RÉCIDIVE
RÉCIDIVE
Être en état de récidive, c’est avoir réitéré dans sa conduite dolosive. On peut prétendre que le récidiviste est moins coupable que le délinquant primaire: d’une part, en effet, si l’on considère le délinquant comme un «malade» et le séjour dans un établissement pénitentiaire comme une période curative, on peut prétendre alors qu’il a mal été soigné; d’autre part, positivement, le fait de tenir compte de l’existence d’une condamnation antérieure pour prononcer la condamnation présente revient pratiquement pour le magistrat à revenir sur la première, donc à méconnaître, dans une certaine mesure, la règle non bis in idem , règle suivant laquelle on ne peut remettre en question ou juger deux fois la même affaire. Toutefois, la société tient à se prémunir contre les récidivistes plus efficacement que contre les délinquants primaires car les premiers présentent un caractère de danger social plus élevé, ayant deux fois au moins manifesté leur asocialité. La loi française a donc essayé de concilier ces deux éléments opposés que constituent l’intérêt de l’individu et la protection de la société. Aussi distingue-t-elle tout d’abord la récidive légale de la récidive tout court, la première seule étant punissable; traditionnellement, on distinguait la récidive normale et la récidive cause de relégation (loi de 1885). La récidive obéit aujourd’hui à un certain nombre de règles. La première condamnation doit tout d’abord exister. Comme certains procédés juridiques tels que la réhabilitation, la non-révocation du sursis, l’amnistie effacent l’infraction, il n’y a pas dans ces différents cas de récidive possible; au contraire, la récidive existe lorsque la peine seule a été effacée (ainsi lorsqu’une grâce a été accordée). La première condamnation doit en outre avoir acquis autorité de chose jugée antérieurement à la nouvelle infraction, ce qui veut dire que toutes les voies de recours ont été épuisées ou que tout délai est désormais forclos. Enfin, la première condamnation doit avoir été prononcée par une juridiction répressive française de droit commun, ce qui exclut que les décisions étrangères influent sur l’état de récidive en France, et fait qu’une condamnation au paiement de dommages-intérêts pour faute grave par une juridiction civile, pas plus qu’une condamnation pour crime ou délit militaire par une juridiction militaire, ne peut entrer en ligne de compte.
La nouvelle infraction doit être indépendante de la première. Il faut noter à ce sujet que la récidive est une récidive de peine à peine et non d’infraction à infraction; depuis la mise en place du nouveau Code pénal de 1993, la récidive est mesurée en termes de peines encourues; jusqu’à cette date, son premier terme avait été la peine prononcée lors de la première infraction. La loi distingue différentes récidives, obéissant à des règles différentes quant aux délais qui séparent l’ancienne infraction de la nouvelle. Les nouvelles dispositions des articles 132-8 à 132-11 portant sur la récidive sont aussi rigoureuses mais plus concises que celles des articles 56 à 58 de l’ancien Code. Il s’agit d’une récidive générale (c’est-à-dire indépendante de la nature de l’infraction) et permanente (l’intervalle entre les deux infractions n’est enfermé dans aucun délai).
Quant à la récidive criminelle d’une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, elle est passible de la perpétuité si la loi prévoit pour ce crime une peine de vingt ou trente ans de réclusion, et de trente ans si la loi en prévoit quinze.
Pour ce qui est de la récidive correctionnelle, les hypothèses sont plus diverses. Lorsque la personne a été condamnée définitivement pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement, la commission d’un nouveau délit puni de la même peine, dans un délai de dix ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la peine précédente, lui fait encourir le double des peines d’emprisonnement et d’amende prévues par la loi. La commission d’un nouveau délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure à un an et inférieure à dix ans, dans un délai de cinq calculé comme précédemment, lui fait de même encourir le double des peines d’emprisonnement et d’amende prévues. Lorsque la personne a été condamnée définitivement pour un délit, la commission, dans un délai de cinq ans, soit du même délit, soit d’un délit qui lui est assimilé expressément au regard de la récidive, lui fait encourir le double des peines prévues.
Dans cette dernière hypothèse, le caractère spécial de la récidive a soulevé de nombreuses difficultés en jurisprudence; la loi dispose, en effet, que les délits de vol, d’extorsion, de chantage, d’escroquerie et d’abus de confiance seront considérés comme étant, au point de vue de la récidive, un même délit. Mais la jurisprudence a dû juger que la tentative devait être assimilée au délit lui-même, qu’il n’y avait pas identité d’infraction entre le délit de violences et voies de fait envers les agents de la force publique et envers les particuliers, entre le détournement d’objets saisis et le vol ou l’abus de confiance, entre la filouterie d’aliments et le vol, entre le délit d’extorsion de signature et le délit de tentative d’escroquerie. L’ancien Code pénal prévoyait la récidive de peine contraventionnelle à peine contraventionnelle. Cette récidive était générale, enfermée dans un délai de douze mois à partir de la condamnation définitive ou du paiement de l’amende de composition, et surtout locale (limitée au ressort du même tribunal de police); ce dernier caractère disparaissait cependant pour les contraventions de la cinquième classe et certaines contraventions au Code de la route. Le nouveau Code pénal de 1993 ne retient de ce dispositif que la récidive pour les contraventions de la cinquième classe: la commission de la même contravention, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la peine précédente, porte le maximum de la peine d’amende encourue à 20 000 francs, si et seulement si un règlement le prévoit. Il est à noter, pour terminer, qu’une exception importante est apportée aux règles de la récidive: aux termes de l’article 63 de la loi du 29 juillet 1881, l’aggravation des peines résultant de la récidive ne sera pas applicable aux infractions de presse.
récidive [ residiv ] n. f.
• 1422; lat. médiév. recidiva, class. recidivus « qui retombe, qui revient »
1 ♦ Méd. Réapparition d'une maladie (surtout infectieuse) après sa guérison, due à une nouvelle infection par les mêmes germes (à la différence de rechute).
2 ♦ (1593) Dr. Le fait de commettre une nouvelle infraction, passible d'une condamnation pénale, après avoir été irrévocablement condamné à une peine pour une infraction de même nature; état d'une personne qui a commis un nouveau crime ou un nouveau délit (cause d'aggravation de la peine prononcée par le tribunal). Il y a récidive. Escroquerie avec récidive. Être en récidive. ⇒ récidiviste.
♢ Cour. Le fait de retomber dans la même faute, la même erreur. Le directeur de l'école « me dit qu'à la première récidive il ne pourrait plus cacher ma mauvaise conduite » (Radiguet).
● récidive nom féminin (latin médiéval recidiva, du latin classique recidivus, qui retombe, revient) Action de commettre, dans des conditions précisées par la loi, une deuxième infraction après une première condamnation pénale définitive. Réapparition d'une maladie qui était complètement guérie (à la différence de la rechute), par exemple à cause d'une nouvelle contamination par un micro-organisme.
récidive
n. f.
d1./d MED Réapparition d'une maladie après sa guérison complète, réelle ou apparente.
d2./d DR Fait de commettre une nouvelle infraction après une condamnation définitive pour une infraction précédente; cette nouvelle infraction elle-même.
d3./d Action de refaire la même faute.
⇒RÉCIDIVE, subst. fém.
I. — MÉD. Réapparition d'une affection (surtout infectieuse) plus ou moins longtemps après sa guérison. Récidive du cancer, d'une phlébite, d'une tumeur, de la variole; craindre, redouter une récidive. Il n'était pas guéri, et les fièvres intermittentes sont sujettes à de fréquentes et dangereuses récidives (VERNE, Île myst., 1874, p. 510). À l'opposé de la rechute, la récidive est due à un nouveau contact infectieux. Cette distinction ne s'applique qu'aux processus microbiens. Dans les cas de tumeurs malignes les récidives sont de nouvelles manifestations du même processus initial (Méd. 1966).
II. A. — DR. PÉNAL. Fait de commettre, après une condamnation définitive, une nouvelle infraction; état d'un délinquant qui a commis une nouvelle infraction. Cas de récidive; il y a récidive. Treize mois de prison pour coups et blessures, avec récidive (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 134):
• La récidive est générale ou spéciale, c'est-à-dire qu'elle existe pour deux infractions différentes ou seulement pour deux infractions semblables; elle est perpétuelle ou temporaire, c'est-à-dire qu'elle existe quel que soit le délai qui sépare les deux infractions, ou seulement si la seconde infraction est commise dans un certain délai qui court depuis l'expiration de la première peine.
Jur. 1981.
♦ Être en récidive. Heureusement, pour toi, je ne dresserai pas de procès-verbal, tu serais en récidive, et tu n'as pas de port d'armes! (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 136).
— Récidive correctionnelle. ,,Récidive dans laquelle la seconde infraction est passible d'une peine d'emprisonnement correctionnel et dont le premier terme est une condamnation qui dépasse (grande récidive correctionnelle (...)) ou ne dépasse pas (petite récidive correctionnelle (...)) une année d'emprisonnement`` (CAP. 1936). Récidive de contravention. ,,Récidive dans laquelle n'entrent en jeu que des contraventions de simple police`` (CAP. 1936). Récidive criminelle. ,,Récidive qui consiste, pour un individu ayant encouru déjà une condamnation à une peine criminelle, à commettre une nouvelle infraction pour laquelle il encourt encore une peine criminelle`` (CAP. 1936).
B. — Courant
1. Fait de retomber dans la même faute, la même erreur. Synon. rechute. Une faute n'est pas le vice (...) mais, après de constantes récidives, le vice fut visible (BALZAC, Rabouill., 1842, p. 322). Par mainte et mainte récidive Vous l'avez forcé [Dieu] de punir (POMMIER, Enfer, 1853, p. 48).
2. P. ext.
a) Fait de faire de nouveau ce qu'on a déjà fait. Édouard (...) prit de nouveau l'accord (...). Son oreille n'étant pas encore satisfaite, il (...) exposa une seconde fois les fragments de sa flûte à la chaleur du foyer. Cette malheureuse récidive fit naître dans l'assistance un sourd murmure (FEUILLET, Mariage monde, 1875, pp. 5-6).
b) Répétition. Ses yeux retombèrent sur le miroir, et il revit la vision. Les quatre lignes s'y dessinaient avec une netteté inexorable. Cette fois ce n'était pas un mirage. La récidive d'une vision est une réalité (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 388).
REM. Récidivisme, subst. masc. Tendance à la récidive. a) Dr. [Corresp. à supra II A] Le récidivisme (...) pose le problème de la persistance dans l'adoption d'un comportement antisocial (...) [et] celui de l'inefficacité des mesures prises lors de la première infraction (YAM.-KELL. 1970). V. infra dér. récidivité b ex. b) [Corresp. à supra II B 1] [Les perversions] rayonnent toujours autour de l'inadaptabilité sociale, greffée sur l'anarchie des instincts. L'irréductibilité des tendances perverses se traduit par le récidivisme incessant de la faute, l'incorrigibilité en apparence absolue (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 727).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: re-; dep. 1740: ré-. Étymol. et Hist. 1. 1561 terme de méd. « réapparition d'une maladie » (A. PARÉ, Des tumeurs en particulier, éd. J. Fr. Malgaigne, VI, 15, t. 1, p. 408); 2. 1593 « action de retomber dans le même crime » (Archives municipales de Bayonne, Registres Français, 2, 543 cité par K. BALDINGER ds R. Ling. rom. t. 20, p. 84). Empr. au lat. médiév. recidiva « reprise » (1190 ds NIERM. et DU CANGE), fém. subst. de l'adj. lat. class. recidivus « qui retombe, qui revient », dér. de recidere « retomber ». Fréq. abs. littér.:56.
DÉR. Récidivité, subst. fém. a) Méd. [Corresp. à supra I] ,,S'est dit en parlant de certaines tumeurs pour désigner le fait de leur récidive, considéré comme une qualité qui leur serait inhérente`` (LITTRÉ-ROBBIN 1865). b) Dr. [Corresp. à supra II A] Les législations modernes ont envisagé le problème [de la récidive] sous l'angle de la récidivité, c'est-à-dire de la tendance à délinquer en tant qu'elle entraîne un danger social particulier, et du récidivisme, c'est-à-dire de cette même tendance en tant qu'elle correspond à certaines caractéristiques de l'homme délinquant contre lesquelles il convient d'agir (YAM.-KELL. 1970). — []. — 1res attest. a) 1858 terme de méd. « tendance qu'ont certaines tumeurs à réapparaître » (LITTRÉ-ROBIN Add.), b) 1864 « tendance à tomber en récidive, en parlant des criminels » (Journal de médecine mentale, t. 4, p. 52 ds LITTRÉ 1869); dér. sav. de récidive, suff. -ité, v. -té.
récidive [ʀesidiv] n. f.
ÉTYM. 1422; lat. médiéval recidiva, class. recidivus « qui retombe, qui revient »; de recidere, de re-, et cadere « tomber ».
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1 Méd. Réapparition d'une maladie (surtout infectieuse) après sa guérison, due à une nouvelle infection par les mêmes germes (à la différence de rechute.)
1 (…) le Dr Lohr m'a affirmé qu'il me considérait, depuis un an déjà, comme totalement guéri. Je l'ai cru. De fait, je n'ai jamais eu dans la suite le moindre accident, la plus légère menace de récidive.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 186.
2 (1593). Dr. et cour. Le fait de commettre une nouvelle infraction après avoir encouru antérieurement une condamnation définitive pour une infraction de même nature (récidive spéciale) ou de nature différente (récidive générale); état d'une personne qui a commis dans ces conditions un nouveau crime ou un nouveau délit. || Récidive correctionnelle, criminelle, de contravention. || La récidive doit être distinguée du cumul d'infractions. || Il y a récidive. || Escroquerie avec récidive. || Aggravation de la peine en cas de récidive. || Être en récidive. ⇒ Récidiver; récidiviste.
2 Heureusement pour toi, je ne te dresserai pas de procès-verbal, tu serais en récidive, et tu n'as pas de port d'armes !
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 427.
♦ Cour. Le fait de retomber dans la même faute, la même erreur. — ☑ Loc. (vx). Faire la récidive (d'une faute). Allus. littér. || « De pas (2. Pas, cit. 15) mis avec rien tu fais la récidive » (Molière).
3 (Le directeur de l'école) me dit qu'il conservait la lettre, et qu'à la première récidive il ne pourrait plus cacher ma mauvaise conduite.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 10.
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DÉR. Récidiviste, récidivité; (du même rad.) récidiver.
Encyclopédie Universelle. 2012.