les sciences de l’homme, et permettre d’établir la jonction entre des sciences étudiant des «étages» différents de la réalité, comme par exemple la micro-économie et la macro-économie, ou la psychologie et la sociologie.

simulation [ simylasjɔ̃ ] n. f.
• fin XIIe; lat. simulatio
1Dr. Fait de simuler (un acte juridique), de déguiser un acte sous l'apparence d'un autre. Simulation de souscription frauduleuse.
2Action de simuler (un sentiment, une maladie). C'est de la simulation ! chiqué, comédie, frime.
Psychol. Manifestation extérieure qui tend, plus ou moins consciemment, à remplacer, à exagérer ou à prolonger un symptôme pathologique. Simulation d'infirmités, de troubles mentaux, de maladies ( pathomimie) .
3(mil. XXe) Représentation du comportement de systèmes physiques (par des calculateurs analogiques, numériques, etc.) en simulant par des signaux appropriés les grandeurs réelles. modèle. Simulation de vol, d'accident.
Méthode, technique permettant de produire de manière explicite (en général formalisée) un processus quelconque. émulation. Exercices de simulation. Logiciels de simulation.

simulation nom féminin (latin simulatio) Imitation volontaire ou semi-volontaire d'un trouble mental ou physique. Représentation du comportement d'un processus physique, industriel, biologique, économique ou militaire au moyen d'un modèle matériel dont les paramètres et les variables sont les images de ceux du processus étudié. (Les modèles de simulation prennent le plus souvent la forme de programmes d'ordinateurs auxquels sont parfois associés des éléments de calcul analogique.) Dissimulation, par les parties, d'un contrat secret (contre-lettre) sous le couvert d'un acte apparent. ● simulation (expressions) nom féminin (latin simulatio) Simulation d'enfant, atteinte à l'état civil commise par une femme qui simule une grossesse.

simulation
n. f.
d1./d Action de simuler. Simulation d'une maladie.
|| DR Dissimulation d'un acte juridique, caché par la création d'un acte apparent.
d2./d TECH Reproduction expérimentale des conditions réelles dans lesquelles devra se produire une opération complexe.
|| Représentation d'un objet par un modèle analogue plus facile à étudier. Les modèles réduits de machines sont des simulations.
d3./d Didac. Modèle de simulation ou, par abrév., simulation: représentation mathématique d'un certain nombre d'éléments pouvant intervenir sur un système, afin d'étudier les conséquences de la variation de certains de ces éléments. L'informatique a largement accru l'utilisation des modèles de simulation en physique, astrophysique, gestion, etc.

⇒SIMULATION, subst. fém.
Action de simuler; résultat de cette action.
A. — [Avec idée de tromperie]
1. DR. CIVIL. [Corresp. à simuler A 1] ,,Fait de créer contre les tiers une fausse apparence dans la conclusion d'un contrat`` (BARR. 1967). Simulation frauduleuse; simulation d'une reconnaissance de dette. La simulation de souscriptions et de versements non effectués, grâce aux comptes ouverts à Sabatani et aux autres hommes de paille, lesquels payaient seulement par des jeux d'écriture (ZOLA, Argent, 1891, p. 410).
2. a) [Corresp. à simuler A 2 a] C'est la simulation qui permet à un Balzac de faire parler La Comédie humaine, à un poète de nous donner tous les chants de l'âme, à un comédien de jouer tous les gestes (BARRÈS, Cahiers, t. 3, 1903, p. 130). Suprêmement sensible à l'hypocrisie, il flaire à cent lieues, dans l'espace social, la simulation et la dissimulation (VALÉRY, Variété II, 1929, p. 107).
b) En partic. [Corresp. à simuler A 2 b] Synon. contrefaçon, feinte. Depuis trois jours, Victor s'était fait mettre à l'infirmerie, en alléguant des douleurs de tête insupportables. Le médecin avait bien flairé une simulation de paresseux; mais l'enfant était réellement ravagé par des névralgies fréquentes (ZOLA, Argent, 1891, p. 392). Elle s'alita un jour et réclama le médecin (...) le plus jeune des deux enfants s'entêtait à ne voir là qu'une nouvelle comédie, une simulation plus raffinée (CAMUS, Env. et endr., 1937, p. 53).
MÉD. LÉGALE. ,,Fraude consciente et raisonnée qui consiste à provoquer, à imiter ou à exagérer des troubles morbides subjectifs ou objectifs dans un but intéressé`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
PSYCHOL., PSYCH. Fait d'exagérer ou de prolonger plus ou moins consciemment un symptôme pathologique. La théorie de l'hystérie a été amenée à dépasser, avec la notion de pithiatisme, l'alternative de la paralysie (ou de l'anesthésie) et de la simulation (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 188). Dupré notait que la fabulation mythomaniaque peut se traduire aussi bien en simulations organiques: maladies, anesthésies, paralysies, contractures, idiosyncrasies, amnésies qu'en mensonges oraux ou écrits (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 383).
Simulation partielle. Bien plus fréquentes [que la simulation pure et simple] semblent les simulations partielles ou les sursimulations, c'est-à-dire l'exagération volontaire de symptômes existants réellement. Tous les intermédiaires, tous les degrés d'insincérité se voient, depuis l'hystérie de bonne foi jusqu'aux tromperies les plus perverses (Lar. Méd. t. 3 1972).
B. — [Sans idée de tromperie]
1. TECHNOL. Reproduction artificielle du fonctionnement d'un appareil, d'une machine, d'un système, d'un phénomène, à l'aide d'une maquette ou d'un programme informatique, à des fins d'étude, de démonstration ou d'explication. Il fut décidé en 1967 de construire un modèle général de simulation du trafic (trains et voyageurs) pour permettre (...) de définir les éléments d'une automatisation complète d'une ligne de métro en utilisant la simulation pour tester des politiques d'exploitation ou des principes techniques envisageables (R. gén. des ch. de fer, juill. 1973, p. 442, col. 1). Les techniques de simulation permettent de prévoir le comportement de systèmes physiques complexes (ponts, avions, fusées, centrales nucléaires, errants électroniques, etc.) ou théoriques (programme, équation de la physique, modèles économiques, etc.) sans qu'il soit nécessaire de disposer, dans un premier temps, des systèmes réels (MORVAN Informat. 1981).
2. ÉCON., SC. HUM. Méthode, technique permettant de produire de manière explicite (en général formalisée) un processus quelconque. À l'Essec (École supérieure des sciences économiques et commerciales) (...) 80 % des cours sont consacrés à la « méthode des cas », à des jeux d'entreprise, à des exercices de simulation (L'Express, 5-11 févr. 1968, p. 65, col. 1). Dans l'enseignement des langues en particulier, les seules procédures anthentiques de simulation ont été introduites dans certaines formes d'apprentissage professionnel spécialisé telles que les écoles d'interprétariat (D. D. L. 1976).
3. INFORMAT. ,,Étude du comportement d'un certain type d'ordinateur par un autre type`` (LAUZEL-MUSS. 1970).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIe s. « action de feindre, de faire paraître réelle une chose qui ne l'est pas » (THOMAS DE KENT, Rom. de toute chevalerie, éd. Br. Foster, 60); en partic. a) 1830 pathol. (Encyclop. méthod. Méd. t. 13); b) 1972 ling. (Ling.); 2. 1690 dr. la simulation des parties (FUR.); 3. 1960 « reproduction artificielle des conditions réelles d'un milieu, d'un phénomène » (Univers écon. et soc., p. 34-5). Empr. au lat. class. simulatio « faux-semblant, feinte » formé sur le supin simulatum de simulare, v. simuler. Fréq. abs. littér.:75.

simulation [simylɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. V. 1398; simulacion, v. 1220; lat. simulatio, de simulatum, supin de simulare.
1 Dr. Création d'un acte apparent qui ne correspond pas à une opération réelle; déguisement d'un acte véritable sous l'apparence d'un autre. || Simulation d'une reconnaissance de dette (qui cache une donation, par ex.). || Simulation frauduleuse.
2 Le fait de simuler (un sentiment, une émotion, une maladie…). Affectation, comédie, feinte, imitation. || La simulation d'une émotion, d'un sentiment par qqn. || Une simulation réussie. || C'est de la simulation. Frime.
1 Le vrai courage est la quantité de simulation disponible; et s'il n'y a pas simulation, il y a insensibilité et non courage.
Valéry, Mauvaises pensées et autres, Œ., t. II, Pl., p. 844.
Psychol., psychiatrie. Manifestation extérieure qui tend, plus ou moins consciemment, à remplacer, à exagérer ou à prolonger un symptôme pathologique. || Simulation d'infirmités, de maladies, de troubles mentaux (simulation mentale). || La simulation comprend « tous les degrés de sincérité, depuis le pithiatisme de bonne foi jusqu'à l'imposture la plus cynique » (Porot). → aussi Hystérique, cit. 2.
3 Comportement par lequel un comportement observé est simulé.
2 C'est le puissant développement et l'usage intensif de la fonction de simulation qui me paraissent caractériser les propriétés uniques du cerveau de l'Homme. Cela au niveau le plus profond des fonctions cognitives, celui sur quoi le langage repose et que sans doute il n'explicite qu'en partie. Cette fonction n'est pas exclusivement humaine cependant. Le jeune chien qui manifeste sa joie en voyant son maître se préparer à la promenade imagine évidemment, c'est-à-dire simule par anticipation, les découvertes qu'il va faire, les aventures qui l'attendent, les frayeurs délicieuses qu'il éprouvera, sans danger, grâce à la rassurante présence de son protecteur. Plus tard, il simulera tout cela à nouveau, pêle-mêle, en rêve.
Jacques Monod, le Hasard et la Nécessité, p. 194.
4 (Mil. XXe). Représentation du comportement de systèmes physiques (par des calculateurs analogiques, numériques, etc.) en simulant par des signaux appropriés les grandeurs réelles. Modèle.
Chambre de simulation : enceinte où l'on produit une atmosphère définie pour tester du matériel ou le personnel (vols spatiaux). Simulateur.
Par ext. Méthode, technique permettant de produire de manière explicite (en général formalisée) un processus quelconque (s'emploie en sciences humaines, en linguistique, en économie, etc.). || Simulation de gestion.
COMP. Sursimulation.

Encyclopédie Universelle. 2012.