⇒AFFAIBLI, IE, part. passé, adj. et subst.
A.— Part. passé de affaiblir.
B.— Emploi adj. Devenu faible.
1. [Appliqué à une pers.]
a) [Appliqué à une pers. phys. ou à un organe, à une fonction la composant] Devenu physiquement plus faible :
• 1. ... je me fis conduire en cabriolet jusque chez Madame R. Elle était seule, un manteau jeté sur son vêtement blanc, assez altérée de la veille et tout autre, aussi affaiblie qu'elle avait été vive.
Ch.-A. SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 2, 1834, p. 9.
• 2. ... ses lèvres, dont l'accent paraissait s'assoupir,
Murmuraient les répons de ce pieux soupir,
Comme l'écho lointain d'une voix affaiblie
Qui s'éloigne et déjà répond de l'autre vie; ...
A. DE LAMARTINE, Jocelyn, 1836, p. 716.
• 3. Au fond, il était trop religieux pour penser beaucoup à Dieu. Il vivait en Dieu, il n'avait pas besoin d'y croire. Bon pour ceux qui sont faibles, ou affaiblis, pour les vies anémiques! Ils aspirent à Dieu, comme la plante au soleil.
R. ROLLAND, Jean-Christophe, L'Adolescent, 1905, p. 242.
— [Avec un compl. prép. indiquant la partie de l'être affectée par l'affaiblissement] :
• 4. Je ne sais plus si c'est à moi ou à toi d'écrire. Bien que toujours très fatigué et très affaibli de la tête, je me décide le premier.
J. RIVIÈRE, ALAIN-FOURNIER, Correspondance, lettre de J. R. à A.-F., janv. 1907, p. 13.
— P. ext. [En parlant d'une puissance pol. ou milit., souvent avec un compl. prép. ou un adv. précisant la nature de l'affaiblissement] Matériellement amoindri, numériquement réduit :
• 5. Cependant les armées anglo-hollandaises et prusso-saxonnes, affaiblies de plus de quatre-vingt mille hommes, n'étant plus que de cent quarante mille, ne pouvaient dépasser la Somme avec plus de quatre-vingt-dix mille hommes; ...
E.-D. DE LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 1089.
• 6. ... une Rome de la civilisation future, affaiblie matériellement, mais moralement agrandie; métropole de l'humanité, comme l'autre Rome l'est de la chrétienté, regagnant en influence plus qu'elle n'aurait perdu en territoire, ...
V. HUGO, Le Rhin, 1842, p. 475.
b) Au fig. [Appliqué à une pers. envisagée dans son être mor., ou à une entité la composant, avec souvent un compl. prép. précisant la nature de l'affaiblissement] Diminué moralement, appauvri intellectuellement :
• 7. Ceci est dans le saint livre de Job. Hélas! je suis si affaibli d'esprit que je ne saurais dire le verset.
Ch. NODIER, La Fée aux miettes, 1831, p. 132.
• 8. Mais l'âme passive, malade, affaiblie, impuissante, qui, excitée à chaque instant par le contact de Paris et se retrempant dans le grand bain des foules — peut faire de grandes choses, celle-là meurt en province, dans un village misérable et n'offrant pas même les distractions du corps.
S. MALLARMÉ, Correspondance, 1864, p. III.
• 9. Il [Mallarmé] s'étudie à les [les éléments les plus précieux de la beauté] assembler sans mélange, et commence par là de s'éloigner des autres poètes, dont même les plus illustres sont entachés d'impuretés, mêlés d'absences, affaiblis de longueurs.
P. VALÉRY, Variété 2, 1929, p. 170.
2. [Appliqué à un inanimé]
a) [À une sensation, à une perception] Qui a perdu de son intensité, adouci, atténué. Écho affaibli, lumière affaiblie :
• 10. Son fruit [du doum] est un drupe ligneux, désagréable sous la dent et dont la saveur affaiblie rappelle celle du pain d'épice; ...
M. DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, p. 297.
Rem. À partir de ces usages, d'autres syntagmes sont toujours possibles dans la lang. littér.; cf. p. ex. soleil affaibli (G. DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Les Tombales, 1881, p. 1208).
b) [À un sentiment] Rendu moins vif, altéré. Souvenir affaibli :
• 11. Ces impressions délicieuses, ces émotions subites qui m'agitaient autrefois et m'entraînaient si loin d'un monde de tristesse, je ne les retrouve plus qu'altérées et affaiblies.
E. DE SENANCOUR, Obermann, t. 1, 1840, p. 80.
3. Emplois techn.
a) LOG. MOD. Logique affaiblie. ,,Logique non classique, qui abandonne un ou plusieurs axiomes du calcul des propositions.`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968).
b) MUSIQUE
♦ Accord affaibli. Dont on a renversé l'ordre harmonique ou abaissé le ton :
• 12. ... l'accord tempéré [consiste] en un enchaînement de douze quintes affaiblies chacune de 1/100 de ton environ, ...
GEVAERT, Traité d'instrumentation, 1885, p. 16.
♦ Cadence affaiblie (imparfaite) :
• 13. On distingue diverses espèces de cadences; [en harmonie] (...).
2° Lorsque l'accord de la tonique qui termine la phrase, au lieu d'être à l'état direct, subit un renversement, la cadence parfaite se trouve affaiblie et s'appelle alors cadence imparfaite; ...
H. REBER, Traité d'harmonie, 1949, p. 40.
c) TECHNOL. Colle affaiblie. Diluée :
• 14. ... on a souci de n'employer que de la colle (...) affaiblie avec de l'eau...
Encyclopédie Roret, Manuel du luthier, 1905, p. 70.
C.— Emploi subst. Un affaibli.
1. Au propre. Personne physiquement diminuée, déficiente :
• 15. C'était si étrange d'obliger un médecin à faire six kilomètres en carriole, le soir, pour ausculter un affaibli! ...
F. MAURIAC, Le Baiser au lépreux, 1922, p. 196.
• 16. Elle glissa la main sous le bras de sa fille; tâta la saignée, où la sueur nocturne des affaiblis (qui avait traversé la chemisette) stagnait, comme l'humidité dans un repli de terrain où le soleil ne pénètre jamais; ...
H. DE MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939, p. 1463.
2. Au fig. Personne moralement amoindrie :
• 17. « (...) Maintenant je fais un acte de foi dans la nature humaine. Je m'abandonne à vous. Faites de moi ce qui vous plaira. » Cela se termine par une phrase typique de grand affaibli :« Je voudrais vivre avec mon front appuyé sur vos genoux. »
H. DE MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939 p. 1492.
Rem. L'emploi subst. paraît plus fréq. au XXe s. qu'au XIXe s.
Encyclopédie Universelle. 2012.