ACTING OUT
ACTING OUT
Acting out , expression anglaise utilisée principalement en psychanalyse et en thérapie de groupe pour désigner une transgression de la règle fondamentale de verbalisation, dans l’association libre, ou celle du «faire comme si», dans le psychodrame, l’acting out définit un acte impulsif dont le caractère autoagressif ou hétéroagressif (contre le thérapeute, le moniteur ou les autres membres du groupe) est manifeste.
Dans l’Abrégé de psychanalyse (1938), Freud écrivait: «Il n’est nullement souhaitable que le patient, en dehors du transfert, agisse [agiert , «mettre en acte»] au lieu de se souvenir; l’idéal, pour notre but, serait qu’il se comporte aussi normalement que possible en dehors du traitement et qu’il ne manifeste ses réactions anormales que dans le transfert.» To act out et acting out traduisent l’allemand agieren , qui est pris tantôt comme verbe, tantôt comme substantif. L’acting out implique les idées de complétude, d’absolu, d’extériorisation totale de l’agir. Il est directement lié à la présence du transfert: le sujet agit au lieu de parler; c’est une forme de blocage ou de résistance. Le patient ou le membre d’un groupe tend à se débarrasser du transfert, à le méconnaître, dans ce qu’il implique de verbalisation gênante et insupportable.
L’«agir moteur» laisse parler les pulsions et peut donc se produire indifféremment pendant la séance ou en dehors d’elle. Ce fut une source de confusion que d’avoir voulu établir une différence entre acting out et acting in (cette dernière expression étant d’ailleurs incorrecte en anglais) afin de distinguer l’agir hors de la séance de l’agir survenant au cours de celle-ci. Structurellement, les deux modes d’agir sont identiques, eu égard au transfert et à la résistance. Dans les deux cas, une décharge motrice se donne libre cours. On peut parler d’acting out dans un groupe, par exemple, lorsque deux participants tombent amoureux l’un de l’autre, alors que de tels sentiments, s’ils sont réels, auront tout le temps, après la fin de la session, de se développer. De même, il y aurait acting out collectif, lorsque tout un groupe décide d’aller au cinéma. Anzieu, qui donne ces exemples (Le Travail psychanalytique dans les groupes , 1972), estime qu’il ne reste alors au moniteur qu’à faire une «sérieuse autocritique de ses résistances et de son contre-transfert», dans la mesure où cet agir collectif repose sur une erreur du thérapeute (par exemple, sur «une attitude défensive de sphinx rigide et muet» du moniteur).
En français, on connaît l’expression de «passage à l’acte», dont certains auteurs ont voulu faire l’équivalent de l’expression anglaise acting out . En psychiatrie où elle est classique, elle désigne des actes le plus souvent violents et agressifs, ayant ordinairement un caractère impulsif et délictueux. Anne Schutzenberger-Ancelin a souligné que cet aspect délictueux du passage à l’acte est suggéré par l’emploi courant qu’on en fait en psychodrame pour désigner les manquements à la règle fondamentale, par opposition à l’«extériorisation dans l’action», au «faire comme si», qui sont autorisés. J. Laplanche et J. B. Pontalis, dans le Vocabulaire de psychanalyse , estiment que le passage à l’acte n’est qu’un cas particulier d’acting out et ils ne voient pas de différence essentielle entre les deux expressions. En outre, ils proposent de traduire l’allemand agieren par «mettre en acte», ce qui impliquerait aussi bien l’idée d’actualisation dans le transfert que celle d’un «recours à l’action motrice» qui pourrait fort bien ne pas dépendre directement du transfert. Un tel effort de distinction traduit le souci de découvrir un vocabulaire suffisamment nuancé qui rende compte des situations cliniques fort diverses. «C’est seulement une fois clarifiés de façon théorique les rapports de l’acting out et du transfert analytique, disent ces auteurs, qu’on pourrait chercher si les structures ainsi dégagées peuvent être extrapolées hors de toute référence à la cure, c’est-à-dire se demander si les actes impulsifs de la vie quotidienne ne peuvent pas s’éclairer une fois rapportés à des relations de type transférentiel.» En réalité, le problème de l’acte déborde le champ d’une «pathologie de la cure», quoi qu’il en soit de la manière dont l’expérience psychanalytique a attiré l’attention sur les différentes significations possibles de certains agissements.
C’est précisément en posant la question du statut de l’acte comme tel que Jacques Lacan distingue l’acting out du passage à l’acte. Selon qu’il s’agit de l’un ou de l’autre cas, la position du Sujet est structuralement différente. Dans l’acting out, le Sujet s’adresse à l’Autre, en une représentation jouée sur la scène du monde où chacun tient son rôle. Il fait appel à l’Autre au même titre que le symptôme s’adresse à l’Autre. Dans ce cas, le caractère impulsif peut disparaître pour céder la place à une conduite organisée. Le jeu se déroule entre des partenaires, parfaitement repérables, d’une partie codifiée. En revanche, dans le passage à l’acte, le Sujet se trouve être l’enjeu même de la partie et ne peut que choir hors de la mise en scène. Des actes tels que des fugues ou des défenestrations illustrent parfaitement le passage à l’acte ainsi compris. Tandis que l’acting out est du côté du symptôme, le passage à l’acte est du côté de l’angoisse. De ce fait, le premier peut surgir, par exemple, à la suite d’une erreur d’interprétation de l’analyste, dans la mesure où celui-ci méconnaîtrait la parole qui lui est adressée par l’analysant, ce qui équivaudrait à répondre à celui-ci qu’il parle pour ne rien dire ou, à l’inverse, qu’il s’agit de le prendre au mot (dans le cas d’un suicidaire qui offre son suicide comme un chantage à l’amour, la question est d’importance). Quant au passage à l’acte, il requiert, pour se manifester, la présence de deux conditions: la première consiste dans l’identification du Sujet à l’objet qui est «en jeu»; la seconde est la confrontation du Sujet au «désir du Père» qui instaure la Loi. C’est ce que l’interprétation dite «sauvage», par exemple, réalise parfaitement: le Sujet est nié, barré comme tel; il est ravalé au rang d’objet par et pour le thérapeute; il n’a plus à parler, lorsque son être se fige ainsi dans la parole d’un autre; et le passage à l’acte reste la seule issue à l’expression de son désarroi.
acting out [aktiŋawt] n. m.
ÉTYM. 1952, in Höfler; expr. angl., de to act out « agir, faire un récit mimé de, jouer jusqu'au bout ».
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♦ Anglic. Psychiatrie, psychan. ⇒ Acte (passage à l').
Encyclopédie Universelle. 2012.